Passer au contenu

Le Canada est le premier territoire de compétence à exiger la divulgation de la diversité au-delà du genre

Auteur(s) : Andrew MacDougall, John M. Valley

Le 30 juillet 2019

À compter du 1er janvier 2020, les sociétés régies par la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) et dont les titres sont cotés en bourse seront tenues de fournir aux actionnaires des renseignements sur leurs politiques et pratiques en matière de diversité au sein du conseil d’administration et de la haute direction, y compris le nombre et le pourcentage de membres du conseil et de la haute direction qui sont des femmes, des Autochtones, des membres de minorités visibles et de personnes ayant une incapacité. Ces exigences vont au-delà de la divulgation exigée en vertu des règles canadiennes en matière de valeurs mobilières et s’appliquent aux « sociétés ayant fait appel au public » régies par la LCSA, y compris les émetteurs émergents (qui ne sont pas assujettis à la législation sur les valeurs mobilières).

Même si l’on constate un intérêt accru, à l’échelle internationale, pour la divulgation de la diversité au-delà du genre, nous croyons que le Canada est le premier territoire de compétence du monde à exiger la divulgation de la diversité relative à des caractéristiques personnelles particulières en plus du genre.

Le présent bulletin met en lumière les principales modifications, décrit les principaux points à retenir, compare les exigences avec les initiatives déployées par d’autres territoires de compétence et résume les nouvelles exigences.

Contexte

Le 1er mai 2018, la Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions, la Loi canadienne sur les coopératives, la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif et la Loi sur la concurrence (la Loi modifiant la LCSA) a reçu la sanction royale. Un décret fixant au 1er janvier 2020 la date d’entrée en vigueur des nouvelles règles en matière de divulgation sur la diversité prévues à l’article 24 de la Loi modifiant la LCSA a été pris le 22 juin 2019. Par ailleurs, également le 22 juin 2019, un Règlement établissant plus en détail les nouvelles exigences en matière de divulgation a été émis (le nouveau Règlement et, collectivement, avec la Loi modifiant la LCSA, les exigences de la LCSA en matière de divulgation relative à la diversité).

La justification déclarée des nouvelles exigences de la LCSA en matière de divulgations sur la diversité est de « favoriser un dialogue entre la direction et les actionnaires sur cette importante question » et de « rendre les sociétés canadiennes responsables de faire progresser ce dossier en formulant une politique sur la diversité en vertu du principe “se conformer ou s’expliquer”. En fournissant les faits aux actionnaires, les sociétés peuvent de plus en plus reconnaître les avantages d’une plus grande diversité au sein du conseil d’administration et de la direction ».

Points saillants

  • L’exigence s’applique à toutes les sociétés ayant fait appel au public et qui sont régies par la LCSA, y compris les émetteurs émergents.
  • Contrairement aux exigences de la législation canadienne sur les valeurs mobilières en matière de présentation des renseignements relatifs à la diversité qui s’appliquent à tous les territoires de compétence du Canada autres que la Colombie-Britannique et l’Île-du-Prince-Édouard (les exigences de la législation sur les valeurs mobilières en matière de divulgation), aucune exemption n’est prévue pour (i) les fonds d’investissement, les émetteurs ou les titres adossés à des actifs; (ii) les émetteurs de titres échangeables ou les émetteurs de soutien au crédit; (iii) les sociétés dont les seuls titres de participation négociés en bourse sont non convertibles et les titres privilégiés non participants, ainsi que les filiales d’une société tenue de se conformer aux exigences de la LCSA en matière de divulgation relative à la diversité.
  • Les exigences s’inspirent du principe « se conformer ou s’expliquer » en matière de divulgation imposé à la plupart des émetteurs non émergents aux termes des exigences de divulgation sur la diversité de la législation sur les valeurs mobilières.
  • Il est exigé la même communication relative à la diversité quant aux limites de la durée du mandat des administrateurs et des autres mécanismes de renouvellement du conseil qu’en vertu de la législation sur les valeurs mobilières.
  • Les exigences de la LCSA en matière de divulgation relative à la diversité ne prévoient pas uniquement la communication d’information touchant la représentation des femmes, mais aussi celle d’Autochtones, de personnes ayant une incapacité et de membres de minorités visibles, en plus de tout autre groupe que la société veut incorporer à ses groupes désignés, en fournissant le nombre et le pourcentage de membres de chacun de ces groupes désignés présents au conseil d’administration et à la haute direction, le chiffre cible de représentation adopté pour ce groupe et, si aucune cible n’a été fixée pour un groupe particulier, l’explication de cette omission. 

