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La lutte contre le blanchiment d’argent au Canada: Entreprises de services monétaires (ESM) nationales et étrangères

Auteur(s) : Elizabeth Sale, Haley Adams, Malcolm Aboud, Chelsea Rubin

May 5, 2021

Electronic currency exchange notice board with several currencies listed

Pour les modifications qui s'appliqueront de façon générale à tous les secteurs d'entités déclarantes à compter du 1er juin 2021, veuillez consulter la première partie du guide.

Lire la première partie

Obligations supplémentaires pour les entreprises de services monétaires étrangères.

Le règlement antérieur imposait certaines obligations aux entreprises de services monétaires étrangères (ESME), mais seules les entreprises de services monétaires nationales étaient tenues de se conformer à une gamme complète d’obligations, aux termes de la LRPCFAT. Cependant, les Modifications exigent que les ESME se conforment, dans l’ensemble, aux dispositions de la LRPCFAT. À compter du 1er juin 2021, les obligations des ESME correspondront en grande partie à celles des ESM nationales, dans la mesure où les activités d’une ESME ont un lien avec des clients au Canada.[1] Étant donné que les obligations des ESM et des ESME aux termes de la LRPCFAT se chevauchent en grande partie à compter du 1er juin 2021, les allusions aux ESM qui suivent dans le présent guide désigneront tant les ESM nationales qu’étrangères, à moins d’indication contraire.

Établissement de relations d’affaires

En février, CANAFE a publié une nouvelle directive qui entre en vigueur le 1er juin 2021 et qui redéfinit les situations dans lesquelles les ESM sont considérées avoir établi une relation d’affaires. Cela a des répercussions importantes sur diverses obligations imposées aux ESM aux termes de la LRPCFAT et de son Règlement, car l’établissement d’une « relation d’affaires » entraîne des obligations en matière de détermination de bénéficiaire effectif, de contrôle continu et de certains filtrages de PPV et de DOI. Selon la nouvelle définition, une ESM établit une relation d’affaires avec un client

  • lorsqu’une ESM est tenue de vérifier l’identité d’un client pour une deuxième fois au cours d’une période de cinq ans;
  • lorsqu’une ESM conclut un accord de service avec une entité (avec une ESM nationale uniquement) ou avec une entité se trouvant au Canada (avec une ESM étrangère uniquement) en vue de la fourniture de l’un des services suivants :
    • les opérations de change
    • la remise ou la transmission de fonds
    • l’émission ou le rachat de mandats-poste, de chèques de voyage ou d’autres titres négociables semblables, à l’exclusion des chèques libellés au nom d’une personne ou d’une entité
    • le commerce de monnaie virtuelle

Exigences relatives au besoin de bien connaître son client

Le 22 mars 2021, CANAFE a publié une nouvelle directive sur le moment auquel les entreprises de services monétaires nationales et étrangères doivent vérifier l’identité de personnes et d’entités de façon à tenir compte des Modifications. Cette directive entre en vigueur le 1er juin 2021.

Parmi les changements apportés par rapport à la directive précédente, on remarque ceux-ci :

  • des exigences supplémentaires concernant la vérification de l’identité des clients en cas d’opérations importantes en monnaie virtuelle (l’équivalent d’au moins 10 000 $), assujetties à la règle de 24 heures;
  • des exigences supplémentaires concernant le transfert ou les opérations de change en monnaie virtuelle d’un montant équivalant à 1 000 $ au moment de l’opération, ou lors de la remise de monnaie virtuelle à un bénéficiaire, d’un montant de 1 000 $ ou plus, ou l’équivalent;
  • des exigences supplémentaires concernant la vérification de l’identité d’une personne morale ou de toute autre entité 30 jours après la date à laquelle le dossier de renseignements est créé pour l’échange ou le transfert de monnaie virtuelle;
  • une exception supplémentaire : il n’est pas nécessaire de vérifier l’identité d’une personne ou d’une entité qui effectue une opération importante en monnaie virtuelle si la monnaie virtuelle est reçue d’une entité financière, d’un organisme public ou d’une personne agissant pour le compte d’une entité financière ou d’un organisme public.

Filtrage des personnes politiquement vulnérables et des dirigeants d’organisations internationales

À compter du 1er juin 2021, toutes les ESM sont tenues de procéder à un filtrage de PPV, de DOI, de membres de leur famille et des personnes qui leur sont étroitement associées. En prévision de cette exigence et d’autres changements apportés au filtrage des PPV et des DOI aux termes des nouvelles Modifications, CANAFE a publié en mai une nouvelle directive qui entre en vigueur le 1er juin. La nouvelle directive, qui comporte des obligations d’application générale pour toutes les ED, y compris les ESM, est décrite en détail à la Partie 1. La nouvelle directive comportant les obligations particulières aux entités déclarantes dont les activités ne sont pas liées à des comptes (y compris les ESM) est disponible auprès de CANAFE.

