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Guide des nouvelles règles de déclaration des fiducies canadiennes

Le 7 mars 2024

Mise à jour : Le 28 mars 2024, l’Agence du revenu du Canada a annoncé ce qui suit : « L’Agence du revenu du Canada reconnaît que les nouvelles exigences de déclaration pour les simples fiducies ont eu des répercussions imprévues sur les Canadiennes et Canadiens. Elle n’exigera donc pas que les simples fiducies produisent une Déclaration de renseignements et de revenus des fiducies T3, y compris l’annexe 15 (Renseignements sur la propriété effective d’une fiducie) pour l’année d’imposition 2023, à moins qu’elle n’en fasse directement la demande. » L’annonce précisait qu’« [a]u cours des prochains mois, l’Agence travaillera avec le ministère des Finances afin de clarifier ses directives sur cette exigence de déclaration. L’Agence communiquera avec les Canadiens à mesure que d’autres renseignements seront disponibles. »

Le gouvernement fédéral canadien a adopté de nouvelles règles de déclaration des fiducies qui s’appliquent aux années d’imposition se terminant après le 30 décembre 2023, assorties de pénalités qui risquent d’être lourdes en cas de non-conformité. La première date limite de production en vertu des nouvelles règles pour les fiducies dont l’exercice se termine le 31 décembre 2023 est le 2 avril 2024 (le premier jour ouvrable suivant le délai de 90 jours).

Les nouvelles règles exigent qu’une plus vaste gamme de fiducies qu’avant produisent une déclaration de revenus et de renseignements des fiducies T3 (la « déclaration T3 »), y compris certaines simples fiducies, et élargissent les renseignements que la plupart des fiducies sont tenues de fournir. Deux récentes interprétations techniques de l’Agence du revenu du Canada (ARC) ont confirmé que les nouvelles règles ne s’appliquent qu’aux entités qui sont une fiducie en vertu du droit privé applicable (ou une fiducie réputée aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (LIR)), mais des incertitudes subsistent quant au champ d’application des nouvelles règles.

Un plus grand nombre de fiducies doivent produire une déclaration

En vertu des anciennes règles, un large éventail de fiducies étaient dispensées de déclarer leurs revenus au Canada à deux égards :

  1. Les contribuables non constitués en société, y compris les fiducies, n’ont pas eu à produire une déclaration de revenus pour une année d’imposition où ils n’avaient pas d’impôt à payer en vertu de la LIR, n’ont pas disposé de bien en immobilisation ou réalisé un gain en capital imposable (ou, pour les non-résidents, disposé de biens canadiens imposables ou réalisé un gain en capital imposable non exclu) et n’avaient pas de solde positif dans leur Régime d’accession à la propriété ou Régime d’encouragement à l’éducation permanente (l’exonération générale).
  2. Une référence à une « fiducie » dans la LIR est réputée exclure un arrangement aux termes duquel le fiduciaire peut raisonnablement être considéré comme agissant à titre de mandataire pour tous les bénéficiaires de la fiducie en ce qui concerne toutes les transactions à l’égard de tous les biens de la fiducie (l’exclusion de la simple fiducie). Selon les anciennes règles, les fiducies bénéficiant de l’exclusion de la simple fiducie n’étaient pas tenues de produire une déclaration.

Les nouvelles règles, adoptées en 2022 pour les années d’imposition se terminant après le 30 décembre 2023, annulent ces deux exonérations pour certaines fiducies :

  1. Une fiducie (i) qui réside au Canada (y compris certaines fiducies étrangères réputées résider au Canada) et (ii) qui est une fiducie expresse (ou, au Québec, qui n’a pas été établie par la loi ou par jugement) ne peut plus bénéficier de l’exonération générale, à moins de répondre à l’un des 15 critères énumérés par l’ARC pour les fiducies désignées, dont les suivants :
    1. la fiducie existe depuis moins de trois mois à la fin de l’année
    2. la fiducie ne détenait pas plus de 50 000 $ d’actifs tout au long de l’année, qui sont tous des types déterminés (y compris l’argent et les actions négociées sur une bourse désignée)
    3. la fiducie est un organisme de bienfaisance enregistré
    4. la fiducie est une fiducie de fonds commun de placement
    5. toutes les unités de la fiducie sont cotées à une bourse de valeurs désignée
    6. la fiducie est une succession assujettie à l’imposition à taux progressif
    7. la fiducie est instituée en vertu d’un régime, fonds ou compte déterminé, notamment un REER, un REEI, un REEE, un RPA et un CELI, ou régie par l’un d’eux

L’exonération générale continue de s’appliquer sans changement aux contribuables non constitués en société autres que les fiducies.

