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Évolution de la législation américaine sur les valeurs mobilières en 2020

Auteur(s) : Kelsey Weiner

Le 8 décembre 2020

En 2020, la Securities and Exchange Commission (SEC) a continué à se concentrer sur la simplification et le remaniement des obligations d’information et sur l’élargissement de l’accès au capital pour les petites entreprises. La SEC a simplifié les obligations d’information financière dans les opérations de fusion et d’acquisition et a élargi les catégories d’investisseurs et d’intermédiaires qui peuvent prendre part à des placements privés. La SEC a également réexaminé certaines de ses règles en matière de procurations relatives aux communications avec les actionnaires tiers.

La SEC élargit les définitions d’investisseur qualifié et d’acheteur institutionnel admissible

En août, la SEC a publié les règles définitives [PDF] (en anglais) élargissant les définitions d’« investisseur qualifié » au sens attribué au terme accredited investor par le Regulation D (Règlement D) en vertu de la Securities Act of 1933 des États-Unis (la Loi de 1933) et d’« acheteur institutionnel admissible » au sens attribué au terme qualified institutional buyer par la Rule 144A (Règle 144A) en vertu de la Loi de 1933. Il s’agit des catégories de personnes physiques et morales dont les connaissances et l’expérience sont jugées suffisantes par la SEC pour prendre part aux placements privés aux États-Unis sans la protection offerte par le processus d’inscription des titres de la SEC. Les nouvelles règles élargissent le cercle des investisseurs auprès desquels les sociétés canadiennes pourront lever des capitaux dans le cadre de placements privés aux États-Unis. Les règles règlent également certaines exclusions techniques (abordées ci-dessous) auxquelles certains investisseurs institutionnels canadiens ont été confrontés lors de l’évaluation de leur admissibilité à participer à des placements privés limités aux acheteurs institutionnels admissibles.

Les modifications apportées à la définition d’« investisseur qualifié » dans le Règlement D comprennent l’ajout d’un certain nombre de personnes physiques et morales :

  • une personne physique titulaire d’une attestation professionnelle, d’une désignation, d’un statut ou d’une autre compétence d’un établissement d’enseignement reconnu que la SEC a désigné comme rendant une personne admissible au statut d’investisseur qualifié, comme les titulaires en règle de licences de la série 7, de la série 65 et de la série 82 ; 
  • un « employé informé » (knowledgeable employee) (au sens de l’Investment Company Act of 1940 [la Loi de 1940]) de fonds privés, si celui-ci investit dans le fonds privé offrant les titres ;
  • un conseiller en placement inscrit dans un État des États-Unis et auprès de la SEC ;
  • un conseiller en placement dispensé d’inscription en vertu de l’Investment Advisers Act of 1940 des États-Unis (la Loi sur les conseillers en placement) ;
  • une société à responsabilité limitée avec un actif d’au moins 5 M$ US dont la constitution ne vise pas expressément l’achat des titres offerts ;
  • un « gestionnaire de grande fortune » (family office) avec un actif sous gestion d’au moins 5 M$ US dont la constitution ne vise pas expressément l’achat des titres offerts et dont les placements sont déterminés par une personne financièrement avertie, ainsi que ses « clients fortunés » (family client) (chacun au sens de la Loi sur les conseillers en placement) ;
  • une personne morale non décrite par la définition d’investisseur accrédité dont la constitution ne vise pas expressément l’achat des titres offerts et détenant des « placements » (investments) (au sens de la Loi de 1940) de plus de 5 M$ US.

Les modifications prévoient également que les personnes physiques peuvent regrouper leurs actifs ou revenus d’« équivalent du conjoint » (spousal equivalents) (au sens d’une cohabitation dont la relation est généralement équivalente à celle d’un conjoint) aux fins de la conformité aux seuils communs de valeur nette ou de revenu.