En résumé

  • Exigence de prendre des « mesures raisonnables pour déterminer » le statut de PPV et de DOI aux termes de la nouvelle directive
    • Les ESM doivent prendre des mesures raisonnables pour déterminer si la personne avec laquelle elles établissent une relation d’affaires est une PPV, un DOI, un membre de leur famille ou une personne qui leur est étroitement associée.
    • Les ESM ont également l’obligation de déterminer périodiquement si elles exercent des activités avec une PPV, un DOI, un membre de leur famille ou une personne qui leur est étroitement associée.
    • Si des employés ou des dirigeants constatent un fait qui donne naissance à un motif raisonnable de soupçonner une relation d’affaires avec une PPV, un DOI, un membre de leur famille ou une personne étroitement associée à une PPV ou à un DOI, il faut prendre les mesures raisonnables pour déterminer s’il s’agit d’une telle personne, aux termes de la nouvelle directive.
  • Selon la nouvelle directive, une fois qu’il a été déterminé qu’une personne est un EPV (ou un membre de la famille d’un EPV ou une personne qui lui est étroitement associée), un NPV ou un DOI à risque élevé (ou un membre de leur famille ou une personne qui leur est étroitement associée), une ESM est tenue de prendre des mesures raisonnables pour établir l’origine de la richesse de la personne en question, et de prendre des mesures accrues d’atténuation des risques. Cela doit se faire dans les 30 jours suivant l’établissement de la relation d’affaires ou de la constatation d’un fait (selon les circonstances).
  • Exigences aux termes de la nouvelle directive relative aux PPV et aux DOI dans le cadre d’opérations précises
    • Si une ESM qui fournit des services à une personne située au Canada se voit demander d’amorcer un télévirement international d’une somme de 100 000 $ ou plus, elle doit prendre des mesures raisonnables pour déterminer si cette personne est une PPV, un DOI, un membre de leur famille ou une personne qui leur est étroitement associée. S’il est déterminé que la personne est un EPV (ou un membre de la famille d’un EPV ou une personne qui lui est étroitement associée) ou un NPV ou un DOI à risque élevé (ou un membre de leur a famille ou une personne qui leur est étroitement associée), l’ESM doit prendre des mesures raisonnables pour établir l’origine des fonds ou de la monnaie virtuelle utilisés dans le cadre de l’opération, ainsi que l’origine de la richesse de la personne, et elle doit s’assurer qu’un membre de la haute direction examine l’opération. Tout cela doit être fait dans les 30 jours suivant l’opération.
    • { Si une ESM qui fournit des services à une personne située au Canada est la destinataire d’un télévirement international de 100 000 $ ou plus, elle doit prendre des mesures raisonnables pour déterminer si un bénéficiaire duquel le télévirement est reçu est une PPV, un DOI, un membre de leur famille ou une personne qui leur est étroitement associée. S’il est déterminé que cette personne est un EPV (ou un membre de la famille d’un EPV ou une personne qui lui est étroitement associée) ou un NPV ou un DOI à risque élevé (ou un membre de leur famille à risque élevé ou une personne à risque élevé qui leur est étroitement associée), un membre de la haute direction doit examiner l’opération. Tout cela doit être fait dans les 30 jours suivant l’opération.
    • Si une ESM qui fournit des services à une personne située au Canada se voit demander de transférer une somme en monnaie virtuelle équivalant à 100 000 $ ou plus, elle doit prendre des mesures raisonnables pour déterminer si la personne est une PPV, un DOI, un membre de leur famille ou une personne qui leur est étroitement associée. S’il est déterminé que cette personne est un EPV (ou un membre de la famille d’un EPV ou une personne qui lui est étroitement associée) ou un NPV ou un DOI à risque élevé (ou un membre de leur famille ou une personne qui leur est étroitement associée), une ESM est tenue de prendre des mesures raisonnables pour établir l’origine de la richesse de la personne en question, et de s’assurer qu’un membre de la haute direction examine l’opération. Tout cela doit être fait dans les 30 jours suivant l’opération.
    • Si une ESM qui fournit des services à une personne située au Canada reçoit une somme en monnaie virtuelle équivalant à 100 000 $ ou plus à remettre à un bénéficiaire, elle doit prendre des mesures raisonnables pour déterminer si la personne est une PPV, un DOI, un membre de leur famille ou une personne qui leur est étroitement associée. S’il est déterminé que cette personne est un EPV (ou un membre de la famille d’un EPV ou une personne qui lui est étroitement associée) ou un NPV ou un DOI à risque élevé (ou un membre de leur famille à risque élevé ou une personne à risque élevé qui leur est étroitement associée), un membre de la haute direction doit examiner l’opération. Tout cela doit être fait dans les 30 jours suivant l’opération.
  • La tenue de documents n’est pas requise dans les cas où des mesures raisonnables ont été prises et se sont révélées infructueuses, lorsque la prise de « mesures raisonnables » est requise.

