La Loi visant une sécurité rigoureuse à la frontière propose des changements radicaux au régime canadien de lutte contre le blanchiment d’argent La Loi visant une sécurité rigoureuse à la frontière propose des changements radicaux au régime canadien de lutte contre le blanchiment d’argent

20 juin 2025 8 MIN DE LECTURE

Le 3 juin 2025, le gouvernement fédéral a présenté le projet de loi C-2, Loi visant une sécurité rigoureuse à la frontière. Certaines parties du projet de loi C-2 proposent des modifications à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (LRPCFAT), dont bon nombre sont conformes aux thèmes de la sécurité nationale et du renforcement du régime canadien de lutte contre le blanchiment d’argent (LRPC) déjà définis par le gouvernement fédéral, mais ne visent généralement pas à accroître la sécurité à la frontière. Si elles sont adoptées, ces modifications auront des répercussions vastes sur toutes les entités déclarantes.

Augmentation importante des sanctions en matière de LRPC

Voici le changement le plus important : le montant des sanctions administratives pécuniaires (SAP) maximales qui peuvent être imposées en vertu de la LRPCFAT sera substantiellement majoré. Les amendes maximales pour diverses infractions criminelles aux termes du projet de loi seront également accrues.

Les violations seront classées comme des violations réglementaires ou des violations d’un ordre de conformité. Une violation réglementaire s’entend d’une violation d’une disposition désignée de la LRPCFAT ou de ses règlements; il y a violation d’un ordre de conformité lorsqu’une personne physique ou morale n’a pas respecté une transaction conclue avec le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE). Une personne physique ou morale qui commet une violation réglementaire devra conclure une transaction avec le CANAFE.

  • Violations réglementaires : Comme c’est le cas actuellement, les violations réglementaires continueront de faire partie de l’une des trois catégories suivantes : mineures, graves et très graves. La pénalité imposée pour chaque catégorie de SAP sera multipliée par 40, et la pénalité maximale sera de 20 000 000 $ pour une infraction très grave commise par une entité (500 000 $ à l’heure actuelle). En cas de violations multiples, les pénalités cumulatives sont assujetties à un plafond de 20 000 000 $ ou de 3 % du revenu brut mondial de l’entité pour l’année précédente. Lorsque l’entité fait partie du même groupe qu’une ou plusieurs autres entités, le plafond cumulatif sera déterminé pour le groupe, ce qui peut avoir un effet considérable sur une petite filiale canadienne d’une grande multinationale, par exemple.

À l’heure actuelle, seul un faible nombre de violations sont considérées comme « très graves », comme l’omission de déclarer une opération douteuse. Cela devrait également changer, car le projet de loi C-2 ajouterait à cette liste l’omission d’une entité déclarante de veiller à ce que son programme de conformité soit raisonnablement conçu, fondé sur les risques et efficace. Les violations de diverses autres exigences du programme de conformité seront également traitées comme des violations très graves, notamment les exigences relatives à la nomination d’un responsable de la conformité, à l’élaboration et à la mise en œuvre de politiques et de procédures de conformité, à l’évaluation des risques, à la mise en œuvre d’un programme de formation sur la conformité et à la réalisation d’un examen de l’efficacité du programme tous les deux ans.

  • Violations d’un ordre de conformité : La sanction maximale en matière de LRPC sera le plus élevé des montants suivants : 30 000 000 $ ou 3 % du revenu brut mondial de l’entité pour l’année précédente. Elle est également calculée en fonction du groupe lorsque l’entité fait partie du même groupe qu’une ou plusieurs autres entités.

Même si le montant maximal de la SAP sera majoré, la capacité de payer sera ajoutée à la liste des critères utilisés pour le déterminer, conformément au principe voulant que la SAP vise avant tout à encourager la conformité, et non à punir.

Inscription obligatoire auprès du CANAFE

Autre changement important : le projet de loi C-2 exigera que toutes les entités déclarantes visées par la LRPCFAT s’inscrivent auprès du CANAFE. Cela fait suite à l’annonce du gouvernement fédéral, dans l’Énoncé économique de l’automne 2024, de son intention d’exiger l’inscription obligatoire de toutes les entités déclarantes auprès du CANAFE. À l’heure actuelle, seules les entreprises fournissant des services monétaires sont tenues de s’inscrire. Bien que de nombreux types d’entités déclarantes soient inscrits dans des registres tenus par d’autres organismes de réglementation (p. ex., des banques), d’autres types d’entités déclarantes ne sont pas inscrits dans un registre ou n’y figurent que dans certaines circonstances (p. ex., courtiers en métaux précieux et en pierres précieuses, prêteurs hypothécaires, entités de financement et de crédit-bail). Les entités déclarantes seront tenues de présenter une demande d’inscription et de renouveler leur inscription aux intervalles fixés par le règlement. À l’heure actuelle, les entreprises fournissant des services monétaires sont tenues de renouveler leur inscription auprès du CANAFE tous les deux ans.

