Passer au contenu

Commerce international : l’Accord de libre-échange canadien, le plan de 100 jours des États-Unis et de la Chine, et plus encore

Auteur(s) : Lipi Mishra, Margaret Kim, Corinne Xu, Taylor Schappert

17 avril 2017

Dans notre dernier dossier Commerce international, nous avons parlé du chapitre 19 de l’ALENA dans la mire de l’administration Trump, de la liste de souhaits des États-Unis pour la renégociation de l’ALENA et de la proposition de taxe à la frontière américaine. Dans le présent dossier, nous discutons de l’Accord de libre-échange canadien, du plan de 100 jours des États-Unis et de la Chine et de la façon dont les dispositions du défunt PTP pourraient se retrouver dans l’ALENA.

L’Accord de libre-échange canadien

Par : Riyaz Dattu, Peter Glossop, Taylor Shappert, et Corinne Xu

Le 7 avril 2017, les gouvernements fédéral, territoriaux et provinciaux ont conjointement publié le texte de l’Accord de libre-échange canadien (ALEC), qui définit les nouvelles règles de libre-échange au Canada qui entreront en vigueur le 1er juillet 2017.

L’ALEC vise à réduire, voire à éliminer dans certains cas, les obstacles interprovinciaux au commerce, à l’investissement et à la mobilité des travailleurs au Canada. Malheureusement, le libre-échange complet au Canada continue d’être un concept difficile à concrétiser 150 ans après la confédération. L’Accord prévoit une multitude d’exceptions dans ses 360 pages, n’arrivant à retirer qu’une partie des obstacles au commerce et à l’investissement.

L’ALEC remplacera l’Accord sur le commerce intérieur (ACI) en vigueur depuis 1995. Contrairement à l’ACI, l’ALEC adopte une « approche par liste négative » qui nécessite que les barrières restantes doivent spécifiquement être inscrites dans l’accord par les gouvernements. Cette approche est certes une amélioration par rapport à « l’approche par liste positive » de l’ACI et augmentera considérablement la transparence des obstacles au commerce interprovincial.

De plus, l’ALEC vise également à protéger les entreprises canadiennes qui auront droit aux mêmes avantages que les entreprises étrangères pouvant se prévaloir d’accords de commerce international signés par le Canada, dont l’AECG (l’Accord économique et commercial global).

Un mécanisme de règlement des différends de 75 pages comprend des dispositions de règlement entre gouvernements et entre une personne et un gouvernement. Le non-respect de l’ALEC fera l’objet de sanctions pécuniaires pouvant varier entre 250 000 $ et 10 M$.

L’ALEC devrait être grandement bénéfique. Le commerce interprovincial représente environ 20 % du PIB annuel du Canada et presque 40 % des exportations provinciales. Selon la Banque du Canada [PDF], l’élimination des obstacles au commerce intérieur pourrait ajouter jusqu’à 0,20 % à la production annuelle du Canada. Cela est sensiblement comparable aux retombées économiques prévues dans l’AECG.[1]

Dialogue approfondi entre les États-Unis et la Chine, pendant que le Canada négocie un accord de libre-échange avec la Chine

Par : Riyaz Dattu, Margaret Kim

Le 7 avril 2017, le président américain Donald Trump et le président chinois Xi Jinping, après un sommet présidentiel de deux jours à Palm Beach (Floride), ont convenu d’un plan de 100 jours visant à mener de nouvelles consultations commerciales bilatérales. Bien que la portée et la forme que prendront ces consultations n’aient pas encore été arrêtées, cette entente semble traduire la volonté des deux pays à collaborer et à éviter les confrontations commerciales.

Lors d’un point de presse de la Maison-Blanche, le secrétaire d’État américain, Rex Tillerson, a déclaré que les deux leaders avaient établi ce qu’il a appelé un « nouveau cadre de négociation de haut niveau », aussi appelé Dialogue approfondi États-Unis/Chine, fondé sur quatre piliers : le dialogue sur la diplomatie et la sécurité, le dialogue approfondi sur l’économie, le dialogue sur l’application de la loi et la cybersécurité et le dialogue sur les enjeux sociaux et culturels.

Lors du point de presse, le secrétaire américain au commerce, Wilbur Ross, a quant à lui insisté sur le fait que le délai de 100 jours, « compte tenu de la variété des enjeux et de l’ampleur [...] pourrait être ambitieux, mais il s’agit d’un très grand changement dans le rythme des discussions ». Il a poursuivi en soulignant que le dialogue constituait une « importante symbolisation du resserrement des liens entre les deux pays. » Les États-Unis cherchent essentiellement à accroître leurs exportations en Chine et à réduire le déficit commercial net qui totalisait 347 milliards de dollars américains en 2016.

