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Avant-projet de loi sur l’impôt minimum mondial au titre du Pilier Deux et avant-projet de loi révisé sur la TSN du Canada

Auteur(s) : Patrick Marley, Oleg Chayka, Kaitlin Gray, Ilana Ludwin, Yanni Stavrakis

Le 10 août 2023

Le groupe national de fiscalité d'Osler suit ces développements de près. Consultez nos mises à jour sur le projet de législation fiscale, les règles de RDEIF révisées et les crédits d'impôt pour les énergies propres .

 

Le 4 août 2023, le ministère des Finances a publié un avant-projet de loi [PDF] mettant en œuvre au Canada deux mesures clés de l’OCDE relatives à l’impôt minimum mondial (IMM) dans le cadre du Pilier Deux, à savoir la règle d’inclusion du revenu (RDIR) et un impôt complémentaire minimum prélevé localement, qui se veut un impôt complémentaire minimum qualifié prélevé localement (ICMQPL), au sens des règles GloBE. Ces règles s’appliqueront aux années financières des groupes d’EMN admissibles commençant à compter du 31 décembre 2023, conformément au calendrier recommandé par l’OCDE. L’avant-projet de loi visant à mettre en œuvre la règle relative aux paiements insuffisamment imposés (RPII), qui doit entrer en vigueur un an plus tard, devrait être publié à une date ultérieure. L’avant-projet de Loi de l’impôt minimum mondial (LIMM) est une loi autonome prévoyant le calcul et l’imposition des impôts complémentaires prévus par le Pilier Deux, y compris l’exécution, l’évaluation, le recouvrement et d’autres dispositions administratives (avec des pénalités importantes en cas de non-respect).

La règle générale anti-évitement prévue à l’article 245 de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (LIR) s’appliquera au calcul des sommes à déterminer en vertu de la LIMM, avec les modifications requises par les circonstances.

Les propositions formulées dans l’avant-projet de loi mettant en œuvre la RDIR et l’impôt complémentaire minimum prélevé localement du Canada suivent de près les règles GloBE de l’OCDE, les commentaires sur les règles GloBE (commentaires GloBE) et les instructions administratives relatives aux règles GloBE convenues dans le Cadre inclusif OCDE/G20. Le ministère des Finances a publié un tableau de concordance [PDF] qui recoupe les dispositions de la LIMM avec les documents des règles GloBE sur lesquels elles sont fondées.

Le ministère des Finances a demandé que des commentaires lui soient soumis sur la LIMM d’ici le 29 septembre 2023. L’interaction de la LIMM avec la LIR devrait être un sujet important au cours du processus de consultation. En particulier, la LIMM ne contient pas de détails sur la façon dont ses diverses dispositions interagiront avec celles de la LIR (y compris en ce qui concerne les régimes canadiens relatifs aux sociétés étrangères affiliées et au revenu étranger accumulé, tiré de biens). On s’attend toutefois à ce que les pertes ou autres attributions fiscales en vertu de la LIR ne puissent pas servir à mettre à l’abri les impôts exigibles en vertu de la LIMM.

À la même date, le ministère des Finances a également publié un avant-projet de loi révisé sur la taxe sur les services numériques (TSN) du Canada, qui est censé servir de butée aux propositions du Pilier Un. La TSN devrait s’appliquer à partir du 1er janvier 2024 (avec effet rétroactif à 2022), à condition qu’aucune convention multilatérale mettant en œuvre le cadre du Pilier Un ne soit entrée en vigueur avant le 1er janvier 2024. Les mémoires sur l’avant-projet de loi révisé sur la TSN doivent être déposés au plus tard le 8 septembre 2023.

La LIMM met en œuvre les règles GloBE, les commentaires GloBE et les instructions administratives relatives aux règles GloBE

La partie I de la LIMM contient des définitions et des règles d’interprétation, y compris une disposition qui prévoit que la loi nationale mettant en œuvre la RDIR, la RPII et certaines dispositions administratives et dispositions d’exécution sont destinées à mettre en œuvre les règles GloBE, les commentaires GloBE et les instructions administratives relatives aux règles GloBE, et que ces parties de la LIMM doivent être interprétées conformément à ces documents sources, à moins que le contexte n’exige une autre interprétation, en leur version modifiée de temps à autre. Le gouverneur en conseil peut également désigner des documents sources supplémentaires par voie réglementaire. (Dans la mesure où les modifications futures de ces documents sources entraînent un montant supplémentaire d’impôt à payer en vertu de la LIMM, cette règle d’interprétation peut être considérée comme une délégation ou une sous-délégation illégale du pouvoir du Parlement d’imposer des impôts à l’OCDE et/ou au Cadre inclusif.)

