Professionnel(s) mentionné(s)
Associé, Droit municipal, aménagement du territoire; Immobilier, Toronto
Conseiller spécial, Ottawa
Vue d’ensemble
Le marché canadien de l’habitation se trouve à la croisée des chemins. Éprouvant des problèmes persistants d’abordabilité et des pénuries d’offre face à une réglementation complexe, le système est moins qu’optimal et inéquitable. En collaboration avec la section torontoise des anciens de l’Ivey Business School, Osler a récemment organisé une table ronde réunissant des leaders du secteur et des milieux politiques afin d’examiner les causes profondes de la crise et de proposer des solutions concrètes.
Dans le présent article, nous présentons une synthèse des principales observations et recommandations issues de ces discussions, en mettant l’accent sur la nécessité de favoriser la collaboration entre les pouvoirs publics, les promoteurs immobiliers, les prêteurs et les propriétaires fonciers en vue de rendre l’écosystème de l’habitation plus efficace et plus inclusif.
Contexte et données clés
Malgré l’ampleur du problème, le marché de l’habitation fonctionne comme prévu, avec des contraintes du côté de l’offre, une escalade des redevances d’aménagement, une incertitude réglementaire et un écart croissant entre les revenus et le coût du logement. Ces facteurs ont contribué à rendre le marché de plus en plus inaccessible à de nombreux Canadiens.
L’ampleur du défi est considérable :
- On estime que 3,5 millions de nouveaux logements seront nécessaires à l’échelle du pays d’ici cinq ans, dont 1,5 million en Ontario seulement.
- Les investisseurs détiennent une part importante du parc immobilier, soit 20 % à 30 %. En Ontario, 42 % des copropriétés appartiennent à des investisseurs, contre 15 % des maisons individuelles. À Toronto, environ 50 % des copropriétés sont détenues par des investisseurs.
Rôles et responsabilités des pouvoirs publics
Au niveau fédéral : La participation du gouvernement fédéral se limite généralement à fournir du financement par l’entremise de divers programmes, dont le Fonds pour accélérer la construction de logements. La Loi sur la stratégie nationale sur le logement (2019) a introduit une approche fondée sur les droits de la personne. C’est ainsi que la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) met en œuvre la Stratégie nationale sur le logement du gouvernement fédéral, offre une assurance prêt hypothécaire et soutient les locataires et les propriétaires par divers incitatifs et programmes fiscaux.
Au niveau provincial : Les provinces, en particulier l’Ontario, jouent un rôle central dans l’élaboration des politiques et des cadres législatifs en matière d’habitation. À ce titre, la Déclaration provinciale sur la planification oriente l’aménagement du territoire, tandis que la Loi sur l’aménagement du territoire de l’Ontario définit les rôles et les responsabilités des municipalités, notamment en matière de zonage, de densité et de réglementation de la construction.
Au niveau municipal : Les municipalités sont chargées de mettre en œuvre les politiques provinciales au moyen de plans officiels, de règlements de zonage et d’approbations d’aménagement. Elles sont en première ligne pour optimiser l’aménagement du territoire et accélérer l’offre de logements abordables.
Le logement, moteur économique
Le logement est un moteur fondamental de l’activité économique, qui influe sur l’emploi, les dépenses de consommation et la stabilité économique en général. C’est pourquoi les problèmes persistants d’abordabilité risquent d’exacerber les disparités sociales et économiques. Les décideurs sont encouragés à adopter une approche équilibrée qui favorise le développement tout en préservant les intérêts des collectivités et les objectifs de développement durable.
Cinq solutions à la crise du logement
Les participants à la table ronde ont analysé un éventail d’approches possibles pour remédier à la crise actuelle du logement, notamment :
- Légiférer sur le logement en tant que service essentiel : Légiférer sur le logement en tant que service essentiel, au même titre que la sécurité publique ou les infrastructures essentielles, pourrait apporter la certitude et la stabilité politiques nécessaires aux investissements et à la planification à long terme. Cela contribuerait à soustraire la politique de l’habitation aux cycles électoraux et à favoriser une collaboration cohérente entre toutes les parties prenantes.
