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Remettez-la! – Questions que les sociétés canadiennes doivent désormais examiner à la lumière des règles américaines en matière de récupération de la rémunération qui entreront en vigueur

Auteur(s) : Jason Comerford, Nick Guadagnolo, Lynne Lacoursière, Andrew MacDougall, Kelly O’Ferrall, Diana Yeung

Le juin 9 2023

Les émetteurs canadiens inscrits à la cote d’une bourse américaine doivent adopter ou réviser leurs propres politiques et pratiques en matière de récupération de la rémunération incitative auprès des hauts dirigeants, à la lumière des nouvelles exigences d’inscription à la cote des bourses américaines qui entreront en vigueur plus tard cette année. Les émetteurs canadiens qui ne sont pas inscrits à la cote d’une bourse américaine doivent envisager de modifier leur approche et les modalités de leurs politiques ou pratiques existantes en matière de récupération à la lumière des règles à venir.

Aperçu

Le 26 octobre 2022, la Securities and Exchange Commission (SEC) des États-Unis a adopté la version définitive de sa règle sur les normes d’inscription prévoyant le recouvrement de toute rémunération attribuée par erreur (la règle définitive de la SEC). Le 22 février 2023, la Bourse de New York et le NASDAQ Stock Market ont tous deux publié pour commentaires un projet de nouvelles normes d’inscription, qui, pour l’essentiel, sont identiques, conformément à la règle définitive de la SEC. Par souci de commodité, nous désignons les exigences de la règle définitive de la SEC, ainsi que le projet de normes d’inscription de chaque Bourse, par l’expression « règles en matière de récupération ».

Les règles en matière de récupération obligeront la quasi-totalité des émetteurs inscrits à la cote d’une bourse américaine à adopter une politique prévoyant la récupération obligatoire de la rémunération incitative reçue par les dirigeants au cours de la période de trois ans précédant la date à laquelle un redressement des états financiers s’impose, dans la mesure où la rémunération effectivement reçue par les dirigeants dépasse la somme qu’ils auraient reçue sur la base des états financiers redressés. L’obligation de récupération s’applique même aux dirigeants qui n’ont pas commis de faute ou d’omission. L’émetteur est tenu de joindre la politique au rapport annuel qu’il dépose auprès de la SEC. En cas de redressement des états financiers, l’émetteur est tenu de communiquer la manière dont il a appliqué la politique à ses dirigeants, y compris les sommes qu’il a récupérées auprès d’eux.

Les projets de modification des règles boursières indiquent que les nouvelles normes d’inscription entreront en vigueur le 2 octobre 2023 (la date d’entrée en vigueur). Les émetteurs canadiens inscrits à la cote d’une bourse américaine disposeront de 60 jours à compter de la date d’entrée en vigueur pour se conformer aux nouvelles exigences et doivent donc être prêts à s’y conformer pas plus tard que le 1er décembre 2023.

Même si un nombre important d’émetteurs canadiens, y compris des émetteurs canadiens qui ne sont pas inscrits à la cote d’une bourse américaine, ont déjà adopté des mécanismes de récupération de la rémunération, dans la majorité des cas, avant que l’obligation de récupération ne soit déclenchée, deux critères doivent être remplis : i) les états financiers doivent avoir été redressés et ii) le redressement doit être attribuable, du moins en partie, au fait que le dirigeant visé a eu un comportement répréhensible. Ces politiques à deux critères de déclenchement sont conformes à l’article 304 de la loi américaine intitulée Sarbanes-Oxley Act of 2002 (loi SOX). Cependant, de nombreux émetteurs canadiens ont adopté une norme « sans égard à la faute » en vertu de laquelle la rémunération peut être récupérée en cas de redressement des états financiers, et ce, même si le dirigeant visé n’a pas eu un comportement répréhensible, ce qui est similaire aux nouvelles règles en matière de récupération. Toutefois, comme nous l’expliquons plus en détail ci-dessous, les règles en matière de récupération diffèrent des pratiques canadiennes habituelles du fait qu’elles limitent le pouvoir discrétionnaire du conseil d’administration de décider s’il y a lieu de procéder au recouvrement et fixent des normes strictes quant à la somme à recouvrer.

