Auteur
Associé, Droit des sociétés, Calgary
Key Takeaways
- Dans le budget de 2025, le gouvernement fédéral annonce son intention de présenter un projet de loi pour régir les cryptomonnaies stables adossées à une devise au Canada, transférant leur surveillance des autorités provinciales à la Banque du Canada.
- Les émetteurs devront maintenir des réserves, mettre en œuvre des politiques de rachat et assurer la gestion des risques, exigences qui sont déjà prévues par les indications des ACVM, mais qui seront désormais codifiées dans une loi.
- Les modifications apportées à la Loi sur les activités associées aux paiements de détail clarifieront la relation entre les fournisseurs de services de paiement et les cryptomonnaies stables visées.
- Des questions restent sans réponse concernant la distinction entre les cryptomonnaies stables adossées à une devise et les cryptomonnaies stables classées comme des valeurs mobilières.
Le 4 novembre 2025, le gouvernement du Canada a publié le budget de 2025 [PDF]. Bien que ce budget contienne un large éventail de mesures fiscales et budgétaires, une ligne en particulier a retenu l’attention des acteurs du secteur des actifs numériques au Canada. Le gouvernement fédéral a l’intention de présenter un projet de loi pour régir l’émission de cryptomonnaies stables adossées à une devise au Canada. C’est la première fois que le gouvernement fédéral annonce dans un budget qu’il présentera un projet de loi de ce type, qui, s’il est adopté, deviendra la première loi au Canada axée uniquement sur les cryptomonnaies. Depuis plusieurs années, la surveillance des cryptomonnaies stables relève en grande partie des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM), soit les autorités provinciales de réglementation des valeurs mobilières qui, par le biais de plusieurs Avis du personnel, ont imposé des attentes précises aux plateformes de négociation de cryptoactifs et aux émetteurs de cryptomonnaies stables adossées à une devise.
Ce qui est nouveau, ce n’est donc pas le concept de surveillance en soi, mais plutôt qui, au niveau gouvernemental, exercera cette surveillance, par quel moyen juridique et pour quels types de cryptomonnaies stables et de fonctions liées aux cryptomonnaies stables. Ces questions sont importantes, car elles déterminent comment les émetteurs conçoivent leurs structures juridiques, comment ils accèdent aux services bancaires et, en fin de compte, comment le marché canadien lui-même se développera.
Voici ce que nous apprend le budget de 2025.
L’avenir des cryptomonnaies stables canadiennes
Tout d’abord, le budget indique que le projet de loi fédérale à venir prévoira que les émetteurs devront maintenir des réserves d’actifs suffisantes, mettre en œuvre des politiques de rachat et assurer une gestion appropriée des risques. Il s’agit là de concepts que le secteur connaît bien grâce à l’Avis 21-332 du personnel des ACVM, Plateformes de négociation de cryptoactifs : engagements préalables à l’inscription – Changements visant à rehausser la protection des investisseurs canadiens, et à l’Avis 21-333 du personnel des ACVM, Plateformes de négociation de cryptoactifs : conditions applicables à la négociation de cryptoactifs arrimés à une valeur avec des clients. En d’autres termes, le fond n’est pas entièrement nouveau. Par leurs indications, les ACVM soumettent déjà les émetteurs de cryptomonnaies stables à diverses exigences concernant le maintien de réserves suffisantes, la planification de la liquidité, le rachat sur demande en dollars canadiens, les attestations, la séparation des dépôts et la résilience des activités. La différence ici est que ces exigences auront un effet légal au niveau fédéral (puisqu’elles seront codifiées dans une loi), plutôt que d’être des « indications du personnel » imposées par le biais d’avis du personnel des autorités de réglementation des valeurs mobilières.