Le CANAFE pourra révoquer l’inscription d’une entité déclarante si celle-ci commet une violation réglementaire ou une violation d’un ordre de conformité, devient de ce fait passible d’une sanction et ne paie pas la sanction et les intérêts dans les 30 jours suivant la fin de la procédure en violation.

L’inscription peut également être révoquée si le CANAFE détermine que l’entité déclarante a une « relation réglementaire » avec une entité déclarante qui a négligé de payer une sanction. Nous devons attendre les règlements connexes pour déterminer la portée de cette disposition, mais une constatation préliminaire s’impose : on ignore comment une entité déclarante serait en mesure de surveiller le non-paiement par un tiers.

Autres modifications importantes de la LRPCFAT

  • Normes du programme de conformité : Les entités déclarantes devront veiller à ce que leur programme de conformité à la LRPCFAT soit raisonnablement conçu, fondé sur les risques et efficace. Comme nous l’avons vu ci-dessus, l’omission de le faire sera considérée comme une violation « très grave ». Les entités déclarantes doivent se préparer à ce que le CANAFE examine de plus près leurs politiques et procédures de conformité en matière de LRPC.
  • Dépôts en espèces de tiers : Il sera interdit aux entités de dépôt, comme les banques et les coopératives de crédit, d’accepter les dépôts en espèces dans un compte dont le déposant n’est pas le titulaire ou une personne habilitée à donner des instructions à l’égard de ce compte.
  • Paiements en espèces interdits : Il sera interdit aux personnes qui se livrent à l’exploitation d’une entreprise ou à l’exercice d’une profession ou qui sollicitent des dons de bienfaisance en argent d’accepter 10 000 $ ou plus en espèces dans le cadre d’une même opération ou d’une série d’opérations liées. Cette interdiction ne s’appliquera pas aux institutions de dépôt, et d’autres exemptions pourraient également être prévues par règlement.
  • Divulgation de renseignements personnels sans consentement : Une entité déclarante sera autorisée à recueillir et à utiliser les renseignements personnels d’un individu à son insu ou sans son consentement si ces renseignements lui ont été communiqués par un ministère, par une autorité publique ou par un organisme chargé de l’application de la loi, si la divulgation est faite dans le but de détecter ou de décourager le recyclage des produits de la criminalité, le financement des activités terroristes ou le contournement de sanctions, ou encore si la communication effectuée au su ou avec le consentement de l’individu risque de compromettre ces fins.
  • Interdiction des comptes anonymes : Il sera interdit aux entités déclarantes qui ouvrent un compte pour un client (comme une banque et un courtier en valeurs mobilières) de le faire pour tout « client anonyme ». Un client est anonyme si l’entité déclarante ne peut pas vérifier son identité ou si le nom du client est manifestement fictif. À l’heure actuelle, il est interdit à une entité déclarante d’ouvrir un compte si l’identité du client ne peut être vérifiée.
  • Divulgation à Élections Canada : Le CANAFE sera autorisé à communiquer certains renseignements à Élections Canada s’ils sont en rapport avec des menaces à la sécurité de l’État, avec une enquête ou une poursuite en matière de blanchiment d’argent, de financement d’activités terroristes ou de contournement de sanctions, ou encore avec la non-conformité à la Loi électorale du Canada.

Le CANAFE se joindra au Comité de surveillance des institutions financières

Le projet de loi C-2 modifiera également la Loi sur le Bureau du surintendant des institutions financières afin d’ajouter le CANAFE au Comité de surveillance des institutions financières, dont les membres comprennent actuellement le Bureau du surintendant des institutions financières, le sous-ministre des Finances, la Banque du Canada, la Société d’assurance-dépôts du Canada et l’Agence de la consommation en matière financière du Canada. Les modifications correspondantes de la LRPCFAT permettront au CANAFE d’échanger certains renseignements avec d’autres membres de ce comité. La modification proposée s’appuie sur le thème de l’échange de renseignements entre les divers organismes de réglementation que nous constatons depuis quelques années.

Prochaines étapes

Le projet de loi C-2 a été présenté en première lecture le 3 juin 2025. Nous continuerons d’en suivre l’évolution tout au long du processus législatif. Si vous avez des questions au sujet des modifications proposées en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, veuillez communiquer avec un membre de l’équipe Réglementation des services financiers.