Nous nous attendons à ce que les nouvelles normes d’inscription des Bourses soient mises en œuvre essentiellement telles qu’elles ont été proposées et nous recommandons à tous les émetteurs canadiens inscrits à la cote d’une bourse américaine de commencer à travailler dès maintenant pour être prêts à s’y conformer pas plus tard que le 1er décembre 2023. En particulier :

  • Tout émetteur canadien inscrit à la cote d’une bourse américaine qui n’a pas adopté de politique en matière de récupération de la rémunération incitative en cas de redressement des états financiers devrait en adopter une dans les plus brefs délais.
  • Tous les émetteurs canadiens inscrits à la cote d’une bourse américaine qui ont une politique en matière de récupération de la rémunération devraient en revoir les modalités ayant trait à la détermination du moment où l’obligation de récupération est déclenchée, du moment où la rémunération incitative a été reçue et de la période précédant le redressement à laquelle la récupération s’appliquera, de sorte qu’elles cadrent avec les nouvelles règles.
  • La plupart des émetteurs canadiens inscrits à la cote d’une bourse américaine devraient modifier les modalités de certains de leurs régimes de rémunération incitative à base de titres de capitaux propres, et certains émetteurs devraient modifier les modalités de certaines attributions en cours octroyées à leurs hauts dirigeants dans le cadre de ces régimes.
  • Les émetteurs canadiens assujettis aux règles en matière de récupération pourraient envisager de réviser les modalités des contrats d’emploi de leurs dirigeants afin qu’ils prévoient expressément la récupération de la rémunération.
  • Les émetteurs canadiens assujettis aux règles en matière de récupération pourraient envisager de modifier la structure de leurs programmes de rémunération incitative, étant donné que les règles américaines ne s’appliqueront que si l’octroi de la rémunération incitative, l’acquisition des droits y afférents ou son règlement est basé sur des mesures financières, y compris le cours des actions et le rendement total pour les actionnaires, et ne s’appliqueront pas aux autres mécanismes de rémunération incitative.

Les émetteurs canadiens qui ne sont pas inscrits à la cote d’une bourse américaine devraient se demander s’ils doivent modifier leurs pratiques à la lumière des règles américaines et des attentes des investisseurs, notamment en ce qui concerne la détermination du moment où l’obligation de récupération est déclenchée, du moment où la rémunération incitative a été reçue et de la période précédant le redressement à laquelle la récupération s’appliquera.

Points saillants

Les règles en matière de récupération auront des conséquences importantes pour la quasi-totalité des émetteurs canadiens inscrits à la cote d’une bourse américaine qui offrent de la rémunération incitative octroyée, gagnée ou dont les droits sont acquis en fonction, en tout ou en partie, de mesures financières. Les émetteurs qui, en contravention des règles en matière de récupération, n’adoptent ni ne publient une politique de récupération conforme, ou ne fournissent pas, quant à la question de savoir s’ils se conforment à leur propre politique, l’information occasionnelle requise en application des règles en matière de récupération, risquent de voir leurs titres radiés de la cote de la bourse américaine à laquelle ils sont inscrits une fois que les nouvelles règles seront en vigueur.

Genèse

La loi américaine intitulée Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act of 2010 a exigé de la SEC qu’elle adopte des règles ordonnant aux bourses américaines d’adopter des règles d’inscription prévoyant la récupération obligatoire de la rémunération incitative reçue par les dirigeants en cas de redressement des états financiers. La SEC a publié un projet de règles en 2015 et Osler a publié un bulletin faisant état du projet en juillet 2015. Aucune autre mesure n’a été prise par la SEC jusqu’à ce qu’elle rouvre son projet de règles initial pour commentaires en octobre 2021, puis en juin 2022. La règle définitive de la SEC, adoptée en octobre 2022, ne contient que très peu de modifications par rapport au projet de règles initial de 2015.

Quels émetteurs seront assujettis aux règles en matière de récupération?

Les règles en matière de récupération s’appliqueront à la quasi-totalité des émetteurs dont les titres sont inscrits à la cote d’une bourse américaine, y compris les émetteurs privés étrangers, les émetteurs canadiens ayant recours au Régime d’information multinational (RIM), les sociétés de croissance émergentes, les petites sociétés assujetties et les sociétés contrôlées, ainsi que les émetteurs de titres d’emprunt et d’actions privilégiées négociés en bourse. Il existe un nombre limité d’exceptions pour les émetteurs de produits liés aux contrats à terme standardisés ou d’options standardisées, les fiducies d’investissement à participation unitaire et les sociétés de gestion de placement agréées qui n’ont attribué une rémunération incitative à aucun de leurs hauts dirigeants au cours des trois derniers exercices (ou, si cette période est plus courte, depuis leur première inscription à la cote).

Quels hauts dirigeants sont assujettis à la politique en matière de récupération?

