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Le gouvernement de l’Ontario propose une importante révision du processus d’approbation et d’appel de l’aménagement municipal avec le projet de loi 139

Auteur(s) : Evan Barz, , Michael Bowman, Patrick G. Welsh

Le 1er juin 2017

Dans ce bulletin d'Actualités :

Voici certains des changements importants présentés dans le projet de loi 139 :

  • modification de la Loi sur l’aménagement du territoire afin d’éliminer les audiences de novo et de limiter le pouvoir du tribunal d’infirmer une décision d’un conseil local ou d’un office d’aménagement à l’échelle municipale;
  • protection de certaines décisions d’aménagement contre les appels ou ajout de fortes restrictions relatives au fondement des appels visant ces décisions;
  • établissement du Centre d’assistance pour les appels en matière d’aménagement local.

Le 30 mai 2017, le gouvernement de l’Ontario a déposé le projet de loi 139, la Loi de 2017 visant à bâtir de meilleures collectivités et à protéger les bassins hydrographiques (le projet de loi 139) en première lecture à la législature provinciale[1]. S’il est adopté dans sa forme actuelle, le projet de loi 139 apporterait de grands changements à la manière dont les décisions d’aménagement locales sont examinées en Ontario et accorderait de plus grands pouvoirs aux conseils municipaux élus et aux offices d’aménagement locaux.

Le projet de loi 139 propose de changer le nom du tribunal administratif le plus vieux de l’Ontario, la Commission des affaires municipales de l’Ontario (la CAMO), qui deviendrait le Tribunal ontarien de l’aménagement du territoire. Bien que bon nombre des pratiques et procédures proposées du Tribunal correspondent à celles de la CAMO, certaines modifications présentées dans le projet de loi 139 modifieront considérablement la manière dont les appels sont menés en matière d’aménagement en Ontario. Voici certains des changements importants présentés dans la législation proposée :

  • modification de la Loi sur l’aménagement du territoire afin d’éliminer les audiences de novo et de limiter le pouvoir du Tribunal d'infirmer une décision d’un conseil local ou d’un office d’aménagement à l’échelle municipale relativement à des plans officiels, à des règlements et à des plans de lotissement dans des situations où la décision n’est pas conforme aux politiques provinciales ou aux plans municipaux ou est incompatible avec ceux-ci;
  • protection de certaines décisions d’aménagement contre les appels ou ajout de fortes restrictions relatives au fondement des appels visant ces décisions;
  • établissement du Centre d’assistance pour les appels en matière d'aménagement local, dont le mandat est d’assister les Ontariennes et Ontariens admissibles dans le cadre du processus d’appel en matière d’aménagement de l'utilisation du sol.

Le bulletin d’Actualités d’Osler suivant présente ces changements et d’autres changements importants annoncés dans le projet de loi 139 et donne de l’information sur l’incidence potentielle de ces changements.

Promulgation de la Loi de 2017 sur le Tribunal ontarien de l’aménagement du territoire et création du le Tribunal ontarien de l’aménagement du territoire

Le plus grand changement proposé dans le projet de loi 139 est la promulgation de la Loi de 2017 sur le Tribunal ontarien de l’aménagement du territoire. Dans sa version proposée, la Loi sur le Tribunal abroge la Loi sur la Commission des affaires municipales de l’Ontario (la Loi sur la CAMO) et proroge la CAMO sous le nom de le Tribunal ontarien de l’aménagement du territoire. Bien que plusieurs dispositions de la Loi sur le Tribunal proposée soient essentiellement semblables à celles de la Loi sur la CAMO, la Loi sur le Tribunal présente des changements qui modifieront la manière dont le Tribunal mène les procédures d’aménagement par rapport à la CAMO.

Élimination des audiences de novo pour certains appels en matière d’aménagement

La CAMO mène actuellement des audiences de novo sur les décisions d’offices municipaux ou d’approbation. Dans le cadre de ce système, la CAMO doit « tenir compte » des décisions d’un conseil municipal, mais la commission peut faire en sorte que sa décision soit indépendante de la décision initiale et ne s’y réfère pas. Selon cette approche, la CAMO possède un pouvoir considérable lui permettant d’infirmer une décision municipale si elle juge que la municipalité n’a pas pris la « meilleure » décision en matière d’aménagement.