Ensuite, la surveillance du nouveau régime prévu par la loi fédérale sera assurée par la Banque du Canada. Les documents budgétaires prévoient l’octroi d’environ 10 millions de dollars sur deux ans, à compter de 2026-2027, pour permettre à la Banque d’administrer le nouveau régime applicable aux cryptomonnaies stables. Après cette période initiale, les frais administratifs devraient s’élever à environ 5 millions de dollars par an. Ces frais seront probablement récupérés auprès des émetteurs de cryptomonnaies stables régis par la nouvelle loi. Il s’agit là d’un signal très clair indiquant que l’émission de cryptomonnaies stables est considérée par le gouvernement fédéral comme une activité de paiement plutôt que comme une activité de négociation. Les émetteurs de cryptomonnaies stables ont toujours soutenu que les cryptomonnaies stables étaient, sur le plan fonctionnel, des instruments de paiement et que leur surveillance devait relever du gouvernement fédéral, à l’instar des paiements de détail, plutôt que des autorités provinciales de réglementation des valeurs mobilières. C’est la première fois qu’Ottawa s’engage dans cette voie.
Enfin, des modifications seront apportées à la Loi sur les activités associées aux paiements de détail (LAAPD) pour régir les fournisseurs de services de paiement (FSP) qui exécutent des fonctions de paiement au moyen de « cryptomonnaies stables visées ». Il s’agit là d’un énoncé très intéressant. Il suppose qu’il existera une catégorie de cryptomonnaies stables pouvant être qualifiées de « cryptomonnaies stables visées »; toutefois, la signification exacte de ce terme reste floue. Cela signifie que, si un FSP utilise une « cryptomonnaie stable visée » pour exécuter ses fonctions de paiement, il restera une entité assujettie à la LAAPD et ne deviendra pas un acteur du marché des valeurs mobilières. Cela est important, car de nombreux FSP et acteurs hors marché des valeurs mobilières s’inquiétaient de la possibilité de devoir se conformer aux lois sur les valeurs mobilières simplement parce qu’ils négociaient des cryptomonnaies stables, étant donné que le personnel des ACVM suggérait fortement que les cryptomonnaies stables étaient des valeurs mobilières ou des dérivés en vertu de la loi canadienne.
Questions sans réponse
Si le budget crée une dynamique et donne une orientation législative, des questions fondamentales restent sans réponse. Par exemple, quelle est la ligne de démarcation entre une cryptomonnaie stable adossée à une devise sous réglementation fédérale et une cryptomonnaie stable ou un jeton qui répond à la définition de valeur mobilière? La ligne de démarcation la plus évidente est peut-être le rendement. Une cryptomonnaie stable adossée à une devise qui verse de l’intérêt à ses détenteurs peut toujours être considérée comme une valeur mobilière, car le rendement suscite une attente de profit liée à la réserve d’actifs sous-jacente. Si telle est la ligne de démarcation, cette catégorie de cryptomonnaies stables restera probablement sous la compétence des provinces en matière de valeurs mobilières. À l’inverse, si le jeton ne rapporte pas de rendement et est utilisé principalement comme instrument de paiement, il pourrait alors relever de la loi fédérale.
Il s’agit d’une question importante qui mérite d’être clarifiée. Si Ottawa finit par établir un périmètre fonctionnel qui exclut les cryptomonnaies stables de paiement de la législation en matière de valeurs mobilières, tout en préservant la compétence en matière de valeurs mobilières pour des actifs tels que les cryptomonnaies stables génératrices de rendement ou les cryptomonnaies stables adossées à un panier d’actifs différents, cela représentera un réaménagement structurel des deux niveaux de compétence.
C’est pourquoi le budget de 2025 et l’annonce de l’intention du gouvernement fédéral de régir les cryptomonnaies stables ont beaucoup plus d’importance qu’une simple phrase ne le suggère. Cela signale l’entrée du gouvernement fédéral dans un domaine qui, jusqu’à présent, était entièrement géré par les ACVM. Cela introduit la Banque du Canada en tant qu’autorité de réglementation des jetons de paiement adossés à une devise. Et cela laisse entrevoir un monde où des cryptomonnaies stables peuvent être créées, émises, rachetées et utilisées dans un environnement de paiement supervisé au niveau fédéral.
Un projet de loi est attendu dans les prochains mois, et le secteur suivra de près son évolution.