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Programmes de restitution volontaire et risque de recours collectif : les leçons tirées des règlements des recours collectifs de consommateurs contre Hyundai/Kia

Auteur(s) : Christopher Naudie, Michelle Lally

3 février 2014

Dans bon nombre de causes de publicité trompeuse et de protection du consommateur, une entreprise qui découvre un manquement à la réglementation le signalera volontairement au Bureau de la concurrence (ou à d'autres organismes responsables de l'application de la loi) et mettra en œuvre un programme d'indemnisation volontaire afin d'atténuer le risque de poursuites réglementaires et de recours collectifs au civil. Dans certaines circonstances, la mise en œuvre immédiate et volontaire d'un programme de restitution peut être un outil important qui aidera à gérer le risque auquel s'expose l'entreprise. Toutefois, les récents règlements conclus dans le cadre de recours collectifs qui ont été annoncés dans la cause de publicité trompeuse de Hyundai/Kia constituent un rappel à la dure réalité que l'adoption d'un programme d'indemnisation volontaire des consommateurs n'éliminera pas le risque de recours collectif. En bref, même si Hyundai et Kia sont parvenues à conclure des règlements favorables avec le commissaire de la concurrence du Canada qui ne comportaient aucune pénalité financière ni aucune admission de responsabilité, elles ont par la suite été frappées par le règlement d'un recours collectif au montant d'environ 70 millions de dollars.

Contexte – Les programmes de restitution volontaire

Hyundai et Kia sont des entreprises affiliées qui commercialisent, distribuent et vendent des véhicules à moteur au Canada. En 2011, elles ont lancé une campagne de marketing à grande échelle qui visait à publiciser les cotes de consommation de carburant de leurs véhicules. Par la suite, elles ont appris qu'en raison d'erreurs procédurales dans un centre d'essai, les cotes de consommation de carburant annoncées étaient incorrectes et qu'elles avaient été sous-estimées de 0,2 à 0,8 l/100 km. Lorsqu'elles ont découvert l'erreur, les deux entreprises ont émis un communiqué de presse conjoint afin d'aviser les Canadiens que les cotes de consommation de carburant publicisées étaient erronées. Au même moment, les entreprises ont annoncé un programme de restitution volontaire fondé sur des demandes, afin d'indemniser les clients pour leurs frais de carburant supplémentaires, majorés d'une prime additionnelle de 15 % pour tout inconvénient, pour toute la période où ils sont ou étaient propriétaires du véhicule. Aux termes du programme, les clients étaient tenus de présenter des demandes de remboursement, et le montant du remboursement était établi en fonction de la différence entre l'ancienne et la nouvelle cote de consommation de carburant de leur véhicule, multipliée par le prix moyen du carburant dans la région géographique du client et le nombre réel de kilomètres parcourus. Le remboursement était effectué sous forme d'une carte de crédit prépayée, ce qui revient à dire que les clients n'ont pas reçu de paiements en espèces.

Consentement du commissaire de la concurrence

Le jour même où les entreprises ont émis leur communiqué de presse conjoint annonçant la création du programme d'indemnisation des consommateurs, elles ont signalé de manière proactive au Bureau de la concurrence du Canada les cotes de consommation de carburant incorrectes annoncées dans le cadre de leur campagne de marketing. Après avoir examiné la question, le commissaire de la concurrence en est arrivé à la conclusion que les cotes de consommation de carburant incorrectes contrevenaient aux dispositions civiles de la Loi sur la concurrence se rapportant à la publicité trompeuse puisqu'elles (i) étaient fausses et trompeuses sur un point important, et (ii) constituaient des indications de rendement fondées sur une épreuve insuffisante ou inappropriée. Hyundai et Kia n'ont pas souscrit aux conclusions du commissaire, mais puisqu'elles avaient signalé le manquement volontairement, elles ont pu conclure un règlement « sans pénalités » avec le commissaire et qui ne comportait aucune admission de responsabilité. Aux termes des consentements, les entreprises ont convenu (i) d'honorer les modalités des programmes de restitution volontaire; (ii) de se conformer aux dispositions de la Loi sur la concurrence se rapportant aux pratiques commerciales trompeuses, et (iii) de se livrer à certaines activités de surveillance de la conformité. Mais, ce qui est plus important encore, compte tenu des programmes de restitution complets mis en place par les entreprises et de leur engagement à en respecter les modalités, le commissaire n'a pas exigé que l'une ou l'autre entreprise verse des montants supplémentaires pour les violations statutaires alléguées. Et comme il est indiqué plus haut, les programmes de restitution étaient fondés sur des demandes et ne comportaient pas de paiements en espèces. Les règlements conclus avec le commissaire furent officialisés dans des consentements déposés auprès du Tribunal de la concurrence le 2 août 2013.