La politique en matière de récupération s’applique aux « hauts dirigeants » (executive officers) actuels et aux anciens hauts dirigeants de l’émetteur qui ont reçu une rémunération incitative durant la période rétrospective de trois ans applicable. À cette fin, la SEC a défini le terme « hauts dirigeants » (executive officers) comme le président, le dirigeant financier principal, le dirigeant comptable principal (ou en l’absence de dirigeant comptable, le contrôleur) ou un vice-président de l’émetteur en charge d’une unité, division ou fonction principale (comme les ventes, l’administration ou les finances), tout autre dirigeant de l’émetteur qui s’acquitte d’une fonction liée à l’élaboration des politiques ou toute autre personne qui exerce des fonctions similaires pour l’émetteur. Les hauts dirigeants de la ou des sociétés mères ou filiales de l’émetteur sont des hauts dirigeants réputés de l’émetteur s’ils exercent des fonctions liées à l’élaboration des politiques pour l’émetteur. Les anciens hauts dirigeants comprennent tout particulier qui a agi en qualité de haut dirigeant à tout moment durant la période d’évaluation du rendement aux fins de l’établissement de la rémunération incitative reçue durant la période rétrospective de trois ans applicable.

Contrairement au projet initial de la SEC, les règles en matière de récupération exigent le recouvrement de la rémunération incitative reçue par une personne seulement (1) après qu’elle a commencé à exercer ses fonctions de haut dirigeant et (2) si elle était un haut dirigeant au cours de la période rétrospective de trois ans. L’émetteur n’a pas à recouvrer la rémunération d’un haut dirigeant qui n’était pas un haut dirigeant à un moment quelconque au cours de la période d’évaluation du rendement applicable aux fins de l’établissement de la rémunération incitative sujette à recouvrement.

Dans quelles circonstances l’obligation de récupération sera-t-elle déclenchée?

L’obligation de récupération sera déclenchée si l’émetteur a dû procéder à un redressement comptable parce qu’il n’a pas respecté, à un égard important, une obligation d’information financière prévue par les lois sur les valeurs mobilières, y compris aux fins suivantes :

  • soit corriger une erreur qui s’était glissée dans des états financiers déjà publiés et qui se révèle importante pour ceux-ci;
  • soit corriger dans la période en cours une erreur qui s’était glissée dans des états financiers déjà publiés et qui, même si elle n’est pas importante pour ceux-ci, entraînerait une inexactitude importante si elle était corrigée dans la période en cours, ou si elle n’était pas corrigée dans la période en cours.

Par rapport à son projet initial, la SEC a délibérément choisi d’élargir l’étendue du critère de déclenchement pour inclure la correction d’une erreur commise antérieurement qui n’obligerait pas l’émetteur à déposer de nouveau les états financiers antérieurs, si la correction, ou la non-correction, devait revêtir de l’importance pour les états financiers de la période en cours. Au moment de décider de redresser ou non les erreurs qui s’étaient glissées dans des états financiers de périodes antérieures, les émetteurs devront examiner attentivement les effets cumulés qu’une erreur pourrait avoir sur les périodes subséquentes et agir avant que l’erreur ne devienne importante.

Le redressement d’états financiers qui ne résulte pas de la correction d’une erreur n’entraîne pas l’application des règles en matière de récupération. Par exemple, un redressement attribuable à un changement de principes comptables, à certaines restructurations internes, à certains ajustements liés à des regroupements d’entreprises et aux corrections découlant d’un fractionnement d’actions n’est pas considéré comme un redressement attribuable à une « erreur » déclenchant l’obligation de récupération.

L’obligation pour un émetteur de récupérer la rémunération incitative versée en trop ne dépend pas de la question de savoir si ou de la date à laquelle ses états financiers redressés ont été déposés. Cette obligation est plutôt déclenchée lorsque l’émetteur est tenu de procéder à un redressement comptable (accounting restatement), ce qui, selon la définition de la SEC, se produit à la première des dates suivantes à survenir :

  • la date à laquelle le conseil d’administration, un comité du conseil d’administration ou, si l’intervention du conseil n’est pas requise, le ou les dirigeants de l’émetteur autorisés à prendre une telle mesure concluent ou devraient raisonnablement avoir conclu que l’émetteur est tenu de procéder à un redressement comptable du fait qu’il n’a pas respecté, à un égard important, l’une ou l’autre des obligations d’information financière prévues par les lois sur les valeurs mobilières applicables;
  • la date à laquelle un tribunal, une autorité de réglementation ou un autre organisme autorisé par la loi enjoint à l’émetteur de procéder à un redressement comptable.

De façon générale, la première date devrait coïncider avec la survenance de l’événement décrit à l’Item 4.02(a) du Formulaire 8-K [non-reliance on previously issued financial statements], bien que ni le dépôt d’un Formulaire 8-K en bonne et due forme, ni l’établissement du montant exact de l’erreur ne soient requis pour qu’il y ait déclenchement de l’obligation de récupération.

