Passer au contenu

La restructuration du capital d’une société comme solution de rechange aux procédures d’insolvabilité

Auteur(s) : Andrea Whyte, c.r., Marc Wasserman, Andrea Whyte, Patrick Riesterer

6 décembre 2016

Dans le contexte économique actuel, et plus particulièrement par suite de la baisse des prix du pétrole et du gaz touchant le secteur de l’énergie, les sociétés en difficulté financière se tournent de plus en plus vers les dispositions en matière d’arrangement de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) ou des lois sur les sociétés provinciales équivalentes pour restructurer les obligations de sociétés et titres de créance similaires. Les arrangements en vertu de la LCSA se sont avérés une solution de rechange efficace et souple aux procédures d’insolvabilité officielles pour restructurer ou recapitaliser certains titres de créance et apporter d’autres changements fondamentaux à la structure du capital d’une société. Des procédures d’arrangement fructueuses en vertu de la LCSA peuvent être exécutées dans un délai beaucoup plus court qu’une restructuration en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) ou de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (LFI), sont potentiellement moins coûteuses qu’une procédure en insolvabilité et ont moins de répercussions sur les activités d’une société et sur sa réputation.

Les arrangements en vertu de la LCSA sont une solution de rechange intéressante lorsqu’une société n’a pas besoin de restructurer ses obligations contractuelles, de différer des litiges importants ou d’obtenir une hausse des liquidités par la suspension du paiement d’obligations qui ont pris naissance avant le dépôt des procédures, mais qu’elle est sous pression en raison des dettes dans son bilan qui ne sont pas soutenues par son BAIIA prévu. La clé de la réussite est de parvenir à un consensus avec les principaux porteurs de titres et de rechercher un soutien à l’arrangement bien avant la première comparution devant le tribunal.

Processus d’approbation de l’arrangement

Un arrangement en vertu de la LCSA prend effet par le truchement d’un plan d’arrangement qui est généralement approuvé par les porteurs d’une super-majorité (c.-à-d. les deux tiers) de la valeur des titres touchés et est sanctionné par un tribunal. Contrairement à un vote sur un plan d’insolvabilité, où un plan doit être approuvé par une double majorité de deux tiers de la valeur des titres et une majorité du nombre de créanciers touchés dans une catégorie donnée, un vote d’arrangement en vertu de la LCSA ne nécessite pas non plus l’approbation d’une majorité numérique des porteurs du titre en question.

Les procédures judiciaires commencent officiellement par une demande d’ordonnance provisoire qui autorise la société à convoquer une ou plusieurs assemblées des porteurs de titres touchés pour procéder au vote sur le plan d’arrangement. De plus, l’ordonnance provisoire impose souvent un sursis des droits et recours des porteurs de titres qui seront touchés par le plan d’arrangement proposé. Les tribunaux ont aussi accordé une suspension des dispositions de défaut croisé susceptibles d’être déclenchées par un défaut qui survient aux termes des titres touchés. Normalement, la suspension est beaucoup plus étroite que la suspension accordée dans des procédures d’insolvabilité, où une suspension plus large s’applique aux droits et recours
des créanciers, des contreparties contractuelles et des autres parties intéressées.

Lorsque l’ordonnance provisoire est accordée et que le plan d’arrangement est approuvé par la majorité requise de porteurs de titres qui assistent à la ou aux assemblées, une demande est présentée au tribunal pour une ordonnance définitive sanctionnant le plan comme étant équitable. Suivant l’ordonnance définitive, le plan peut être mis en œuvre pour échanger ou éteindre les titres de créance ou les titres de capitaux propres et/ou pour régler les obligations correspondantes en échange de la contrepartie envisagée par le plan.

Échéancier plus court

Si les circonstances s’y prêtent, une ordonnance définitive approuvant un plan d’arrangement en vertu de la LCSA peut être obtenue en moins de 60 jours suivant le début des procédures. Un arrangement en vertu de la LCSA est souvent terminé en quelques mois, tandis qu’une restructuration d’insolvabilité exige généralement plus de temps (même si l’une ou l’autre des formes de restructuration peut être terminée dans un délai plus court dans les bonnes circonstances).