Règlement des recours collectifs connexes

Malgré la signalisation volontaire de leur manquement et leur adoption d'un programme de restitution volontaire, les entreprises n'en ont pas moins fait l'objet de recours collectifs dans plusieurs provinces pour le compte de consommateurs dans tout le Canada. De façon générale, les demandeurs dans le cadre des recours collectifs ont soutenu que les entreprises avaient enfreint les dispositions pénales de la Loi sur la concurrence se rapportant à la publicité trompeuse ainsi que les dispositions des lois applicables sur la protection des consommateurs, y compris la Loi sur la protection du consommateur de l'Ontario. Aux termes de la Loi sur la concurrence, des parties privées peuvent poursuivre (à titre individuel ou dans le cadre d'un recours collectif) une entreprise pour dommages-intérêts en cas de violation, réelle ou présumée, des dispositions pénales de cette loi. Le même droit d'action privé n'est pas disponible pour les manquements aux dispositions civiles de la loi. De plus, les demandeurs dans le cadre des recours collectifs ont présenté des demandes en responsabilité civile délictuelle, y compris le délit d'assertion négligente et inexacte. 

De nombreuses défenses étoffées s'offraient aux entreprises pour contester ces recours collectifs. Dans le cadre du règlement conclu avec le Bureau de la concurrence, le commissaire n'a pas allégué que les entreprises avaient enfreint les dispositions pénales de la Loi sur la concurrence, et les entreprises n'ont admis aucune responsabilité aux termes de la loi. De plus, les entreprises pouvaient plaider qu'elles avaient atténué tout préjudice potentiel en raison de la portée exhaustive des programmes de dédommagement complets. Et, fait plus important encore, un gros obstacle se dressait devant la certification du recours proposé et la démonstration des dommages, puisque chacun des membres du groupe allait vraisemblablement devoir prouver qu'il s'était fié aux cotes de consommation incorrectes lorsqu'il avait pris la décision d'acheter son véhicule pour établir le préjudice ou le dommage à l'ensemble du groupe.   Contre toute attente, les entreprises ont annoncé la semaine dernière qu'elles avaient conclu des règlements proposés aux termes desquels les consommateurs toucheraient des indemnités beaucoup plus élevées que celles accordées dans les programmes de restitution existants qui avaient été confirmés dans les consentements avec le commissaire.

La valeur des règlements de Hyundai de Kia se chiffre à environ 46,7 millions de dollars et 23 millions de dollars, respectivement. Aux termes de l'accord de règlement, les entreprises ont convenu d'ajouter divers paiements forfaitaires et d'autres options aux programmes de restitution existants. Les consommateurs peuvent maintenant décider de toucher un paiement forfaitaire unique en espèces ou de demeurer dans le programme de restitution existant qui exige qu'ils continuent de faire des demandes de remboursement. Les paiements forfaitaires varieront selon le véhicule et seront réduits en fonction de tout montant déjà reçu par le consommateur dans le cadre du programme de restitution existant. De plus, les consommateurs peuvent choisir d'autres options, tel qu'un crédit utilisable chez les concessionnaires et équivalant à 150 % du montant du nouveau paiement forfaitaire en espèces ou un crédit d'achat de nouveau véhicule équivalant à 200 % de ce montant. Les principaux éléments du règlement, notamment la possibilité de toucher immédiatement un paiement forfaitaire unique en espèces et des crédits majorés, feront augmenter les coûts assumés par les entreprises bien au-delà des coûts projetés du programme de restitution initial.        

Conséquences

Le programme de restitution exhaustif mis en œuvre par les entreprises visait à indemniser complètement les consommateurs de leurs frais de carburant supplémentaires et de tout inconvénient. On peut avancer qu'elles ont suivi la bonne approche : elles ont découvert le problème, elles ont adopté des mesures correctives sur-le-champ et de façon volontaire, et elles ont signalé leur manquement au commissaire. Le commissaire s'était montré satisfait de la conduite proactive des entreprises et des programmes de restitution et, en dehors d'officialiser ces programmes dans les consentements, il n'a imposé aucune pénalité financière. Néanmoins, les entreprises ont été poursuivies sans relâche par les plaignants afin d'obtenir des indemnités supplémentaires, et elles ont finalement accepté de verser d'importantes sommes additionnelles pour régler ces demandes. Ce cas est un autre exemple de la tendance persistante qui voit des plaignants exercer des recours collectifs au nom de consommateurs dans des affaires de publicité trompeuse.   Il nous rappelle également qu'une divulgation proactive et des programmes de restitution volontaire ne mettront pas nécessairement une entreprise à l'abri de pénalités et de responsabilités pécuniaires importantes associées à des poursuites réglementaires et des recours collectifs connexes.

 

Authored by Christopher Naudie, Michelle Lally, Sandeep J. Joshi