Le critère de déclenchement prévu par les règles en matière de récupération est un critère « sans égard à la faute ». Contrairement aux dispositions de récupération applicables au chef de la direction et au chef des finances prévues par la loi SOX, il n’est pas nécessaire de conclure que le redressement est attribuable, du moins en partie, au fait que le dirigeant visé a eu un comportement répréhensible.

Une fois déclenchée, l’obligation de récupération vise toute rémunération incitative reçue au cours des trois exercices terminés précédant immédiatement la date de déclenchement de l’obligation de récupération. Dans le cas des émetteurs qui ont modifié la date de clôture de leur exercice au cours de la période rétrospective de trois ans, la période de transition qui se situe pendant ou après cette période de trois ans est incluse.

Nous nous attendons à ce que la plupart des émetteurs canadiens inscrits à la cote d’une bourse américaine et qui ont une politique en matière de récupération aient à revoir leur politique de sorte que leur critère de déclenchement cadre avec celui qui est prévu dans les règles en matière de récupération.

Quelle est la définition de rémunération « incitative » et de rémunération « non incitative »?

Les règles en matière de récupération définissent la rémunération « incitative » comme étant une rémunération octroyée, gagnée ou dont les droits sont acquis en fonction, en totalité ou en partie, de l’atteinte d’une mesure financière. Les mesures financières sont les mesures qui sont établies et présentées conformément aux principes comptables (y compris les mesures financières non conformes aux PCGR) utilisés dans le cadre de la préparation des états financiers de l’émetteur, et les mesures qui découlent totalement ou en partie de ces mesures . À la lumière des règles en matière de récupération, il est clair que la SEC considère le cours des actions et le rendement total pour les actionnaires (RTA) comme des mesures financières.

Le tableau qui suit donne des exemples de ce qui est, et de ce qui n’est pas, considéré comme une rémunération incitative en vertu des règles en matière de récupération :

Rémunération incitative

Rémunération non incitative

  • Les primes gagnées en totalité ou en partie compte tenu de l’atteinte d’un objectif de rendement fondé sur une mesure financière.
  • Les salaires (sauf une partie d’un salaire gagnée en totalité ou en partie en fonction de l’atteinte d’une mesure financière).
  • Les primes versées au moyen d’une somme globale affectée aux primes si cette somme est établie en totalité ou en partie en fonction de l’atteinte d’un objectif de rendement fondé sur une mesure financière.
  • Les primes versées uniquement au gré du comité de rémunération ou du conseil qui ne sont pas prélevées sur la « somme globale affectée aux primes » (bonus pool) et dont le montant est établi en totalité ou en partie en fonction de l’atteinte d’un objectif de rendement fondé sur une mesure financière.
  • Les attributions de titres de capitaux propres (comme les actions assujetties à des restrictions, les droits à la valeur d’actions assujetties à des restrictions, les droits à la valeur d’actions liés au rendement, les options d’achat d’actions et les droits à la plus‑value d’actions) octroyées ou dont les droits ont été acquis en fonction, en totalité ou en partie, de l’atteinte d’un objectif de rendement fondé sur une mesure financière.
  • Les primes versées uniquement en fonction du respect d’une ou de plusieurs normes subjectives (p. ex. un leadership démontré) et/ou à la fin d’une période d’emploi déterminée.
  • Le produit tiré de la vente d’actions acquises aux termes d’une attribution de titres de capitaux propres qui a été octroyée ou dont les droits ont été acquis en fonction, en totalité ou en partie, de l’atteinte d’un objectif de rendement fondé sur une mesure financière.
  • Les attributions aux termes d’un régime incitatif non fondé sur des titres de capitaux propres gagnées uniquement au moment de la mise en œuvre d’une ou de plusieurs mesures stratégiques, comme la réalisation d’une fusion ou d’un dessaisissement, ou une mesure d’exploitation, comme l’ouverture d’un certain nombre de magasins, l’achèvement d’un projet ou l’augmentation d’une part de marché.

 

  • Les attributions de titres de capitaux propres dont l’octroi n’est pas assujetti à l’atteinte d’un objectif de rendement fondé sur une mesure financière et dont l’acquisition des droits est assujettie à la condition uniquement qu’une certaine période d’emploi soit terminée et/ou qu’une ou plusieurs mesures d’information non financière soient atteintes.


Par conséquent, les options d’achat d’actions, les droits à la valeur d’actions assujetties à des restrictions et les actions assujetties à des restrictions dont les droits s’acquièrent au fil du temps ne constituent pas de la rémunération « incitative » (incentive-based), si le montant de l’octroi n’était pas lié à l’atteinte d’objectifs ou de mesures de rendement.

À quel moment la rémunération incitative est-elle réputée avoir été « reçue »?

