Les droits des investisseurs et les protections visant les sociétés sont généralement les aspects les plus négociés d’une opération de placement privé dans une société ouverte. Bien qu’ils puissent varier considérablement d’une opération à l’autre, nous résumons ci-dessous certains droits et protections courants que nous voyons lors de la négociation d’opérations de placement privé dans une société ouverte.
Pour les investisseurs en capital-investissement, un aspect important de l’investissement consiste à assurer la surveillance stratégique des sociétés du portefeuille. En règle générale, les placements privés dans les sociétés ouvertes ne confèrent pas à l’investisseur le même degré de contrôle sur la société que celui qu’il obtiendrait dans le cadre d’une pure opération de rachat par capital-investissement privé. Bien qu’un investisseur puisse avoir une certaine influence sur les décisions de l’entreprise, les sociétés ouvertes peuvent résister à l’idée d’accorder à l’investisseur des droits d’approbation à l’égard des décisions commerciales clés ou des changements fondamentaux de l’organisation; il existe peu d’exemples où des droits d’approbation ont été accordés. Par conséquent, il peut exister une certaine tension entre le capital-investissement traditionnel et les placements privés dans les sociétés ouvertes, en fonction des investissements et de la stratégie habituels d’un investisseur.
Droits des investisseurs
Voici quelques exemples de droits que les investisseurs peuvent demander pour conserver et surveiller leur investissement.
Droits d’inscription
L’investisseur peut avoir le droit d’exiger de la société qu’elle dépose un prospectus autorisant la revente des titres visés dans le cadre du placement privé, généralement conformément à une convention de droits d’inscription et d’admissibilité (droits d’inscription). Les droits d’inscription peuvent comprendre des droits d’entraînement permettant de participer à un placement mené par la société, mais sans la possibilité d’« exiger » une inscription, ou se limiter à de tels droits. Les principaux domaines
de négociation comprendront les suivants :
- le seuil à partir duquel les droits d’inscription s’éteignent
- le nombre de fois que les droits d’inscription peuvent être exercés
- les droits de report pour la société dans certaines circonstances
- qui supporte les coûts associés à une inscription ou admissibilité
- les obligations d’indemnisation
Droits à l’information et droits d’inspection
L’investisseur peut avoir le droit de recevoir certaines informations en plus des informations habituelles que les sociétés ouvertes sont tenues de communiquer aux actionnaires. Les droits à l’information peuvent comprendre le droit d’examiner les états financiers mensuels et d’être informé à l’avance de certaines opérations. De même, l’investisseur peut avoir le droit d’inspecter les registres de la société. Ces droits sont généralement soumis à des obligations de confidentialité ainsi qu’à des restrictions quant à l’utilisation de l’information.
Droits de protection anti-dilution et droits de préemption
Les titres convertibles peuvent inclure des clauses anti-dilution qui ajustent automatiquement le prix de conversion ou augmentent le nombre d’actions qu’un investisseur reçoit dans certaines circonstances, telles que les suivantes :
- le regroupement des actions ordinaires en circulation
- le versement d’un dividende en actions ou d’autres distributions sur les actions ordinaires aux actionnaires existants
- le versement d’un dividende en espèces extraordinaire
- l’émission de titres convertibles assortis de conditions de conversion inégales
Ces clauses, qui offrent généralement une protection fondée sur la moyenne pondérée ou, plus rarement, une protection complète, visent à préserver la position économique de l’investisseur et doivent être rédigées avec soin afin de se conformer aux règles de la TSX et de la TSXV en matière de fixation du prix et d’approbation par les actionnaires.
Les investisseurs peuvent également négocier des droits de préemption. Les droits de préemption sont un droit préférentiel à l’égard de ce qui suit :
- la fourniture d’un financement futur
- l’acquisition d’une part proportionnelle des titres émis dans le cadre de financements futurs
- le maintien de la participation proportionnelle d’un investisseur dans la société
Ces droits peuvent généralement être exercés dans un délai de préavis déterminé et aux mêmes conditions et au même prix que ceux proposés aux autres investisseurs.
Les droits de protection anti-dilution et les droits de préemption peuvent être assujettis à des limites visant à éviter de restreindre indûment la souplesse des mobilisations futures de capitaux. Par exemple, une société peut ne pas être tenue de s’y conformer dans les conditions suivantes :
- toute action prise en rapport avec ce droit nécessite d’obtenir l’approbation des actionnaires
- le pourcentage de participation de l’investisseur tombe en dessous d’un certain seuil
- les titres sont émis aux termes de régimes d’actionnariat des employés ou en guise de contrepartie dans le cadre d’une acquisition stratégique
Droits de nomination au conseil d’administration
L’investisseur peut avoir le droit de demander à la société de nommer un ou plusieurs administrateurs à son conseil d’administration. Les droits de nomination sont souvent proportionnels à la participation de l’investisseur, et peuvent prendre fin si l’investisseur cède un certain pourcentage des titres qu’il a acquis auprès de la société dans le cadre de l’opération de placement privé dans une société ouverte ou si sa participation dans la société tombe en dessous d’un certain seuil. Les droits de nomination peuvent comprendre le droit pour la personne nommée au conseil d’administration de siéger à tous les comités du conseil d’administration ou à un sous-ensemble de ceux-ci. Lorsque les droits de nomination ne sont pas offerts, un investisseur peut plutôt négocier le droit de nommer un observateur au conseil d’administration et à ses comités. Lors de la négociation des droits de nomination des administrateurs, les investisseurs doivent garder à l’esprit que tous les administrateurs, y compris les administrateurs nommés, seront assujettis à l’approbation des actionnaires et auront des obligations fiduciaires envers la société (et non envers l’investisseur en particulier).
