Auteurs(trice)
Associée, Litiges, Vancouver
Associé, Droit des sociétés, Toronto
Sociétaire, Litiges, Toronto
Sociétaire, Droit des sociétés, Toronto
Sociétaire, Litiges, Toronto
Key Takeaways
- Nous observons au Canada l’intensification de l’activisme des actionnaires ciblant la composition des conseils d’administration et des équipes de haute direction des entreprises, influencé par des caractéristiques structurelles propices à l’activisme.
- Les autorités de réglementation des valeurs mobilières au Canada abordent l’activisme des actionnaires avec prudence, manifestant un certain scepticisme à l’égard des plans de droits qui s’éloignent des règles encadrant les offres publiques d’achat.
- Pour faire face à l’intensification de l’activisme, les émetteurs gagneraient à revoir leurs stratégies de gouvernance, à renforcer le dialogue avec les actionnaires et à respecter les exigences réglementaires.
En progression constante ces dernières années, l’activisme des actionnaires a contribué à façonner la gouvernance d’entreprise au Canada. Les tendances récentes, les interventions des autorités de réglementation et plusieurs causes importantes ont créé un cadre propice au maintien de cette influence en 2026, mettant en relief les enjeux sur lesquels émetteurs et actionnaires devraient concentrer leur attention au cours de la prochaine année.
Les émetteurs et les actionnaires seraient avisés d’anticiper l’intensification de l’activisme et de se préparer à une mobilisation réelle et structurée de la part des actionnaires.
Portrait des tendances en matière d’activisme des actionnaires au Canada
Le Canada continue d’offrir un environnement propice à l’activisme des actionnaires. Comparativement aux États-Unis, certaines particularités structurelles et réglementaires permettent aux actionnaires activistes de provoquer plus facilement des changements. Il leur suffit notamment de détenir 5 % des actions en circulation pour demander la tenue d’une assemblée des actionnaires. Par ailleurs, l’élection obligatoire des administrateurs chaque année permet de renforcer l’imputabilité des conseils d’administration et de simplifier les procédures permettant le dépôt des propositions des actionnaires.
La faiblesse des protections structurelles encourage les actionnaires activistes à se tourner vers les entreprises canadiennes pour faire avancer leurs priorités. Leurs campagnes portent surtout sur la composition du conseil d’administration et de l’équipe de direction, avec des efforts ciblés sur la relève du chef de la direction, sur l’attribution des ressources financières et sur l’appel au rééquilibrage des stratégies de l’entreprise. Dans de nombreux cas récents, les campagnes se sont conclues avant le vote des actionnaires grâce à un renouvellement ciblé du conseil d’administration, à des engagements en matière de gouvernance de la part de l’émetteur ou à la révision du plan stratégique de l’entreprise.
Nous constatons également une augmentation des propositions des actionnaires. Bien que celles-ci soient le plus souvent de nature consultative, elles offrent aux actionnaires une tribune pour exprimer leur opinion et faire avancer leurs priorités. Selon le rapport du groupe Laurel Hill Advisory sur les tendances en matière de gouvernance d’entreprise (2025 Trends in Corporate Governance Report; en anglais seulement) publié en 2025, 89 propositions ont été soumises cette année, soit une augmentation de 9,9 % par rapport au nombre de propositions soumises en 2024. Toutefois, le soutien moyen des actionnaires à ces propositions a diminué cette année, passant de 15,2 % à 12,6 %. Parmi ces propositions, 71,9 % portaient sur des enjeux environnementaux et sociaux et 18 % sur des questions de gouvernance. Plusieurs d’entre elles proposaient de s’opposer aux assemblées d’actionnaires entièrement virtuelles. En 2025, 41 % des sociétés ont tenu des assemblées entièrement virtuelles, ce qui traduit un net recul par rapport au sommet historique de 88 % enregistré en 2021.
Nous nous attendons à ce que les facteurs environnementaux et sociaux continuent d’influencer l’activisme des actionnaires au Canada. Toutefois, les évolutions observées aux États-Unis et ailleurs dans le monde ont changé la manière dont ces questions sont perçues. La nature et l’ampleur des tactiques d’activisme portant sur ces enjeux peuvent varier selon les territoires. Néanmoins, les préoccupations en matière de gouvernance seront toujours la pièce maîtresse du plan d’action des actionnaires activistes.
