PERSPECTIVES JURIDIQUES OSLER 2025

Recadrage de la réglementation canadienne en matière de cryptoactifs : l’accent est mis sur les cryptomonnaies stables et la transparence fiscale à l’échelle mondiale Recadrage de la réglementation canadienne en matière de cryptoactifs : l’accent est mis sur les cryptomonnaies stables et la transparence fiscale à l’échelle mondiale

4 décembre 2025 11 MIN DE LECTURE

Key Takeaways

  • La réglementation des cryptomonnaies au Canada a fait l’objet de transformations majeures en 2025 avec la publication de nouvelles lignes directrices et le soutien apporté aux cryptomonnaies stables.
  • Les dispositions législatives à venir relatives au CDC imposent un cadre de déclaration rigoureux aux prestataires de services sur cryptoactifs pour accroître la transparence fiscale.
  • Les nouvelles règles applicables aux organismes de placement collectif restreignent les placements directs dans les cryptoactifs, tandis que les règles sur l’immobilisation (staking) par les dépositaires précisent les répercussions fiscales.

L’année 2025 a été une année charnière pour la réglementation des cryptomonnaies au Canada; en effet, les autorités en valeurs mobilières et les autorités financières ont publié des lignes directrices majeures, ont pris des mesures d’application de la loi et ont fait connaître leurs attentes pour le secteur. Première dans le secteur au Canada, les autorités de réglementation financière traditionnelles, notamment le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), ont soutenu publiquement les cryptomonnaies stables, et le gouvernement fédéral a déposé la version provisoire de la Loi sur les cryptomonnaies stables. Ensemble, ces faits témoignent de l’émergence d’un cadre fédéral susceptible de refaçonner la réglementation des cryptomonnaies stables au pays.

Ces derniers mois, la direction du BSIF, et plus particulièrement le surintendant, Peter Routledge, a fait plusieurs déclarations publiques et participé à divers événements importants du secteur pour faire valoir la stratégie du BSIF à l’égard des cryptomonnaies stables, des actifs numériques et de la diversification financière en général. Au cœur de ses interventions : l’innovation, oui, mais dans une structure réglementaire viable.

On s’attend à ce que les lois et politiques fiscales canadiennes, largement ignorées et plutôt muettes dans le secteur des cryptoactifs, aient une grande influence sur les acteurs canadiens du secteur en 2026.

Pour l’année à venir, le cadre réglementaire applicable aux acteurs canadiens de l’écosystème des cryptoactifs – fonds de placement, plateformes de négociation de cryptoactifs, émetteurs de cryptomonnaies stables et dépositaires, notamment – se rapprochera des normes applicables aux services financiers dits traditionnels (TradFi). Par conséquent, la surveillance et les obligations de déclaration seront renforcées, à mesure que de nombreuses plateformes de négociation de cryptoactifs obtiennent le statut de courtiers en placement dûment inscrits auprès de l’Organisme canadien de réglementation des investissements (OCRI).​

Incidences fiscales pour les cryptoactifs au Canada

Cadre d’information sur les cryptoactifs

En août 2025, le Canada a fait les manchettes avec le dépôt par le ministère des Finances d’un projet de loi visant à faire appliquer le Cadre de déclaration des Cryptoactifs (CDC) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Le CDC établit un régime détaillé de transparence fiscale pour les cryptoactifs. Si le projet de loi est adopté, les fournisseurs de services liés aux cryptoactifs – c’est-à-dire les plateformes de négociation de cryptoactifs et les marchés en ligne qui acceptent des cryptoactifs en échange de biens et services – qui exercent des activités au Canada seront assujettis à des règles de déclaration annuelle strictes. Ces exigences visent l’information sur les clients et les volumes d’opérations pour les échanges cryptoactif-cryptoactif et cryptoactif-monnaie fiduciaire ainsi que les paiements ou transferts de plus de 50 000 dollars américains. L’Agence du revenu du Canada (ARC) a publié des lignes directrices sur ces nouvelles règles.

En vertu de ces nouvelles exigences, les prestataires de services sur cryptoactifs doivent procéder à un contrôle diligent pour identifier les utilisateurs soumis à déclaration. Ils doivent recueillir l’information complète sur les clients et leurs entités dominantes et la soumettre électroniquement à l’ARC chaque année. Les utilisateurs qui sont des particuliers doivent produire l’information suivante : nom, adresse, date de naissance, territoire de résidence et numéro d’identification de contribuable. Les utilisateurs qui sont des sociétés doivent quant à eux produire l’information précitée pour tous les particuliers qui exercent un contrôle sur la société. Notons que des dispositions anti-évitement ont été intégrées au cadre pour prévenir les moyens détournés de se soustraire aux nouvelles obligations. Les exigences visent un large éventail de cryptoactifs, les seules exceptions étant les monnaies numériques de banque centrale et les produits déterminés.