La rémunération incitative est réputée avoir été reçue au cours de l’exercice durant lequel la mesure financière précisée est atteinte (peu importe le moment où elle a été octroyée ou versée), et ce, même si certaines conditions relatives au paiement n’ont pas été respectées (comme des conditions supplémentaires relatives aux années de service ou l’attestation de critères de rendement par le conseil). Par conséquent, même si d’autres conditions relatives à une attribution existent, i) si l’octroi d’une attribution est fondé, en totalité ou en partie, sur l’atteinte d’une mesure financière, l’attribution est réputée avoir été reçue au cours de l’exercice durant lequel cette mesure a été atteinte; ii) si les droits afférents à une attribution de titres de capitaux propres s’acquièrent seulement au moment de l’atteinte d’une mesure financière, l’attribution est réputée avoir été reçue au cours de l’exercice durant lequel ces droits ont été acquis et iii) si une attribution en espèces est gagnée au moment de l’atteinte d’une mesure financière, elle est réputée avoir été reçue au cours de l’exercice durant lequel cette mesure a été atteinte.

Quelle est la somme recouvrable en vertu des règles en matière de récupération?

Toute rémunération accordée par erreur peut être recouvrée en vertu des règles en matière de récupération. Par rémunération attribuée par erreur, on entend la tranche de la rémunération incitative reçue en sus de celle qui aurait autrement été reçue si elle avait été établie sur la base des montants redressés, et ce, sans égard aux impôts payés.

Les règles en matière de récupération exigent que l’émetteur recalcule la mesure financière applicable en fonction des résultats financiers redressés et recalcule la rémunération incitative qui aurait été reçue en fonction de cette mesure recalculée. Tout montant négatif ou positif appliqué en toute discrétion dans le cadre de l’établissement de la somme initialement reçue par le haut dirigeant doit également être appliqué au montant recalculé.

Si la rémunération incitative est fondée en partie seulement sur l’atteinte d’un objectif de rendement fondé sur une mesure financière, l’émetteur doit d’abord déterminer quelle portion de la rémunération incitative initiale était fondée sur la mesure financière qui a été redressée et le montant recalculé doit refléter uniquement la portion concernée.

En ce qui a trait à la rémunération incitative fondée sur le cours des actions ou le RTA, si le montant de la rémunération attribuée par erreur ne fait pas l’objet d’un recalcul mathématique effectué directement en fonction de l’information qui figure dans les états financiers redressés, la somme recouvrable peut être déterminée en fonction d’une estimation raisonnable de l’incidence du redressement comptable sur la mesure applicable. L’émetteur peut utiliser diverses méthodes assorties de niveaux de complexité et de coûts différents afin d’obtenir des estimations raisonnables. L’émetteur est tenu de documenter sa démarche aux fins de l’établissement de cette estimation raisonnable et de fournir la documentation en question à la Bourse pertinente.

En ce qui a trait à la rémunération incitative fondée sur une mesure financière qui est appliquée à la somme globale en fonction de laquelle les attributions sont octroyées, si la somme globale calculée à l’aide de la mesure financière recalculée est inférieure au montant total qui a été attribué en fonction de la somme globale initiale, une quote-part de l’insuffisance est appliquée à la rémunération incitative reçue par chaque haut dirigeant ou ancien haut dirigeant à partir de la somme globale. En d’autres termes, lorsque la mesure financière s’applique à une somme globale, les règles en matière de récupération ne prévoient pas de recouvrement différencié entre les hauts dirigeants, même si le conseil a exercé un pouvoir discrétionnaire quant à l’attribution des primes individuelles à partir de la somme globale.

En ce qui concerne la rémunération différée non admissible, le solde du compte ou les distributions du haut dirigeant seront réduits de la rémunération incitative versée en trop au régime de rémunération différée non admissible et de l’intérêt ou des autres gains cumulés sur celle-ci aux termes de ce régime.

En ce qui a trait aux attributions de titres de capitaux propres, si les actions, options ou droits à la plus-value des actions sont toujours détenus au moment du recouvrement, la somme recouvrable correspondra au nombre reçu en sus du nombre qui aurait dû être reçu compte tenu de la mesure financière redressée ou de la valeur du nombre reçu en trop. Si les actions sous-jacentes ont été vendues, la somme recouvrable correspondra au produit de la vente reçu par le haut dirigeant à l’égard du nombre d’actions reçu en trop. Si les actions ont été obtenues à l’exercice et au paiement d’un prix d’exercice, la somme recouvrable serait réduite en vue de refléter le prix d’exercice applicable payé.

