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Contrôles des chaînes d’approvisionnement et la Loi sur l’esclavage moderne du Canada – Guide pratique pour les entreprises

Auteur(s) : Alan Kenigsberg, John M. Valley, Chelsea Rubin, Sarah Greenwood

Le 1er juin 2023

Le projet de loi S-211, Loi édictant la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement et modifiant le Tarif des douanes, aussi appelé « Loi sur l’esclavage moderne » du Canada (la Loi), devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2024. Le présent guide se veut une ressource pour les entreprises désireuses de savoir quelles sont leurs obligations en vertu de la Loi et comment se préparer à s’y conformer.

En quoi consiste cette nouvelle loi?

La Loi crée une obligation de faire rapport pour certaines « entités » exerçant certaines activités déterminées. Ces entités seront tenues de déposer leur premier rapport (voir ci-dessous pour une description) auprès du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile d’ici le 31 mai 2024. Elles devront également le rendre public (par exemple, en l’affichant à un endroit bien en vue sur leur site Web). Les entités qui omettent de se conformer à l’obligation de faire rapport prévue par la Loi seront passibles d’une amende et risquent d’entacher leur réputation et d’engager la responsabilité de leurs administrateurs et dirigeants. 

La Loi interdira également l’importation de marchandises fabriquées par le travail des enfants, interdiction qui s’ajoute à l’interdiction existante d’importer des marchandises issues du travail forcé.

Votre entreprise a-t-elle l’obligation de faire rapport?

Deux questions se posent : (1) votre entreprise ou un membre de son groupe est-elle une « entité » et (2) si tel est le cas, l’entité exerce-t-elle certaines activités déterminées (appelées ci-après « activités à déclarer »)? Si la réponse à ces deux questions est « oui », l’entité est tenue de rédiger un rapport et de le déposer. Pour plus de renseignements sur les informations à fournir dans le rapport, voir la rubrique « Quelles informations doit-on fournir dans le rapport? » ci-dessous.

Entités

Une « entité » est une personne morale ou une société de personnes, une fiducie ou une autre organisation non constituée en personne morale :

  • soit dont les actions ou titres de participation sont inscrits à une bourse de valeurs canadienne;
  • soit qui a un établissement au Canada, y exerce des activités ou y possède des actifs et qui remplit au moins deux des conditions ci-après pour au moins un de ses deux derniers exercices : (1) elle possède des actifs d’une valeur d’au moins 20 millions de dollars, (2) elle a généré des revenus d’au moins 40 millions de dollars, et (3) elle emploie en moyenne au moins 250 employés;
  • soit qui est désignée ainsi en vertu du règlement d’application de la Loi (qui n’avait pas encore été adopté au moment de publier ces lignes).

Activités à déclarer

Les activités déterminées par la Loi (aux fins du présent bulletin, les « activités à déclarer ») sont notamment les suivantes :

  • la production, la vente ou la distribution de marchandises, au Canada ou ailleurs;
  • l’importation au Canada des marchandises produites à l’extérieur du Canada;
  • le contrôle d’une « entité » qui produit, vend ou distribue des marchandises au Canada ou ailleurs, ou qui importe au Canada des marchandises produites à l’extérieur du Canada.

Qu’entend-on par « marchandises »?

Le terme « marchandises » n’est pas défini dans la Loi. Toutefois, le terme « production de marchandises » y est défini et comprend « la fabrication, la culture, l’extraction et le traitement de marchandises ». Cela laisse entendre que le terme « marchandises » devrait recevoir une définition très large. La définition de « marchandises » pourrait être suffisamment large pour couvrir un très large éventail de biens meubles corporels, même une entreprise qui importe des articles ou du matériel pour son propre usage, de sorte que la Loi pourrait avoir un champ d’application plus large que celui auquel l’on pourrait s’attendre.

Quelles sont les étapes à suivre par votre entreprise en vue de la rédaction de son rapport?

Il est essentiel que les entreprises commencent à se préparer très tôt en vue de la rédaction de leur rapport. L’obligation de faire rapport nécessite la communication de divers composants des chaînes d’approvisionnement d’une entité. Pour ce faire, vos chaînes d’approvisionnement doivent être cartographiées, tâche qui, si cela n’a pas déjà été fait (par exemple, pour se conformer à une obligation similaire dans un autre pays), prendra un certain temps.

