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La « taxe frontalière » des États-Unis : notions à l’intention des Canadiens

Auteur(s) : Ramin Wright

16 février 2017

Dans le tourbillon politique des premiers jours de l’administration Trump, on suppose de plus en plus que le président pourrait donner son appui au plan directeur (« Blueprint ») intitulé « Better Way » du caucus républicain de la Chambre des représentants (le « plan directeur ») à propos de la réforme fiscale aux États-Unis.

Même si l’enthousiasme du président Trump à l’égard du plan directeur semble avoir connu des hauts et des bas, des signaux récents, notamment des commentaires de l’administration concernant le financement de la construction du « mur », ont ravivé les préoccupations selon lesquelles le président pourrait avaliser ce plan mis de l’avant par les Républicains de la Chambre des représentants des États-Unis. Si elles sont adoptées, les propositions du plan directeur représenteraient un bouleversement en profondeur du système fiscal américain, en abolissant l’impôt sur le revenu pour le remplacer par une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) appelée « destination-based cash flow tax » (taxe sur les flux de trésorerie à destination) (DBFCT). La mise en œuvre d’une DBCFT aurait d’importantes répercussions pour les entreprises canadiennes, étant donné le niveau d’intégration des économies canadienne et américaine.

Préparation aux répercussions potentielles du plan directeur :

Que le président décide d’adopter la DBCFT ou qu’il prévoit son propre processus de réforme fiscale, il est évident que des changements en profondeur se profilent à l’horizon. Fait intéressant, l’un des grands architectes du plan directeur, Kevin Brady (Républicain du Texas), a déclaré croire que les membres de l’équipe de la politique fiscale de Trump sont d’accord à « 80 % » avec le plan directeur, et il voit l’écart se rétrécir. Le 9 février 2017, Trump a annoncé qu’un plan fiscal était imminent, et il a promis que ce serait « phénoménal, sur le plan des impôts ».   Le président Trump doit prendre la parole lors d’une séance conjointe du Congrès le 28 février et, étant donné son penchant pour l’utilisation d’une vaste plateforme lors d’annonces importantes, il est possible qu’il saisisse cette occasion pour annoncer son plan de réforme fiscale.


Nous sommes convaincus de la nécessité d’un engagement précoce des entreprises canadiennes avisées qui sont d’importantes parties prenantes dans l’économie américaine.

Bien sûr, il existe d’impressionnants obstacles politiques et pratiques à l’adoption de la DBCFT. Malgré cela, de nombreux spectateurs ont constaté l’existence d’un processus législatif viable menant à l’adoption : si la proposition du plan directeur n’a pas d’incidence sur les revenus dans l’horizon budgétaire pertinent et que d’autres exigences sont remplies, le plan pourrait être adopté dans le cadre du processus de « conciliation budgétaire ». Cela signifierait qu’il ne faudrait qu’une faible majorité de votes du Sénat pour que la réforme soit adoptée (c.-à-d. que le véhicule législatif serait à l’épreuve de l’obstruction systématique). Les sceptiques devraient également tenir compte du fait que les principaux leaders républicains à la Chambre, notamment Paul Ryan, président de la Chambre des représentants, sont profondément engagés à l’égard du plan directeur.

Le présent article n’a pas pour objet d’émettre des hypothèses sur les possibilités politiques d’adoption de la DBCFT. Nous voulons plutôt fournir un cadre de réflexion sur le plan directeur et sur ce qu’il signifie pour les sociétés canadiennes. Même si nous reconnaissons que nous ne disposons pas encore de beaucoup de détails sur le plan directeur au présent stade et que, en ce sens, le présent exposé est un peu hâtif, nous reconnaissons également que les enjeux sont élevés. Nous sommes convaincus de la nécessité d’un engagement précoce des entreprises canadiennes avisées qui sont d’importantes parties prenantes dans l’économie américaine. Comme l’a récemment fait remarquer Joe Baratta, chef mondial des marchés de souscriptions privées chez Blackstone Group LP, en entrevue à Bloomberg Television à propos des effets potentiels de la réforme fiscale américaine : « Cela commence à s’insinuer dans nos prises de décision relatives aux placements. Nous devons tenir compte du sérieux du [plan directeur]. Si nous ne le faisions pas, nous manquerions à nos obligations en tant qu’investisseurs. »

Ces préoccupations se sont frayé un chemin vers le nord, pour traverser la frontière canadienne. Nous prévoyons plus particulièrement qu’au cours des prochaines semaines, les administrateurs fiscaux et autres dirigeants responsables de la gestion des risques d’entreprise au Canada seront appelés à renseigner leurs supérieurs relativement aux effets potentiels du plan directeur sur leur entreprise. Le présent article vise à faciliter ce processus.

