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Le point sur l’étude de l’AUC : L’Alberta annonce des zones inconstructibles et des exigences obligatoires en matière de garantie de remise en état pour les projets d’énergie renouvelable

Auteur(s) : Deirdre A. Sheehan, Paula Olexiuk, Simon C. Baines, Jacob A. Sadikman, Bryce Kustra

Le 29 février 2024

Le 28 février, la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, et le ministre de l’Abordabilité et des Services publics, Nathan Neudorf, ont annoncé les modifications prévues en matière de politique, de législation et de réglementation à la suite de la conclusion du module A de l’étude de la Commission des services publics de l’Alberta (AUC) sur le développement économique, ordonné et efficace de la production d’électricité dans la province.

Nous avons fait état de l’étude de l’AUC sur la production d’électricité dans les Bulletins d’actualités du 3 août 2023, du 8 septembre 2023, du 13 septembre 2023 et du 30 janvier 2024.

L’AUC a établi deux modules distincts pour l’examen des questions relevées par le gouvernement de l’Alberta dans le décret : le module A et le module B.

Le module A a tenu compte des facteurs suivants :

  1. l’aménagement de centrales électriques sur des catégories ou des types particuliers de terres agricoles ou environnementales
  2. l’incidence de l’aménagement des centrales électriques sur les paysages de l’Alberta
  3. la mise en œuvre d’exigences obligatoires concernant la garantie de la remise en état que devront fournir les centrales électriques
  4. l’aménagement de centrales électriques sur des terres appartenant à la Couronne du chef de l’Alberta

Le 31 janvier 2024, l’AUC a remis son rapport sur le module A au ministre de l’Abordabilité et des Services publics.

Le module B est en cours. Dans le cadre de cette procédure, l’AUC étudie l’incidence de la croissance accrue des ressources énergétiques renouvelables sur le bouquet énergétique et la fiabilité du réseau électrique. L’AUC remettra le rapport sur le module B au ministre de l’Abordabilité et des Services publics au plus tard le 29 mars 2024.

L’AUC a continué à traiter les demandes [PDF en anglais uniquement] pendant le moratoire jusqu’à l’étape de la décision liée aux nouvelles centrales qui produisent de l’électricité renouvelable.

Avec la levée du moratoire, le Generation Approvals Pause Regulation ayant pris fin le 29 février 2024, le ministre de l’Abordabilité et des Services publics a envoyé une lettre à l’AUC [PDF en anglais uniquement] afin de fournir des orientations stratégiques concernant les questions examinées dans le module A ainsi que les modifications ci-dessous en matière de politique, de législation et de réglementation.

1. Une approche qui privilégie l’agriculture

Le gouvernement de l’Alberta demandera à l’AUC d’adopter une approche qui privilégie l’agriculture lors de l’approbation des futurs projets de production d’électricité renouvelable, afin de garantir que les prairies indigènes, les terres irrigables et les terres productives de l’Alberta continuent d’être disponibles pour la production agricole. Des normes améliorées seront mises en place pour l’élaboration de projets sur les terres agricoles de catégorie 1 et de catégorie 2, selon la classification du Alberta Land Suitability Rating System (LSRS). L’Alberta ne possède pas de terres agricoles de catégorie 1 selon le LSRS, mais les terres agricoles de catégorie 2 selon le LSRS représentent environ 25 % des terres de ce que l’on appelle la zone blanche[1] de l’Alberta.

Si un projet est proposé sur des terres agricoles de catégorie 1 ou 2, les promoteurs doivent démontrer que les cultures ou le bétail peuvent coexister avec le projet de production d’énergie renouvelable. Il pourrait s’agir, par exemple, d’un plan démontré pour l’agrivoltaïsme ou le pâturage de moutons parallèlement aux projets solaires, ou de la démonstration claire que la poursuite de la croissance des cultures et du pâturage du bétail est possible après la mise en œuvre d’un projet éolien. À l’heure actuelle, la portée et l’ampleur de l’intégration et de la coexistence agricoles requises ne sont pas définies.

L’AUC a commencé à tenir compte de cette approche qui privilégie l’agriculture depuis le 1er mars 2024, et a indiqué que cette approche ne serait pas appliquée rétroactivement.

2. Garanties de remise en état en vue d’un aménagement futur

Le gouvernement de l’Alberta élaborera et mettra en œuvre les outils politiques et législatifs nécessaires pour veiller à ce que les promoteurs soient responsables des coûts de remise en état au moyen d’exigences en matière de caution ou de garantie, les montants et l’échéancier relatifs à la garantie devant être déterminés par le ministère de l’Environnement et des Zones protégées, en consultation avec le ministère de l’Abordabilité et des Services publics. Les promoteurs seront responsables des coûts de remise en état, qui seront soit versés directement au gouvernement de l’Alberta, soit négociés avec les propriétaires fonciers si des preuves suffisantes sont fournies à l’AUC.