En outre, la Loi établit une présomption selon laquelle, en cas de perpétration d’une infraction par un employé ou un mandataire de l’entité, l’infraction a été commise au nom de l’entité. La Loi prévoit une exception à cette règle si l’entité peut établir qu’elle a exercé la diligence voulue pour en empêcher la perpétration. Il sera donc important d’avoir en place des politiques, des processus et des formations appropriées et de contrôler régulièrement le respect de la Loi afin de s’assurer que votre entreprise donne le ton à partir du sommet de la hiérarchie.

Peut-on déposer un rapport conjoint si plusieurs entités au sein de l’entreprise ont l’obligation de faire rapport?

Oui. Dans une telle situation, un rapport conjoint peut être produit.

Quelles informations doit-on fournir dans le rapport ?

Les entités doivent faire rapport sur les mesures qu’elles ont prises au cours de l’exercice précédent pour prévenir et atténuer le risque relatif au recours au travail forcé ou au travail des enfants à l’une ou l’autre étape de la production de marchandises par elles – au Canada ou ailleurs – ou de leur importation au Canada.

Pour chaque entité tenue de faire rapport, le rapport doit inclure divers renseignements sur sa structure, ses chaînes d’approvisionnement et ses processus visant à éliminer le recours au travail forcé et au travail des enfants, y compris ses politiques et ses processus de diligence raisonnable, les parties de ses activités qui comportent un risque de recours au travail forcé et au travail des enfants, et les mesures qu’elle a prises pour évaluer ce risque et le gérer.

Le rapport doit être rendu public et, dans le cas d’une société constituée sous le régime de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, il doit être remis aux actionnaires avec les états financiers annuels.

Le rapport doit être signé et approuvé par le corps dirigeant de l’entité. Dans le cas d’un rapport conjoint, le rapport peut être approuvé soit par le corps dirigeant de chaque entité visée par le rapport, soit par le corps dirigeant de l’entité contrôlant chaque entité visée par le rapport conjoint.

Que se passe-t-il si la seule « activité à déclarer » de mon entreprise consiste à contrôler une entité?

Si une entité exerce une activité à déclarer uniquement parce qu’elle contrôle une autre entité qui exerce une activité à déclarer (c’est-à-dire que l’entité contrôlante n’importe pas, ne produit pas, ne vend pas ou ne distribue pas elle-même des marchandises), elle est quand même tenue, à titre d’entité contrôlante, de déposer un rapport. Toutefois, le contenu du rapport peut varier en fonction de la nature de ses activités (et de celles de l’entité sous-jacente).

Que peuvent faire le ministre ou les autorités pour faire appliquer la Loi ?

La Loi confère au gouvernement de vastes pouvoirs lui permettant de rendre des ordonnances obligeant l’entreprise à prendre toutes les mesures qu’il juge nécessaires pour assurer le respect de la Loi, ainsi que certains pouvoirs de perquisition et de saisie lui permettant de vérifier que la Loi est respectée.

Quelles peines encourt-on si l’on ne dépose pas de rapport?

Quiconque omet de se conformer à la loi – c’est-à-dire qui omet de faire rapport, omet de rendre le rapport public, omet de prêter assistance dans le cadre d’une enquête ou entrave le travail d’un enquêteur, omet de se conformer à un arrêté prévoyant des mesures correctives ou fournit des informations fausses ou trompeuses dans un rapport – commet une infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une amende maximale de 250 000 $.

La Loi établit la responsabilité personnelle des personnes physiques mandatées pour agir au nom d’une entité (y compris les administrateurs et les dirigeants). En cas de perpétration par une personne ou entité d’une infraction à la Loi, ceux de ses administrateurs, dirigeants ou mandataires qui l’ont ordonnée ou autorisée, ou qui y ont consenti ou participé, sont considérés comme des coauteurs de l’infraction et encourent une peine d’au plus 250 000 $, que l’entité ait été ou non poursuivie ou déclarée coupable.

Principaux points à retenir

Les entreprises ayant un lien avec le Canada devraient se préparer à déposer leur premier rapport d’ici mai 2024. Si vous avez besoin d’aide ou si vous avez des questions concernant la Loi ou toute autre question relative au respect du cadre réglementaire du Canada touchant le commerce et les sanctions, ou l’évolution rapide des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), veuillez communiquer avec un membre de notre équipe Droit du commerce international et de l’investissement ou de notre équipe ESG