Dans tous les cas, la somme recouvrable sera calculée avant impôts pour s’assurer que la société recouvre le plein montant de la rémunération incitative qui a été attribuée par erreur. La SEC estime que le recouvrement avant impôts permet également d’éviter d’avoir à calculer les sommes recouvrables en fonction de la situation fiscale particulière de chaque haut dirigeant et de devoir payer les coûts administratifs connexes. Il y a lieu de préciser que les émetteurs canadiens qui ont adopté leurs propres politiques en matière de récupération de la rémunération tiennent souvent compte des incidences fiscales pour le haut dirigeant concerné ou ont le pouvoir discrétionnaire de le faire, de sorte que le haut dirigeant ne se retrouve pas dans une situation pire que si la rémunération n’avait jamais été attribuée. Les règles en matière de récupération ne le permettent pas.

L’émetteur est-il tenu de procéder au recouvrement et quelle est l’étendue de son pouvoir discrétionnaire?

L’émetteur doit procéder au recouvrement, sauf dans les circonstances suivantes :

  • Cela est impossible parce que les coûts pour celui‑ci ou ses actionnaires seraient excessifs.
  • Dans le cas d’un émetteur qui n’est pas un émetteur américain, cela violerait les lois de son pays d’origine en vigueur avant le 28 novembre 2022.
  • Cela ferait en sorte qu’un régime de retraite par ailleurs admissible aux fins de l’impôt ne respecte plus les exigences de l’Internal Revenue Code.

Lorsqu’il évalue si le recouvrement entraînerait des coûts excessifs, l’émetteur peut s’abstenir de procéder au recouvrement uniquement si les coûts de recouvrement directs excèdent les sommes recouvrables. Avant de conclure qu’il sera impossible de recouvrer les sommes en raison des coûts, l’émetteur doit d’abord faire une tentative raisonnable de recouvrement; il doit aussi documenter sa tentative et fournir cette documentation à la Bourse pertinente.

Pour conclure qu’il est impossible de recouvrer des sommes en raison de restrictions imposées par les lois du pays d’origine, l’émetteur doit d’abord obtenir un avis du conseiller juridique du pays d’origine, jugé acceptable par la Bourse, selon lequel le recouvrement entraînerait une telle violation. La SEC a expressément décidé de ne pas autoriser d’exception lorsque le recouvrement violerait les lois du pays dans lequel le haut dirigeant réside, s’il est différent du pays d’origine de l’émetteur.

Il incombe au comité d’administrateurs indépendants de l’émetteur qui est responsable des décisions en matière de rémunération des dirigeants de déterminer s’il est possible ou non de procéder à un recouvrement, et une telle détermination sera sujette à examen par la Bourse.

Sous réserve de toute décision suivant laquelle il est impossible de procéder à un recouvrement auprès d’un haut dirigeant, les règles en matière de récupération ne permettent pas aux émetteurs de décider par eux-mêmes de renoncer à un recouvrement ou de procéder à un recouvrement différencié entre les hauts dirigeants. En règle générale, l’émetteur ne peut accepter de recouvrer une somme inférieure au plein montant du recouvrement, sauf s’il lui est impossible de le recouvrer, mais il peut établir à son gré le mode de recouvrement pour autant qu’il le fasse dans un délai raisonnable, compte tenu des faits et des circonstances propres à l’émetteur, à la rémunération incitative et au haut dirigeant. Les Bourses sont autorisées à adopter des règles plus contraignantes.

L’exception concernant les régimes de retraite par ailleurs admissibles aux fins de l’impôt aux États-Unis a été ajoutée par respect des règles interdisant l’aliénation des prestations et des autres critères d’admissibilité applicables à ces régimes prévus par l’Internal Revenue Code. Il n’y a pas d’exception pour les régimes de retraite non américains soumis à des restrictions similaires.

Quelles sont les obligations d’information dans le cadre de l’utilisation de la politique en matière de récupération?

Les règles en matière de récupération exigent que les émetteurs inscrits communiquent leurs politiques en matière de récupération écrites. En outre, elles les obligent d’indiquer si un cas de déclenchement de redressement est survenu au cours du dernier exercice et, le cas échéant, les mesures qu’ils ont pris à cet égard. Plus précisément :