La partie II de la LIMM met en œuvre la RDIR, la partie III de la LIMM contient un espace réservé pour une loi visant à mettre en œuvre la RPII (qui pourrait être incompatible avec les obligations des traités bilatéraux du Canada), et la partie IV de la LIMM met en œuvre l’ICMQPL.

Les propositions formulées dans l’avant-projet de loi comprennent, entre autres, des dispositions d’imputation applicables à la RDIR et à l’ICMQPL, des critères pour les groupes multinationaux admissibles qui entrent dans le champ d’application des règles, le calcul du taux effectif d’imposition et des impôts concernés ajustés, le calcul et l’attribution des impôts complémentaires, ainsi que des règles transitoires, des choix et des régimes de protection.

Champ d’application de la LIMM

Conformément aux propositions du Pilier Deux, la LIMM introduit un impôt minimum mondial de 15 % sur le revenu des grandes entreprises multinationales (EMN). Plus précisément, un groupe d’EMN admissible doit avoir une présence commerciale dans plus d’une juridiction et des revenus consolidés d’au moins 750 millions d’euros au cours d’au moins deux des quatre années financières précédant immédiatement l’année financière en question. Les règles ne s’appliquent pas aux « entités exclues », comme les entités gouvernementales, les organisations internationales, les organismes à but non lucratif, les fonds de pension, ainsi que les fonds d’investissement et les véhicules de placement immobilier qui sont des entités mères ultimes (EMU). Dans certaines circonstances, une entité détenue par une entité exclue peut également être traitée comme une entité exclue. Cela s’applique lorsque des seuils de propriété déterminés sont atteints et que la quasi-totalité du résultat net comptable de l’entité visée pour l’année financière est constituée de dividendes exclus ou de profits ou pertes sur capitaux propres exclus (de sorte que le revenu est exclu du calcul du résultat net GloBE).

Règle d’inclusion du revenu

La règle d’inclusion du revenu (RDIR) figurant dans la LIMM suit de près les règles GloBE, les commentaires GloBE et les instructions administratives relatives aux règles GloBE approuvées par le Cadre inclusif, ce qui est nécessaire pour garantir que la RDIR du Canada soit traitée comme une « RDIR admissible » en vertu des règles GloBE.

Une personne doit payer un IMM relativement à un groupe d’EMN admissible pour une année financière si l’une des conditions suivantes est respectée :

  1. la personne est une entité mère pertinente du groupe d’EMN, est située au Canada au cours de l’année financière et détient un titre de participation directe ou indirecte dans au moins une entité constitutive du groupe d’EMN admissible qui n’est pas située au Canada et qui a un montant complémentaire pour l’année financière;
  2. la personne inclurait dans ses revenus pour l’application de la partie I de la LIR les revenus d’une entité mère pertinente qui est située au Canada et n’est pas une personne et qui détient un titre de participation directe ou indirecte dans au moins une entité constitutive du groupe d’EMN admissibles qui n’est pas situé au Canada et qui a un montant complémentaire pour l’année financière.

Selon les circonstances, l’entité mère pertinente peut être l’entité mère ultime (EMU), une entité mère intermédiaire ou une entité mère partiellement détenue du groupe d’EMN qui est située au Canada ou dans une autre juridiction où elle est assujettie à un impôt complémentaire en vertu d’une RDIR admissible.

Le montant de l’impôt complémentaire à payer en vertu de la LIMM est calculé en déterminant le taux effectif d’imposition, les profits excédentaires et l’impôt complémentaire du groupe d’EMN pour chaque juridiction dans laquelle il a une présence commerciale. Le point de départ est le revenu GloBE net ou la perte GloBE nette, c’est-à-dire le résultat net comptable de toutes les entités constitutives du groupe d’EMN situées dans la juridiction, sous réserve d’un certain nombre d’ajustements GloBE. Ensuite, on se sert du revenu GloBE net ainsi établi et des impôts concernés ajustés pour établir le taux effectif d’imposition et déterminer si un impôt complémentaire doit être payé en ce qui concerne la juridiction, sous réserve de certains ajustements potentiels et déduction faite d’un ICMQPL payé dans la juridiction source.