Le point de vue des décideurs
Les récents litiges portant sur l’activisme des actionnaires permettent de tirer des enseignements précieux concernant le bon fonctionnement des conseils d’administration, les tactiques d’activisme, les attentes des organismes de réglementation et les stratégies d’engagement. Mis ensemble, ces éléments donnent un aperçu de la forme que prendront les futures campagnes d’activisme des actionnaires au Canada.
Les autorités canadiennes de réglementation des valeurs mobilières ont fait preuve de prudence dans leurs interventions. Entre autres, dans l’affaire Greenfire (en anglais seulement), elles ont émis une ordonnance de suspension de la négociation d’un plan de droits des actionnaires adopté en réponse à l’acquisition par un tiers d’une participation de 43 % dans la société. Les autorités de réglementation des valeurs mobilières n’ont pas retenu les arguments invoquant des manquements aux obligations fiduciaires. Elles ont plutôt privilégié l’examen de l’exemption prévue pour les accords privés dans les règles relatives aux offres publiques d’achat et ont suggéré que les enjeux à prendre en considération en matière d’obligations fiduciaires étaient davantage du ressort des tribunaux. Dans l’affaire Greenfire, Osler a représenté un actionnaire important lors de l’audience devant la Commission des valeurs mobilières de l’Alberta.
De la même manière, dans l’affaire Bitfarms [PDF; en anglais seulement] portant sur la suspension de la négociation d’un plan de droits, les autorités de réglementation des valeurs mobilières ont souligné que le plan de droits visait à abaisser le seuil de déclenchement d’une offre publique d’achat en dessous du point de déclenchement fixé à 20 %, compromettant ainsi de manière réelle et substantielle les principes fondamentaux du cadre réglementaire régissant les offres publiques d’achat. Nous nous attendons à ce que les organismes de réglementation demeurent sceptiques à l’égard des plans de droits qui s’écartent du cadre réglementaire actuel et qu’ils favorisent une application prévisible du cadre réglementaire.
Si les autorités de réglementation des valeurs mobilières examinent souvent les offres publiques d’achat, elles interviennent beaucoup plus rarement dans les batailles de procurations, qui sont généralement laissées à l’appréciation des tribunaux (comme souligné dans l’affaire Gildan). Également, dans l’affaire Aimia Inc. [PDF; en anglais seulement], l’intervention des autorités de réglementation est demeurée limitée en l’absence d’une véritable bataille de procuration ou d’une imminente assemblée des actionnaires, d’autant plus que des questions similaires étaient déjà devant les tribunaux. L’organisme de réglementation s’est par ailleurs montré respectueux de la décision du conseil d’administration de recourir à un placement privé pour contrer une offre publique d’achat non sollicitée.
Osler a conseillé l’investisseur principal lors de l’audience devant le Tribunal des marchés financiers. Pour obtenir un complément d’information au sujet de la décision Aimia, consultez le Bulletin d’actualités Osler du 11 mars 2024.
Les tribunaux continuent d’examiner de près les tactiques employées dans les campagnes d’activisme des actionnaires, même si, à l’instar des organismes de réglementation, ils sont hésitants à intervenir. Les propositions d’actionnaires sont un moyen fréquemment utilisé dans ces campagnes, mais leur efficacité à provoquer des changements est limitée. Par exemple, dans la décision de l’affaire One Move c. Dye & Durham (en anglais seulement), le tribunal a jugé qu’une proposition d’un actionnaire ne peut être utilisée pour destituer un administrateur, même si l’administrateur en question est le candidat de cet actionnaire. L’actionnaire doit attendre l’assemblée générale annuelle de l’émetteur ou demander la tenue d’une assemblée extraordinaire spécialement à cette fin.
Les tribunaux font une interprétation stricte des conventions relatives aux droits des investisseurs, surtout en cas de bataille de procurations. L’emploi de ces conventions pour restreindre ou favoriser l’activisme des actionnaires repose fortement sur des faits et ces conventions sont fréquemment utilisées pour parvenir à un règlement dans les batailles de procurations.