L’application du CDC chamboulerait le contexte fiscal pour les actifs numériques au Canada. Elle ferait en sorte que les exigences de déclaration locales concordent avec les normes mondiales. Ce serait également un signal clair qu’Ottawa souhaite mieux intégrer le secteur des cryptoactifs au cadre réglementaire des services financiers traditionnels.

Immobilisation (staking) de cryptoactifs par les dépositaires

En 2025, l’ARC a enfin précisé sa position concernant les ententes d’immobilisation par le dépositaire entre un contribuable canadien et une plateforme de négociation de cryptoactifs inscrite. L’ARC a confirmé que le dépôt ou l’immobilisation d’un cryptoactif détenu à titre d’immobilisation auprès d’une plateforme conforme ne constitue pas une disposition, étant donné que le contribuable conserve la propriété effective du cryptoactif. Par contre, le produit tiré de l’immobilisation doit être compris dans le revenu imposable. Cela dit, la nature du produit (revenu d’un bien ou d’entreprise) est établie en fonction du niveau d’activité et des faits de chaque situation. Il faut déclarer ce produit l’année où il est porté au compte du contribuable, ou au moment où il est gagné, selon la comptabilité d’exercice.

Modification des règles sur les fonds de cryptoactifs ouverts

Les règles pour les fonds d’investissement ouverts (comme les FNB et les OPC) qui investissent directement ou indirectement dans des cryptoactifs ont été finalisées cette année [PDF]. Au mois d’avril 2025, les autorités de réglementation canadiennes ont mis la touche finale aux modifications du Règlement 81-102 sur les fonds d’investissement, officialisant ainsi les exigences applicables aux fonds de cryptoactifs ouverts, dont nous traitions dans le Bulletin d’actualités Osler. Selon les nouvelles règles, les dépositaires seront tenus de détenir la plupart des cryptoactifs au moyen d’un dispositif de stockage hors ligne, soit un « portefeuille froid » (cold wallet), et d’obtenir chaque année un rapport d’assurance d’un expert-comptable qui évalue la conception et l’efficacité des contrôles relatifs aux cryptoactifs. Les gestionnaires de fonds d’investissement doivent effectuer des contrôles diligents exhaustifs avant de sélectionner ou d’approuver un dépositaire. Dans le cadre de l’évaluation, les gestionnaires doivent tenir compte des garanties d’assurance maintenues en vigueur par les dépositaires.

Aux termes des modifications, les placements directs dans les cryptoactifs sont autorisés uniquement pour les OPC alternatifs et les fonds d’investissement à capital fixe. Les OPC traditionnels peuvent obtenir une exposition au moyen de dérivés admissibles, sous réserve d’un plafond exprimé en pourcentage. Les jetons non fongibles sont expressément exclus des placements admissibles en raison de problèmes de liquidité et d’évaluation.

Notons que les règles modifiées n’interdisent pas le recours aux cryptoactifs à titre de garantie sous-jacente ou de titres transférés dans le cadre d’opérations de prêt de titre ou de mise en pension. En réponse aux commentaires du public, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières ont décidé de ne pas appliquer ces interdictions. Cette approche concorde avec l’orientation favorable des autorités de réglementation en 2025 visant à rapprocher les cryptoactifs de la finance traditionnelle. On s’attend à poursuivre dans la même veine en 2026.

Cryptomonnaies stables

À l’échelle mondiale, l’activité touchant les cryptomonnaies stables a bondi en 2025, leur capitalisation totale sur le marché passant d’environ 200 milliards de dollars à près de 300 milliards de dollars. Cette hausse est largement attribuable à l’adoption croissante des cryptomonnaies stables par les investisseurs institutionnels et leur rôle accru dans les paiements transfrontaliers. Le volume quotidien des opérations sur cryptomonnaies stables dans le monde a dépassé 30 milliards de dollars, ce qui souligne l’importance grandissante des cryptomonnaies stables dans l’infrastructure mondiale des cryptoactifs.