Toutefois, la législation proposée réduit considérablement la compétence du Tribunal relativement aux appels sur les plans officiels, les règlements municipaux de zonage ou les plans de lotissement. Relativement aux appels à ce sujet, le projet de loi 139 modifie la Loi sur l’aménagement du territoire de sorte que le Tribunal ait uniquement le pouvoir d’infirmer une décision municipale si le Tribunal est convaincu que la décision initiale visée par l’appel n’est pas conforme aux politiques provinciales ou aux plans locaux, ou est incompatible avec ceux-ci. De plus, même si le Tribunal juge qu’une décision municipale ne respecte pas les politiques provinciales ou les plans municipaux, la décision du Tribunal ne remplacerait pas celle du conseil municipal; le Tribunal serait plutôt tenu de renvoyer le dossier au conseil municipal accompagné de motifs écrits expliquant les raisons pour lesquelles le Tribunal a infirmé la décision. La municipalité aurait alors 90 jours pour réexaminer la demande en s'appuyant sur la décision du Tribunal. Ce n’est qu’au second appel, lorsque la décision subséquente de la municipalité ne respecte toujours pas les politiques provinciales ou les plans municipaux, que le Tribunal aurait le pouvoir de remplacer l’ordre du conseil municipal par sa propre décision.

Il est toutefois bon de noter que le projet de loi 139 donne au ministre des Affaires municipales (le ministre) le pouvoir de déclarer qu’un appel au Tribunal est d’intérêt provincial dans les 30 jours suivant l’avis d’audience du Tribunal[2]. Si le ministre donne un tel avis au Tribunal, les limites sur les pouvoirs du Tribunal en appel décrites dans le paragraphe ci-dessus ne s’appliqueraient pas et le Tribunal aurait plutôt le pouvoir d’infirmer la décision et de la remplacer par sa propre décision. Cependant, la décision du Tribunal ne serait pas définitive avant d’être confirmée par le lieutenant-gouverneur en conseil.

Élargissement du contrôle de la procédure d’audience

L’un des principaux changements relatifs à la procédure est le pouvoir du Tribunal d’exiger la tenue d’une conférence de gestion de la cause pour tous les appels en vertu de la Loi sur l’aménagement du territoire. Même s’il s’agit en grande partie d’une continuation de la pratique actuelle de la CAMO relativement aux conférences de gestion de la cause et aux efforts de médiation, le Tribunal a maintenant le pouvoir d’interroger « à n’importe quelle étape d’une instance » une partie ou une personne autre qu’une partie qui présente des observations, ou d’exiger que ces personnes produisent des preuves ou un témoin pour qu’il l’interroge.   On peut présumer que cette disposition vise à faciliter la capacité du Tribunal de contrôler la durée des audiences.

La Loi sur le Tribunal donne également au ministre le pouvoir d’adopter des règlements pouvant modifier considérablement la manière dont sont tenus les appels en matière d’aménagement, notamment, par règlement :

  1. régir les pratiques et les procédures du Tribunal, notamment prescrire le déroulement et la forme des audiences, ainsi que les pratiques concernant l’admissibilité des preuves et la forme des décisions;
  2. prévoir la constitution de formations composées de plusieurs membres, chargées d’entendre les instances dont le Tribunal est saisi, et régir la composition de ces formations;
  3. prescrire les délais applicables aux instances tenues dans le cadre des appels dont est saisi le Tribunal en application de la Loi sur l’aménagement du territoire.3]

Puisque ces règlements proposés n’ont pas encore été publiés, il est impossible de commenter les dispositions qu’ils contiennent. Cela étant dit, dans un communiqué publié en vue de la présentation du projet de loi 139, le gouvernement de l’Ontario a affirmé que ces règlements contiendront « des échéanciers présumés fermes pour les audiences orales » et restreindront « les preuves aux documents par écrit, dans la majorité des causes ». Si le ministre va de l'avant avec ces règlements, de la manière indiquée, cela constituerait un important virage par rapport à la manière dont les audiences sont actuellement menées devant la CAMO. Les règlements du ministre pourraient donc considérablement réduire la durée des audiences et modifier la nature des preuves produites pendant un appel en matière d’aménagement.

