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Sécurité publique publie des lignes directrices et tient une séance d’information technique sur la législation relative au devoir de diligence dans les chaînes d’approvisionnement

Auteur(s) : John M. Valley, Matthew Kronby, Jesse Goldman, Alan Kenigsberg, Chelsea Rubin, Jacob Mantle

Le 15 janvier 2024

La Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement (la Loi) est entrée en vigueur le 1er janvier 2024 au Canada. Comme nous l’écrivions récemment dans notre blogue et dans notre guide pour les entreprises, la Loi oblige certaines entités de faire rapport chaque année, notamment les entités du secteur privé qui atteignent certains seuils liés à la taille et qui produisent, vendent ou distribuent des marchandises ou importent des marchandises au Canada (ou qui contrôlent d’autres entités qui exercent l’une ou l’autre de ces activités). Les entités visées doivent produire leur premier rapport annuel au plus tard le 31 mai 2024.

Depuis l’introduction de la Loi au milieu de 2023, les entreprises ont demandé des éclaircissements sur un certain nombre de sujets, notamment sur la question de savoir si elles sont soumises à l’obligation de faire rapport, sur la structure et le contenu du rapport requis, et sur les mécanismes de production du rapport requis. Le 20 décembre 2023, le ministère responsable, Sécurité publique Canada (Sécurité publique), a publié sur son site Web des lignes directrices sur l’application de la Loi et le contenu du rapport requis (les lignes directrices). Notamment, les lignes directrices indiquent qu’en plus de produire un rapport, les entités déclarantes doivent également remplir un questionnaire en ligne (le questionnaire). Le 2 janvier 2024, Sécurité publique a publié la liste des questions composant le questionnaire, et le 11 janvier 2024, a tenu une « séance de breffage technique » sur les lignes directrices et le questionnaire.

Vous trouverez ci-dessous un résumé des lignes directrices, du questionnaire et des éléments que les entités doivent prendre en compte lors de la préparation de leur rapport.

Déterminer si vous avez l’obligation de faire rapport

Comme nous l’expliquions dans notre guide pratique, les entreprises qui sont des « entités » exerçant des « activités à déclarer » ont l’obligation de faire rapport. Les lignes directrices donnent un aperçu de chacun de ces termes tels qu’ils sont utilisés ou définis dans la Loi.

Dans la Loi, « entité » s’entend d’une organisation dont les actions ou les titres de participation sont inscrits à une bourse de valeurs canadienne, ou qui a un établissement au Canada, y exerce des activités ou y possède des actifs et qui remplit au moins deux des trois conditions ci-après pour au moins un de ses deux derniers exercices : (1) elle possède des actifs d’une valeur d’au moins 20 millions de dollars, (2) elle a généré des revenus d’au moins 40 millions de dollars ou (3) elle emploie en moyenne au moins 250 employés. Les lignes directrices fournissent des renseignements supplémentaires sur l’interprétation de ces seuils. Notamment :

  • Les seuils relatifs à la taille doivent être calculés sur la base des états financiers consolidés (convertis en dollars canadiens). Toutefois, les revenus, les actifs et les employés de l’entité déclarante ne comprennent pas les revenus, les actifs et les employés d’une entité qui la détient ou la contrôle (c.-à-d. sa société mère).
  • Les seuils relatifs à la taille ne sont pas limités au Canada; ils se rapportent aux actifs, aux revenus et aux employés de l’entité à l’échelle mondiale.
  • Les actifs doivent être calculés sur une base brute (et non sur une base nette) et peuvent inclure des biens incorporels (tels que les fonds commerciaux).
  • Le terme « employés » a le même sens que celui qu’il a dans la common law canadienne et ne désigne pas les entrepreneurs indépendants.

Les lignes directrices reconnaissent que la Loi ne définit pas ce que signifie avoir un établissement au Canada, faire des affaires au Canada ou avoir des actifs au Canada. Elles fournissent cependant certains indices qui peuvent être pris en compte pour déterminer si les conditions ci-dessus sont remplies, mais suggèrent aux entreprises de se reporter aux critères appliqués par l’Agence du revenu du Canada et d’interpréter ces termes dans leur « sens ordinaire ». Les lignes directrices précisent que faire des affaires au Canada n’exige pas d’avoir un établissement au Canada.