C’est dans ce contexte que le gouvernement du Canada a déposé, le 4 novembre 2025, le budget de 2025 [PDF], dans lequel il annonçait son intention de promulguer une loi pour encadrer l’émission de cryptomonnaies stables arrimées à des monnaies fiduciaires au Canada. Dans les semaines qui ont suivi, le gouvernement du Canada a déposé, dans le cadre de la Loi no 1 d’exécution du budget de 2025, le projet de loi visant à établir le premier cadre réglementaire national pour les cryptomonnaies stables arrimées à des monnaies fiduciaires. Le projet de Loi sur les cryptomonnaies stables établit un régime prudentiel entièrement supervisé par la Banque du Canada, dotée d’un large pouvoir de surveillance; ce régime impose aux émetteurs des réserves pleinement garanties suffisantes à l’abri en cas de faillite et détenues auprès de dépositaires autorisés, des obligations strictes en matière de rachat et de gouvernance, l’adoption de programmes rigoureux de gestion de risque et de sécurité des données, et des obligations d’audit et d’information continue. Les quelques exclusions relatives aux valeurs mobilières prévues dans la loi n’écartent pas l’application des lois provinciales sur les valeurs mobilières et des lois relatives aux dérivés; en effet, celles-ci continuent de s’appliquer si les cryptomonnaies stables offrent un rendement, si elles reproduisent l’exposition d’un placement, ou si elles sont placées ou négociées d’une façon qui rend applicable la réglementation sur les valeurs mobilières ou qui est comprise dans le champ d’application des lignes directrices existantes des ACVM. Les règlements n’ont pas encore été publiés, et beaucoup d’éléments, notamment les définitions prescrites et les normes techniques, seront probablement précisés à l’avenir.

Les modifications à la Loi sur les activités associées aux paiements de détail, qui permettront la réglementation des prestataires de services de paiement exécutant des fonctions de paiement avec des « instruments de paiement chiffrés ou convertis en jetons », représentent une avancée majeure dans l’établissement d’un écosystème de paiements numériques transparent, moderne et sûr.

Inscription à titre de courtier et adhésion à l’OCRI

En juin 2025, l’OCRI a tenu une table ronde consacrée exclusivement aux plateformes de négociation de cryptoactifs. Il y était principalement question de résilience opérationnelle et de préparation aux crises et perturbations. Les discussions comprenaient des scénarios pratiques avec des plateformes autorisées à négocier des instruments de cryptoactif et leurs principaux partenaires. L’objectif était de relever et d’atténuer les risques opérationnels propres à la négociation de cryptoactifs en vue de protéger les intérêts des clients en période de crise.​

Peu après, le 25 juin 2025, l’OCRI a publié son Rapport sur la mise en application, où l’organisme fait état des activités disciplinaires contre les plateformes de négociation de cryptoactifs et les courtiers, mettant l’accent sur la dissuasion et l’harmonisation des pratiques de mise en application. Le rapport fait état d’une hausse du nombre de dossiers mettant en cause des actifs numériques et de l’adoption de systèmes de gestion des dossiers et d’investigation numérique unifiés pour la mise en application visant les cryptoactifs.​

Le Rapport annuel sur la conformité 2025 de l’OCRI confirme que les plateformes de négociation de cryptoactifs continuent de joindre l’OCRI à titre de membres. Il présente l’approche fondée sur le risque privilégiée pour ces plateformes et fournit des lignes directrices aux courtiers membres concernant les risques émergents associés aux opérations, à la cybersécurité et aux marchés. Ces lignes directrices seront d’autant plus importantes avec l’intégration d’un nombre grandissant de plateformes au cadre de l’OCRI.

Apprenez-en plus sur notre groupe Actifs numériques et chaînes de blocs.
En savoir plus

Perspectives

On s’attend à ce que l’année 2026 marque un autre jalon dans la réglementation canadienne des cryptoactifs. La loi fédérale sur les cryptomonnaies stables devrait occuper l’avant-scène, avec la promesse d’un premier cadre législatif canadien conçu sur mesure pour les cryptoactifs. Les pressions liées à la mise en application et à la conformité sont appelées à s’intensifier à mesure que les plateformes de négociation s’intègrent pleinement au cadre réglementaire de l’OCRI, et que les régimes de déclaration, notamment celui du CDC, entrent en vigueur et exigent encore plus de transparence des participants au marché.

Entre le recours aux cryptomonnaies stables qui gagne en puissance à l’échelle mondiale et les efforts des autorités canadiennes pour trouver un équilibre entre innovation et sécurité, le secteur devra être en mesure de s’adapter rapidement dans l’année qui vient. Parallèlement, de nouvelles possibilités de croissance pleinement conforme à la réglementation se présenteront à lui. Les sociétés et les investisseurs peuvent donc s’attendre à un contexte réglementaire dynamique, dans lequel l’avenir des cryptoactifs au Canada sera marqué par la clarté réglementaire et la collaboration intersectorielle.