Pour obtenir une copie du plan directeur, veuillez vous rendre à A Better Way [PDF].

Qu’est-ce que le plan directeur ?

Le plan directeur est une proposition de réforme fiscale américaine contenue dans une déclaration de principe intitulée « A Better Way: Our Visions for a Confident America », publiée le 24 juin 2016 par les Républicains de la Chambre des représentants. Le plan directeur a pour objectif de susciter la croissance de l’emploi, des investissements et des occasions d’affaires aux États-Unis. Dans le cadre de cette révision en profondeur du système fiscal fédéral des États-Unis, le plan directeur recommande que les règles fiscales en vigueur soient en grande partie abandonnées, au profit de la DBCFT. Pour reprendre les termes du plan directeur, la DBCFT serait une « approche de la fiscalité fondée sur la consommation », qui « établira un code des impôts du 21e siècle, visant la croissance et la prédominance des États-Unis. »

La DBCFT se distingue par deux principales caractéristiques. La première est qu’elle adopte le « flux de trésorerie » en tant que base d’imposition, au lieu du « revenu net ». Même si l’analyse macroéconomique n’entre pas dans le cadre du présent article, les économistes expliquent que la principale différence entre un impôt sur le revenu et une taxe sur le flux de trésorerie est qu’un impôt sur le revenu frappe d’une taxe les revenus d’entreprise, ainsi que les revenus tirés d’actifs immobilisés (c.-à-d. les revenus attribuables au capital investi, aux dividendes, aux intérêts, etc.), alors que la taxe sur le flux de trésorerie n’impose pas le revenu du capital. On émet la théorie que l’inclusion du revenu du capital dans la base d’imposition constitue un frein indésirable aux dépenses en capital, ce qui, à son tour, freine la croissance des entreprises, de la productivité et de la création d’emploi. De plus, on croit que le flux de trésorerie est une mesure plus « brute » de la rentabilité qui est moins susceptible d’être manipulée que le revenu net (qui fait actuellement l’objet de multiples déductions, taux d’amortissement et exclusions de revenu en raison d’intérêts particuliers).

La deuxième caractéristique importante de la DBCFT est qu’elle est « fondée sur la destination », plutôt que « sur l’origine ». Ces termes traduisent essentiellement d’autres façons d’établir la portée géographique ou juridictionnelle d’une taxe sur le flux de trésorerie. En général, une taxe sur les flux de trésorerie à destination est une taxe en fonction du lieu où se produit la consommation (c.-à-d. que la taxe est imposée sur les biens et services consommés par des « clients » des États-Unis, peu importe la provenance de ces produits et services). Par contre, une taxe perçue dans le pays d’origine est une taxe imposée sur les flux de trésorerie, en fonction du lieu de production du bien ou du service offert (c.-à-d. que les flux de trésorerie associés aux biens manufacturés américains seraient assujettis aux taxes américaines, peu importe où se situe le client dans le monde).


Le passage d’un impôt sur le revenu à une taxe à la consommation constituerait une immense transformation qui entraînerait les États-Unis en territoire inconnu.

Pour placer les choses en contexte, disons que le plan directeur souligne que la plupart des partenaires commerciaux des États-Unis ont adopté une taxe à la valeur ajoutée ou une taxe à la consommation en complément à leur impôt sur le revenu (territorial) régulier. Le plan directeur précise que ces TVA sont presque universellement « fondées sur la destination ». De même, les principaux éléments mécaniques de la proposition du plan directeur ne sont guère nouveaux ; en fait, ils sont largement utilisés par la plupart des pays développés, de nos jours. Les États-Unis seraient plutôt un cas particulier pour n’avoir pas déjà adopté un tel régime. Le plan directeur explique que la coexistence d’une TVA et d’un régime d’impôt sur le revenu traditionnel a permis à ces partenaires commerciaux de diminuer leur dépendance fiscale aux impôts sur le revenu et, par conséquent, ils ont pu graduellement diminuer les impôts sur le revenu des sociétés. Au fil du temps, les taux publiés des impôts des sociétés dans les pays membres de l’OCDE ont diminué pour atteindre des niveaux manifestement plus bas que ceux des États-Unis. L’adoption de la DBCFT serait saisissante en ce qu’elle ferait passer les États-Unis d’une situation dans laquelle ils n’imposent pas de taxe à la consommation à une taxe pratiquement « tout compris ». De cette façon, les États-Unis dépasseraient leurs partenaires commerciaux en passant directement à un taux d’imposition inférieur, et à un régime de taxe à la consommation plus vaste.