Dans l’affaire One Move c. Dye & Durham, la Cour supérieure de justice de l’Ontario devait déterminer si la convention relative aux droits des investisseurs interdisait à un actionnaire de voter pour révoquer un administrateur. La cour a conclu que cela n’était pas le cas, affirmant que [TRADUCTION] « les droits conférés à un actionnaire en vertu de la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario s’appliquent, sauf s’ils sont abrogés de manière expresse ou par nécessité du fait de la convention entre actionnaires ». Dans l’affaire Parkland c. Simpson Oil (en anglais seulement), la cour a jugé qu’un changement défavorable majeur mettait fin aux restrictions imposées aux campagnes d’activisme dans une convention relative aux droits des investisseurs, démontrant ainsi la latitude dont disposent les parties pour définir les droits et obligations propres à chacune d’elles.
Même si les tribunaux étudient autant les tactiques des actionnaires activistes que celles des émetteurs, ils sont encore réticents à intervenir sans preuve claire et convaincante que les mesures contestées influenceront le résultat de manière coercitive. Dans l’affaire Muddy Waters c. Mayfair (en anglais seulement), la cour a refusé d’intervenir dans une situation de prise de contrôle, dans le cadre de laquelle des paiements avaient été placés en fiducie pour certains membres de la direction. En effet, la cour a estimé que les éléments de preuve étaient insuffisants pour démontrer que ces paiements permettraient de maintenir le conseil d’administration en place ou auraient pour effet de contrecarrer les efforts déployés pour remporter la bataille de procurations.
Pour être efficace, une contestation doit reposer sur de solides éléments de preuve. Dans l’affaire Apollo c. MediPharm (en anglais seulement), le tribunal a refusé la nomination d’un président indépendant, estimant que, si des irrégularités avaient été commises lors de l’assemblée des actionnaires, des poursuites pouvaient être intentées après la tenue de cette assemblée. Le tribunal a également refusé d’ordonner la divulgation au dissident des communications entre la société et son agent des transferts, considérant qu’une telle ordonnance était sans précédent. De plus, le tribunal s’est montré réticent à entraver la relation contractuelle entre la société et son agent des transferts.
En revanche, les tribunaux interviennent lorsqu’un actionnaire se voit injustement privé de son droit de vote. Dans l’affaire Skychain (en anglais seulement), la société avait tenté de rejeter les candidats mis en nomination par un dissident au motif qu’ils n’avaient pas divulgué qu’ils agissaient conjointement et de concert avec d’autres. Le tribunal a jugé que la politique de préavis invoquée ne rendait pas cette divulgation obligatoire.
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En savoir plusSe préparer à l’intensification de l’activisme
À mesure que les formes d’activisme se diversifient, émetteurs et actionnaires doivent adapter leurs stratégies afin de tenir compte des exigences des autorités et des priorités des investisseurs.
Une préparation rigoureuse est fondamentale. Les émetteurs devraient mettre en place ou à jour leurs stratégies de réponse aux tactiques d’activisme et s’assurer que le plan d’attribution des ressources financières corresponde aux stratégies de l’entreprise. Il est également important de définir un plan de gouvernance clair et crédible. En outre, les émetteurs et les actionnaires activistes doivent s’assurer que les conventions relatives aux droits des investisseurs produisent les effets prévus. L’engagement constant auprès des actionnaires est essentiel pour détecter rapidement tout sujet de préoccupation.
Face aux actes d’activisme des actionnaires, qu’ils soient réels ou potentiels, l’adoption de processus rigoureux constitue une mesure de protection essentielle. Lors de la prise de décision, les parties devraient documenter les motifs qui sous-tendent chaque démarche et évaluer les autres choix stratégiques possibles. Cette rigueur est d’autant plus fondamentale dans les moments de grande vulnérabilité pendant la période critique d’assemblage de l’ensemble de la preuve. Si l’instauration d’un plan de droits est envisagée, le choix du moment de sa mise en œuvre et la manière dont il s’articule autour des lois en matière de valeurs mobilières et des attentes des investisseurs institutionnels seront des points importants à prendre en considération.
Nous anticipons que l’année 2026 sera marquée par l’intensification des actes d’activisme et le maintien de l’attention sur l’instauration de règles prévisibles. La réussite, que ce soit pour défendre une position ou pour réclamer des changements, reposera sur la préparation, la solidité des preuves et une stratégie cohérente mobilisant l’expertise en gouvernance, en fusions et acquisitions, en valeurs mobilières et en litiges.