  1. Aux fins des nouvelles règles de déclaration des fiducies, la notion de fiducie englobe expressément une fiducie qui, autrement, a droit à l’exclusion de la simple fiducie. Par conséquent, une fiducie qui a droit à l’exclusion de la simple fiducie doit désormais produire une déclaration, même si elle continue d’être réputée ne pas être une fiducie aux termes de la plupart des autres dispositions de la LIR.

Dans deux interprétations techniques récentes, l’ARC a précisé que les nouvelles règles de déclaration s’appliquent seulement lorsqu’une fiducie existe en vertu du droit privé sous-jacent applicable (à savoir le droit civil au Québec et la common law ailleurs). Cet éclaircissement est le bienvenu, car certains commentateurs craignaient que la référence à « un arrangement » dans les nouvelles règles (qui reflète le libellé de l’exclusion de la simple fiducie) n’ait eu pour but d’élargir la portée des nouvelles règles à des entités qui ne sont pas autrement des fiducies en droit privé (ou à des entités qui ne sont pas autrement réputées être des fiducies aux fins de la LIR).

Par conséquent, les contribuables se doivent d’être au courant des nouvelles obligations de production et des exigences supplémentaires de divulgation énoncées ci-dessous dans les circonstances suivantes :

  1. Les fiducies ordinaires, les entités réputées être des fiducies aux fins de la LIR et les fiducies visées par l’exclusion de la simple fiducie sont assujetties aux règles de déclaration des fiducies, à moins d’être admissibles à une exonération.
  2. Les conventions de prête-nom ou de mandataire qui peuvent avoir des caractéristiques semblables à celles d’une fiducie, ou qui utilisent un libellé semblable à celui d’une fiducie dans la documentation pertinente, mais qui ne sont pas des fiducies en vertu du droit privé applicable, ne sont pas assujetties aux règles de déclaration des fiducies. Toutefois, l’existence de caractéristiques ou d’un libellé semblables à ceux d’une fiducie dans la documentation pertinente pourrait créer de l’incertitude quant à l’existence d’une fiducie en vertu du droit privé applicable et accroître de ce fait le risque que l’ARC, au terme d’un contrôle fiscal, décide qu’une fiducie existe en vertu du droit privé applicable. Dans ces circonstances, il peut donc s’avérer prudent de produire une déclaration en vertu des règles de déclaration des fiducies afin d’atténuer le risque que l’ARC impose des pénalités au terme d’un contrôle fiscal.
  3. Les conventions de prête-nom ou de mandataire qui ne sont pas des fiducies en vertu du droit privé ne sont pas assujetties aux règles de déclaration des fiducies. Par conséquent, les nouvelles règles ne créent aucune obligation de déclaration pour de telles conventions.

Il convient de noter que certains commentateurs ont laissé entendre qu’une fiducie pourrait être tenue de produire une déclaration dans les scénarios 2 et 3 ci-dessus. Toutefois, les récentes interprétations techniques de l’ARC (qui sont compatibles avec le texte des dispositions pertinentes) confirment que la déclaration ne devrait pas être exigée lorsqu’une fiducie n’existe pas en vertu du droit privé et qu’elle n’est pas réputée exister aux termes d’une disposition de la LIR.

Exigences élargies en matière de déclaration

Toutes les fiducies tenues de produire une déclaration T3 (autres que les fiducies désignées) doivent maintenant remplir la nouvelle annexe 15. Les renseignements clés exigés par l’annexe 15 sont les suivants :

  • le nom, l’adresse, la date de naissance (le cas échéant), le pays de résidence et le numéro d’identification du contribuable (p. ex., numéro d’assurance sociale ou d’entreprise) de
    • toute personne qui a été fiduciaire, bénéficiaire ou constituant de la fiducie à tout moment de l’année
    • toute personne qui, tout moment de l’année, a eu la capacité d’« exercer une influence sur les décisions du fiduciaire concernant l’affectation des revenus ou du capital de la fiducie » en vertu des dispositions de la fiducie ou d’un accord connexe
  • renseignements sur les bénéficiaires dont l’identité est inconnue au moment de la production de la déclaration (p. ex., enfants à naître et futurs conjoints)

Seuls les bénéficiaires dont l’identité est connue ou peut être vérifiée « avec un effort raisonnable » au moment de produire la déclaration doivent être énumérés. Des règles spéciales s’appliquent également à certaines fiducies autochtones et aux fiducies dont une partie, mais non la totalité, des parts sont cotées à une bourse désignée (auquel cas les renseignements ne doivent être fournis qu’à l’égard des bénéficiaires des catégories de parts non cotées de parts).

Le Guide des fiducies T3 – 2023 confirme que les bénéficiaires à inscrire aux fins de déclaration doivent être déterminés selon les principes généraux du droit des fiducies, plutôt que selon le sens élargi de « droit de bénéficiaire » en vertu de la LIR.