Un autre changement important porte sur le pouvoir du Tribunal en matière d'établissement de règles. Bien que la CAMO ait toujours eu la capacité d’adopter « des règles générales réglementant sa pratique et sa procédure »[4], la Loi sur le Tribunal va plus loin en accordant au Tribunal le même pouvoir général d'établissement de règles et en définissant les types spécifiques de règles que le Tribunal a le pouvoir d’adopter[5]. Les pouvoirs notables en matière d'établissement de règles comprennent : (i) la capacité d’adopter des solutions de rechange aux procédures juridictionnelles ou accusatoires traditionnelles; (ii) le pouvoir de nommer, parmi une catégorie de parties à l’instance qui ont un intérêt commun, une personne pour représenter cette catégorie. Cette dernière fonction d'établissement de règles vise apparemment à limiter le nombre de parties présentant des observations au tribunal, lorsque toutes les parties ont un intérêt commun et qu’une partie serait en mesure de présenter au Tribunal des arguments au nom du groupe.

Réduction de la portée des appels en matière d’aménagement pouvant être entendus par le Tribunal

La législation proposée dispense également une large gamme de décisions municipales en matière d’aménagement de l’utilisation des sols de l’appel au Tribunal, alors qu’elles pouvaient auparavant faire l’objet d’un appel à la CAMO. Notons particulièrement que le projet de loi 139 propose d’interdire les appels liés aux approbations provinciales de plans officiels et de mise à jour de ces plans si le ministre est l’autorité d’approbation. De plus, la législation proposée interdirait les demandes de modification de nouveaux plans secondaires (c’est-à-dire, de voisinages) pendant deux ans, à moins que le conseil municipal les autorise, et limiterait la capacité d’interjeter appel d’un règlement de restriction provisoire pendant un an à partir de son adoption.

Le projet de loi 139 accorde également aux municipalités à palier unique ou de palier supérieur le pouvoir de désigner des zones protégées pour une station ou un arrêt de transport en commun de niveau supérieur existant ou prévu dans les plans officiels de la municipalité. Le transport en commun de niveau supérieur comprend le rail lourd, le rail léger et les autobus (par exemple, les stations de métro et les stations de train GO). Si la municipalité désigne une zone protégée pour le transport en commun de niveau supérieur, elle serait également tenue d’adopter des règlements afin de fixer : a) le nombre minimum de résidents et d’emplois desservis dans la zone protégée de transport en commun; b) l’utilisation des terrains dans la zone protégée de transport en commun; c) la densité minimale autorisée des immeubles et structures dans la zone protégée. Lorsqu’une zone a été approuvée en tant que zone protégée pour le transport en commun de niveau supérieur, la désignation et le règlement connexe ne peuvent faire l'objet d'un appel que par le ministre. Par conséquent, le fait de protéger une zone pour le transport en commun de niveau supérieur pourrait constituer un rempart qui protégerait largement les décisions en matière d’aménagement local relativement à une zone désignée pour le transport en commun de niveau supérieur contre les examens. 

Soutien juridique et en matière d'aménagement pour les Ontariennes et Ontariens intéressés

La législation proposée établit également le Centre d’assistance pour les appels en matière d'aménagement local (le Centre) en promulguant la Loi de 2017 sur le Centre d’assistance pour les appels en matière d'aménagement local. Le Centre aurait la mission de donner des conseils ou de la représentation gratuits et indépendants aux Ontariennes et Ontariens admissibles qui présentent des appels en matière d’aménagement de l’utilisation du sol. Les critères d’admissibilité à l'assistance du Centre seront présentés dans les règlements qui doivent être adoptés en vertu de la loi. Le Centre serait tenu d’offrir les services suivants : (i) donner des renseignements généraux relatifs à l’aménagement de l’utilisation du sol; (ii) donner des directives aux citoyens concernant la procédure du Tribunal; (iii) donner des conseils juridiques et en matière d’aménagement, y compris de la représentation dans certaines instances pendant les conférences de gestion de la cause et les audiences.

