Alors que l’élection présidentielle américaine de 2024 arrive à grands pas, au milieu des critiques croissantes des avocats et des observateurs du secteur des cryptoactifs, la Securities and Exchange Commission (SEC) des États-Unis a approuvé un projet de modification des règles permettant aux principales bourses d’inscrire à leur cote les fonds négociés en bourse (FNB) axés sur l’Ethereum (ETH). La SEC approuve un tel projet alors qu’elle est accusée d’avoir été très peu accueillante à l’égard des placements novateurs, choisissant de réguler les actifs numériques par des mesures d’application de la loi plutôt que de demander au Congrès de clarifier son mandat ou d’utiliser ses pouvoirs ordinaires de réglementation. De nombreux commentateurs considèrent un tel projet comme un changement significatif dans l’approche de la SEC à l’égard de la réglementation des cryptomonnaies, ce qui pourrait indiquer un assouplissement de sa position et une plus grande ouverture à adopter des actifs numériques tels que l’Ethereum. Un tel changement soulève d’importantes questions sur l’avenir de la réglementation des cryptoactifs aux États-Unis, considérant, en particulier, les complexités de la catégorisation des actifs numériques et de la mise en application de la loi à leur égard.
Vers la fin du mois de mai 2024, la SEC a approuvé un projet de modification des règles permettant au Nasdaq, à la New York Stock Exchange et à la Cboe d’inscrire à leur cote huit FNB axés sur l’ETH basés aux États-Unis. Même si les émetteurs des titres des FNB axés sur l’ETH devront encore obtenir l’approbation de la SEC avant de pouvoir commencer à les négocier, le prix du marché de l’ETH a déjà augmenté en prévision de l’ajout de l’ETH par les investisseurs institutionnels à leurs portefeuilles[1].
Plus important encore, certains commentateurs considèrent l’approbation des FNB axés sur l’ETH comme un signe que la SEC pourrait essayer de faire preuve de moins de rigidité dans sa position à l’égard des cryptomonnaies en général et, en particulier, à l’égard de sa catégorisation de l’ETH[2]. Une telle spéculation a été renforcée par les récents revers de la SEC devant les tribunaux américains, ainsi que par l’annonce de l’abandon de son enquête visant Consensys Software Inc. (Consensys) et sa négociation de l’ETH.
Mesures d’application de la loi de la SEC à l’encontre d’Ethereum
Dans un Bulletin d’actualités Osler paru récemment, nous avons fait état des conflits aux États-Unis entre la SEC et la Commodity Futures Trading Commission (CFTC) au sujet de la catégorisation des cryptoactifs, et donc de leur compétence sur ceux-ci. La SEC, en particulier, a affirmé sans ménagement, par le biais de mesures d’application de la loi [en anglais seulement], son point de vue selon lequel presque toutes les cryptomonnaies relevaient de son champ de compétence puisqu’elles constituent des valeurs mobilières ou des produits dérivés. En revanche, la CFTC, avec le soutien de certains législateurs et acteurs du marché des cryptoactifs, affirme que la plupart des cryptomonnaies devraient être considérées comme des marchandises.
En avril 2024, la SEC a signifié un avis Wells – un avis de son intention de prendre des mesures d’application de la loi – à l’encontre de Consensys, importante société mondiale de chaînes de blocs fondée par l’un des créateurs d’Ethereum, au motif que la société avait agi en tant que « courtier non inscrit » (unregistered securities broker)[3]. La SEC a reproché à la société de permettre aux utilisateurs de négocier différents jetons et d’immobiliser (stake) leurs jetons, plutôt que de viser directement Ethereum ou sa technologie sous-jacente[4]. Malgré cela, en général, les commentateurs étaient d’avis que les litiges persistants de la SEC contre diverses plateformes de négociation de cryptoactifs suggéraient également une tendance de la SEC à traiter la vente d’ETH, le jeton natif d’Ethereum, comme une vente de valeurs mobilières ou de produits dérivés[5].
Le 25 avril 2024, Consensys a poursuivi la SEC devant le tribunal fédéral du district Nord du Texas. Elle a demandé une déclaration selon laquelle la vente d’ETH ne constituait pas une vente de valeurs mobilières ou de produits dérivés, ainsi qu’une injonction interdisant à la SEC de continuer à enquêter sur Consensys ou de se livrer à des mesures d’application de la loi à son encontre. Consensys a fait valoir, entre autres, que la SEC n’avait pas compétence sur l’ETH parce que celui-ci s’apparentait davantage à une marchandise.