Les modifications apportées à la définition d’« investisseur institutionnel admissible » dans la Règle 144A comprennent l’ajout d’une catégorie « fourre-tout » pour toute institution qui n’est pas déjà expressément mentionnée dans la définition existante d’acheteur institutionnel admissible, mais qui a) est qualifiée à titre d’« investisseur qualifié » institutionnel dans le Règlement D et b) possède et investit au total, sur une base discrétionnaire, au moins 100 M$ US de titres d’émetteurs non affiliés. Il est important de noter que, contrairement à la définition d’« investisseur qualifié » figurant dans le Règlement D, une entité relevant de cette nouvelle catégorie fourre-tout est autorisée à se constituer en investisseur institutionnel admissible expressément en vue d’acquérir les titres offerts. Auparavant, certains investisseurs canadiens possédant au moins 100 M$ US de titres d’entités non affiliées ne pouvaient pas participer aux placements de la Règle 144A parce que leur forme d’organisation n’était pas expressément couverte par la définition d’« acheteur institutionnel admissible ». Grâce à ces changements, nombre d’entre eux sont désormais susceptibles d’utiliser la nouvelle catégorie fourre-tout pour devenir des « acheteurs institutionnels admissibles ».

Les modifications sont entrées en vigueur le 8 décembre 2020.

La SEC simplifie les informations financières relatives aux acquisitions et aux cessions d’entreprises

En mai, la SEC a adopté des modifications visant à réduire la complexité des obligations d’information financière dans le Regulation S-X (Règlement S-X) concernant les acquisitions et les cessions d’entreprises importantes visant des personnes ou des sociétés inscrites auprès de la SEC. Une personne ou une société inscrite assujettie au Règlement S-X qui acquiert une entreprise est généralement tenue de fournir des états financiers annuels audités et des états financiers intermédiaires non audités distincts de l’entreprise acquise si l’acquisition est importante pour la personne ou la société inscrite. En outre, les personnes ou les sociétés inscrites sont tenues de fournir des informations financières pro formareflétant les rajustements destinés à montrer comment l’acquisition ou la cession aurait pu affecter les états financiers de la personne ou de la société inscrite si l’opération avait eu lieu au début de l’exercice financier concerné.

Les modifications comprennent plusieurs aspects essentiels :

  • Les critères utilisés pour déterminer l’importance d’une acquisition ou d’une cession ont été remaniés pour s’aligner plus étroitement sur l’importance économique réelle de l’opération pour la personne inscrite. Les modifications révisent le « critère du placement » (investment test) pour comparer les placements et les avances de la personne ou de la société inscrite dans l’entreprise acquise à la valeur marchande mondiale globale de la personne ou de la société inscrite, si elle peut être obtenue. Les modifications révisent également le « critère de revenu » (income test) en ajoutant un élément de revenu.
  • Les acquéreurs sont autorisés à utiliser des informations financières pro forma pour mesurer l’importance de l’opération.
  • Les états financiers de l’entreprise acquise doivent couvrir uniquement les deux derniers exercices clos plutôt que les trois derniers.
  • Les informations financières pro forma peuvent comprendre des rajustements effectués par la direction donnant effet à des synergies. 
  • Il n’est plus nécessaire de fournir des états financiers distincts pour les entreprises acquises après que la cible a été consolidée dans les états financiers de la personne ou de la société inscrite pendant neuf mois ou un exercice complet, selon le niveau d’importance.

Bien que les obligations de la SEC en matière d’information financière en vertu du Règlement S-X ne s’appliquent pas aux personnes ou sociétés inscrites canadiennes qui utilisent les formulaires du régime d’information multinational (RIM) Canada–États-Unis, dans de nombreux cas, les formulaires du RIM ne peuvent pas être utilisés. Le RIM ne s’applique pas à certains types d’opérations de fusion et d’acquisition, comme lorsqu’une personne ou une société canadienne inscrite acquiert une société ouverte américaine par voie de fusion ou d’échange de titres. Dans ces cas, le Règlement S-X s’appliquera.

Les règles définitives [PDF] entreront en vigueur le 1er janvier 2021, mais la conformité volontaire sera autorisée avant la date d’entrée en vigueur.

La SEC a adopté la forme définitive des modifications aux règles sur les procurations s’appliquant aux sociétés de conseil en vote par procuration

En juillet, la SEC a publié des modifications définitives à ses règles sur les procurations afin d’encadrer certaines activités des sociétés de conseil en vote par procuration (conseillers en vote par procuration). Dans l’ensemble, les règles définitives sont moins contraignantes que celles proposées par la SEC en décembre 2019 et reposent davantage sur des principes.