Qu’exige exactement le plan directeur

Le passage d’un impôt sur le revenu à une taxe à la consommation constituerait une immense transformation qui entraînerait les États-Unis en territoire inconnu. La perspective d’une telle rupture avec les normes fiscales en vigueur suscite une immense demande de détails supplémentaires et crée de la confusion quant aux aspects les plus rudimentaires du fonctionnement pratique d’un régime de DBCFT. À cette incertitude vient s’ajouter le fait que le plan directeur lui-même est un mince document de 35 pages qui ne fournit qu’un canevas. Cependant, le plan directeur a de nombreuses racines communes avec la « Growth and Investment Tax » (taxe sur la croissance et les investissements) (appelée « GIT ») proposée par le Comité consultatif fédéral sur la réforme fiscale du président Bush, en 2005. Les lecteurs qui désirent en savoir davantage sur le fonctionnement pratique du plan directeur devraient prendre connaissance de l’exposé de 2005 sur la GIT, et lire davantage sur la GIT [PDF].

En reliant ces éléments d’information entre eux, nous croyons pouvoir tirer huit importantes composantes du plan directeur à l’intention des Canadiens :

  1. Les contribuables assujettis à la DBCFT
  2. La réforme de la base d’imposition
  3. L’abaissement des taux
  4. L’ajustement des taxes à la frontière
  5. La non-déductibilité des intérêts
  6. La déduction immédiate de la plupart des dépenses d’entreprise
  7. Les pertes
  8. L’imposition territoriale 

Les contribuables assujettis à la DBCFT

La DBCFT s’appliquerait aux sociétés et aux particuliers. Il semble qu’elle s’appliquerait aussi aux entités intermédiaires (comme les sociétés de personnes), au niveau de l’entité, plutôt qu’au niveau du partenaire. Dans un contexte transfrontalier (compte tenu du mécanisme d’ajustement de la taxe à la frontière décrit ci-dessous), les non-Américains ne seraient pas assujettis aux impôts américains, à moins qu’ils ne réalisent des ventes auprès de clients américains. De même, les Américains ne seraient pas assujettis aux impôts américains s’ils réalisaient des ventes avec des non-Américains. Il semble que les sociétés mères canadiennes de filiales américaines ne seraient pas assujetties aux impôts américains en ce qui a trait aux dividendes ou aux intérêts versés par la filiale américaine. On ignore encore si la proposition de DBCFT conserverait les règles relatives à la Foreign Investment in Real Property Tax Act (FIRPTA), qui permettent aux États-Unis d’imposer les étrangers sur les gains réalisés à la cession d’actifs immobiliers américains.

La réforme de la base d’imposition

Le plan directeur remplacerait l’ancienne base d’imposition (le revenu net) par une base hybride de « flux de trésorerie » et, dans une certaine mesure, de revenu du capital. La base d’imposition de la DBCFT comprendrait ce qui suit :

  • Flux de trésorerie : librement définis comme les recettes moins les frais engagés par le contribuable à l’égard de ses intrants de production (y compris la main-d’œuvre, les matières, les fournitures et les dépenses en immobilisations). Essentiellement, la base d’imposition serait les liquidités reçues, moins les liquidités payées.
  • Revenu de placement : comme il est mentionné plus haut, le revenu du capital (p. ex. gains en capital, dividendes et intérêts) n’est généralement pas compris dans la base d’imposition d’une taxe à la consommation. Cependant, aux termes du plan directeur, les particuliers seraient assujettis à une taxe sur ces éléments, bien qu’à des taux réduits (6 % – 12,5 % et 16,5 %). La conservation de l’imposition du revenu du capital des particuliers, dans le plan directeur, semble constituer un levier servant à dissiper les préoccupations relatives au caractère régressif, ainsi qu’un objectif budgétaire de neutralité fiscale.

L’abaissement des taux

Le plan directeur abaisserait le taux d’imposition des sociétés pour l’établir à un taux fixe de 20 % (plutôt qu’au taux courant de 35 %). Le plan directeur souligne qu’il s’agit là de la « plus importante baisse du taux d’imposition des sociétés de l’histoire des États-Unis ». Les entités intermédiaires seraient assujetties à un taux d’imposition de 25 %. Les taux d’imposition des particuliers seraient progressifs, allant de 12 % à 25 % et à 33 % (sauf dans le cas du revenu du capital, qui serait assujetti à un impôt équivalant à 50 % de ces taux, soit 6 %, 12,5 % et 16,5 %). L’impôt minimum de remplacement (IMR) et la soi-disant « taxe Obamacare » (3,8 %) sur le revenu de placements net des particuliers seraient abrogés.

