Auteurs(trice)
Partner, Financial Services, Toronto
Associée, Services financiers, Toronto
Key Takeaways
- En 2026, les services financiers au Canada verront un resserrement des obligations de conformité et de l’application de la loi axé principalement sur les mesures de lutte contre le blanchiment d’argent et de nouveaux règlements.
- Le BSIF entend raffermir ses sanctions administratives pécuniaires, tandis que les fournisseurs de services de paiement devront veiller à bien se conformer à la Loi sur les activités associées aux paiements de détail.
- Le resserrement du cadre de gouvernance de l’IA obligera les institutions financières à revoir en profondeur leurs modèles pour se conformer aux nouvelles lignes directrices du BSIF.
On s’attend à une année charnière en 2026 en ce qui a trait à la conformité et à l’application de la loi dans le secteur canadien des services financiers. Du renforcement des mesures de lutte contre le blanchiment d’argent (LBA) et des sanctions administratives pécuniaires (SAP) au règlement sur les services de paiement pris en vertu de la Loi sur les activités associées aux paiements de détail en passant par la gouvernance de l’intelligence artificielle, le resserrement des exigences et l’évolution du cadre réglementaire exigeront des institutions financières et des fournisseurs de services de paiement (FSP) qu’ils s’adaptent activement et renforcent leur gestion des risques.
Renforcement des mesures de LBA
Nous nous attendons à un accroissement des mesures d’application du Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) en 2026, pendant qu’Ottawa continue à mettre l’accent sur la sécurité nationale et le respect de sa frontière. Soulignons que le CANAFE a révisé en catimini plusieurs lignes directrices pour retirer toute mention de sa volonté de collaborer avec les entités déclarantes et de leur donner la possibilité de corriger les cas de non-conformité avant de leur imposer une SAP.
Au 31 octobre 2025, le CANAFE avait déjà imposé 20 SAP en 2025, l’un des nombres les plus élevés qui soient dans toute l’histoire de l’organisme pour une seule année. L’organisme devrait poursuivre dans la même veine. Au total, la valeur des SAP imposées pour cette période dépasse les 200 millions de dollars. Le 22 octobre 2025, le CANAFE a imposé la plus forte SAP de son histoire, soit environ 176,9 millions de dollars à l’encontre d’une entreprise de services d’opérations sur monnaie numérique. La sanction se rapportait à 2 593 infractions commises dans le cadre de six violations de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (LRPCFAT) et des règlements connexes. Avec le durcissement des mesures d’application et des sanctions s’accroît le nombre des appels. Sur les 20 SAP imposées en 2025 en date des présentes, 7 sont portées en appel devant la Cour fédérale du Canada.
Bien qu’elles atteignent un sommet inégalé, les SAP pourraient encore s’alourdir. Rappelons que le gouvernement fédéral a déposé, le 3 juin 2025, le projet de loi C-2, Loi visant une sécurité rigoureuse à la frontière, qui propose des modifications majeures à la LRPCFAT, notamment un nouveau cadre pour les SAP. Si le cadre est adopté, la SAP maximale pourrait bondir d’un facteur de 40. Une violation très grave, comme l’omission de produire au moins une déclaration d’opérations douteuses, pourrait entraîner l’imposition d’une SAP de 20 millions de dollars. Pour les violations multiples, les sanctions totales pourraient atteindre la plus élevée des sommes suivantes : 20 millions de dollars ou 3 % des recettes globales brutes de l’entité. De plus, certaines violations seraient recatégorisées. Par exemple, l’absence de programme de conformité raisonnablement conçu, fondé sur le risque et efficace, ou le non-respect de certaines autres exigences du programme de conformité constitueraient des violations très graves et feraient, par conséquent, l’objet des SAP les plus sévères.
Le projet de loi C-2 propose également que toutes les entités assujetties à la LRPCFAT soient tenues de s’inscrire auprès du CANAFE.
Le 8 octobre, le gouvernement a déposé le projet de loi C-12, Loi visant à renforcer le système d’immigration et la frontière du Canada, qui modifie le projet de loi C-2 afin d’en retirer certaines dispositions controversées. Dans ce nouveau projet de loi, les dispositions établissant le nouveau cadre de SAP et l’obligation d’inscription demeurent, pour l’essentiel, inchangées.
Hausse du nombre de SAP du BSIF
Nous nous attendons également à ce que le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) durcisse le ton en ce qui concerne l’application des SAP en 2026. Dans sa lettre d’information sectorielle du 11 septembre 2025, le BSIF annonçait le réalignement de son approche d’évaluation des sanctions administratives pécuniaires sur sa propension à prendre des risques, qui prône une intervention rapide. Les critères prévus par la loi et les montants des pénalités n’ont pas changé, mais le degré de tolérance du BSIF à l’égard des contraventions a été abaissé. Autrement dit, des sanctions pourraient se voir imposées plus fréquemment en 2026, et suivant des niveaux plus faibles de négligence et de tort potentiels.
Conformité des FSP
Avec l’entrée en vigueur de la Loi sur les activités associées aux paiements de détail, on s’attend à ce que l’inscription des FSP cède le pas aux questions de conformité dans les priorités de la Banque du Canada. Par conséquent, les FSP auront intérêt à pouvoir démontrer que leurs cadres de protection des fonds (le cas échéant), de gestion des risques et de réponse en cas d’incident sont bien conformes aux exigences de la Loi sur les activités associées aux paiements de détail et de ses règlements ainsi qu’aux attentes établies dans les lignes directrices de la Banque du Canada. Il est peu probable que cette dernière impose du jour au lendemain un nombre drastiquement plus élevé de mesures d’application, mais ce nombre pourrait augmenter au fil de l’année.