Droits de rachat des investisseurs
L’investisseur peut avoir le droit d’exiger de la société qu’elle rachète ses titres, habituellement à un prix préétabli en fonction, par exemple, du rendement minimum, dans certaines circonstances, notamment si la société vend la totalité ou la quasi-totalité de ses actifs, est radiée de la cote de la bourse à laquelle ses titres sont inscrits ou subit un changement fondamental (y compris un changement de contrôle). Les droits de rachat des investisseurs peuvent être obligatoires (c.-à-d. que l’événement déclencheur entraîne un rachat automatique sans que l’investisseur ou la société n’ait à faire de choix et sans possibilité de rachat partiel) ou au gré de l’investisseur (c.-à-d. que l’investisseur peut choisir que la société rachète tout ou partie de ses titres). Les droits de rachat contractuels sont un défi à la lumière des exigences de la législation sur les valeurs mobilières en matière d’offres publiques de rachat, bien que des droits de rachat au gré de l’émetteur ou au gré du porteur puissent être compris dans les conditions d’une catégorie particulière de titres.
Droits d’approbation ou de veto
L’investisseur peut avoir le droit d’approuver des actions ou des décisions importantes de la société concernant ses activités, ou de s’y opposer, y compris :
- des changements fondamentaux, comme la modification des statuts ou des règlements de la société
- l’émission de nouvelles catégories de titres ayant priorité sur la catégorie de titres émis dans le cadre de l’opération de placement privé dans une société ouverte
- l’engagement de dettes supplémentaire dépassant les seuils prescrits
- le versement de dividendes par la société
- l’apport de modifications importantes au plan d’affaires ou aux activités de la société
Autres droits touchant l’entreprise
L’investisseur peut négocier des droits supplémentaires afin de protéger ses intérêts stratégiques, tels qu’un droit de premier refus à la vente de certains actifs, le droit
de nommer des membres à des comités techniques ou consultatifs ou le droit de conclure des conventions de collaboration ou des conventions commerciales.
Protections visant les sociétés
Voici quelques exemples de protections que les sociétés peuvent exiger dans le cadre d’un placement privé dans une société ouverte :
Restrictions au transfert et à la revente
Une société peut négocier une période de détention obligatoire après la clôture qui dépasse la période légale de quatre mois (variant généralement d’un à trois ans) ou d’autres restrictions sur la capacité de l’investisseur à transférer ses titres. Ces restrictions permettent à la société d’avoir davantage de certitude quant au fait que l’investisseur restera aligné sur la société et sa stratégie sur une plus longue période. D’autres restrictions qui peuvent être négociées comprennent des limites à l’égard de la manière dont les reventes peuvent être effectuées (par exemple, la restriction des reventes à des distributions largement commercialisées ou l’interdiction des reventes aux clients, aux concurrents ou à d’autres actionnaires importants de la société). Par ailleurs, une société peut chercher à « placer » les titres entre les mains d’un actionnaire de soutien avant que l’investisseur ne soit en mesure de les vendre.
Moratoire
Une société peut être en mesure de négocier un moratoire à l’égard des investisseurs, pour une période fixe ou pour la période pendant laquelle l’investisseur détient un pourcentage minimum de titres de la société. Pendant la période de moratoire, l’investisseur s’engage à ne pas acquérir de titres supplémentaires de la société et à ne pas entreprendre d’actions que le conseil d’administration de la société considère comme hostiles, ce qui peut inclure des courses aux procurations visant à remplacer les administrateurs et des offres publiques d’achat non sollicitées.
Droits de rachat de la société
Une société peut être en mesure de négocier le droit d’imposer le rachat ou le remboursement des titres de l’investisseur dans certaines circonstances, telles que l’expiration d’une période de blocage, l’atteinte d’un cours prédéterminé ou l’écoulement d’un certain temps. Les investisseurs peuvent tenter d’atténuer les rachats au gré de la société au moyen de primes au rachat. Dans le contexte des titres convertibles, les droits de rachat peuvent permettre à la société de racheter les titres avant leur conversion, ce qui lui permet de gérer ou de limiter l’effet de dilution potentiel pour les actionnaires existants.
Soutien au vote
Une société peut demander à l’investisseur de s’engager à voter suivant ses instructions pendant un certain temps. La portée de ces accords de soutien au vote peut varier, mais peut inclure des accords visant à soutenir les candidats aux postes d’administrateur proposés par le conseil d’administration ou à voter conformément aux recommandations du conseil d’administration sur certaines questions touchant l’entreprise. Si l’investisseur est d’accord, ces dispositions excluent généralement les questions particulières, comme une éventuelle opération de vente.
Conclusion
Les opérations de placement privé dans les sociétés ouvertes offrent de nombreux avantages aux investisseurs et aux sociétés, en fournissant un mécanisme permettant aux sociétés ouvertes d’accéder à des réservoirs de capitaux privés et aux investisseurs de déployer des capitaux relativement rapidement sur les marchés publics à des conditions flexibles. Compte tenu de leur nature particulière, il est essentiel que les parties obtiennent des conseils financiers et juridiques qui les aideront à gérer avec efficacité la dynamique de ces opérations.