  1. Résultat net GloBE

Selon les règles GloBE, en règle générale, pour déterminer le résultat net GloBE, on établit, à l’aide des normes comptables utilisées pour dresser les états financiers consolidés de l’EMU, le résultat net comptable, auquel on apporte un certain nombre d’ajustements.

Aux fins de la détermination du résultat net GloBE, les ajustements apportés au résultat net figurant dans les états financiers comprennent les suivants : la charge fiscale nette; les ajustements relatifs à la méthode de l’acquisition en rapport avec certaines acquisitions d’actions; les dividendes exclus; les profits et pertes sur capitaux propres exclus (à moins qu’un choix ne soit fait); les gains ou pertes de change asymétriques; certaines dépenses non admises en déduction par principe (par exemple, les amendes et les pénalités); les erreurs relatives à des périodes antérieures et les changements de principes comptables; certains ajustements de prix de transfert pour se conformer au principe de pleine concurrence; les crédits d’impôt remboursables (dans la mesure où leur traitement comptable est différent du traitement GloBE); et la charge relative à la rémunération sous forme d’actions (lorsqu’un choix est fait).

Il existe également une règle anti-évitement particulière qui exclut toute charge d’une entité faiblement imposée imputable à un accord de financement intragroupe dont on peut raisonnablement anticiper, sur la durée prévue de l’accord, qu’elle ne soit pas incluse dans le revenu imposable d’une contrepartie à fiscalité élevée.

En outre, des règles particulières s’appliquent au calcul du résultat net GloBE dans le cadre de réorganisations et de transferts d’actifs.

De nombreux choix peuvent être faits conformément aux règles GloBE pour calculer le revenu GloBE net ou la perte GloBE nette de la juridiction.

Le résultat net GloBE des entités constitutives d’une juridiction est totalisé pour obtenir le revenu GloBE net ou la perte GloBE nette de la juridiction.

Conformément aux règles GloBE, la LIMM inclut une exclusion de minimis pour les opérations dans une juridiction dont le revenu est inférieur à 1 million d’euros et les recettes à 10 millions d’euros en faisant la moyenne de l’année financière en cours et des deux années financières précédentes. Lorsque les conditions sont remplies et que l’entité constitutive du groupe d’EMN qui dépose une déclaration fait un choix concernant la juridiction, l’impôt complémentaire de chaque entité constitutive admissible d’un groupe d’EMN située dans la juridiction concernée est réputé nul.

  1. Impôts concernés ajustés

Le revenu GloBE net de la juridiction est le premier élément dont on a besoin pour calculer le taux effectif d’imposition et déterminer si un impôt complémentaire est exigible. Le deuxième élément est les impôts concernés ajustés pour la juridiction.

Les impôts concernés sont ajustés avant le calcul du taux effectif d’imposition. Les impôts concernés ajustés, relativement à une entité constitutive pour une année financière, s’entendent de la charge d’impôts courante à payer, dans les comptes financiers de l’entité constitutive, rajustés selon ce qui suit :

  1. le montant net des ajouts aux impôts concernés et des réductions d’impôts concernés prévus dans la LIMM;
  2. le montant total de l’ajustement pour impôts différés (MTAPID) pour tenir compte des écarts temporaires;
  3. toute augmentation ou réduction des impôts concernés inscrite dans les capitaux propres ou dans les autres éléments du résultat global en rapport avec le résultat net GloBE qui est soumis à l’impôt en vertu des lois de la juridiction dans laquelle l’entité constitutive est située.

Dans la LIMM, les termes « impôts concernés » et « impôts exclus » sont définis. Les impôts concernés s’entendent des impôts sur le revenu (les bénéfices) et leurs substituts, tandis que les impôts exclus s’entendent, entre autres, de tout impôt au titre d’une RDIR admissible, d’une RPII admissible ou d’un ICMQPL.

Conformément aux règles GloBE, la LIMM attribue les impôts concernés aux entités constitutives afin que les impôts correspondent au revenu sous-jacent. Un tel principe détermine les clés d’attribution de l’impôt lorsque les impôts concernés ne sont pas nécessairement attribués à l’entité constitutive qui les paie ou les retient. Suivant un tel principe, les impôts concernés sont attribués aux entités suivantes :

  1. l’établissement stable;
  2. le propriétaire d’une entité fiscalement transparente, lorsque le revenu ou la perte lui est attribué, mais que l’impôt est reflété dans les comptes financiers de l’entité fiscalement transparente;
  3. l’entité qui gagne des revenus qui sont imposés entre les mains du propriétaire direct ou indirect du groupe en vertu d’un régime fiscal des sociétés étrangères contrôlées (sous réserve de restrictions en ce qui concerne les revenus passifs);
  4. l’entité hybride, même si les impôts sont payés par le groupe propriétaire de l’entité hybride et reflétés dans ses comptes financiers (sous réserve de restrictions en ce qui concerne les revenus passifs);
  5. l’entité distributrice, même si les impôts sur les dividendes ou les distributions semblables qu’elle distribue sont payés par le propriétaire direct du groupe.

