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L’Ontario présente des modifications importantes touchant les recours collectifs

Auteur(s) : Laura Fric, Karin Sachar, Carla Breadon

Le 10 décembre 2019

Le 9 décembre 2019, le gouvernement de l’Ontario a présenté des modifications à la législation ontarienne sur les recours collectifs permettant aux tribunaux et aux défendeurs de traiter plus rapidement les dossiers non fondés en encourageant explicitement les requêtes visant à faire annuler rapidement une action et à établir les questions juridiques permettant de régler ces dossiers. Les modifications permettront également de gérer plus facilement les dossiers certifiés en exigeant que les questions communes l’emportent (de manière similaire à l’approche utilisée aux États-Unis).

Contexte

Le projet de loi 161 constitue la première révision en profondeur de la Loi sur les recours collectifs depuis sa mise en œuvre. Il fait suite à l'examen exhaustif des recours collectifs par la Commission du droit de l’Ontario, publié en juillet 2019 (dont nous avons parlé ici [en anglais seulement]). La description des modifications à la Loi sur les recours collectifs présentée par le ministère du Procureur général se trouve ici.

Modifications importantes aux critères de certification et aux requêtes préalables à la certification

Une modification proposée importante vise le critère de certification. La modification prévoit qu’un recours collectif répondra uniquement au critère de certification selon lequel il constitue le « meilleur moyen » si, à tout le moins : (i) ce moyen est « supérieur à tous les autres moyens raisonnablement disponibles pour établir le droit des membres du groupe », y compris la gestion des causes pour les demandes individuelles et les procédures administratives; (ii) des questions de fait ou de droit communes l’emportent sur les questions qui touchent uniquement les membres du groupe pris individuellement.

L’exigence de la prédominance des questions communes par rapport aux questions touchant uniquement les membres individuels fait en sorte que le critère de certification se rapproche beaucoup plus de celui qui est appliqué généralement aux États-Unis. Ce n’est pas le critère qui est utilisé actuellement en Ontario.  Cette modification du critère pourrait constituer un nouvel obstacle pour les demandeurs qui tentent d’obtenir une certification.

Parmi les autres modifications importantes, mentionnons le nouveau paragraphe 4.1 proposé, qui demande aux tribunaux d’entendre les requêtes dispositives et les requêtes pouvant limiter les questions en litige à décider à l’avance ou en même temps que la motion en certification.  Actuellement, les tribunaux peuvent décider du moment de ces requêtes, et ils les ont souvent reportées en espérant éviter les retards dans les motions en certification.

Répercussions pratiques

Ces changements permettront aux défendeurs et aux tribunaux de traiter les requêtes non fondées plus tôt et de manière plus économique. À long terme, il se peut que les demandeurs proposent des recours collectifs dans des territoires jugés plus favorables aux demandeurs, lorsqu’ils le peuvent.

Autres modifications

Les modifications changeraient également considérablement le règlement des dossiers multiterritoriaux et d’autres questions, comme :

  • Avis à d’autres demandeurs de recours collectifs canadiens : Un demandeur ontarien doit aviser le représentant des demandeurs de tout autre dossier similaire au Canada.
  • Inscription : Un demandeur de l’Ontario doit inscrire simultanément la demande d’autorisation de recours collectif.
  • Motions en conduite d’instance : Les modifications présentent des règles détaillées pour les motions en conduite d’instance, lorsque les avocats de demandeurs qui se font concurrence présentent des demandes de recours collectifs qui se recoupent en Ontario. Entre autres, la motion en conduite d’instance doit être présentée dans les 60 jours suivant le début de la première procédure, et la décision du tribunal est définitive et sans appel.
  • Établissement du meilleur lieu pour les demandes qui se chevauchent : Les parties peuvent demander une ordonnance de suspension d’un recours collectif en Ontario si le tribunal juge qu’il est préférable que la totalité ou une partie des questions soient réglées dans le cadre d’un recours collectif lancé dans un autre territoire canadien. De plus, le tribunal peut refuser de certifier un recours collectif multiterritorial s’il juge qu’il est préférable qu’il ait lieu dans un autre territoire.
  • Avis au groupe : On propose la modification d’un certain nombre de dispositions sur les avis au groupe. Fait intéressant pour les défendeurs, les dépens liés au coût de tout avis de certification ne peuvent être adjugés au représentant des demandeurs que dans le cas d’une issue favorable du recours collectif. De plus, les avis au groupe doivent être à la fois en français et en anglais, à moins que le tribunal ordonne le contraire (peu importe si des résidents du Québec font partie du groupe).
  • Règlement : Les modifications proposées décrivent les exigences, notamment en matière de preuve, pour demander au tribunal d’autoriser le règlement d’un recours collectif.
  • Appels : Tant les défendeurs que les demandeurs peuvent maintenant interjeter appel des ordonnances de certification directement à la Cour d’appel. (Cette modification élimine le tribunal intermédiaire qui s’applique actuellement aux décisions de certification, ainsi que l’exigence selon laquelle les défendeurs doivent demander l’autorisation d’appel.) De plus, l’appelant ne peut pas modifier substantiellement l’avis de motion en certification ou les actes de procédure dans le cadre de l’appel, sauf avec l’autorisation du tribunal dans des circonstances exceptionnelles.