Le début officiel des procédures d’arrangement en vertu de la LCSA est souvent le point culminant d’intenses négociations qui commencent bien avant que des documents de la cour ne soient signifiés. Une société qui cherche à restructurer sa dette devrait commencer par négocier une convention de soutien avec les principaux porteurs de titres bien avant la survenance d’un défaut imminent. Une convention de soutien est conçue pour s’assurer que l’issue de l’assemblée visant à approuver le plan d’arrangement est déterminée avant que l’assemblée ne soit convoquée.

Résultats prénégociés

Une convention de soutien typique établira, à tout le moins, les principales modalités de l’arrangement et obligera les porteurs de titres qui donnent leur appui à voter en faveur de l’arrangement et à s’abstenir de faire valoir des recours. Elle interdira aussi aux porteurs de titres qui donnent leur appui de prendre d’autres arrangements avec d’autres parties intéressées.

Les porteurs de titres qui donnent leur appui dès le départ recevront souvent une prime de précurseur en plus de la contrepartie remise à tous les porteurs de titres aux termes de l’arrangement. La carotte représentée par la prime est souvent jumelée à un bâton : la convention de soutien peut exiger que la société dépose une demande de protection en cas d’insolvabilité et mette en œuvre une autre opération de restructuration à la survenance de certains événements, notamment l’omission d’obtenir le soutien des actionnaires ou d’autres porteurs de titres du capital de l’entreprise. La menace d’une insolvabilité et le potentiel correspondant d’érosion de valeur sont souvent suffisants pour amener les parties intéressées à la table. Cela est particulièrement efficace pour les actionnaires, qui risquent de perdre la totalité de leur investissement si la société devient insolvable.

Aucun besoin de reconnaître l’insolvabilité

Des arrangements en vertu de la LCSA peuvent être offerts aux sociétés insolvables pour autant que l’une des sociétés qui en fait la demande soit solvable ou que la société devienne solvable par suite de l’arrangement. Contrairement à une société qui demande une protection en cas d’insolvabilité, une société soumise à des procédures d’arrangement en vertu de la LCSA n’est pas tenue de reconnaître son insolvabilité et il ne lui est pas interdit de payer ses créanciers dans le cours normal des affaires. Habituellement, le crédit commercial à court terme n’est pas touché. La société peut continuer d’exercer ses activités comme d’habitude, avec des incidences minimales sur les employés, les clients ou les fournisseurs. Une certaine valeur pour les actionnaires peut être préservée. Les honoraires des professionnels tendent à être inférieurs qu’en cas d’insolvabilité en raison de la durée plus courte de la procédure et du fait que moins de parties intéressées sont touchées par le processus ou y prennent part.

Une solution de rechange intéressante

Lorsque les circonstances s’y prêtent, un arrangement en vertu de la LCSA est une solution de rechange intéressante aux procédures d’insolvabilité officielles. Il y a des limites aux types de restructurations qui peuvent être réalisées à l’aide d’un arrangement en vertu de la LCSA. Les dispositions d’arrangement en vertu de la LCSA ne sont généralement pas utilisées pour restructurer les emprunts bancaires traditionnels (même s’il existe certains exemples) et n’ont pas été utilisées pour réaliser des restructurations opérationnelles complètes ou pour tenir compte d’arrangements contractuels commerciaux. De plus, un arrangement en vertu de la LCSA ne permet pas à une société de rechercher une charge à super-priorité pour garantir tous nouveaux fonds dont la société a besoin pour mener l’arrangement à terme. Cependant, si une société cherche à restructurer son capital et à transiger sur ses titres et si elle n’a pas besoin de liquidités supplémentaires, un arrangement en vertu de la LCSA peut s’avérer un outil souple et efficace pour atteindre ces objectifs.

En 2016, Osler a participé à certaines des restructurations en vertu de la LCSA les plus importantes et les plus complexes du pays, notamment Tervita Corporation, Trident Exploration Corp. et Postmedia Network Canada Corporation. Osler était l’avocat principal pour Tervita Corporation et pour Trident Exploration Corp., qui sont deux des rares arrangements de restructuration de la dette en vertu de la LCSA ayant réussi en Alberta, dans le contexte économique actuel. Bien qu’une restructuration en vertu de la LCSA comporte certaines limitations, il s’agit d’un puissant outil qui peut être utilisé lorsque les circonstances s’y prêtent.