La LIMM ne contient pas de clé d’attribution pour les retenues à la source. Les commentaires GloBE indiquent que les retenues à la source doivent être attribuées au bénéficiaire du paiement assujetti à la retenue à la source, à l’exception des paiements qui sont des dividendes ou des distributions semblables mentionnées au point e) ci-dessus.

Le MTAPID est la deuxième composante importante des impôts concernés ajustés. Il traite de l’incidence des écarts temporaires sur les charges d’impôts courantes qui, en l’absence de cette composante, donneraient lieu à des distorsions fiscales se traduisant par un impôt supplémentaire non intentionnel.

En raison du MTAPID, de nombreux ajustements GloBE doivent être apportés aux charges d’impôts différées inscrites dans les comptes financiers. Si le MTAPID donne une valeur négative, il peut conduire à des impôts concernés ajustés négatifs. Dans certaines situations, par exemple lorsqu’il y a une perte GloBE nette pour une juridiction donnée, un montant négatif au titre des impôts concernés ajustés peut, dans certaines circonstances, déclencher un impôt complémentaire. La LIMM aborde cette question par le biais du concept de charge d’impôt négative excédentaire introduit dans les instructions administratives approuvées par le Cadre inclusif.

Au lieu d’effectuer des calculs complexes de MTAPID, une juridiction peut choisir d’opter pour une perte GloBE afin de tenir compte des situations dans lesquelles les pertes GloBE réduisent ou suppriment le revenu GloBE et, par conséquent, l’impôt complémentaire, au cours d’une année financière ultérieure. Si un choix relatif à une perte GloBE est fait, un actif d’impôt différé au titre de la perte GloBE est réputé résulter au cours d’une année du choix au cours de laquelle le groupe d’EMN subit une perte GloBE nette par rapport à la juridiction. Un actif d’impôt différé au titre d’une perte GloBE est renversé et inclus dans les impôts concernés ajustés pour la juridiction au cours d’une année du choix ultérieure où le groupe EMN a un revenu GloBE net, ce qui entraîne une augmentation du taux effectif d’imposition pour la juridiction.

Lorsqu’un régime d’impôt sur le revenu des sociétés donne lieu à des écarts temporaires nombreux et significatifs, un choix relatif à une perte GloBE empêche la comptabilisation des impôts différés dans le calcul des impôts concernés ajustés pour la juridiction. Cela peut donner lieu à des impôts concernés ajustés peu élevés et entraîner un impôt complémentaire pour la juridiction. Dans de tels cas, le MTAPID par défaut est généralement plus avantageux. Un choix relatif à une perte GloBE peut être considéré comme une mesure de simplification GloBE pour les juridictions où le revenu imposable ou la perte sont plus ou moins cohérents avec le résultat net comptable, et où un groupe d’EMN admissible n’a pas d'important déficit accumulé antérieur aux règles GloBE.

Enfin, il existe des règles spéciales concernant la manière dont les ajustements postérieurs à la déclaration apportés aux impôts concernés d’une année antérieure se répercutent sur les impôts concernés ajustés pour la juridiction au cours de l’année financière où les ajustements sont faits et des années suivantes.

  1. Taux effectif d’imposition

Le taux effectif d’imposition (TEI) d’une juridiction est calculé en divisant les impôts concernés ajustés par le revenu GloBE net pour l’année financière donnée. Le résultat du ratio est exprimé en pourcentage, et le pourcentage complémentaire correspond à la différence entre le taux minimum de 15 % et le TEI.

  1. Détermination et attribution du montant complémentaire

Le montant complémentaire est obtenu en multipliant le profit excédentaire du groupe d’EMN pour la juridiction par le pourcentage complémentaire du groupe d’EMN pour la juridiction, sous réserve de certains ajustements potentiels et déduction faite de l’ICMQPL payé dans la juridiction source.