L’ajustement des taxes à la frontière

L’« ajustement des taxes à la frontière » est le mécanisme qui assure que la taxe sur le flux de trésorerie est « basée sur la destination » (c.-à-d. limitée à la consommation aux États-Unis). Plus précisément, l’ajustement des taxes à la frontière fait en sorte que la taxe est imposée sur les ventes aux États-Unis, moins le coût des intrants aux États-Unis. Il s’ensuit que : (a) les ventes à des non-Américains (c.-à-d. les exportations) sont exclues de la base d’imposition, et (b) les ventes d’intrants par des non-Américains à des Américains (c.-à-d. les importations) sont taxables. L’effet net de ces ajustements à la frontière est, pour emprunter une métaphore, d’ériger un « mur fiscal » autour du système fiscal américain, selon lequel le seul critère pertinent pour déterminer l’obligation fiscale aux États-Unis est l’activité de consommation qui a lieu à l’intérieur des États-Unis. Ainsi, les opérations transfrontalières (dans les deux sens) ne seraient plus des facteurs déterminants de l’obligation fiscale aux États-Unis. Même si la caractéristique d’ajustement des taxes à la frontière s’est attiré une mer de commentaires vitrioliques, les Républicains soulignent que c’est en fait un élément commun à toutes les TVA adoptées par des pays membres de l’OCDE.

La non-déductibilité des intérêts

Aux termes du plan directeur, aucune déduction n’est autorisée pour les frais d’intérêt nets (ce qui signifie que les frais d’intérêt ne sont déductibles que du revenu d’intérêt). Le plan directeur semble établir une distinction entre les flux de trésorerie d’entreprise et les flux de trésorerie du secteur financier. Les flux de trésorerie du secteur financier (tout comme les frais d’intérêt nets) ne sont pas compris dans la base d’imposition des entités commerciales, et ne semblent donc pas pris en compte par la DBCFT. Les défis que pose l’imposition du secteur financier, dans le cadre d’une taxe à la consommation, sont bien connus et ne sont pas exclusifs à la DBCFT. Le plan directeur souligne que des règles « particulières » relativement aux frais d’intérêt dans le secteur des services financiers (comme les banques et les compagnies d’assurance) seront élaborées. Nous remettons à un autre jour l’exposé de ce que ce régime pourrait avoir l’air aux termes de la DBCFT, mais l’une des options pourrait être de fractionner les flux financiers, comme les écarts de taux d’intérêt et les marges financières en « coûts financiers » (p. ex. la valeur de rendement de l’argent), et en composantes de services intégrés, puis d’appliquer la taxe sur les flux de trésorerie aux composantes des frais de service. Nous continuerons à surveiller ce secteur et nous aviserons nos clients dès que nous apprendrons des détails importants à ce sujet.

La déduction immédiate de la plupart des dépenses d’entreprise

Aux termes du plan directeur, la plupart des dépenses d’entreprise (y compris les dépenses en capital) peuvent être entièrement déduites pendant l’année au cours de laquelle la dépense est engagée (sous réserve de l’ajustement des taxes à la frontière, dans le cas de dépenses engagées pour des intrants d’importation). Le plan directeur précise qu’autoriser la radiation immédiate des dépenses d’entreprise constitue un incitatif à l’investissement plus tentant et plus neutre que ne le sont les déductions d’intérêt.

Les pertes

Le traitement des pertes est très important dans un système de taxe à la consommation fondé sur la destination. Aux termes de la DBCFT, les entreprises qui subissent des pertes dans leur exploitation intérieure (c.-à-d. que les coûts des intrants américains dépassent les recettes des ventes aux États-Unis) ne sont pas autorisées à faire immédiatement des demandes de remboursement à l’égard de ces montants, mais on leur permet de reporter ces pertes indéfiniment. De plus, un facteur d’intérêt viendrait s’ajouter au montant des pertes d’exploitation nettes (PEN). Le montant des PEN qui peut être reporté à une autre année d’imposition est limité à 90 % du montant imposable net pour cet exercice. Par contre, les pertes attribuables aux ventes à l’exportation dépassant le coût des intrants aux États-Unis seraient immédiatement remboursables, selon le plan directeur. Ainsi, si l’adoption de la DBCFT a lieu, il sera important d’établir des règles rigoureuses pour démarquer les ventes intérieures et les ventes à l’exportation.


Les partisans soutiennent que le plan directeur mettra fin à de nombreuses distorsions dans le régime fiscal actuel, qui privilégie les importations étrangères et dénature les choix économiques.