Par ailleurs, la nouvelle directive établit une exception aux exigences de détermination des PPV ou des DOI. S’il a déjà été déterminé qu’une personne est un EPV ou un membre de la famille d’un EPV, il n’est pas nécessaire de réévaluer la désignation de cette personne, car le statut d’EPV ou de membre de la famille d’un EPV est maintenu indéfiniment.

Exigences en matière de tenue de documents

Les ESM seront assujetties à de nouvelles exigences en matière de tenue de documents. En prévision de ces changements, CANAFE a publié en mars une nouvelle directive relative à la tenue de documents qui entre en vigueur le 1er juin 2021. Comme c’était déjà le cas dans la directive antérieure, cette nouvelle directive sur la tenue de documents publiée par CANAFE ne regroupe pas toutes les exigences relatives à la tenue de documents, et des exigences supplémentaires en matière de tenue de documents figurent dans la directive sur les bénéficiaires effectifs, dans la directive sur le contrôle continu et dans la directive sur le filtrage des PPV et des DOI, notamment.

Voici plusieurs des changements apportés par la nouvelle directive :

  • la nouvelle obligation de conserver pendant cinq ans les déclarations de biens appartenant à des groupes terroristes, les déclarations d’opérations importantes en espèces, et les déclarations d’opérations importantes en monnaie virtuelle;
  • les exigences en matière de tenue de documents dans le cas d’opérations importantes en espèces englobant dorénavant les opérations dans le cadre desquelles une autre personne ou entité est autorisée à recevoir des fonds, et où l’autre personne ou entité reçoit 10 000 $ ou plus en espèces (les ESME n’ont à conserver des documents sur les opérations importantes en espèces que lorsqu’elles reçoivent la somme en espèces d’une personne ou d’une entité au Canada);
  • la modification des renseignements qui doivent être conservés dans le cadre d’opérations importantes en espèces, et l’ajout de nouveaux renseignements à conserver. Parmi l’information supplémentaire à mentionner dans le dossier, on compte les renseignements sur les entités qui participent à l’opération, les taux de change utilisés, les numéros de référence liés à l’opération et les détails relatifs à la remise des fonds reçus;
  • la modification des renseignements à conserver relativement à la réception des fonds totalisant 3 000 $ ou plus dans une seule opération, et l’ajout de nouveaux renseignements à conserver. Parmi les nouveaux renseignements à mentionner dans le dossier, on compte les type et montant de chaque monnaie fiduciaire liée à la réception ainsi que les taux de change applicables, les renseignements sur les autres personnes participant à l’opération, les numéros de référence et les détails liés à l’opération;
  • l’ajout d’exigences relatives à la tenue de documents dans le cas d’opérations importantes en monnaie virtuelle équivalant à 10 000 $ ou plus (les ESME ne doivent conserver des documents sur les opérations en monnaie virtuelle que dans les cas où la somme en monnaie virtuelle équivalant à 10 000 $ ou plus est reçue d’une personne ou d’une entité au Canada), y compris l’information sur les personnes ou les entités prenant part à l’opération, les comptes touchés par l’opération, les renseignements sur le titulaire du compte, et tous les taux de change applicables ainsi que leur origine;
  • des exigences particulières en matière de tenue de documents s’appliquent aux transmissions de 1 000 $ ou plus en espèces, autres que des télévirements, et des renseignements supplémentaires doivent être conservés, notamment sur les taux de change, les bénéficiaires, les comptes touchés et les numéros de référence. Il existe une exigence distincte en matière de tenue de documents, concernant des renseignements supplémentaires dans les cas de transferts de fonds de 1 000 $ ou plus à un bénéficiaire;
  • des exigences particulières en matière de tenue de documents s’appliquent aux télévirements de 1 000 $ ou plus, et des renseignements supplémentaires doivent être conservés, notamment sur les taux de change, les bénéficiaires, les comptes touchés et les numéros de référence. Il existe une exigence distincte en matière de tenue de documents dans le cas de télévirements internationaux de 1 000 $ ou plus, soit la fourniture de renseignements supplémentaires, notamment les monnaies fiduciaires échangées;
  • il existe de nouvelles obligations de tenue de documents relativement aux transferts de monnaie virtuelle d’un montant équivalant à 1 000 $ ou plus, notamment des renseignements relatifs au transfert, au client, aux bénéficiaires, aux comptes touchés, aux numéros de référence et aux identifiants de l’opération, aux taux de change et à leur origine. Il existe une exigence distincte quant à la réception de monnaie virtuelle d’une somme équivalant à 1 000 $ ou plus, à remettre à un bénéficiaire; les renseignements en sus de ce qui concerne le transfert de monnaie virtuelle englobent les détails relatifs à la remise;
  • l’ajout d’exigences relatives à la tenue de documents sur les fiches d’opération en monnaie virtuelle pour toutes les opérations en monnaie virtuelle qui sont effectuées, y compris l’information sur l’opération, les personnes ou les entités demandant l’exécution de l’opération, la somme et le type de monnaie virtuelle, les taux de change, tous les comptes touchés et l’information à leur sujet, les numéros de référence et les autres identifiants;
  • l’abrogation de l’obligation de consigner les mesures raisonnables qui se sont révélées infructueuses;
  • les documents sur les opérations en monnaie virtuelle, notamment sur les opérations importantes en monnaie virtuelle, les transferts de 1 000 $ ou plus en monnaie virtuelle, ou la réception de 1 000 $ ou plus en monnaie virtuelle à remettre ainsi que les fiches d’opération de change en monnaie virtuelle, n’ont pas à être conservés s’ils sont reçus d’une entité financière, d’un organisme public, d’une personne agissant pour le compte d’une entité financière ou d’un organisme public.