Tout comme pour la renégociation de l’ALENA analysée dans notre précédent document sur le commerce international, le discours et l’attitude agressive du candidat Trump détonnent avec l’approche postélectorale du président Trump. La mention du « resserrement des liens » entre les deux pays par le secrétaire Ross nous laisse entrevoir un ton plus conciliant et diplomate à la résolution de différends commerciaux et autres entre les États-Unis et la Chine.

Entre-temps, le Canada et la Chine ont déjà entamé des discussions exploratoires à l’égard d’un possible accord de libre-échange (ALE). Les premières discussions directes ont eu lieu en février cette année. Le mois dernier, le gouvernement du Canada a lancé des consultations publiques sur les négociations d’un ALE, et une seconde ronde de discussions devrait commencer à la fin du mois.

Les entreprises canadiennes sont invitées à participer aux consultations en soumettant leurs points de vue d’ici le 2 juin 2017 et à être à l’affût des prochaines discussions sur le commerce.

Que pourrait inclure le nouvel ALENA? Le PTP pourrait nous éclairer.

Par : Riyaz Dattu, Lipi Mishra, Gajan Sathananthan

Bien que le président Trump ait rejeté l’Accord du Partenariat transpacifique (PTP), nombreuses sont ses dispositions qui se retrouveront probablement dans d’autres accords commerciaux conclus avec les États-Unis, dont un ALENA renégocié.

Le 6 avril, le représentant Henry Cuellar (D-TX) a déclaré dans un communiqué qu’il estimait que la renégociation de l’ALENA s’inspirerait nécessairement et largement des dispositions du défunt PTP. En étayant son point de vue, le représentant Cuellar a fait référence à un Congressional Research Service report (CSR) (rapport du Service de recherche du Congrès) récemment publié. Le CSR dresse un parallèle entre le texte du PTP et l’avis d’ébauche sur la renégociation de l’ALENA transmis aux membres du comité sénatorial à la fin mars par le représentant américain au commerce Stephen Vaughn (abordé dans notre précédent dossier Commerce international).

Il est clair que si le PTP avait été entériné, il aurait régi les activités commerciales des signataires de l’ALENA, puisque les trois pays avaient prévu de le signer. En fait, les États-Unis n’auraient pas eu à renégocier l’ALENA ni à faire de translation d’un bon nombre des dispositions du PTP vers un ALENA révisé. À la lumière du retrait des États-Unis du PTP, toute révision que les États-Unis souhaiteraient apporter aux dispositions commerciales signées par le Canada et le Mexique devra se faire au moyen d’un ALENA renégocié.

Le CSR signale un important chevauchement entre l’avis d’ébauche et le texte du PTP en matière de douanes et d’application législative. L’avis d’ébauche ne fournit aucun détail. Or, il appelle à une plus grande transparence et à une efficacité accrue en matière de procédures douanières. D’ailleurs, dans cette optique, le PTP exigeait le recours à des systèmes électroniques et d’analyse/de ciblage automatisé des risques, établissait une procédure douanière pour les expéditions express et imposait la publication en ligne de toutes les lois douanières, dispositions totalement absentes de l’ALENA. L’avis d’ébauche demande que l’on ajoute à l’ALENA une procédure de consultation des exportateurs/importateurs avant la promulgation de tout règlement important, ce qui constitue une translation des dispositions du PTP sur la consultation précoce et les réponses rapides aux demandes d’information générales.

Un autre aspect abordé dans le CSR est la protection des investissements. Le CSR souligne la proposition qui se retrouve dans l’avis d’ébauche de « maintenir et [...] d’améliorer les procédures » de règlement des différends entre les investisseurs américains et les pays qui sont parties à l’ALENA, plutôt que d’éliminer complètement le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États. En outre, le chapitre Investissement du PTP (chapitre 9) cherchait également à établir des protections substantielles pour les investisseurs privés et les investissements contre un traitement discriminatoire, inéquitable et arbitraire par les gouvernements hôtes et à définir le recours au mécanisme de règlement de différends entre investisseurs et États pour un arbitrage exécutoire.

Plusieurs autres catégories ont été analysées à fond dans le CSR, notamment les normes sanitaires et phytosanitaires, le traitement des sociétés publiques, le commerce électronique et les flux de données, les droits de propriété intellectuelle, les règles d’origine pour l’industrie automobile, le travail et l’environnement. Sur tous ces aspects, le CSR relève des similitudes entre les objectifs de la renégociation de l’ALENA définis dans l’avis d’ébauche et les dispositions du PTP. Bien que l’avis d’ébauche pourrait être modifié, on a tôt fait de constater que le PTP, qui a déjà fait l’objet d’intenses négociations, pourrait jeter les bases d’un ALENA renégocié.

 

[1]       Accord sur le commerce international, Points saillants du nouvel accord de libre-échange canadien (7 avril 2017) en ligne : <www.ait-aci.ca/wp-content/uploads/2017/04/ALEC-Renseignements-généraux.pdf>.