De plus, l’AUC aura besoin de plus de détails sur les engagements en matière de remise en état dans le cadre du processus de demande et participera activement à un processus visant à déterminer le niveau approprié de garantie de remise en état pour chaque projet. Lors de la conférence de presse du gouvernement du 28 février 2024, la première ministre Danielle Smith a indiqué qu’une structure de fiducie pour la remise en état, dans laquelle les promoteurs verseraient des montants au fil du temps, pourrait être une solution judicieuse. Une contribution progressive à la garantie de remise en état serait une meilleure solution pour les promoteurs d’énergies renouvelables que certaines autres, comme l’obligation de déposer la totalité de la garantie de remise en état avant le début des travaux (ce qui comporte des coûts connexes).

Les nouvelles exigences s’appliqueront à toutes les approbations de l’AUC émises depuis le 1er mars 2024.

3. Zones tampons entourant les secteurs protégés et les « paysages immaculés »

Le gouvernement de l’Alberta élaborera et mettra en œuvre les outils politiques et législatifs nécessaires pour établir des zones tampons, d’au moins 35 kilomètres, autour des secteurs protégés ou d’autres « paysages immaculés ». La portée de cette zone d’exclusion n’est pas claire, mais elle pourrait être vaste, car l’Alberta compte 464 zones protégées représentant 4 551 912,39 hectares de terres.[2]

Les nouveaux projets éoliens ne seront plus permis dans ces zones d’exclusion, et les autres projets d’aménagement situés dans ces zones tampons pourraient faire l’objet d’une évaluation de leur incidence visuelle avant d’être approuvés.

L’AUC devra également effectuer des visites sur place afin de déterminer les répercussions sur les paysages dans le cadre du processus d’approbation. La province n’a pas encore fourni de définition de l’expression « paysages immaculés » et a indiqué qu’elle collaborerait avec le ministère de l’Environnement et des Zones protégées, le ministère des Forêts et des Parcs et le ministère du Tourisme et des Sports pour répertorier les zones qui seraient considérées comme des « paysages immaculés ».

De toutes les annonces, c’est probablement celle qui crée le plus d’incertitude et qui risque de poser le plus de problèmes aux promoteurs de projets éoliens. Étant donné l’importance des délais et des coûts initiaux pour l’aménagement d’un projet éolien, il est important que les promoteurs sachent dès le premier jour si les options de location ou les autres accords fonciers qu’ils concluent se situent ou non dans une région où les paysages sont immaculés. Il sera important que le gouvernement de l’Alberta apporte des précisions sur cette règle le plus tôt possible afin que l’aménagement de nouveaux projets éoliens puisse se poursuivre.

Le gouvernement a indiqué que cette modification en matière de politique ne s’appliquera pas rétroactivement aux projets approuvés et qu’elle n’aura une incidence que sur les approbations de projet émises depuis le 1er mars 2024.

4. Terres de la Couronne

Le gouvernement de l’Alberta élaborera et mettra en œuvre les outils politiques et législatifs nécessaires pour permettre l’aménagement de projets de production d’énergie renouvelable sur les terres de la Couronne, au cas par cas. Les projets d’aménagement sur les terres de la Couronne seront soutenus par une nouvelle politique qui nécessitera un engagement important, notamment avec les communautés autochtones, avant que toute modification en matière de politique ne soit mise en œuvre. Dans l’ensemble, il s’agit d’une avancée positive pour les promoteurs de projets d’énergie renouvelable, car il n’existait jusqu’à présent aucune politique permettant d’accorder des droits fonciers pour des projets d’énergie renouvelable sur les terres de la Couronne de l’Alberta, ce qui ouvre la possibilité de réaliser des projets d’énergie renouvelable sur une superficie supplémentaire de 60 % du territoire de l’Alberta.[3]

L’intention du gouvernement actuel est d’élaborer et de mettre en œuvre ces modifications en matière de politique et de législation d’ici la fin de 2025.

5. Prise en compte des marges de recul appropriées

Dans sa lettre à l’AUC, le ministre indique que celle-ci mènera une procédure ou un autre processus afin d’examiner les marges de recul appropriées des infrastructures d’énergie renouvelable par rapport aux résidences voisines et à d’autres infrastructures importantes.

Aucun échéancier n’est prévu pour cette modification en matière de politique.

6. Participation municipale

L’AUC accordera automatiquement aux municipalités le droit de participer à ses audiences et au processus de délivrance de permis. On parle notamment de la possibilité pour les municipalités de demander une aide pour participer aux processus de l’AUC et de l’élargissement de l’admissibilité au recouvrement des coûts pour les municipalités afin de réduire les obstacles à la participation dans les cas où elles ont l’intention de déposer des preuves ou des arguments d’experts qui aideront l’AUC.