Principaux points à retenir

  • Le nombre de sociétés qui seront tenues de faire des déclarations relatives à la diversité augmentera considérablement. Par exemple, quelque 250 sociétés régies par la LCSA et inscrites à la Bourse de croissance TSX seront assujetties à la nouvelle obligation de divulgation, en plus de celles qui sont inscrites à d’autres bourses, ce qui en fait des « émetteurs émergents ».
  • Le volume des communications sur la diversité augmentera de façon importante pour les sociétés régies par la LCSA qui se sont conformées aux exigences relatives à la divulgation sur la diversité en matière de valeurs mobilières, étant donné que la divulgation sera obligatoire, de façon autonome, en ce qui concerne les Autochtones, les personnes ayant une incapacité et les membres de minorités visibles. Par conséquent, nous nous attendons à ce que les sociétés régies par la LCSA soient réticentes, du moins au début, à ajouter de leur plein gré des groupes à leurs groupes désignés, tels que les groupes ayant trait au lieu géographique, à l’âge, à la préférence sexuelle ou au statut de vétéran.
  • Les sociétés régies par la LCSA pourraient trouver difficile d’expliquer pourquoi elles ne se sont pas fixé de cibles dans le cas de certains groupes désignés.
  • Les sociétés devraient demander aux membres du conseil d’administration et de la haute direction s’ils considèrent faire partie de l’un des groupes désignés. Même si le nouveau règlement n’oblige pas les sociétés à communiquer le nom des personnes faisant partie d’un groupe désigné, nous recommandons d’effectuer un sondage auprès de ces personnes à titre de contrôle préalable et pour éviter tout écart entre les renseignements communiqués par la société et la façon dont les membres du conseil et de la haute direction s’identifient eux-mêmes. Par ailleurs, cette approche est conforme aux lignes directrices en matière d’interprétation de la conformité et de la communication publiées par la Securities and Exchange Commission des États-Unis à l’égard de la divulgation des caractéristiques de la diversité en vertu des lois américaines sur les valeurs mobilières.

Divulgation de la diversité au-delà du genre

Au cours des dernières années, on a constaté un intérêt accru, à l’échelle internationale, pour la divulgation relative à la diversité au-delà du genre. La Directive 2014/95 UE (la Directive), approuvée par le Parlement européen et par le Conseil le 22 octobre 2014, exige que certaines grandes entreprises publient de l’information relative à leurs politiques en matière de diversité dans les domaines de l’administration, de la gestion et de la supervision, sur certains aspects comme l’âge, le genre ou les antécédents scolaires et professionnels. L’an dernier, le Corporate Governance Code (le Code) promulgué par le Financial Reporting Council du Royaume-Uni a été modifié de façon qu’il englobe un principe général selon lequel les nominations et les plans de relève doivent être fondés sur le mérite et sur des critères objectifs et, dans ce contexte, ils devraient promouvoir la diversité de genre, d’origine sociale et ethnique, ainsi que les points forts cognitifs et personnels. Le Code édicte également que les sociétés devraient déposer une déclaration annuelle relativement à leur politique sur la diversité et l’inclusion, ses objectifs, son lien avec la stratégie d’entreprise, la manière dont elle a été mise en œuvre et les progrès réalisés en vue de l’atteinte des objectifs énoncés dans la politique. Mais ces initiatives n’obligent pas la divulgation de caractéristiques personnelles particulières au-delà du genre.

Même si le Canada s’avère être le premier territoire de compétence à exiger la divulgation de la représentation d’Autochtones, de membres de minorités visibles et de personnes ayant une incapacité, d’autres lui emboîteront vraisemblablement le pas. L’Illinois, aux États-Unis, songe actuellement à adopter une loi qui obligerait les sociétés cotées en bourse ayant leur siège dans cet État à fournir, dans leur rapport annuel, des renseignements sur la diversité démographique des membres de leur conseil d’administration et de leur haute direction, y compris le fait que chacun de ces membres se considère comme un représentant d’une minorité visible et, le cas échéant, la race ou l’origine ethnique à laquelle il s’identifie.

Les nouvelles exigences de communication en matière de diversité

Les exigences de divulgation en matière de diversité en vertu de la LCSA suivent le principe « se conformer ou s’expliquer » qui s’applique à toutes les sociétés ayant fait appel au public, y compris les émetteurs émergents. Une « société ayant fait appel au public » est une société qui (i) est assujettie aux exigences de divulgation continue en vertu de règlements provinciaux ou territoriaux au Canada en matière de valeurs mobilières; (ii) a déposé un prospectus ou une déclaration d’enregistrement en vertu d’une loi provinciale ou relevant de territoires de compétence extérieurs au Canada, a des titres inscrits ou émis aux fins de négociation sur un marché boursier extérieur au Canada, ou participe à une telle société, a été créée à cet effet ou découle d’une fusion, d’une restructuration, d’un arrangement ou d’une procédure statutaire de cette société.