Les exigences visant un changement de contrôle dans la Loi sur les activités associées aux paiements de détail commencent également à faire sentir leur effet sur les opérations comprenant l’acquisition d’un FSP. En effet, la loi exige la soumission d’une nouvelle demande d’inscription à la Banque du Canada pour toute acquisition de contrôle, c’est-à-dire l’acquisition directe ou indirecte d’au moins 33 % des actions avec droit de vote d’un FSP. Les FSP devront tenir compte du délai pour faire approuver leur inscription dans le cas d’une vente d’un FSP, de l’émission d’actions ou de toute vente d’une valeur supérieure au seuil d’approbation.
Du côté des bonnes nouvelles, notons les avancées dans l’accès au système de paiement en temps réel (système de PTR) pour les FSP admissibles. Les modifications apportées à la Loi canadienne sur les paiements qui incluent les FSP inscrits aux membres de Paiements Canada ont pris effet. Comme nous l’indiquions dans le Bulletin d’actualités Osler, Paiements Canada a publié son Guide de participation pour les fournisseurs de services de paiement [PDF], qui présente les critères d’admissibilité au système de PTR, les étapes à suivre pour y participer ainsi que les exigences techniques, opérationnelles et commerciales applicables. Le système n’est pas encore pleinement fonctionnel, mais les essais ont commencé et se poursuivront en 2026. Les FSP intéressés devraient profiter de l’occasion au cours de l’année 2026 pour évaluer leur préparation et planifier les ressources et mises à niveau techniques requises.
L’innovation s’accélère dans le domaine des paiements, surtout le recours aux cryptomonnaies stables, et l’utilisation des registres à chaînes de blocs pour faciliter les paiements internationaux prend de l’ampleur. Par exemple, SWIFT, ainsi qu’un groupe comptant plus de 30 institutions financières mondiales, travaille à établir un tel registre. Ce surcroît d’activité a attiré l’attention du gouvernement fédéral. Dans le budget de 2025, il a annoncé son intention de réglementer l’émission de cryptomonnaies stables arrimées à des monnaies fiduciaires par des entités qui ne sont pas assujetties à une réglementation prudentielle et de modifier la Loi sur les activités associées aux paiements de détail pour permettre la réglementation des FSP qui exécutent des fonctions de paiement au moyen de cryptomonnaies stables prescrites. Pour en savoir davantage sur l’utilisation de plus en plus répandue des cryptomonnaies stables, consultez l’article des Perspectives juridiques Osler sur le sujet.
Intelligence artificielle
La version définitive de la Ligne directrice E-23 – Gestion du risque de modélisation du BSIF devrait prendre effet le 1er mai 2027. En 2026, les institutions financières fédérales (IFF) – banques, sociétés d’assurance et sociétés de fiducie et de prêt – devront prioriser l’élaboration et l’application de cadres de gestion du risque de modélisation intégrant l’utilisation de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage automatique (IA/AA) pour l’ensemble du cycle de vie des modèles. En ce qui concerne les modèles « boîte noire » de tiers, où l’opacité des données et algorithmes sous-jacents entrave la conformité, l’application des exigences de la ligne directrice représentera un défi de taille. Les IFF devront structurer la gouvernance des modèles de tiers en fonction de leur propension au risque et des exigences du BSIF sur la gestion du risque lié aux tiers (Ligne directrice B-10).
Apprenez-en plus sur notre équipe Réglementation des services financiers.
En savoir plusIl faut s’attendre à plus de contrôles diligents liés à l’IA et l’AA et à des analyses sur les mécanismes de contrôle contractuels des données et les limites pratiques visant les données ainsi que les hypothèses utilisées dans l’élaboration des modèles de tiers. À l’heure actuelle, en ce qui a trait à l’IA et à l’AA, le BSIF met l’accent sur le risque de modélisation. Compte tenu de l’évolution rapide de la réglementation à l’égard de l’IA et de l’AA au Canada et à l’étranger – normes éthiques en matière d’IA, nouveaux cadres de gouvernance de l’IA mondiaux –, attendons de voir si le BSIF élargit son cadre réglementaire. Il n’en reste pas moins que l’année 2026 sera une année charnière, les IFF devant intégrer les exigences de la Ligne directrice E-23 à leurs activités, avec toute la complexité qui s’y rattache, et s’aligner sur les tendances réglementaires et technologiques en matière de gouvernance de l’IA.
Pour en savoir plus sur l’utilisation de l’IA, consultez ces autres articles des Perspectives juridiques Osler : L’essor des machines : l’IA agentive et Copyright and AI (en anglais seulement).
Une évolution à suivre attentivement
À compter de 2026, le secteur canadien des services financiers aura à composer avec un univers réglementaire plus complexe et des mesures d’application plus strictes, de nouvelles exigences de conformité et l’intégration de nouvelles technologies. Qu’il s’agisse de s’adapter aux mesures d’application renforcées, de se conformer aux nouvelles exigences ou de les intégrer à leurs activités, les fournisseurs de services financiers doivent prioriser des cadres solides en matière de gestion des risques et de gouvernance, adaptés au durcissement des exigences réglementaires.