Voici les points saillants des modifications définitives :

  • Il est désormais manifeste que les recommandations de vote par procuration formulées par les conseillers en vote par procuration constituent des « sollicitations » soumises aux règles sur les procurations de la SEC (notamment l’interdiction de fausses déclarations ou de déclarations trompeuses).
  • Les exemptions aux obligations de la SEC en matière d’information et de dépôt à l’égard des procurations ne sont disponibles pour les conseillers en vote par procuration que s’ils effectuent ce qui suit :
  • ils communiquent, dans le cadre de leurs prestations de conseils sur le vote aux clients, de l’information précise sur les conflits d’intérêts ;
  • ils adoptent des politiques communiquées au public visant à (i) garantir que les personnes ou les sociétés inscrites qui font l’objet des conseils de vote par procuration aient accès à ces conseils au plus tard au moment où les conseils sont diffusés aux clients du conseiller en vote ; et (ii) fournir aux clients un mécanisme leur permettant de prendre connaissance, en temps utile avant l’assemblée des actionnaires, des déclarations écrites des personnes ou des sociétés inscrites qui font l’objet des conseils de vote par procuration.

Contrairement aux règles proposées en décembre 2019, les règles définitives n’obligent pas les conseillers en vote par procuration à fournir aux personnes ou sociétés inscrites une version préliminaire des conseils de vote par procuration proposés pour examen et commentaires. L’obligation de fournir un avis à une personne ou une société inscrite à l’égard des conseils de vote par procuration et d’offrir un mécanisme aux clients concernant les déclarations écrites d’une personne ou d’une société inscrite ne s’applique pas aux dossiers contestés, ni à la plupart des fusions et à certaines opérations sur actifs.

Les conseillers en vote par procuration doivent se conformer aux nouvelles règles concernant les conflits et les avis de conseils d’ici le 1er décembre 2021. Les règles de la SEC en matière de procurations ne s’appliquent pas aux personnes ou aux sociétés inscrites au Canada qui sont des émetteurs privés étrangers en vertu des lois américaines sur les valeurs mobilières. Toutefois, les nouvelles règles peuvent influencer l’élaboration de règles similaires envisagées au Canada.

La SEC remanie les règles relatives aux propositions déposées par des actionnaires

En septembre, la SEC a adopté des modifications remaniant les règles relatives aux propositions déposées par des actionnaires en vertu de la Règle 14a-8 de la Securities Exchange Act de 1934 (Loi de 1934). Ces règles régissent le processus par lequel les actionnaires peuvent soumettre des propositions à inclure dans la circulaire de procuration d’une personne ou d’une société inscrite. Les modifications visent à garantir que les actionnaires démontrent un intérêt économique ou un intérêt d’investissement significatif dans une société avant de pouvoir utiliser les ressources de la société pour soumettre leurs propositions aux autres actionnaires de la personne ou de la société inscrite pour examen. 

Parmi les points saillants des règles définitives [PDF], on compte celles qui suivent :

  • le remplacement du seuil actuel, qui exige de détenir au moins 2 000 $ US ou 1 % des titres d’une personne ou d’une société inscrite pendant au moins un an, par l’une des trois exigences de propriété continue qui suivent :
  • 2 000 $ US de titres de la personne ou de la société inscrite pendant au moins trois ans ;
  • 15 000 $ US de titres de la personne ou de la société inscrite pendant au moins deux ans ; ou
  • 25 000 $ US de titres de la personne ou de la société inscrite pendant au moins un an ;
  • l’interdiction pour les actionnaires multiples de regrouper leurs participations afin de satisfaire aux seuils de propriété modifiés décrits ci-dessus ; 
  • l’exigence que l’actionnaire qui choisit de recourir à un représentant pour soumettre une proposition à inclure dans la circulaire de procuration fournisse à la personne ou la société inscrite 1) un document indiquant clairement que le représentant est autorisé à agir au nom de l’actionnaire, et 2) un degré significatif d’assurance quant à l’identité, au rôle et à l’intérêt de l’actionnaire dans la proposition ;
  • l’exigence que chaque actionnaire proposant déclare que l’actionnaire est en mesure de rencontrer la personne ou société inscrite, en personne ou par téléconférence, au moins 10 jours civils et au plus 30 jours civils après la soumission de la proposition, et qu’il fournisse ses coordonnées, ainsi que les jours et heures ouvrables pendant lesquels il est disponible pour discuter de la proposition avec la personne ou société inscrite ; 
  • la révision des niveaux de soutien des actionnaires qu’une proposition doit recevoir pour pouvoir être soumise à nouveau lors des futures assemblées d’actionnaires de la même personne ou société inscrite, de 3 %, 6 % et 10 % pour les dossiers ayant déjà fait l’objet d’un vote une, deux ou trois fois ou plus au cours des cinq dernières années, respectivement, avec des seuils de 5 %, 15 % et 25 %, respectivement.

