PERSPECTIVES JURIDIQUES OSLER 2025

Comment l’année 2025 a redéfini les règles de gouvernance d’entreprise pour les années à venir Comment l’année 2025 a redéfini les règles de gouvernance d’entreprise pour les années à venir

4 décembre 2025 10 MIN DE LECTURE

Key Takeaways

  • En 2025, les nouvelles orientations politiques, entre autres en matière de diversité et de développement durable, ont redéfini les pratiques de gouvernance d’entreprises au Canada et aux États-Unis.
  • Le contexte de la diversité s’est heurté à plusieurs défis, notamment au recul des mesures prises à cet égard au sein des conseils d’administration des émetteurs et à la divulgation moins exhaustive des aspects qui s’y rattachent.
  • L’évolution du paysage réglementaire concernant la lutte contre l’écoblanchiment et la communication des données sur le climat est source de grande incertitude.

Au cours de l’année 2025, l’évolution des contextes politique et réglementaire au Canada, aux États-Unis et à l’échelle mondiale, a remodelé plusieurs piliers de la gouvernance d’entreprise, surtout à l’égard des initiatives de diversité et de développement durable, ainsi que des obligations de divulgation qui s’y rattachent. Par ailleurs, les conseils d’administration continuent de perfectionner leurs processus de réunion et de supervision des risques. Ces évolutions prépareront le terrain pour les mesures de gouvernance qui seront mises en œuvre en 2026 et au cours des années subséquentes.

De l’impulsion initiale au maintien des pratiques de divulgation : les efforts de diversité au sein des entreprises

En 2025, le paysage de la diversité a connu une évolution rapide sous l’effet de changements politiques et réglementaires majeurs, en particulier aux États-Unis. Les décrets présidentiels de Donald Trump concernant les politiques de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI) ont amené de nombreuses entreprises – notamment les sociétés cotées en bourse et celles ayant une forte présence aux États-Unis – à restreindre ou à revoir la formulation de leurs communications en matière de DEI. En parallèle, certains investisseurs institutionnels et cabinets américains de conseil aux actionnaires pour les assemblées ont revu leurs orientations de vote sur les questions de diversité.

Sur cette toile de fond, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont mis sur pause leurs efforts d’élargissement des obligations d’information en matière de diversité, en prenant soin de tenir compte des tendances internationales. Néanmoins, au cours de la dernière période des assemblées générales aux États-Unis, les actionnaires se sont systématiquement et fermement opposés aux propositions anti-DEI, alors qu’au Canada les propositions anti-DEI étaient moins fréquentes. Bon nombre d’entreprises continuent de mener à bien leurs initiatives en matière de diversité, mais plusieurs d’entre elles sont plus discrètes qu’avant.

Les données mises en lumière dans notre récent rapport intitulé Pratiques de divulgation en matière de diversité 2025 témoignent d’une perte d’élan en matière de diversité au sein des conseils d’administration et des équipes de direction. Au Canada, la proportion de femmes siégeant au conseil d’administration des sociétés ouvertes n’a augmenté que de 0,7 % en un an, ce qui représente la plus faible progression depuis que nous avons commencé à colliger ces données. Néanmoins, pour la première fois, le seuil symbolique de 30 % a été franchi, puisque les femmes occupent maintenant 30,5 % des postes dans les conseils d’administration des émetteurs cotés à la Bourse de Toronto.

La transformation la plus notable a porté sur la manière dont les émetteurs rendent compte de leurs pratiques. Après plusieurs années de conformité stable ou renforcée aux obligations de divulgation en matière de diversité, l’année 2025 a connu une diminution du nombre d’entreprises fournissant des informations non chiffrées à ce sujet. En effet, un nombre plus restreint d’émetteurs précisent de quelle manière ils tiennent compte de la représentation des femmes dans les processus de sélection et de nomination des administrateurs et des dirigeants faisant partie de leur conseil d’administration ou de leurs équipes de direction. Les émetteurs qui déclarent ces informations ont diminué respectivement de 5,5 % et 7,9 %. De plus, la terminologie utilisée a été révisée et nous avons remarqué, entre autres, une mention moins fréquente de l’acronyme « DEI » et, dans plusieurs cas, le resserrement de certains renseignements contextuels. Lorsqu’elles sont fournies, les descriptions mettent davantage en évidence le lien entre les initiatives de diversité et les besoins particuliers de l’entreprise, établissant ainsi une séparation plus nette entre la stratégie et la pratique.

Dans le contexte général actuel, il est vraiment difficile de maintenir les avancées en matière de diversité. La poursuite de ces initiatives dépendra de la capacité des entreprises à démontrer la valeur stratégique d’une équipe dirigeante diversifiée et à constituer un bassin fiable de cadres supérieurs compétents et diversifiés. Certains signes indiquent que de nombreuses entreprises continuent de soutenir les projets sous-jacents, même si les données publiques sont désormais plus mesurées et ciblées.

Les mesures de lutte contre l’écoblanchiment au Canada : une cible en constante évolution

Après les modifications de 2024 à la Loi sur la concurrence visant à lutter contre l’écoblanchiment, le nouveau droit privé d’action est entré en vigueur le 20 juin 2025. Les acteurs privés, notamment les groupes de défense des intérêts, peuvent désormais saisir le Tribunal de la concurrence pour des motifs d’intérêt public. Le Tribunal n’a pas encore précisé les critères d’évaluation de l’intérêt public dans ce contexte, et l’usage de ces nouveaux recours demeure limité jusqu’à présent.