L’imposition territoriale

En passant à une base d’imposition fondée sur les flux de trésorerie, et à l’ajustement des taxes à la frontière, le système fiscal américain deviendrait un système « territorial » (s’apparentant beaucoup à celui du Canada), aux termes duquel les gains à l’étranger d’un Américain ne seraient pas assujettis à l’impôt. Pour régler le sort des quelque 2 billions de dollars actuellement immobilisés à l’étranger en raison de l’effet de blocage des règles fiscales fédérales actuelles, le plan directeur prévoit que ces montants pourront être rapatriés aux États-Unis au taux de 8,75 % (dans le cas d’espèces ou de quasi-espèces), ou de 3,5 % (dans le cas d’autres actifs) et que cette obligation fiscale peut être acquittée sur une période de huit ans.

Que disent les partisans du plan directeur ?

D’une manière générale, les partisans du plan directeur disent que cela créera de puissants incitatifs aux investissements en capital à l’intérieur des États-Unis, ce qui occasionnera la croissance réelle des entreprises américaines et la création d’emplois aux États-Unis. Les partisans soutiennent que le plan directeur mettra fin à de nombreuses distorsions dans le régime fiscal actuel, qui privilégie les importations étrangères et dénature les choix économiques. Plus particulièrement, les auteurs de la proposition soulignent que le plan directeur :

  • supprimerait les obstacles aux investissements en capital, en autorisant la pleine déductibilité des dépenses d’entreprise ;
  • supprimerait l’avantage inéquitable implicite accordé aux biens et services étrangers, au détriment des biens et services américains. Le mécanisme pour uniformiser les règles du jeu serait l’ajustement des taxes à la frontière, ce qui assurerait que les produits et services étrangers importés seraient assujettis au même fardeau fiscal américain (soit par l’imposition d’une taxe à la frontière, soit, de manière indirecte, par le refus d’une déduction du coût des biens et services importés dans la détermination de l’obligation fiscale) que les produits et services américains ;
  • corrigerait les incompatibilités nuisibles entre les systèmes des États-Unis et ceux des autres pays membres de l’OCDE. Le plan directeur soutient que l’interaction de plus en plus asymétrique entre les TVA ajustées en fonction de la frontière de partenaires commerciaux étrangers et l’impôt sur le revenu américain non ajusté en fonction des frontières n’a fait qu’aggraver une « pénalité unilatérale que se sont imposée les États-Unis à l’égard des exportations, et une subvention unilatérale que se sont imposée les États-Unis à l’égard des importations américaines ». Le plan directeur vise à corriger le déséquilibre en veillant à ce que la taxe américaine soit imposée sur les produits, services et biens incorporels qui sont importés aux États-Unis ;
  • fournit aux entreprises américaines ou étrangères qui désirent vendre leurs produits ou services à des consommateurs américains (le marché le plus attrayant du monde) un solide incitatif à l’établissement de facteurs de production à l’intérieur du marché américain et à l’engagement de dépenses à l’intérieur du pays qui seront déductibles de leurs recettes aux États-Unis. Le taux plus bas, établi à 20 %, viendrait aussi renforcer cet incitatif ;
  • supprimerait l’incitatif aux entreprises américaines à déménager leurs facteurs de production (p. ex. la fabrication, la main-d’œuvre, la R et D et la PI) et les rendements économiques connexes à l’étranger. Cela se produirait parce que l’ajustement des taxes à la frontière imposerait la même taxe à la consommation aux États-Unis, que les produits aient été fabriqués aux États-Unis ou à l’étranger ;
  • éliminerait les déductions d’intérêt, ce qui supprimerait les désavantages fiscaux évidents et favoriserait la structure de capitaux empruntés plutôt que la structure des capitaux propres, ce qui empêcherait les considérations fiscales de fausser les décisions relatives à la capitalisation. Éliminer les écarts fiscaux entre les capitaux empruntés et les capitaux propres améliorerait également l’administration du système fiscal en supprimant une importante source de complexité : la distinction entre les capitaux empruntés et les capitaux propres (par exemple, le récent règlement en vertu de l’article 385 pourrait devenir hors de propos).

Par certains aspects, la DBCFT représente un recours à un levier financier par les États-Unis, qui tirent ainsi parti de l’un de leurs plus puissants actifs économiques stratégiques, leur bassin de consommateurs américains, en vue de contraindre les entreprises américaines et étrangères qui veulent profiter de ce moteur économique à investir aux États-Unis.