L’AUC s’est également engagée à permettre aux municipalités d’examiner les règles relatives aux exigences municipales en matière de présentation tout en clarifiant les exigences en matière de consultation. Aucun échéancier n’est prévu pour cette modification en matière de politique.

7. Modifications à venir apportées au règlement sur le transport de l’électricité

Le ministre de l’Abordabilité et des Services publics a indiqué que des modifications seraient apportées au règlement sur le transport de l’électricité de l’Alberta (règlement 86/2007 de l’Alberta) à la suite de la publication du livre vert sur le transport d’électricité [PDF en anglais seulement]. On s’attend à ce que ces modifications soient apportées dans les mois à venir et que les projets d’énergie renouvelable fassent l’objet de modifications en ce qui concerne la répartition des coûts de transport d’électricité.

Nous avons résumé les recommandations du livre vert dans notre Bulletin d’actualités de la fin janvier. La possibilité d’affecter ces coûts à des projets d’énergie renouvelable existants (ou en construction), et dans quelle mesure, n’a pas été précisée dans l’annonce du ministre et reste une préoccupation majeure pour les acteurs du secteur.

Incidence sur les projets

Le ministre a déclaré que ces nouvelles politiques ne s’appliqueront qu’aux approbations de projets d’énergie renouvelable à venir, et non pas rétroactivement aux projets existants, bien que leur application par rapport aux modifications des autorisations existantes n’ait pas été confirmée. Néanmoins, les promoteurs de projets d’énergie renouvelable de la province restent confrontés à une grande incertitude.

Bien que les détails de ces modifications en matière de politique n’aient pas encore été élaborés, l’annonce du ministre introduit des restrictions potentiellement importantes sur l’emplacement des installations de production d’énergie renouvelable. En outre, étant donné que le montant et le cadre de la garantie de remise en état sont encore en cours d’élaboration et que l’attribution des coûts de transport d’électricité est incertaine, les implications pour les aspects économiques des projets de production d’énergie renouvelable proposés restent floues.

À la suite de l’annonce du gouvernement, l’AUC a publié le Bulletin 2024-03, qui fait le point sur son processus d’examen des demandes, afin de faciliter la reprise de la délivrance des approbations le 1er mars 2024. Les demandes des centrales électriques touchées par le moratoire seront évaluées au cas par cas. Selon les circonstances propres à chaque demande et la pertinence des preuves existantes, des étapes supplémentaires peuvent être nécessaires pour les demandes en cours d’examen par l’AUC. L’AUC communiquera avec les parties concernées par chaque demande existante pour fournir des détails sur les prochaines mesures à prendre dans le cadre du processus.

Le Bulletin 2024-03 indique également que l’AUC lancera une consultation avec les parties prenantes pour discuter de sujets propres à la règle 007.[4] Parmi ces sujets, citons entre autres ceux qui ont été abordés dans le module A de l’étude, ainsi que ceux qui font l’objet de propositions de modifications en matière de politique, de législation et de réglementation de la part du gouvernement de l’Alberta. En septembre 2023, l’AUC a publié les exigences provisoires en matière de renseignements de la règle 007 [PDF en anglais seulement] pour les nouvelles demandes de centrales électriques liées aux terres agricoles, aux paysages, à la garantie de remise en état et à l’aménagement du territoire. Ces exigences provisoires en matière de renseignements continueront d’être en vigueur pour toutes les demandes actuelles et futures après la fin du moratoire, et l’AUC évaluera si ces exigences doivent être incorporées de façon permanente à la règle 007 dans le cadre de sa consultation. L’AUC fournira des détails supplémentaires au sujet du processus de consultation sur la règle 007 en temps et lieu.

Osler continuera de suivre ces développements de près. Notre cabinet possède une vaste expérience en ce qui concerne la fourniture de conseils aux entreprises de services publics et aux producteurs, tant en Alberta qu’ailleurs au Canada. Si vous avez des questions concernant les implications liées à l’évolution du contexte politique, veuillez communiquer avec un membre des groupes Affaires réglementaires ou Énergie d’Osler ou avec les auteurs de cet article.


[1] La zone blanche (partie habitée) comprend les régions peuplées du centre, du sud et de la rivière de la Paix de la province. La zone verte (partie boisée) comprend la plus grande partie du nord de l’Alberta ainsi que les montagnes et les contreforts le long de la frontière ouest de la province. Source : Gouvernement de l’Alberta, « Sustainable Forest Management: 2015 Facts & Statistics », 2017.

[2] Voir le registre des zones protégées compilées dans le Land Reference Manual. Source : Alberta Parks, « Land Reference Manual », 25 mai 2023.

[3] Gouvernement de l’Alberta, « Alberta Crown Land Vision », 15 janvier 2021.