Selon les exigences de divulgation en matière de diversité en vertu de la LCSA, les sociétés ayant fait appel au public doivent communiquer ce qui suit :

  • durée maximale du mandat et renouvellement du conseil : si la société ayant fait appel au public a, ou non, fixé une durée maximale du mandat des membres du conseil d’administration ou d’autres mécanismes de renouvellement du conseil, selon le cas, elle doit fournir une description de cette durée maximale ou des mécanismes, ou les raisons pour lesquelles elle ne l’a pas fait;
  • politique sur la diversité au sein du conseil d’administration : si la société ayant fait appel au public a, ou non, adopté une politique écrite sur l’identification et la nomination d’administrateurs qui sont membres de groupes désignés, y compris un résumé des objectifs et des principales dispositions de la politique, des mesures prises pour la mettre en œuvre et en évaluer l’efficacité, ainsi que les progrès annuels et cumulatifs réalisés en vue d’atteindre ces objectifs, si le conseil d’administration ou le comité des candidatures évalue l’efficacité de la politique et, le cas échéant, une description du mécanisme d’évaluation ou les raisons de l’absence d’une telle politique;
  • prise en compte de la diversité dans la nomination d’un administrateur : si le conseil d’administration ou le comité des candidatures a, ou non, pris en compte le degré de représentation de groupes désignés au conseil lors de la mise en candidature aux fins d’élection ou de réélection au conseil et, selon le cas, le mécanisme de prise en compte ou les raisons pour lesquelles il n’est pas tenu compte de la diversité;
  • prise en compte de la diversité dans la nomination de membres de la haute direction : si la société ayant fait appel au public tient compte du degré de représentation de membres de groupes désignés lorsqu’elle nomme des membres de la haute direction et, selon le cas, le mécanisme de prise en compte ou les raisons pour lesquelles il n’est pas tenu compte de la diversité;
  • cibles en matière de diversité au sein du conseil d’administration et de la haute direction :
    • si la société ayant fait appel au public a, ou non, pour chacun des groupes mentionnés dans la définition de groupes désignés, fixé un nombre ou un pourcentage (ou une fourchette) « cible » de membres du groupe à occuper un poste au conseil d’administration à une certaine date et (i) pour chaque groupe pour lequel une cible a été fixée, la cible et les progrès annuels et cumulatifs réalisés en vue de l’atteinte de cette cible; et (ii) pour chaque groupe pour lequel une cible n’a pas été fixée, les raisons de cette omission;
    • si la société ayant fait appel au public a, ou non, pour chaque groupe mentionné dans la définition des groupes désignés, fixé un nombre ou un pourcentage (ou une fourchette) « cible » de membres du groupe à occuper un poste à la haute direction à une certaine date; et (i) pour chaque groupe pour lequel une cible a été fixée, la cible et les progrès annuels et cumulatifs réalisés en vue de l’atteinte de cette cible; et (ii) pour chaque groupe pour lequel une cible n’a pas été fixée, les raisons de cette omission;
  • le nombre et le pourcentage d’administrateurs et de membres de la haute direction qui sont des membres de groupes désignés :
    • pour chaque groupe mentionné dans la définition des groupes désignés, le nombre et la proportion exprimée en pourcentage de membres de chaque groupe qui occupe un poste au sein du conseil d’administration;
    • pour chaque groupe mentionné dans la définition des groupes désignés, le nombre et la proportion exprimée en pourcentage de membres de chaque groupe qui occupe un poste au sein de la haute direction de la société ayant fait appel au public, y compris toutes ses principales filiales.

Aux fins de la divulgation, la définition de « groupes désignés » comprend, mais non de façon limitative, les groupes désignés dans la Loi sur l’équité en matière d’emploi. Les groupes désignés, dans la Loi sur l’équité en matière d’emploi, sont :

  • les femmes;
  • les Autochtones;
  • les personnes handicapées;
  • les personnes qui font partie de minorités visibles.

Aux fins de l’obligation de divulgation en matière de diversité en vertu de la LCSA, « haute direction » a la même signification que « membre de la haute direction », en vertu du règlement provincial et territorial du chapitre 1.1 (1) du Règlement 51-102 sur les obligations d’information continue.

Comme il est prévu que ces nouvelles exigences entrent en vigueur dans moins de six mois, il ne reste pas beaucoup de temps aux sociétés régies par la LCSA et assujetties à ces nouvelles exigences pour se préparer à celles-ci. Il sera intéressant de surveiller l’évolution de la situation dans ce domaine au Canada et à l’étranger, tant parmi les organismes de réglementation que parmi les investisseurs institutionnels, qui ont joué un rôle de premier plan en ce qui concerne la diversité liée au genre au cours des dernières années.