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Qu’est-ce qu’un acte criminel? Prêteurs, soyez à l’affût des modifications apportées au Code criminel en vertu du Projet de loi C-274

Auteur(s) : Joyce M. Bernasek

Le 15 juin 2021

Le Projet de loi C-274, la Loi modifiant le Code criminel (le Projet de loi), a fait l’objet d’une première lecture à la Chambre des communes le 11 mai 2021. Le Projet de loi modifierait[1] les définitions des termes « taux criminel » et « intérêt » du paragraphe 347(2) du Code criminel, tout en abrogeant l’article 347.1, qui avait permis certaines exceptions relatives aux prêts sur salaire.

Le Projet de loi intéressera les prêteurs, en particulier les prêteurs sur salaire et autres prêteurs non traditionnels, car les modifications proposées feraient passer le taux criminel auquel les intérêts sont facturés ou perçus en vertu du Code criminel de 60 % à 30 %.

De plus, le Projet de loi abrogerait l’article 347.1 du Code criminel. Par conséquent, les prêteurs sur salaire ne bénéficieront plus de certaines exemptions au taux d’intérêt criminel prévu à l’article 347. À l’avenir, tout prêteur, y compris un prêteur sur salaire ou un autre type de prêteur, qui est reconnu avoir facturé ou perçu des intérêts dépassant le taux criminel peut être coupable soit d’un acte criminel, passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans, soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, passible d’une amende maximale de 25 000 $ et d’un emprisonnement maximal de deux ans moins un jour, ou l’une de ces peines.

De nombreux accords de crédit et titres de créance contiennent actuellement des dispositions réattribuant tout paiement d’intérêts dépassant le montant autorisé par la loi au remboursement de la dette impayée. Dans la pratique, ces dispositions ne sont pas souvent appliquées, étant donné le taux criminel élevé qui s’applique actuellement en vertu du Code criminel (60 %). Cependant, vu la diminution substantielle du montant des intérêts autorisés par le Code criminel, ces dispositions pourraient faire l’objet d’autres négociations, puisqu’il serait fort probable qu’elles entrent en vigueur.

Effets du Projet de loi C-274

Abaissement du taux criminel maximum

Le taux criminel actuel est un taux d’intérêt annuel qui dépasse 60 %. Le Projet de loi abaisse notamment le « taux criminel » au taux d’intérêt annuel « qui, le jour de la conclusion ou du renouvellement de la convention ou de l’entente de prêt, dépasse de trente points de pourcentage ou plus le taux de financement à un jour de la Banque du Canada à cette date. »[2] En supposant que le taux d’intérêt d’une banque centrale demeure à 0,25 %, l’intérêt criminel correspondrait alors à un taux d’intérêt annuel qui excède 30,25 %.

Dans le calcul du taux d’intérêt, le Code criminel exige que les agios, commissions, pénalités et indemnités payés dans le cadre de l’attribution d’un crédit soient inclus, peu importe qui paie ces frais. Ainsi, aux fins du Code criminel, le taux d’« intérêt » peut être supérieur au taux nominal tel qu’il est établi dans une convention de prêt donnée.

Le Projet de loi modifierait également la définition contenue au paragraphe 347(2) concernant le calcul de l’intérêt afin d’inclure des « frais d’assurance », qui peuvent être considérés comme le coût pour assurer le risque assumé par le prêteur. Le montant de cette assurance ne doit généralement pas dépasser le montant du crédit avancé.

Suppression de l’exemption – Article 347.1

Actuellement, l’article 347.1 interdit de « conclure une convention ou une entente pour percevoir des intérêts à un taux criminel ou percevoir, même partiellement, des intérêts à un taux criminel ».

Par le passé, l’article 347.1 servait d’exemption aux restrictions imposées par l’article 347. L’exemption de l’article 347.1 a supprimé l’interdiction de facturer des intérêts supérieurs au taux criminel pour les prêts sur salaire si leur durée est d’au plus 62 jours, si le prêt est d’au plus 1 500 $, si le prêteur est titulaire d’une licence provinciale et si le gouvernement fédéral a déterminé que les provinces disposent de protections légales pour fixer un plafond au coût total des prêts.

Le Projet de loi supprimerait cette exemption. Les prêteurs sur salaire et les prêteurs similaires seront donc soumis aux mêmes dispositions relatives aux intérêts criminels que les autres prêteurs. De plus, les prêts sur salaire et les prêts similaires seront probablement soumis à l’article 2 de la Loi sur l’intérêt (Canada), étant donné l’abrogation de l’exemption prévue à l’article 347.1.


[1] Projet de loi C-274 [Chambre des communes du Canada]

(1) Les définitions des termes « taux criminel » et « intérêt » figurant au paragraphe 347(2) du Code criminel sont remplacées par ce qui suit :

« taux criminel » : Tout taux d’intérêt annuel effectif, appliqué au capital prêté et calculé conformément aux règles et pratiques actuarielles généralement admises, qui, le jour de la conclusion ou du renouvellement de la convention ou de l’entente de prêt, dépasse de trente points de pourcentage ou plus le taux de financement à un jour de la Banque du Canada à cette date;

« intérêts » : L’ensemble des frais de tous genres, y compris les agios, commissions, frais d’assurance, pénalités et indemnités, qui sont payés ou à payer à qui que ce soit par l’emprunteur ou pour son compte, en contrepartie du capital prêté ou à prêter. La présente définition exclut un remboursement de capital prêté, les taxes officielles, les frais pour découvert de compte, le dépôt de garantie et, dans le cas d’un prêt hypothécaire, les sommes destinées à l’acquittement de l’impôt foncier.

(2) L’article 347.‍1 de la loi est abrogé.

Le cadre actuel de l’intérêt criminel – Article 347

[2] 2e session, 43e législature, 69-70 Elizabeth II, 2020-2021, Chambre des communes du Canada