L’obligation de soumettre un rapport en vertu de la Loi s’applique aux « entités » :

  • soit qui produisent, vendent ou distribuent des marchandises au Canada ou ailleurs
  • soit qui importent au Canada des marchandises produites à l’étranger
  • soit qui contrôlent une « entité » qui exerce l’une ou l’autre de ces activités

Les lignes directrices donnent un aperçu de l’interprétation attendue de ces termes.

  • Les termes « marchandises », « production », « vente » et « distribution » sont censés être interprétés dans leur sens ordinaire, le terme « marchandises » désignant les « marchandises qui font l’objet d’échange commercial et de commerce ». Dans certains cas limites, des entreprises risquent d’arriver à des conclusions incohérentes sur la question de savoir si elles ont l’obligation de faire rapport.  
  • Les termes « vente », « distribution » et « production » ne visent pas à définir les services (par exemple, les services de marketing et les services logiciels) qui appuient uniquement ces activités.
  • Une entité est considérée comme importatrice de marchandises au Canada si elle est responsable de la comptabilisation de ces marchandises en vertu de la Loi sur les douanes (c.-à-d. qu’elle agit en tant qu’importatrice officielle et est responsable de la présentation des documents comptables à l’ASFC dans le cadre de l’importation).
  • Bien que la Loi ne prévoie pas de seuil pour la valeur minimale, les termes utilisés dans la Loi doivent être compris comme excluant les « transactions très mineures » (expression qui n’est pas définie dans les lignes directrices).
  • La Loi prévoit qu’une entité peut soumettre un rapport conjoint à l’égard de toutes les entités qu’elle contrôle. Les lignes directrices précisent que le « contrôle » comprend à la fois le contrôle direct et indirect et s’étend sur toute la chaîne organisationnelle. La question de savoir si une entité contrôle une autre entité peut être déterminée conformément à une norme comptable applicable. Le contrôle doit être considéré comme une question de substance plutôt que de forme et peut comprendre des situations de contrôle conjoint.

Bien que les lignes directrices fournissent des renseignements supplémentaires, un certain nombre de questions restent en suspens. Les entreprises devraient examiner attentivement la question de savoir si elles sont visées et envisager de demander l’avis d’un conseiller juridique ou de communiquer avec Sécurité publique à l’adresse électronique indiquée dans les lignes directrices.

Préparation et production du rapport

Les lignes directrices fournissent des détails sur la manière dont les entités, en remplissant leur rapport, peuvent répondre à chacune des sept catégories de renseignements exigés par la Loi. Les lignes directrices donnent également des précisions techniques pour que les rapports « se conforment pleinement à la Loi », y compris un modèle de formulaire d’attestation que les entités peuvent utiliser, ainsi que le nombre limite de pages et la taille maximale des fichiers. Toutefois, lors d’une « séance de breffage technique » tenue le 11 janvier, les représentants de Sécurité publique ont indiqué que ces précisions ne constituaient pas en réalité des exigences. Cela est bon à savoir puisque la Loi prévoit que le ministre peut préciser par écrit les modalités selon lesquelles le rapport doit être fourni. En particulier, le formulaire d’attestation inclus dans les lignes directrices va bien au-delà de ce qui est exigé par la Loi elle-même. Les entreprises doivent examiner de près la question de savoir si le formulaire en question est adapté à leur situation particulière.

Les lignes directrices précisent que la Loi n’exige pas que les entités divulguent des renseignements commerciaux de nature délicate qui les exposeraient à des risques juridiques ou compromettraient la vie privée d’une personne. Les entités ne sont pas non plus tenues de rendre compte de cas particuliers ou d’allégations de travail forcé ou de travail des enfants.

Lors de la « séance de breffage technique » du 11 janvier, les représentants de Sécurité publique ont également indiqué que, si les renseignements fournis dans les rapports feront l’objet d’une vérification et que les entités déclarantes ont clairement l’obligation de par la loi de produire un rapport conforme au plus tard le 31 mai de chaque année, à court et à moyen terme, Sécurité publique se concentrera sur la promotion de la conformité et non sur l’application de la Loi.