Prise en compte du changement climatique dans l’élaboration des plans officiels 

L’article 16 de la Loi sur l’aménagement du territoire présente actuellement ce que doit contenir un plan officiel. Le projet de loi 139 propose de modifier la Loi sur l’aménagement du territoire afin d’obliger les conseils locaux ou les autorités approbatrices à tenir compte des enjeux liés au changement climatique au moment de l’élaboration des plans officiels. Plus particulièrement, la législation proposée modifierait la Loi sur l’aménagement du territoire en ajoutant un paragraphe mentionnant que le plan officiel doit « contenir des politiques qui indiquent des buts, des objectifs et des mesures visant à atténuer les émissions de gaz à effet de serre et à prévoir l’adaptation au changement climatique, notamment par le renforcement de la résilience ». Ainsi, il serait sage que les promoteurs de projet tiennent compte des mesures de réduction des changements climatiques lorsqu’ils proposent des aménagements nécessitant la modification d’une politique ou d’un plan officiel.

Période de transition – Audiences d’appel déjà mises au rôle de la CAMO

En vertu du projet de loi 139, le ministre doit préparer des règlements ultérieurement afin d’établir la manière dont seront réglés les dossiers qui ont été ouverts avant la date d'entrée en vigueur de la Loi sur le Tribunal.

Commentaire

Comme il est mentionné au début du présent bulletin d’Actualités Osler, le projet de loi 139 subira trois lectures devant la législature provinciale et il pourrait donc être modifié pendant le processus législatif. Cependant, si la version actuelle devait être adoptée, la législation augmentera considérablement le pouvoir des conseils locaux élus ou des offices d’aménagement de prendre des décisions définitives en matière d’aménagement de l’utilisation du sol. Bien que ces changements pourraient faire progresser la province vers son objectif d’augmenter le contrôle des collectivités et la participation des résidents dans le processus d’aménagement, les constructeurs et promoteurs de projets de toutes catégories pourraient nager en pleine incertitude lorsqu’un projet fait l’objet d’une opposition locale, peu importe les efforts d’aménagement du promoteur. Les promoteurs de projets devraient consulter des spécialistes en aménagement et des conseillers juridiques dès que possible afin de conserver tous leurs droits juridiques et de placer le projet en bonne position pour obtenir l’approbation nécessaire.

 

[1] Veuillez noter que le titre Loi de 2017 visant à bâtir de meilleures collectivités et à protéger les bassins hydrographiques est le titre abrégé de la législation proposée. Le titre complet de la loi est Loi édictant la Loi de 2017 sur le Tribunal d’appel de l’aménagement local et la Loi de 2017 sur le Centre d’assistance pour les appels en matière d’aménagement local et modifiant la Loi sur l’aménagement du territoire, la Loi sur les offices de protection de la nature et diverses autres lois.

[2] Veuillez noter que la Loi sur l’aménagement du territoire exige actuellement que le ministre avise la CAMO si un dossier est d’intérêt provincial au plus tard 30 jours avant l’audition de l'affaire.

[3] Le pouvoir du ministre d’adopter des règlements est décrit à l’article 43 de la Loi de 2017 sur le Tribunal d’appel de l’aménagement local proposée.

[4] Voir l’article 91 de la Loi sur la Commission des affaires municipales de l’Ontario, L.R.O. 1990, chap. O.28.

[5] Les pouvoirs proposés du Tribunal en matière d'établissement de règles sont décrits au paragraphe 32(3) de la Loi de 2017 sur le Tribunal d’appel de l’aménagement local.