L’assiette fiscale en vertu de la RDIR est constituée du profit excédentaire du groupe d’EMN dans la juridiction pour chaque année financière. Le profit excédentaire est calculé en fonction du revenu GloBE net et du montant de l’exclusion de revenus fondée sur la substance (ERFS) du groupe d’EMN pour la juridiction.

Le montant de l’ERFS est égal à 5 % de la valeur comptable i) des actifs corporels et ii) des frais de personnels relatifs à la juridiction. Des taux transitoires sont en vigueur, au lieu du taux normal de 5 %, pour les années financières commençant en 2023. Ces taux transitoires s’appliquent pendant 10 ans. Au cours de cette période, les taux transitoires diminuent progressivement de 10 % pour les frais de personnel et de 8 % pour les actifs corporels admissibles jusqu’à ce qu’ils atteignent le taux normal de 5 % pour les années financières commençant à compter de 2033. Le montant de l’ERFS est déduit du revenu GloBE net du groupe d’EMN pour la juridiction, et toute valeur positive qui en résulte constitue le profit excédentaire.

Le montant complémentaire est réparti entre les entités constitutives du groupe d’EMN situées dans la juridiction qui ont un revenu GloBE (dans la mesure où il y a un revenu GloBE net pour la juridiction) ou une perte GloBE (dans la mesure où il y a une perte GloBE nette pour la juridiction).

Régimes de protection et simplifications

  1. Régime de protection permanente de l’ICMQPL

La LIMM comprend un régime de protection permanente de l’ICMQPL suivant lequel le montant complémentaire pour une juridiction admissible est réputé nul si les trois énoncés qui suivent se vérifient : l’entité constitutive est située dans une juridiction ayant un ICMQPL, l’ICMQPL de la juridiction a un statut d’exonération de l’impôt minimal complémentaire national admissible, et un choix est effectué.

  1. Régime de protection de déclaration pays par pays transitoire

La LIMM comprend également un régime de protection de déclaration pays par pays transitoire suivant lequel le montant complémentaire pour une juridiction à moindre risque admissible est réputé nul et qui simplifie les calculs GloBE pertinents en ce qui concerne cette juridiction pendant la période transitoire qui commence avant le 1er janvier 2027 et se termine avant le 1er juillet 2028.

Le régime de protection de déclaration pays par pays transitoire s’applique au groupe d’EMN au cours de l’année donnée, si les cinq énoncés suivants se vérifient :

  1. l’année financière donnée se situe dans la période transitoire susmentionnée;
  2. une déclaration pays par pays admissible pour le groupe d’EMN a été produite en ce qui concerne la juridiction pour l’année financière donnée;
  3. le choix a été effectué relativement à la juridiction pour chaque année financière antérieure dans laquelle une ou plusieurs entités constitutives du groupe d’EMN admissible (ou une entité d’une coentreprise relativement à ce groupe) sont situées dans la juridiction;
  4. n’a pas été exercé un choix en vertu du paragraphe 37(1) relativement à la juridiction, qui a un régime admissible d’impôt sur les distributions, pour l’année financière donnée;
  5. au moins un des trois critères suivants est satisfait pour la juridiction dans l’année financière donnée :
    1. le critère de la règle du seuil (si les recettes totales du groupe d’EMN et le bénéfice avant impôts réalisé par le groupe d’EMN dans la juridiction sont inférieurs à 10 millions d’euros et à 1 million d’euros, respectivement);
    2. le critère du taux effectif d’imposition simplifié (si le taux effectif d’imposition simplifié dans la juridiction est, s’agissant d’une année financière commençant avant 2025, au moins 15 %, s’agissant d’une année financière commençant en 2025, au moins 16 % et, s’agissant d’une année financière commençant après le 31 décembre 2025, au moins 17 %;
    3. le critère de bénéfices courants (s’il n’y a pas de profits excédentaires dans la juridiction, y compris si le montant de l’ERFS est réclamé pour la juridiction).

La LIMM contient un ensemble de règles spéciales qui précisent l’application du régime de protection de déclaration pays par pays transitoire aux coentreprises, aux entités constitutives à détention minoritaire, aux EMU fiscalement neutres/de neutralité fiscale et aux entités d’investissement.

  1. Simplification pour les entités non matérielles

Les groupes d’EMN admissibles peuvent appliquer les calculs simplifiés du revenu et de l’impôt pour leurs entités constitutives non matérielles décrites dans le document « Safe Harbours and Penalty Relief : Global Anti-Base Erosion Rules (Pillar Two) » (Régimes de protection et allégement des sanctions : les règles globales de lutte contre l’érosion de la base d’imposition (Pilier Deux)) approuvé par le Cadre inclusif en décembre 2022.