  • Tous les émetteurs devront annexer leur politique en matière de récupération à leur rapport annuel déposé sur formulaire 10-K, formulaire 20-F ou formulaire 40-F, selon le cas. En conséquence, la politique sera également soumise à la surveillance de la SEC, en plus d’être une condition d’inscription à la cote.
  • En vertu du nouvel Item 402(w) du Regulation S-K, les émetteurs nationaux américains devront indiquer dans leurs rapports annuels et leurs circulaires de sollicitation de procurations et de consentements dans lesquelles doit être communiquée la rémunération de la direction conformément à l’Item 402 du Regulation S‑K la manière dont ils ont appliqué leur politique de recouvrement si, à quelque moment que ce soit durant leur dernier exercice terminé, i) un redressement ayant exigé le recouvrement d’une rémunération incitative versée en trop aux termes de leur politique de recouvrement a été effectué ou ii) une tranche de la rémunération incitative versée en trop établie en application de cette politique à un redressement antérieur demeurait impayée à la fin de cet exercice terminé. Dans ces cas, l’émetteur inscrit sera tenu de fournir l’information suivante :
    • Pour chaque redressement :
      • la date à laquelle l’émetteur a été tenu de procéder à un redressement comptable;
      • le montant total en dollars de la rémunération incitative considérée comme ayant été versée en trop par suite d’un tel redressement comptable (y compris une analyse de la manière dont le montant a été calculé);
      • si la mesure financière est liée au cours des actions ou au RTA, les estimations utilisées pour déterminer la rémunération incitative considérée comme ayant été versée en trop par suite d’un tel redressement comptable et la méthodologie utilisée;
      • le montant total en dollars de la rémunération incitative versée en trop qui demeure impayé à la fin du dernier exercice terminé;
      • si le montant de la rémunération incitative versée en trop n’a pas été déterminé, une explication de la raison de cette non-détermination.
    • Si le recouvrement est considéré comme impossible, pour chaque haut dirigeant visé actuel et ancien haut dirigeant visé, et pour tous les autres hauts dirigeants en tant que groupe :
      • le montant qui n’a pas été recouvré auprès de chacune des personnes et du groupe, et une brève description de la raison pour laquelle l’émetteur inscrit a décidé dans chaque cas de ne pas procéder au recouvrement;
      • le nom de chaque haut dirigeant visé actuel et ancien haut dirigeant visé, auprès de qui la rémunération incitative versée en trop, à la fin du dernier exercice terminé de l’émetteur, n’a pas été recouvrée pendant 180 jours ou plus depuis la date à laquelle l’émetteur a établi la somme due par cette personne, et le montant dû par cette personne.
  • Si l’émetteur procède à un redressement comptable, mais qu’il détermine que le recouvrement n’est pas nécessaire aux termes de sa politique de recouvrement, il doit expliquer pourquoi le recouvrement n’était pas nécessaire.

Les émetteurs privés étrangers, y compris les émetteurs canadiens recourant au RIM, seront tenus de fournir la même information que celle que les émetteurs nationaux américains doivent fournir sur les formulaires 20-F ou 40-F, selon le cas, en vertu de l’Item 402(w) du Regulation S-K. Ils ne seront toutefois pas tenus de fournir cette information dans les circulaires de sollicitation de procurations ou de consentements relatives à leurs titres.

  • Les obligations concernant l’information devant être fournie dans le tableau sommaire de la rémunération exigeront que toute somme recouvrée aux termes d’une politique de recouvrement d’un émetteur inscrit soit déduite du montant indiqué dans la colonne applicable du tableau sommaire de la rémunération pour l’exercice durant lequel la somme recouvrée a initialement été déclarée et que la somme en question soit indiquée dans une note de bas de page. La colonne « Total » serait également modifiée de la même manière. Cette exigence s’appliquera aux émetteurs canadiens qui satisfont aux obligations d’information sur la rémunération des dirigeants en fournissant l’information prévue à l’Item 402 du Regulation S-K, mais pas aux émetteurs canadiens qui fournissent de l’information sur la rémunération des dirigeants conformément aux exigences canadiennes prévues dans l’Annexe 51-102A6.
  • Les points de données et les blocs de texte particuliers inclus dans l’information à fournir sur le recouvrement de la rémunération doivent être marqués avec Inline XBRL, conformément à certaines exigences existantes et à venir de la SEC en matière de dépôt.

Les pages de couverture des formulaires 10-K, 20-F ou 40-F prévoient désormais des cases à cocher permettant d’indiquer si les états financiers de l’émetteur ont été corrigés ou redressés.

Les obligations d’information proposées fourniront de l’information qui pourrait faciliter la contestation, par les conseillers juridiques des demandeurs, de la façon dont l’émetteur administre sa politique en matière de récupération, y compris l’estimation raisonnable effectuée par l’émetteur des sommes devant être récupérées, la décision de la question de savoir s’il est impossible de procéder au recouvrement et les retards accusés dans le processus de recouvrement du plein montant.

Comment les nouvelles règles interagissent-elles avec l’article 304 de la loi SOX?

Les règles en matière de récupération et l’article 304 de la loi SOX pourraient prévoir le recouvrement de la même rémunération incitative. Si un haut dirigeant rembourse un émetteur en application de l’article 304 de la loi SOX, la somme remboursée devra être créditée dans la mesure où la politique en matière de récupération de l’émetteur en exige également le recouvrement. Cependant, l’inverse n’est pas vrai et le recouvrement ou non de sommes aux termes de la politique en matière de récupération de l’émetteur n’a aucune incidence sur l’interprétation de l’article 304 de la loi SOX ou le recouvrement de sommes aux termes de celui‑ci.