Les modifications s’appliqueront aux propositions soumises pour une assemblée annuelle ou extraordinaire devant se tenir à partir du 1er janvier 2022. Une période de transition permettra également aux porteurs remplissant certaines conditions de continuer à se prévaloir du seuil de propriété de 2 000  $ US pour un an à l’égard des propositions soumises en vue d’une assemblée annuelle ou extraordinaire devant se tenir avant le 1er janvier 2023.

La plupart des personnes ou des sociétés canadiennes inscrites auprès de la SEC sont des émetteurs privés étrangers et ne sont donc pas soumises aux règles relatives aux propositions déposées par des actionnaires et aux autres règles de la SEC en matière de procurations. 

La SEC propose une dispense conditionnelle pour les intermédiaires qui aident les petites entreprises à lever des capitaux

En octobre, la SEC a proposé une dispense conditionnelle [PDF] (en anglais) qui permettrait à certaines personnes physiques de participer à des activités restreintes pour le compte d’émetteurs sans avoir à s’inscrire auprès de la SEC en tant que courtiers. La dispense proposée vise à aider les émetteurs qui ne sont peut-être pas assez gros pour obtenir l’aide d’un courtier inscrit à se frayer un chemin dans la levée de capitaux. 

Pendant des années, il y a eu une incertitude quant à la ligne de démarcation entre les activités d’un intermédiaire (finder) et celles d’un courtier qui doit être inscrit auprès de la SEC. Dans le cadre de la dispense conditionnelle proposée, la SEC créerait deux niveaux d’intermédiaires exemptés. Les intermédiaires du niveau I ne seraient autorisés à fournir les coordonnées d’investisseurs potentiels qu’à un seul émetteur relativement à une seule offre pendant une période de 12 mois et ne pourraient avoir aucun contact avec des investisseurs potentiels. Les intermédiaires du niveau II seraient autorisés à solliciter directement les investisseurs pour le compte d’un émetteur. Dans ce cas, toutefois, ces activités de sollicitation se limiteraient à (i) trouver, sélectionner et contacter les investisseurs potentiels ; (ii) distribuer aux investisseurs les documents de placement de l’émetteur ; (iii) discuter des informations sur l’émetteur comprises dans les documents de placement, mais sans donner de conseils quant à l’évaluation ou l’intérêt de l’investissement ; et (iv) organiser ou participer à des assemblées avec l’émetteur et l’investisseur.

La dispense des intermédiaires ne serait disponible que dans les cas suivants :

  • l’émetteur n’est pas une société faisant l’objet d’une obligation d’information à l’égard de la SEC et procédera au placement en fonction d’une dispense d’inscription en vertu de la Loi de 1933 ;
  • l’intermédiaire ne se livre pas à une sollicitation générale ; 
  • les investisseurs potentiels sont des « investisseurs qualifiés » au sens de la Règle 501 du Règlement D de la Loi de 1933 ou l’intermédiaire croit raisonnablement que les investisseurs potentiels sont des investisseurs qualifiés ;
  • l’intermédiaire fournit des services aux termes d’un contrat écrit avec l’émetteur qui comprend une description des services fournis et la rémunération correspondante ;
  • l’intermédiaire n’est pas une personne associée à un courtier ;
  • l’intermédiaire n’est pas assujetti à une « exclusion légale », au sens de l’alinéa 3(a)(39) de la Loi de 1934, au moment de sa participation.

La dispense conditionnelle proposée n’est pas accessible aux intermédiaires exerçant leurs activités par le truchement d’entités juridiques, dans le cadre d’une opération sur des titres inscrits ou de placements par un émetteur assujetti à la SEC, dans le cadre de reventes de titres existants ou d’opérations faisant intervenir des investisseurs non qualifiés. La dispense proposée était ouverte aux commentaires jusqu’au 12 novembre.

Remarque finale

La tendance générale de la réglementation américaine des valeurs mobilières au cours des dernières années a été de faciliter l’accès au capital et de réduire la portée et l’étendue des obligations d’information applicables aux sociétés ouvertes, en particulier aux petites sociétés. Avec le départ annoncé en fin d’année du président de la SEC, Jay Clayton, il reste à voir si cette tendance se poursuivra.