ICMQPL

L’impôt complémentaire minimum qualifié prélevé localement (ICMQPL) permet aux juridictions d’introduire un impôt minimum complémentaire national correspondant à celui qui est prévu dans le Pilier Deux et s’appliquant aux entités nationales qui relèvent du champ d’application du Pilier Deux. L’ICMQPL compense l’impôt minimum mondial à payer au titre du Pilier Deux.

Toute personne donnée doit payer l’impôt minimum complémentaire national relativement à une entité constitutive située au Canada qui est membre d’un groupe d’EMN admissible si, à la fois :

  1. la personne donnée est l’entité constitutive;
  2. si l’entité constitutive n’est pas une personne, la personne donnée inclurait dans son revenu pour l’application de la partie I de la LIR, le revenu de l’entité constitutive pour l’année financière.

La LIMM prévoit que le montant complémentaire national d’une entité constitutive d’un groupe d’EMN située au Canada s’entend du montant qui serait déterminé en vertu de la RDIR, sous réserve de certains ajustements applicables décrits dans les parties II et IV de la LIMM.

Par exemple, la partie IV prévoit que, dans le calcul du montant complémentaire national d’une entité constitutive du groupe d’EMN admissible située au Canada :

  1. l’impôt concerné ajusté de l’entité constitutive est déterminé compte non tenu de certains impôts concernés qui seraient attribuables à l’entité constitutive en vertu de la RDIR;
  2. le montant complémentaire n’est pas réduit dans la mesure d’un impôt complémentaire national (comme c’est le cas pour le montant complémentaire payable en vertu de la RDIR);
  3. tout choix effectué ou révoqué qui est pertinent pour déterminer le montant complémentaire a été pris en compte, si le choix a été pris en compte dans une déclaration de renseignements conforme à la Déclaration d’information GloBE (DRG) reçue par le ministre.

L’impôt complémentaire national du Canada est censé satisfaire aux conditions requises pour qu'il soit considéré comme un impôt complémentaire minimum « qualifié » prélevé localement, telles qu’elles sont énoncées dans les instructions administratives approuvées par le Cadre inclusif. Par conséquent, l’impôt complémentaire national du Canada vise à empêcher d’autres pays d’appliquer une RDIR (ou une RPII) pour imposer des impôts supplémentaires sur les revenus de source canadienne. Toutefois, l’impôt complémentaire national du Canada pourrait entraîner une augmentation des impôts canadiens sur le revenu national des entités canadiennes (en particulier celles qui bénéficient de certains crédits d’impôt ou de certaines déductions fiscales au Canada).

Application et respect de l’impôt minimum mondial

La LIMM comprend des règles concernant les cotisations, les objections, les appels, l’audit, le recouvrement, l’exécution, les pénalités, les infractions et tous les autres aspects de l’application de la LIMM. Les pénalités proposées sont considérables, y compris i) jusqu’à 1 million de dollars pour défaut de produire dans les délais la déclaration de renseignements conforme à la Déclaration d’information GloBE (DRG) requise, ii) des pénalités basées sur un pourcentage de tout impôt à payer en vertu de la LIMM en ce qui concerne le défaut de produire la déclaration au titre de la partie II ou de la partie IV, et iii) 10 % de tout montant d’impôt contesté s’il est déterminé que l’appel n’était pas raisonnable.

Conformément aux règles GloBE, les dispositions administratives de la LIMM exigent qu’une DRG soit produite dans les 15 mois suivant la fin de l’année financière du groupe, ce qui correspond généralement à la période comptable pour laquelle l’entité mère ultime établit les états financiers consolidés du groupe (la date d’échéance de la production de la DRG est portée à 18 mois pour la première année financière dans laquelle le groupe d’EMN entre dans le champ d’application de la loi).

La DRG doit comporter, entre autres, les éléments suivants :

  • l’identification de toutes les entités du groupe d’EMN et la juridiction où elles se situent;
  • les renseignements pertinents à la détermination des taux effectifs d’imposition et de l’impôt complémentaire pour l’année financière;
  • les renseignements sur la structure sociale d’ensemble du groupe d’EMN;
  • la nomination de toute entité déclarante désignée pour l’année financière.