La plus profonde observation à propos du plan directeur est peut-être qu’en faisant de la consommation aux États-Unis sa base d’imposition (c.-à-d. les ventes aux États-Unis, moins le coût des intrants aux États-Unis), le prix des opérations transfrontalières (à destination ou en provenance des États-Unis) devient tout à fait hors de propos, dans le calcul de la dette, aux termes de la DBCFT. Une grande partie de la force motrice derrière la planification fiscale internationale, au cours des 25 dernières années, a été le changement d’emplacement géographique d’éléments clés de la chaîne de valeur commerciale (le déménagement de la fabrication, des postes importants, des hypothèses relatives au risque, de la PI et d’autres propriétés d’actifs) en vue d’atténuer les conséquences pour le revenu imposable dans les territoires fortement imposés. En fait, l’impulsion derrière le projet BEPS de l’OCDE était de combattre les tactiques systématiquement utilisées pour atteindre ces objectifs. La DBCFT est la « Nouvelle Donne » qui change fondamentalement les conditions de l’engagement entre le système d’imposition et les contribuables, en arrimant sa base d’imposition à l’élément de la chaîne de valeur qui est le moins mobile : l’emplacement des clients. De plus, elle inverse l’incitatif à déplacer d’autres facteurs de production à l’étranger, en créant plutôt des incitatifs à réacheminer ces facteurs aux États-Unis. Par certains aspects, la DBCFT représente un recours à un levier financier par les États-Unis, qui tirent ainsi parti de l’un de leurs plus puissants actifs économiques stratégiques, leur bassin de consommateurs américains, en vue de contraindre les entreprises américaines et étrangères qui veulent profiter de ce moteur économique à investir aux États-Unis.


Même si le plan directeur n’est pas très élaboré, il a déjà fait l’objet d’intenses débats.

Ce soudain renversement de normes fiscales profondément enracinées suscitera une nouvelle dynamique qui ne peut pas être prévue avec précision depuis notre poste d’observation actuel. D’abord, de nombreux commentateurs ont constaté que l’adoption unilatérale de la DBCFT par les États-Unis en ferait un paradis fiscal pour les entreprises non américaines qui seraient attirées par l’idée d’établir des facteurs de production aux États-Unis pour diminuer leur exposition à l’impôt américain et pour soutenir des activités d’exportation avantageuses sur le plan fiscal en provenance des États-Unis. Si les États-Unis adoptent la DBCFT et que le Canada ne le fait pas, le Canada pourrait se trouver dans la situation difficile selon laquelle sa base d’imposition subirait d’intenses pressions relatives à la BEPS de la part des États-Unis. Par exemple, selon un tel scénario, les entreprises canadiennes pourraient être incitées à déménager leurs activités de fabrication dans des sociétés affiliées américaines et à gonfler le prix de leurs importations interentreprises à partir des États-Unis afin de diminuer la rentabilité au Canada. Dans ce cas, les États-Unis ne feraient pas valoir leur compétence d’imposition sur les exportations à destination du Canada ; il n’y aurait donc pas de pression à la baisse sur ces prix de transfert transfrontaliers, mais seulement un incitatif à gonfler ces prix de façon à réduire les impôts au Canada. À long terme, ces dynamiques pourraient exercer de fortes pressions sur le Canada et sur d’autres partenaires commerciaux qui comptent grandement sur l’économie américaine pour modifier leur propre système fiscal en vue d’atténuer les asymétries structurales par rapport au système fiscal des États-Unis.

Que disent les opposants au plan directeur ?

Comme on peut s’y attendre, le fait que les changements proposés par le plan directeur puissent créer des « gagnants » et des « perdants » et éliminer des intérêts substantiels (dont plusieurs ont une très grande influence dans les sphères politiques) suscite beaucoup d’anxiété. Par conséquent, même si le plan directeur n’est pas très élaboré, il a déjà fait l’objet d’intenses débats. Les opposants au plan directeur ont souligné les problèmes suivants :

  • La DBCFT pénalisera injustement des industries d’importation
  • Pragmatisme et politique
  • Dépréciation des actifs étrangers détenus par des Américains
  • Conformité aux règles de l’OMC

La DBCFT pénalisera injustement des industries d’importation

Les entreprises américaines qui comptent sur les importations étrangères, telles que les détaillants de biens de consommation et les raffineries de pétrole, craignent que l’ajustement des taxes à la frontière, qui assujettit les biens et services d’importation à la DBCFT, n’entraîne une forte hausse nette des coûts économiques de ces intrants. Elles soutiennent que cela comprimera grandement leurs marges d’exploitation ou fera augmenter les coûts pour les consommateurs, ce qui pourrait faire baisser leurs ventes.

Les partisans de la DBCFT répliquent à cette préoccupation par la théorie économique et le patriotisme. Premièrement, ils soutiennent que l’imposition de la DBCFT sur les importations ne fait qu’« uniformiser les règles du jeu » entre les biens produits à l’étranger (qui ne portent pas, actuellement, le fardeau économique de la taxe américaine) et les biens produits aux États-Unis (qui eux, sont frappés par cette taxe). Deuxièmement, les partisans de la DBCFT affirment que les principes de l’offre et de la demande entraîneront une hausse rapide et importante du dollar américain, ce qui, selon la théorie économique, devrait contrebalancer entièrement ou (considérablement) le frein économique que constitue la taxe.

