Auteurs(trice)
Associée, chef du groupe de pratique du droit de la concurrence et de l’investissement étranger, Toronto
Associée, Droit de la concurrence et investissement étranger, Toronto
Le gouvernement libéral fédéral a pris un certain nombre de mesures en 2017 en vue de libéraliser l’examen des investissements étrangers, ce qui facilite l’acquisition d’entreprises canadiennes par des étrangers.
Seuils supérieurs pour l’examen des « avantages nets »
Le changement le plus remarquable a été la majoration notable du seuil financier servant à établir si un investissement privé dans une entreprise canadienne est assujetti à l’examen des « avantages nets » prévu par la Loi sur Investissement Canada (la LIC). Alors qu’il était de 600 millions de dollars au début de l’année, le seuil a été porté à 1 milliard de dollars le 22 juin, puis à 1,5 milliard de dollars le 21 septembre. Ces majorations découlaient de la mise en œuvre de l’Accord économique et commercial global Canada-Union européenne (l’AECG) applicable aux investisseurs de l’Union européenne (l’UE), des États-Unis et d’autres nations choisies ayant conclu avec le Canada un accord de libre-échange prévoyant une disposition à l’égard de la nation la plus favorisée. À compter du 1er janvier 2019, le seuil sera ajusté chaque année en fonction d’un indice fondé sur le PIB.
Ces majorations s’appliquent également aux opérations dans le cadre desquelles l’acquéreur n’est pas un investisseur privé d’un pays membre de l’OMC ou de l’un des pays indiqués ci-dessus, mais où le vendeur est un investisseur qui respecte l’un de ces critères. Toutefois, le nouveau seuil ne s’applique pas aux investissements effectués par les entreprises d’État, qui sont toujours assujettis au seuil visant la valeur comptable des actifs (379 millions de dollars en 2017).
Il est prévu que le nouveau seuil aura pour effet de réduire considérablement le nombre d’investissements sujets à examen aux termes des dispositions de la LIC relatives aux « avantages nets ». Un examen aux termes de la LIC peut prendre beaucoup de temps (75 jours ou plus) et l’approbation est habituellement accordée sous réserve d’engagements de la part de l’investisseur non-Canadien quant à l’exploitation de l’entreprise après la clôture. Par conséquent, le nouveau seuil procurera aux personnes qui investissent au Canada une certitude accrue quant à l’échéance de la conclusion de leurs acquisitions au Canada, ainsi qu’une marge de manœuvre accrue au chapitre de l’exploitation des entreprises qu’elles acquièrent.
1. Examen relatif à la sécurité nationale
Même si le gouvernement évalue soigneusement tous les investissements effectués au Canada du point de vue de la sécurité nationale, y compris ceux qui n’entraînent pas un changement de contrôle, le pouvoir d’examen relatif à la sécurité nationale continue d’être exercé judicieusement. Le rapport annuel concernant l’application de la Loi sur Investissement Canada pour l’exercice financier 2016–2017 (le rapport annuel) présente des statistiques sur le processus d’examen relatif à la sécurité nationale, donnant ainsi un aperçu d’un processus qui, par le passé, était opaque. Le rapport annuel indique que des examens relatifs à la sécurité nationale sont rarement effectués. Au cours de l’exercice financier 2017, seulement cinq des 737 investissements sujets à notification en vertu de la LIC (à tout le moins) ont fait l’objet d’un examen formel pour motifs de sécurité nationale.
Selon le rapport annuel, les trois facteurs les plus importants qui ont mené à un examen relatif à la sécurité nationale au cours de l’exercice financier 2017 étaient les suivants :
- le transfert possible de technologies à double usage et de nature délicate ou d’un savoir-faire à l’extérieur du Canada ;
- le risque d’influence négative sur l’approvisionnement de biens et de services essentiels aux Canadiens ou au gouvernement ;
- le risque de permettre la surveillance ou l’espionnage par des étrangers.