Le 18 juin 2024, Consensys a annoncé que la division de la mise en application de la SEC l’avait informée que la SEC avait clos son enquête et ne prendrait aucune mesure d’application de la loi contre elle.
Approbation par la SEC des FNB axés sur l’Ether
La SEC a récemment approuvé les demandes soumises sur formulaire 19b-4 de la Securities Act of 1933 par trois grandes bourses américaines souhaitant obtenir l’autorisation de vendre des titres de FNB axés sur l’Ether, et ce, quatre mois seulement après qu’elle eut approuvé des demandes soumises sur ce même formulaire visant 11 FNB axés sur le bitcoin au comptant[6]. Comme les bourses ont proposé d’inscrire à leur cote les FNB axés sur l’Ether en application de leurs règles relatives aux FNB basés sur des marchandises, certains commentateurs sont d’avis que la SEC a reconnu que ses règles ne s’appliquaient pas à la vente du bitcoin et de l’ETH[7]. Bien que, dans sa décision, la SEC n’indique pas explicitement que l’ETH constitue une marchandise, elle décrit les produits que sont les FNB comme des « parts de fonds basées sur des marchandises » (commodity-based trust shares)[8].
Compte tenu de ce qui semblait être une position moins que passive de la SEC à l’égard de la vente d’ETH et de la façon dont elle avait traité cette cryptomonnaie jusqu’alors, de nombreuses parties prenantes ont accueilli l’approbation des FNB axés sur l’ETH comme une surprise.
Malgré cela, la SEC a indiqué qu’elle n’approuverait pas les FNB axés sur l’ETH qui pratiquent l’immobilisation (staking)[9], qui est une caractéristique populaire – et pour les détenteurs de jetons, potentiellement très rentable – de l’écosystème de l’Ethereum. Cette position contraste avec l’approche adoptée par les autorités canadiennes en valeurs mobilières, qui ont approuvé l’immobilisation des ETH par les FNB axés sur l’ETH basés au Canada[10]. L’interdiction, par la SEC, d’une telle pratique pourrait avoir pour effet de diminuer l’intérêt des ETH vendus par l’intermédiaire des FNB axés sur l’ETH basés aux États-Unis et de pousser les consommateurs vers les FNB axés sur l’ETH basés au Canada ou, simplement, de les encourager à en être eux-mêmes les dépositaires.
Comme nous l’avons déjà souligné, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières ont pris les devants en approuvant certains FNB axés sur une cryptomonnaie, bien qu’avec des restrictions qui peuvent sembler arbitraires à certains [en anglais seulement]. Quoi qu’il en soit, leurs Indications relatives aux fonds d’investissement de cryptoactifs sont plus claires que la position historique de la SEC[11].
L’évolution de la situation aux États-Unis avant et après les prochaines élections méritera d’être soulignée.
[1] What Does The ETH ETF Mean For Crypto? – Forbes Advisor
[2] https://www.forbes.com/advisor/investing/cryptocurrency/what-eth-etf-approval-means-for-crypto/
[3] Ethereum’s Cofounder Says SEC Is ‘Gaslighting’ Everyone About Crypto | WIRED
[4] Ethereum’s Cofounder Says SEC Is ‘Gaslighting’ Everyone About Crypto | WIRED
[5]Ethereum’s Cofounder Says SEC Is ‘Gaslighting’ Everyone About Crypto | WIRED
[6]Spot Bitcoin ETFs: What Are They, And How Do They Work? – Forbes Advisor
[7]SEC’s Ether Orders Spur Hope For Crypto, Caution From Attys – Law360
[8] What Does The ETH ETF Mean For Crypto? – Forbes Advisor
[9] Processus de création de revenu passif par l’immobilisation temporaire d’actifs numériques.
[10] https://www.newswire.ca/news-releases/3iq-launches-staking-in-the-3iq-ether-staking-etf-and-the-ether-fund-marking-north-america-s-first-staking-exchange-traded-products-835042988.html
[11] Les ACVM ont déclaré que les cryptomonnaies les plus développées sont généralement considérées comme des marchandises en elles-mêmes, et elles autorisent également les fonds à se livrer à l’immobilisation, à condition que ceux-ci respectent certains critères.