Le haut dirigeant peut-il être indemnisé ou assuré contre le montant de la récupération?

Les règles en matière de récupération interdisent à un émetteur inscrit d’indemniser un haut dirigeant actuel ou un ancien haut dirigeant pour la perte d’une rémunération attribuée par erreur. La règle définitive de la SEC reconnaît qu’un haut dirigeant puisse souscrire une police d’assurance de la responsabilité civile afin de financer ses obligations potentielles en matière de recouvrement, mais prévoit qu’il est interdit à un émetteur, aux termes de l’interdiction d’indemnisation, de payer ou de rembourser au dirigeant les primes versées pour cette police d’assurance. Si une couverture d’assurance est fournie dans le cadre d’une police d’assurance des administrateurs de type « Side A » à couverture étendue couvrant les hauts dirigeants, il peut être difficile de déterminer quelle portion de la prime, le cas échéant, doit être attribuée à une telle couverture.

À quel moment les règles définitives seront-elles adoptées et quelles sont les prochaines étapes?

Les projets de modification des règles boursières indiquent que les normes définitives d’inscription à la cote des bourses américaines mettant en œuvre les règles en matière de récupération entreront en vigueur le 2 octobre 2023. Les émetteurs inscrits seraient alors tenus d’adopter une politique en matière de récupération au plus tard 60 jours après la date d’entrée en vigueur. Les émetteurs inscrits devraient être prêts à mettre en œuvre une politique en matière de récupération qui s’y conforme pas plus tard que le 1er décembre 2023.

Les émetteurs inscrits devront se conformer à la politique en matière de récupération eu égard à toute rémunération incitative reçue par les hauts dirigeants actuels ou anciens hauts dirigeants à compter de la date d’entrée en vigueur. Étant donné que la rémunération est reçue au cours de l’exercice pendant lequel la mesure financière applicable est atteinte (indépendamment de la date d’octroi ou de règlement), la politique en matière de récupération s’appliquera à la rémunération incitative à court terme pour 2023 dans la mesure où elle dépend d’une mesure financière, ainsi qu’aux attributions de rémunération incitative à long terme en cours octroyées en 2023 et les années précédentes dans la mesure où l’acquisition des droits y afférents est fonction de l’atteinte d’une mesure financière, par exemple les droits à la valeur d’actions liés au rendement.

Nous recommandons aux émetteurs canadiens inscrits à la cote d’une bourse américaine de faire ce qui suit sans attendre :

  • Adopter une politique en matière de récupération conforme aux règles en matière de récupération, ou revoir leur politique existante en ce sens.
  • Revoir leurs régimes incitatifs fondés sur des titres de capitaux propres et les attributions fondées sur le rendement en cours pour qu’ils tiennent compte des règles en matière de récupération.
  • Envisager de réviser les contrats d’emploi des dirigeants afin qu’ils autorisent expressément l’émetteur à récupérer la rémunération conformément à sa politique en matière de récupération.
  • Réviser leurs conventions d’indemnisation des dirigeants existantes afin qu’elles stipulent que l’indemnisation n’est pas possible en cas de récupération de la rémunération incitative aux termes de la politique ou des lois applicables.
  • Envisager de modifier la combinaison de leur rémunération incitative et de leurs mesures de rendement pour les hauts dirigeants afin qu’elles tiennent compte des règles en matière de récupération.
  • Évaluer soigneusement l’importance relative des erreurs dans l’information financière en tenant compte des effets cumulés qu’elles pourraient avoir.

Nous recommandons également aux émetteurs canadiens qui ne sont pas inscrits à la cote d’une bourse américaine de commencer à réfléchir à leur approche en matière de récupération de la rémunération incitative payable aux dirigeants, à la lumière des règles en matière de récupération et des attentes des investisseurs. Étant donné le risque que les employés visés contestent toute obligation de remboursement découlant des règles en matière de récupération, les émetteurs devraient faire examiner attentivement leur politique en matière de récupération par un conseiller juridique.


[1] Les mesures financières comprennent, notamment, les produits d’exploitation, le bénéfice net, le bénéfice d’exploitation, la rentabilité d’un ou de plusieurs secteurs isolables, les ratios financiers comme la rotation des créances clients et les taux de rotation des stocks, l’actif net, le BAIIA, les flux de trésorerie ou flux de trésorerie ajustés provenant des activités d’exploitation, les mesures de liquidité comme le fonds de roulement et les flux de trésorerie d’exploitation, ainsi que les mesures de rendement comme le rendement du capital investi et le rendement de l’actif.