Très peu d’opérations sont bloquées, approuvées sous réserve d’engagements ou retardées de manière considérable en raison de préoccupations liées à la sécurité nationale. Toutefois, il y a lieu de noter que ces statistiques ne reflètent pas tout l’effet que le processus d’examen relatif à la sécurité nationale peut avoir. Par exemple, les statistiques ne tiennent pas compte des projets d’opérations qui ont été abandonnés rapidement en raison de préoccupations soulevées de manière informelle. En outre, les investissements peuvent être passés au crible de manière informelle sur une base volontaire au moyen de demandes de renseignements visant à éliminer les préoccupations liées à la sécurité nationale dès le début.
2. Approche à l’égard des investissements en provenance de Chine
Les efforts du gouvernement libéral actuel visant à favoriser les investissements étrangers représentent un changement notable par rapport au gouvernement conservateur qui l’a précédé. Le gouvernement est maintenant plus ouvert aux investissements en provenance de Chine. Le Canada et la Chine tiennent des discussions exploratoires au sujet d’un éventuel accord de libre-échange. Les investissements chinois au Canada, aussi bien en ce qui a trait à leur nombre qu’à leur valeur d’affaires globale, sont venus juste derrière les investissements en provenance des États-Unis au cours de l’exercice financier 2017. En ce qui concerne la valeur des actifs des investissements, les investissements totaux en provenance de Chine ont dépassé en réalité ceux en provenance des États-Unis.
La prise de contrôle récente de Norsat International (Norsat) par Hytera a constitué un investissement remarquable provenant de Chine. Norsat, établie à Vancouver, produit du matériel et des émetteurs-récepteurs pour satellites, y compris pour des applications militaires. Hytera, société fermée chinoise, a présenté une offre de prise de contrôle amicale. Malgré des critiques considérables, y compris de la part des États-Unis, le gouvernement canadien a approuvé l’opération sans avoir effectué un examen relatif à la sécurité nationale complet, n’exigeant à la place qu’une prolongation de 45 jours du délai d’examen initial standard de 45 jours prévu par la LIC. Même si l’approche du gouvernement à l’égard des investissements provenant de Chine continue d’évoluer et qu’il y a toujours certains types d’investissements dont on pourrait s’attendre à ce qu’ils fassent l’objet d’un examen plus attentif, la réponse du gouvernement à l’égard de l’acquisition de Norsat donne à entendre que celui-ci est davantage à l’aise avec les investissements en provenance de Chine.
Plusieurs autres opérations remarquables conclues par des investisseurs chinois ont fait l’objet d’un examen et ont été approuvées par le gouvernement en 2017. Parmi celles-ci, mentionnons la prise de contrôle, par Anbang Insurance (« Anbang[/nobr]), de Retirement Concepts, société qui exploite des résidences pour retraités en Colombie-Britannique, à Calgary et à Montréal. Anbang, qui appartient à des intérêts privés et qui est l’une des plus grandes sociétés d’assurance de Chine, a dû répondre à des questions aux États-Unis au sujet de sa structure de propriété et des liens qu’elle pourrait entretenir avec le gouvernement chinois. Le gouvernement canadien a approuvé l’opération, jugeant qu’elle apportait des avantages nets pour l’économie canadienne.
Comme autre changement notable lié à l’examen des investissements en provenance de Chine dans des secteurs d’activité canadiens de nature délicate pour motifs de sécurité nationale, le gouvernement a revu et approuvé la prise de contrôle d’ITF Technologies, de Montréal, par O Net Communications (O Net), de Hong Kong, malgré le rejet de l’opération en 2015 par le gouvernement conservateur. Cette approbation a été accordée malgré le fait qu’O Net serait la propriété de China Electronics Corporation, entreprise d’État chinoise, à hauteur de 25 %. Même si les faits propres à l’opération d’O Net peuvent limiter sa valeur en termes de précédent, cette opération constitue néanmoins un autre exemple de la volonté du gouvernement de travailler avec les investisseurs et de trouver des solutions dans certaines circonstances où, précédemment, l’approbation n’était pas envisageable.
3. Politique culturelle
Même si le gouvernement a déclaré son intention de maintenir les mesures de protection existantes pour le secteur culturel canadien, il a préconisé la souplesse pour ce qui est des investissements étrangers dans les nouveaux médias numériques, par exemple l’accord conclu tout récemment avec Netflix.