Plus précisément, si le dollar américain s’appréciait ainsi, le prix des importations étrangères (libellé en dollars américains) diminuerait, ce qui contrebalancerait l’augmentation des « coûts » imposée par la DBCFT sur les importations. De même, les économistes soutiennent que la hausse de valeur du dollar américain atténuera l’effet « positif » que la DBCFT aura sur les exportations américaines. Par conséquent, selon la théorie économique qui prédomine, même si la DBCFT semble favoriser les exportations plutôt que les importations, à long terme, cette taxe ne devrait pas avoir d’incidence sur la balance commerciale entre les États-Unis et leurs partenaires commerciaux. Les importateurs et les autres entreprises américaines qui comptent sur les intrants étrangers observent que les taux de change étrangers sont, en fait, influencés par une multitude de facteurs complexes qui sont impossibles à prévoir. Ils craignent que si ces théories économiques ne se concrétisent pas (ou prennent trop de temps à se concrétiser), la DBCFT ne constitue une immense déformation du marché imposée par l’État, au sein duquel leur entreprise « perdra », et les entreprises exportatrices « gagneront ».

Par exemple, de nombreux fabricants ont beaucoup investi dans des chaînes d’approvisionnement internationales soigneusement conçues, et comptent sur ces réseaux pour livrer les intrants nécessaires d’une manière efficiente sur le plan fiscal. Si les taux de change ne s’adaptent pas « parfaitement », ces fabricants ne peuvent pas simplement appuyer sur le bouton et commencer immédiatement à obtenir ces intrants de sources américaines. Cela pourrait prendre des années avant que ces chaînes d’approvisionnement ne soient restructurées et, entre-temps, ces secteurs d’activité seront à la merci de soudaines ententes commerciales antiéconomiques. Par conséquent, ces entreprises ont commencé à se mobiliser pour constituer une force puissante contre l’adoption de la DBCFT.

Pragmatisme et politique

Les pragmatistes républicains reconnaissent que, même s’ils contrôlent actuellement la Chambre des représentants, le Sénat et la Maison-Blanche, l’horizon temporel n’est que de deux ans avant les élections de mi-mandat du Congrès. Ils craignent que, comme pour l’administration Obama, le contrôle par un seul parti des organes législatifs ne soit une occasion fugace et ils croient essentiel d’agir vite et de façon décisive. En fait, ils craignent que le plan directeur soit trop révolutionnaire, trop complexe, trop perturbateur et qu’il soit une source de discorde politique. Par exemple, si le grand public américain perçoit que la DBCFT fera augmenter les prix chez Walmart ou à la pompe à essence, cela créera une optique extrêmement défavorable qui sera difficile à dissiper au moyen d’une théorie économique qui n’a pas été mise à l’épreuve. Dans ce contexte des plus politiquement chargé, les réalistes craignent que le plan directeur ne soit tout simplement trop ambitieux et qu’il vaille mieux que le parti change de cap et vise une réforme plus mesurée, dans le cadre du système d’impôt sur le revenu existant.

Dépréciation des actifs étrangers détenus par des Américains

Si, comme le prédisent les économistes, la DBCFT provoque une forte et rapide appréciation du dollar américain, cela dégonflerait la valeur des actifs étrangers détenus par des Américains. Par exemple, si le dollar américain s’appréciait de 20 % par rapport au dollar canadien, les actifs canadiens détenus par des caisses de retraite américaines pourraient perdre énormément de valeur. Certains observateurs ont estimé que ce mouvement de la monnaie pourrait entraîner des pertes de billions de dollars pour les investisseurs américains. Par contre, la revalorisation du dollar américain pourrait entraîner une variation immédiate de la valeur pour les caisses de retraite étrangères et les autres investisseurs détenant des actifs américains. Ce transfert tacite de la valeur, entre les détenteurs d’actifs étrangers et les détenteurs d’actifs américains, créera de puissants contre-courants qui, tout compte fait, pourraient constituer un important obstacle au progrès du plan dans le processus politique.

Conformité aux règles de l’OMC

On ignore si la DBCFT sera conforme aux règles antitarifaires de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Aux termes de la politique de l’OMC, les ajustements de taxes à la frontière peuvent comporter des taxes « indirectes », mais non des taxes « directes ». Les partisans du plan directeur croient que la DBCFT devrait être assimilée à une TVA, qui est reconnue comme une taxe indirecte. La DBCFT diffère considérablement d’une TVA type, mais sa base de flux de trésorerie comporte des rentrées de trésorerie d’entreprises américaines, moins les décaissements d’entreprises américaines, y compris les coûts de la main-d’œuvre. Une base d’imposition reposant uniquement sur la TVA ne permet pas la déduction des coûts de la main-d’œuvre. Le fait que la DBCFT permette de déduire les coûts de la main-d’œuvre en porte certains à croire qu’il s’agit, en réalité, d’un impôt sur les bénéfices, ce qui, pourrait-on soutenir, la ramène dans la catégorie des impôts « directs » sur le revenu, et la rend inadmissible aux ajustements de taxes à la frontière, aux termes des règles actuelles de l’OMC.