Malgré l’adoption récente de ces amendements, le gouvernement fédéral a laissé entrevoir dans son budget de 2025 une possible révision de certaines dispositions. En effet, certains éléments liés à l’environnement pourraient être assouplis, notamment la suppression de l’obligation de justifier les déclarations concernant les avantages environnementaux à l’aide d’une méthodologie reconnue internationalement; cet aspect représentait une grande source d’incertitude pour les entreprises. Le gouvernement envisage également de supprimer le droit privé d’action en cas de plaintes pour écoblanchiment. Pour une analyse plus approfondie des amendements apportés à la Loi sur la concurrence, consultez notre article Perspectives juridiques Osler.

En guise d’alternative au droit privé d’action, certains groupes ont déposé des plaintes auprès des organismes de réglementation des valeurs mobilières à propos de l’obligation d’information en matière de développement durable. L’une des plaintes récentes a particulièrement attiré l’attention pour avoir explicitement choisi de se fonder sur les lois en matière de valeurs mobilières plutôt que sur la Loi sur la concurrence.

Obligation de communication des données liées au climat et au développement durable

Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières ont suspendu leurs travaux sur l’obligation de communication des données liées au climat, invoquant des préoccupations sur le plan de l’adaptation des marchés et de la compétitivité. Ces points sont particulièrement sensibles du fait de l’absence de cohérence dans les pratiques d’un pays à l’autre.

En 2025, le bilan des progrès accomplis à l’échelle internationale a été mitigé. Aux États-Unis, la Securities and Exchange Commission (SEC) a fait savoir qu’elle cesserait de défendre les contestations judiciaires de ses règles de communication des données liées au climat. L’Union européenne a poursuivi les négociations portant sur son ensemble de mesures unifiées visant à simplifier les obligations d’information. De son côté, l’Australie vient de conclure la première année de mise en œuvre de son nouveau cadre législatif d’obligation d’information concernant les données liées au climat.

Au Canada, la communication des données liées au climat demeure largement à la discrétion des entreprises, sous réserve de deux exceptions importantes. Les institutions financières sous réglementation fédérale doivent se conformer aux exigences énoncées dans la Ligne directrice B-15 du BSIF. De plus, les orientations réglementaires actuellement prévues par le droit des valeurs mobilières exigent la divulgation des risques climatiques importants.

Ces facteurs, conjugués à un contexte juridique et politique en pleine évolution, ont amené de nombreuses sociétés cotées en bourse à réduire, affiner et recentrer leurs déclarations relatives au développement durable en 2025, afin de trouver l’équilibre entre les risques de litige et les risques d’atteinte à la réputation par rapport aux attentes des parties prenantes. Les préoccupations concernant un encadrement excessif de l’obligation d’information ont conduit le gouvernement fédéral à réexaminer certains aspects des amendements apportés à la Loi sur la concurrence en matière de lutte contre l’écoblanchiment. La tendance générale vers des informations en matière de développement durable plus ciblées et plus pertinentes pour la prise de décisions devrait se poursuivre en 2026.

Les actionnaires individuels et l’exercice automatique de leur droit de vote : un possible contrepoids

Cette année, les mécanismes de vote des actionnaires ont suscité une attention particulière, en partie en raison de la part grandissante des votes exprimés par les actionnaires institutionnels (par rapport aux actionnaires individuels) lors des assemblées générales annuelles. La proposition de la société Exxon Mobil, visant à offrir aux actionnaires individuels la possibilité d’exercer automatiquement leur droit de vote selon les recommandations du conseil d’administration, a soulevé d’importants questionnements sur l’équilibre des influences. La SEC a répondu par une lettre de non-intervention, signalant son ouverture à ce type de mesure de vote pour les actionnaires individuels.

L’éventuelle mise en place d’une mesure de cette nature au sein des sociétés ouvertes au Canada devrait retenir l’attention en 2026. Une telle mesure devra tenir compte à la fois des lois visant les sociétés, de la réglementation des valeurs mobilières et des rouages opérationnels du processus de vote par procuration. En même temps, elle devra aborder les questions de gouvernance, notamment l’autonomie des actionnaires, la qualité de l’information pour un vote éclairé et les risques liés à la perception. Ce concept risque de provoquer des débats entre les membres des conseils d’administration, les investisseurs et autorités de réglementation.

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Perspectives pour 2026

L’année écoulée confirme que le contexte politique et réglementaire continue de façonner les pratiques de gouvernance. La diversité, l’engagement des actionnaires et la transparence en matière environnementale et sociale demeureront au centre des priorités des conseils d’administration et des équipes de direction au cours de la prochaine période des assemblées générales. Les émetteurs peuvent se positionner de manière stratégique en matière de diversité et de développement durable en concentrant leurs déclarations sur les points essentiels et les plus utiles à la prise de décisions, en faisant le lien entre les initiatives visant à soutenir la résilience à long terme, le rendement sur le plan opérationnel et la création de valeur pour les actionnaires. Des déclarations plus succinctes peuvent être tout aussi efficaces, voire plus, si elles s’inscrivent dans les besoins commerciaux de l’entreprise. En même temps, l’évolution des facteurs d’engagement (notamment les propositions d’exercice automatique du droit de vote pour les actionnaires individuels et les risques constants d’activisme de la part des actionnaires), plus amplement abordés dans notre article Perspectives juridiques Osler (en anglais seulement), met en lumière l’importance d’avoir des communications avec les parties prenantes soigneusement calibrées. Les communications claires et crédibles permettent de réduire les risques tout en consolidant la stratégie de l’entreprise. À l’approche de 2026, le contexte de gouvernance invite à l’adaptation plutôt qu’au recul. Les conseils d’administration qui intègrent ces éléments dans leurs pratiques de surveillance, de communication et d’engagement seront mieux équipés pour gérer les incertitudes, répondre aux attentes des parties prenantes et assurer une création de valeur à long terme.