Le questionnaire

Les lignes directrices introduisent le concept de questionnaire, qui n’est pas envisagé par la Loi elle-même. Toutefois, il est nécessaire de répondre à certaines questions pour pouvoir soumettre le rapport à l’aide du portail en ligne, de sorte que les entreprises doivent remplir le questionnaire pour s’assurer d’être pleinement conformes à la Loi. Le questionnaire comprend des questions obligatoires et des questions facultatives, auxquelles il est possible de répondre à l’aide d’un menu déroulant. On trouvera la liste complète des questions sur le site Web de Sécurité publique.

Si les entreprises peuvent répondre à certaines questions du questionnaire en reprenant, en tout ou en partie, des sections de leur rapport, d’autres questions dépassent les paramètres du rapport. Les entreprises doivent prévoir suffisamment de temps pour répondre à ces autres questions.

Le questionnaire couvre (et va au-delà) des catégories de renseignements que la Loi exige que les entités déclarantes traitent dans leurs rapports. Par conséquent, bien que le questionnaire puisse, dans certains cas, exiger la présentation de renseignements plus étendus que ceux qui sont strictement exigés par la Loi, en répondant à tout le moins aux questions obligatoires et en intégrant les réponses dans le rapport dans le format prescrit, les entités s’assureront de respecter les principales obligations d’information prévues par la Loi.

Principaux points à retenir

Alors que votre entreprise poursuit son processus d’examen concernant la présentation de son premier rapport en vertu de la Loi, nous vous présentons ci-dessous une liste d’étapes qui pourrait se révéler utile :

  • Déterminez si votre entreprise et/ou toute autre entité au sein de la structure de votre organisation (par exemple, la société mère directe de votre entreprise) sont des « entités » au sens de la Loi. Ensuite, déterminez pour chacune d’elles si elle exerce des « activités à déclarer ». Pour plus de détails à ce sujet, voir notre blogue (en anglais seulement).
  • Déterminez si votre entreprise a l’obligation de faire rapport dans d’autres territoires (p. ex., en Australie ou au Royaume-Uni). Le cas échéant, passez en revue les rapports qu’elle a produits dans ces territoires et vérifiez si les exigences en vigueur au Canada peuvent être intégrées à la structure de déclaration existante.
  • Lisez attentivement l’ensemble du questionnaire (aussi bien les questions obligatoires que les questions facultatives) et réfléchissez à la mesure dans laquelle il peut influer sur la structure ou le contenu du rapport.
  • Déterminez qui, au sein de votre entreprise, pourrait devoir être appelé à répondre au questionnaire (affaires juridiques, service des achats, direction de l’exploitation, relations publiques, etc.)
  • Faites le point. Assurez-vous de bien connaître les politiques et procédures existantes de votre entreprise (codes de conduite, conventions types avec les fournisseurs, politiques relatives au travail forcé ou au travail des enfants, etc.). Demandez-vous si ces politiques et procédures s’étendent à l’ensemble de votre chaîne d’approvisionnement, y compris aux fournisseurs indirects, et si les fournisseurs sont tenus de se conformer aux politiques internes. Examinez également dans quelle mesure ces politiques s’appliquent aux coentreprises ou à d’autres entités avec lesquelles votre entreprise fait affaire.
  • Si, après avoir fait le point, vous repérez des lacunes et des possibilités d’amélioration, demandez-vous si votre entreprise peut prendre des mesures concrètes avant de préparer son rapport. Par exemple, pouvez-vous tenir des séances de formation à l’intention des équipes susceptibles d’être visées par les questions de conformité (par exemple, le service des achats ou les affaires juridiques)? Votre entreprise peut-elle adopter de nouvelles politiques? Est-il possible d’ajouter aux conventions conclues avec les fournisseurs une clause garantissant que les fournisseurs indirects n’ont pas recours au travail forcé ou au travail des enfants dans leurs chaînes d’approvisionnement? Bien que la Loi n’impose pas de normes de conduite substantielles et n’exige pas de mesures correctives de la part des entités déclarantes, les rapports seront des documents publics et les entreprises peuvent souhaiter examiner les possibilités de renforcer leurs pratiques et leurs contrôles internes avant de les soumettre.    

Les équipes spécialisées dans les questions ESG et le droit du commerce international d’Osler conseillent activement des clients issus de divers secteurs sur les façons de se conformer à la Loi. Si vous avez besoin d’aide ou si vous avez des questions concernant la Loi, veuillez communiquer avec un membre de notre équipe.