Le terme « auteur » a une signification plus large aux fins des règles de déclaration des fiducies qu’en droit privé. Tel qu’il est défini à ces fins, le terme « auteur » désigne toute personne ou société de personnes qui a consenti un prêt ou effectué un transfert de biens, directement ou indirectement, à la fiducie. Toutefois, cette définition exclut les prêts consentis à un taux d’intérêt raisonnable et les transferts effectués pour une contrepartie égale à la juste valeur marchande à la fiducie, dans chaque cas par une personne ou une société de personnes qui n’a aucun lien de dépendance avec la fiducie.

La fiducie qui produit une déclaration pour la première fois doit fournir une copie du document de fiducie (le cas échéant) si elle ne l’a pas déjà présenté à l’ARC (p. ex., lorsqu’elle demande un numéro de compte de fiducie). L’ARC a reconnu qu’un document de fiducie écrit peut ne pas exister, auquel cas il faut fournir une description de l’arrangement fiduciaire, y compris la date de création de la fiducie et le nom de tous les fiduciaires, bénéficiaires et constituants.

Lorsqu’une fiducie qui a droit à l’exclusion de la simple fiducie est assujettie aux nouvelles exigences de déclaration, il faut tenir compte du Guide des fiducies T3 – 2023 publié par l’ARC, qui donne des directives sur la façon de remplir la déclaration T3 (y compris le nom à utiliser si la fiducie n’a pas encore été nommée et les sections qui peuvent être laissées en blanc).

Pénalités et délai de grâce

Du nouveau : lorsqu’une fiducie a fait preuve de négligence grave en omettant de produire la déclaration dans le délai prévu, ou en faisant une fausse déclaration ou une omission dans la déclaration, elle sera assujettie à une pénalité égale à 5 % de la valeur de ses biens (soit la valeur la plus élevée au cours de l’année) ou à 2 500 $, selon le montant le plus élevé. Les fiducies désignées ne sont pas assujetties à la pénalité.

Exceptionnellement, l’ARC a annoncé qu’elle renoncera à la pénalité normale pour défaut de produire une déclaration lorsque la fiducie a droit à l’exclusion de la simple fiducie pour l’année d’imposition 2023. L’ARC a expliqué qu’elle « cherche tout d’abord à[...] informer [les fiducies] de ces nouvelles exigences » et qu’elle renoncera de façon proactive à la pénalité. Toutefois, la renonciation s’applique seulement à la pénalité normale pour défaut de produire une déclaration, mais non à la nouvelle pénalité pour négligence grave prévue au paragraphe précédent.

Analyse et points à retenir

Les nouvelles règles de déclaration créent un fardeau administratif important et, dans bien des cas, leur utilité pour l’ARC sera limitée. Néanmoins, les nouvelles pénalités substantielles obligent les contribuables à bien se conformer aux nouvelles règles, y compris en ce qui concerne certaines fiducies qui étaient auparavant dispensées de produire une déclaration.

Malheureusement, il subsiste des incertitudes quant à savoir si certaines conventions qui ont des caractéristiques semblables à celles d’une fiducie ou qui utilisent certains termes de fiducie peuvent être considérées comme des fiducies en vertu du droit privé applicable et, par conséquent, si elles doivent produire une déclaration. En particulier, le fait d’exiger que les fiducies qui ont droit à l’exclusion de la simple fiducie produisent une déclaration a amené certains commentateurs à craindre que d’autres arrangements dans lesquels il n’y a pas de fiducie établie en vertu du droit privé ne soient également tenus de produire une déclaration. Bien que les récentes interprétations techniques de l’ARC expliquent les règles de façon raisonnable et conforme à leur libellé, d’autres directives administratives seraient utiles pour rassurer les contribuables. Cette assurance est particulièrement importante compte tenu des lourdes pénalités qui peuvent être imposées en cas de non-conformité.

Lorsque la relation de fiducie est incertaine et qu’une déclaration T3 est produite par souci de prudence, il faut songer à signaler à l’ARC que la déclaration est produite par excès de prudence et par souci de protection, et qu’elle ne reconnaît en rien que l’arrangement constitue une fiducie. Cette communication contribuerait à invalider toute conclusion voulant que la production de la déclaration T3 soit en quelque sorte une preuve de l’existence d’une fiducie et que la partie déclarante agisse à titre de fiduciaire avec l’obligation fiduciale qui en découle (et qui est généralement plus onéreuse que celle des gardiens non fiduciaires).

Pour de plus amples renseignements sur les nouvelles règles de déclaration des fiducies, veuillez communiquer avec tout membre de notre groupe national de droit fiscal.