La LIMM prévoit des règles pour déterminer l’entité qui est tenue de produire les DRG pour le groupe d’EMN. En règle générale, si le groupe d’EMN désigne une entité constitutive située au Canada en tant qu’« entité déclarante désignée », c’est cette entité qui est tenue de produire les DRG pour le groupe. Si aucune entité constitutive n’est ainsi désignée et que l’entité mère ultime est située au Canada, c’est elle qui doit les produire. Si aucun des deux cas précédents ne s’applique, chaque entité constitutive située au Canada peut être tenue de produire séparément une DRG pour le groupe. Il existe toutefois plusieurs exceptions à cette règle. Par exemple, le ministre acceptera généralement une DRG produite par une entité constitutive située dans une autre juridiction avec laquelle le Canada et l’autorité compétente concernée ont conclu un accord prévoyant l’échange automatique de DRG. Une autre exception existe pour toute entité constitutive située au Canada qui est désignée comme « entité locale désignée » et qui produit les DRG pour le groupe d’EMN.

En plus des DRG, toute personne assujettie à l’impôt en vertu de la partie II (Règle d’inclusion du revenu) ou de la partie IV (Impôt minimum complémentaire national) de la LIMM est tenue de produire une déclaration contenant une estimation de l’impôt à payer. La date d’échéance de production de cette déclaration est la même que celle de la DRG pour l’année financière.

De manière générale, les autres dispositions administratives de la LIMM reflètent celles de la LIR. Il existe des différences notables qui tiennent compte du fait que la LIMM peut imposer une entité constitutive pour le revenu sous-imposé d’une autre entité constitutive, ce qui peut poser des problèmes de recouvrement. En particulier, le ministre peut être en mesure de cotiser toute entité constitutive située au Canada pour l’impôt à payer en vertu de la LIMM d’une autre entité constitutive du groupe, obligation à l’égard de laquelle chaque entité devient solidairement responsable.

Le délai de prescription prévu par la LIMM est de sept ans à compter de la dernière des deux dates suivantes : i) le jour où la déclaration pertinente a été produite, et ii) le jour où le ministre a reçu la DRG. Le délai général de conservation des documents nécessaires est de huit ans après la fin de l’année financière à laquelle ils se rapportent.

Avant-projet de loi révisé sur la TSN

Le gouvernement fédéral a publié pour la première fois un avant-projet de loi sur la TSN du Canada le 14 décembre 2021. L’avant-projet de loi révisé, publié le 4 août 2023, est la première mise à jour de l’avant-projet initial de Loi sur la taxe sur les services numériques (LTSN). La LTSN du Canada devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2024 (avec effet rétroactif au 1er janvier 2022), à condition qu’aucune convention multilatérale au titre du Pilier Un ne soit conclue d’ici la fin de 2023.

L’avant-projet de loi révisé sur la TSN comprend des modifications à certaines définitions et à certains concepts clés, de nouvelles sections concernant l’application de la TSN aux contribuables qui font faillite ou sont mis sous séquestre et aux sociétés de personnes, ainsi que d’autres modifications d’ordre procédural et administratif. Malheureusement, aucune modification n’a été proposée en ce qui concerne bon nombre des principaux problèmes posés par les propositions (notamment leur effet rétroactif et le fait qu’elles ne prévoient pas de crédit pour la TSN sur l’impôt sur le revenu payable par ailleurs au Canada). En outre, le représentant américain au commerce a exhorté le Canada à renoncer à la TSN proposée et l’a menacé de droits de douane ou d’autres mesures de représailles si le Canada mettait néanmoins en œuvre sa TSN.

Définitions et concepts clés

Les définitions de « contenu numérique » et d’« effet financier » sont modifiées de sorte qu’elles s’excluent mutuellement. Le « contenu numérique » exclut désormais les effets financiers, tandis que les « effets financiers » excluent désormais tout bien qui confère un droit à être échangé ou racheté contre des biens ou services spécifiques ou à être converti en biens ou services spécifiques; tout bien destiné à être utilisé principalement dans le cadre d’une plate-forme de jeu, d’un programme d’affinité ou de récompenses ou d’une plate-forme ou d’un programme semblable; et tout bien visé par règlement.

Certains concepts ont été affinés et restructurés, notamment (1) plusieurs définitions et dispositions relatives à la détermination des recettes ont été affinées en ce qui concerne les références aux états financiers et aux principes comptables acceptables, et (2) le concept de « période de déclaration » a été remplacé par l’année civile, et a été introduite une nouvelle disposition concernant les contribuables qui ne deviennent une entité constitutive d’un groupe consolidé redevable de la TSN qu’au cours d’une année civile.