Exigences relatives à la règle d’acheminement

En mai 2021, CANAFE a publié une nouvelle directive sur la règle d’acheminement pour les télévirements et le transfert de monnaie virtuelle, établissant les nouvelles obligations prévues par les Modifications et qui entrent en vigueur le 1er juin 2021. La directive s’applique uniquement aux entités financières, aux entreprises de services monétaires (ESM) (y compris les ESM étrangères) et aux casinos. La règle d’acheminement est l’obligation d’assurer que des renseignements précis (les « renseignements sur l’acheminement ») accompagnent l’information envoyée ou reçue dans le cadre d’un télévirement ou d’un transfert de monnaie virtuelle. Les renseignements reçus dans le cadre de la règle d’acheminement ne peuvent pas être éliminés d’un transfert par la suite.

  • Les renseignements qui suivent doivent être communiqués lors de l’amorce d’un télévirement :
    • le nom, l’adresse et le numéro de compte ou tout autre numéro de référence (s’il y a lieu) de la personne ou de l’entité qui a demandé le télévirement (renseignements du demandeur);
    • le nom et l’adresse du bénéficiaire;
    • s’il y a lieu, le numéro de compte ou tout autre numéro de référence du bénéficiaire.
  • Des mesures raisonnables doivent être prises pour assurer que les renseignements d’acheminement accompagnent les télévirements reçus à titre d’intermédiaire ou de destinataire. Lors de la transmission d’un télévirement entrant ou sortant (après l’avoir reçu à titre d’intermédiaire), il faut inclure les renseignements visés par la règle d’acheminement qui sont reçus ou obtenus au moyen de mesures raisonnables.
  • Les renseignements qui suivent doivent être fournis lors du transfert de monnaie virtuelle, et des mesures raisonnables doivent être prises pour assurer que ces renseignements accompagnent les transferts de monnaie virtuelle qui nécessitent la tenue d’un relevé :
    • les nom, adresse et, le cas échéant, numéro de compte ou autre numéro de référence de la personne ou entité qui demande le transfert (renseignements du demandeur);
    • les nom, adresse et, le cas échéant, numéro de compte ou autre numéro de référence du bénéficiaire du transfert.
  • Si l’on reçoit un télévirement ou un transfert de monnaie virtuelle qui n’est pas accompagné des renseignements requis, il faut prendre des mesures raisonnables pour obtenir ces renseignements.

Les politiques et procédures doivent énoncer les exigences suivantes quant à la règle d’acheminement : i) les mesures raisonnables à prendre; ii) les politiques et procédures axées sur le risque précisant ce qu’il faut faire quand, après avoir pris des mesures raisonnables, l’ED ne parvient pas à obtenir les renseignements visés par la règle d’acheminement. Les politiques et procédures doivent établir les circonstances dans lesquelles il faut autoriser, suspendre ou refuser l’opération et les mesures de suivi qui doivent être prises.

Téléchargé: Entreprises de services monétaires (ESM) nationales et étrangères [PDF]

Lire: La lutte contre le blanchiment d’argent au Canada: Guide portant sur les modifications du 1er juin 2021

 

[1] Aux termes des Modifications, la définition d’ESM étrangère demeure la même que dans le règlement antérieur : une ESM qui n’a pas d’établissement au Canada et qui dirige, à l’intention de personnes ou entités se trouvant au Canada, des services prescrits. « Diriger » des services prescrits se dit du ciblage, de la publicité ou du fait d’avoir un nom de domaine canadien. Ce qui a changé, c’est que les ESME seront tenues de se conformer à l’ensemble des obligations imposées aux ESM nationales aux termes de la LRPCFAT.