- Accorder le titre en fief simple aux terres des réserves des Premières Nations : Le cadre juridique actuel limite la participation économique de nombreuses Premières Nations en les empêchant d’acquérir la propriété en fief simple des terres des réserves. Le titre de propriété en fief simple est la forme la plus complète de propriété au Canada. Il accorde au propriétaire les pleins droits d’utilisation, de vente, de location ou d’aménagement du terrain, sous réserve uniquement des lois de zonage et d’autres restrictions légales. Le fait d’étendre le titre en fief simple, plein et inconditionnel, aux terres des réserves ouvrirait d’importantes possibilités économiques, soutiendrait l’aménagement des infrastructures et favoriserait la réconciliation économique en accordant aux Premières Nations les mêmes droits de propriété et les mêmes outils économiques que ceux dont disposent les autres propriétaires fonciers au Canada.
- Innovation financière grâce à la copropriété fractionnée pour les acheteurs d’une première habitation : La nature binaire du marché canadien de l’habitation – location ou propriété – exclut de nombreux aspirants propriétaires. Les modèles de copropriété fractionnée permettraient aux particuliers d’acquérir progressivement une part du capital d’un bien immobilier, ce qui réduirait les obstacles à l’accession à la propriété et offrirait de nouvelles stratégies de vente pour les biens immobiliers détenus par des investisseurs. Cette approche nécessiterait des innovations de nature réglementaire et financière, notamment de nouveaux produits hypothécaires et la reconnaissance de la propriété fractionnée dans les évaluations de crédit.
- Revoir les redevances d’aménagement et envisager le financement par de nouvelles taxes foncières : Les redevances d’aménagement ont considérablement augmenté, ce qui constitue un obstacle à l’offre de nouveaux logements. Une solution de rechange consiste à recourir au financement par de nouvelles taxes foncières, un mécanisme de financement qui permet aux municipalités de financer des projets d’infrastructure en récupérant l’augmentation future des recettes fiscales foncières générées par un projet de réaménagement. Dans ce type de financement, les recettes fiscales foncières de base d’une zone désignée sont gelées, et toute augmentation des recettes fiscales résultant de la hausse de la valeur des propriétés due au réaménagement est affectée au financement d’améliorations des infrastructures ou d’autres projets publics. Cette approche évite d’imposer des coûts initiaux aux nouveaux aménagements. Le financement par de nouvelles taxes foncières a été utilisé avec succès pour financer des infrastructures de transport en commun à Toronto et pourrait être étendu en soutien à l’aménagement de logements.
- Faciliter la densification multifamiliale par une modification de la réglementation : Dans sa définition de bien immobilier résidentiel, le Bureau du surintendant des institutions financières, l’organisme canadien de réglementation et de surveillance prudentielle, stipule que ce type de bien est plafonné à un quadruplex sous un seul titre de propriété. Ainsi, tout immeuble résidentiel de cinq logements ou plus est considéré comme un immeuble commercial, ce qui entraîne des coûts de capital plus élevés, que ce soit pour les promoteurs, les prêteurs ou les créanciers hypothécaires. En modifiant cette définition pour y inclure jusqu’à huit logements, on favoriserait une densification modérée, la cohabitation multigénérationnelle et la création de nouveaux produits de financement, ce qui augmenterait l’offre dans les quartiers établis.
Autres facteurs à considérer
D’autres stratégies sont actuellement à l’étude, notamment la conversion des tours de bureaux en complexes à usage mixte, l’accélération des pratiques de construction durable grâce à la préfabrication et à l’utilisation de matériaux écologiques, ainsi que l’introduction d’une déduction fiscale progressive sur les intérêts hypothécaires en fonction du revenu des ménages.
Conclusion
Pour remédier à la crise du logement au Canada, il est nécessaire que tous les ordres de gouvernement et le secteur privé prennent des mesures urgentes et coordonnées. Les solutions présentées ci-dessus visent à catalyser des changements significatifs, à promouvoir l’abordabilité et à assurer la résilience à long terme du marché canadien de l’habitation. En misant sur l’innovation et la collaboration, les parties prenantes peuvent contribuer à rendre l’écosystème de l’habitation plus inclusif et plus durable pour tous les Canadiens.
Rédigé à l’aide des contributions de Sharon Castelino, section de Toronto des anciens de l’Ivey Business School, de Chris Barnett, associé au sein du groupe Droit municipal, aménagement du territoire d’Osler, et de Stephen Poloz, conseiller spécial d’Osler.
Les points de vue, opinions et renseignements communiqués dans le présent document le sont à titre informatif seulement et ne reflètent pas nécessairement les points de vue, les positions ou les opinions d’Osler ou de toute personne associée au cabinet. Ils ne constituent pas des conseils juridiques, commerciaux ou professionnels et ne doivent être attribués à aucune personne ou entité en particulier.
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Associé, Droit municipal, aménagement du territoire; Immobilier, Toronto
Conseiller spécial, Ottawa