Le revenu provenant de services de marché en ligne pour l’application de l’article 14 inclut désormais la fourniture, entre les utilisateurs d’un marché en ligne, d’un service (1) physiquement exécuté et reçu au Canada, (2) relativement à un bien immobilier situé au Canada, ou (3) relativement à un bien meuble corporel qui est (i) normalement situé au Canada, et (ii) situé au Canada au moment de la prestation du service. L’avant-projet de loi antérieur ne comprenait que la fourniture d’un service physiquement exécuté au Canada.

Choix pour les années rétroactives

Pour les années civiles qui seront rétroactivement assujetties à la TSN (soit 2022 et 2023, selon ce qui est actuellement prévu), l’avant-projet de loi révisé permet aux contribuables de choisir de calculer leur revenu de services numériques par rapport à leur revenu de services numériques de la première année d’application (soit 2024, selon ce qui est actuellement prévu). Les contribuables peuvent choisir de déterminer le ratio entre le revenu total de l’année précédente et le revenu total de la première année d’application, puis de multiplier ce ratio par le revenu de services numériques de la première année d’application. Le résultat peut être déclaré comme revenu de services numériques pour l’année ou les années de rétroactivité. Un tel choix n’est possible que pour les contribuables qui ont opté pour au moins une année de rétroactivité antérieure. Il semble avoir été ajouté en réponse aux inquiétudes selon lesquelles les contribuables seraient tenus de déterminer le revenu de services numériques gagné avant la publication des règles définitives.

Nouvelles sections sur les faillites/mises sous séquestre et les sociétés de personnes

L’avant-projet de loi révisé sur la TSN ajoute plusieurs dispositions concernant les faillites et les mises sous séquestre, y compris les obligations des syndics et des séquestres en vertu de la LTSN (notamment leur responsabilité de produire les déclarations requises et de payer toute TSN à payer pour la période suivant le début de la faillite ou de la mise sous séquestre).

Selon un article nouvellement ajouté, tout acte accompli par une personne à titre d’associé d’une société de personnes est réputé avoir été accompli par celle-ci, et les associés, à l’exception des commanditaires qui ne sont pas des commandités, en sont solidairement responsables.

Modifications d’ordre procédural et administratif

Plusieurs dispositions procédurales et administratives ont été modifiées, notamment pour les faire correspondre davantage aux dispositions de la LIR qui leur sont équivalentes. Par exemple, on a modifié l’article 53, qui régit les transferts de biens entre personnes ayant un lien de dépendance, et ajouté une nouvelle pénalité pour planification d’évitement en vertu de l’article 53; on a modifié la disposition relative aux pouvoirs d’audit; et on a ajouté une nouvelle disposition qui permet au ministre de présenter une requête ex parte en vue d’obtenir un ordre de recouvrement d’une dette fiscale sans avoir envoyé un avis de cotisation si un juge convient que la réception de l’avis de cotisation compromettrait encore davantage le recouvrement.

Pour plus de détails sur les conséquences de l’avant-projet de loi introduisant l’impôt minimum mondial au titre du Pilier Deux au Canada et de l’avant-projet de loi révisé sur la TSN, veuillez communiquer avec l’un des membres de notre groupe national en droit fiscal.

Lectures complémentaires

Pour plus de détails sur l’approche à deux piliers de l’OCDE et l’engagement du Canada à l’égard de ces piliers, veuillez consulter les bulletins d’actualités d’Osler publiés aux dates suivantes :

  • 14 octobre 2020 (Rapports directeurs sur la réforme fiscale internationale – premier et deuxième piliers)
  • 14 décembre 2020 (Commentaires d’Osler sur les rapports directeurs des Piliers Un et Deux de l’OCDE)
  • 12 octobre 2021 (Déclaration sur la solution à deux piliers)
  • 21 décembre 2021 (Avant-projet de loi concernant la TSN)
  • 23 décembre 2021 (Règles GloBE)
  • 22 décembre 2022 (Régimes de protection permanente et transitoire, allégement temporaire des sanctions et deux documents de consultation sur les déclarations d’information GloBE et la certitude fiscale pour les règles GloBE)
  • 7 février 2023 (Instructions administratives)
  • 28 mars 2023 (Mise à jour du budget 2023 sur le Pilier Un et le Pilier Deux)
  • 14 juillet 2023 (Règle d’assujettissement à l’impôt et position du Canada sur la prolongation du moratoire sur les TSN)