La mise en œuvre d’une DBCFT et l’abrogation de l’ALENA causeraient d’importantes désorganisations au sein de l’industrie canadienne.

La confusion dans ce domaine provient notamment du fait que les économistes reconnaissent que la DBCFT est l’équivalent économique d’une TVA fondée sur la destination, complétée par une forme de subvention qui fournit un allégement des coûts de main-d’œuvre. Il est notoire que la TVA complétée par une subvention des dépenses de main-d’œuvre distincte (qui n’est pas, techniquement, une composante de la TVA) est considérée en conformité avec l’OMC ; de nombreux observateurs laissent donc entendre que la DBCFT devrait aussi être en conformité, étant donné qu’elle a le même effet net. Même s’il n’y a pas encore de consensus bien précis sur le fait que la DBCFT devrait être considérée comme une taxe « directe », les leaders républicains sont convaincus que la DBCFT est en conformité avec les règles de l’OMC. Si les préoccupations relatives à la conformité aux règles de l’OMC prennent de l’ampleur, il est possible que la proposition de DBCFT soit modifiée, de façon qu’elle refuse la déductibilité des coûts de main-d’œuvre, ou que les États-Unis prennent des mesures plus énergiques, comme chercher à faire modifier les règles de l’OMC.

Que signifie le plan directeur pour les Canadiens ?

L’adoption de la DBCFT aurait des répercussions profondes et durables sur tous les principaux partenaires commerciaux des États-Unis. Toutefois, elle aurait une incidence particulièrement forte sur les entreprises canadiennes, étant donné le niveau d’intégration des économies canadienne et américaine. Le tableau qui suit présente le degré d’exposition du Canada à la réforme fiscale des États-Unis.

International Exposure to US Import Policies

La mise en œuvre d’une DBCFT et l’abrogation de l’ALENA causeraient d’importantes désorganisations au sein de l’industrie canadienne. Même si les puissants vents contraires soufflant sur les importations occasionnés par la DBCFT étaient, comme le prévoient les économistes, neutralisés par un dollar américain plus robuste, il est difficile de prédire l’incidence corrélative qu’une dévaluation rapide et abrupte du huard aurait sur l’économie canadienne. Une fois que ces forces du marché sont lancées, il est difficile de savoir où elles mèneront. Malgré ces incertitudes sur le plan macroéconomique, nous croyons qu’il est possible de cerner certaines grandes tendances dont les entreprises canadiennes devraient tenir compte :

  • Les pressions exercées sur les exportateurs
  • L’accroissement des investissements des États-Unis
  • Les mesures compensatoires apportées en droit fiscal canadien

Les pressions exercées sur les exportateurs

Les industries canadiennes qui comptent fortement sur les exportations aux États-Unis (p.ex. les producteurs de pétrole et de gaz, les fabricants d’automobiles et de pièces d’automobiles) risquent d’être les plus affectées par l’adoption d’une DBCFT. Même en supposant qu’il y aura un ajustement monétaire, cela pourrait s’étaler sur une longue période, et ne pas contrebalancer l’incidence économique de la taxe. De plus, même si l’ajustement monétaire a lieu immédiatement, les circuits de la chaîne d’approvisionnement profondément enracinés ne peuvent pas être reconfigurés sur-le-champ ; il pourrait donc y avoir une période d’ajustement prolongée, au cours de laquelle la rentabilité de certaines industries pourrait être bloquée dans une structure d’exploitation non économique. Par conséquent, à mesure que s’accroissent les possibilités de l’adoption d’une DBCFT, les entreprises canadiennes devraient se concentrer sur la défense de règles de transition efficaces et généreuses, qui pourraient émousser l’arme tranchante que représente l’imposition immédiate de cette taxe.

L’accroissement des investissements des États-Unis

On peut raisonnablement s’attendre à ce que la DBCFT crée un puissant incitatif auprès des exportateurs canadiens qui comptent sur les ventes aux consommateurs américains pour augmenter le montant des déductions américaines qui leur sont offertes en vue de se mettre à l’abri des taxes américaines sur ces ventes. Cela accordera une place prépondérante aux intrants situés aux États-Unis (p. ex. les installations de fabrication situées aux États-Unis et la main-d’œuvre américaine), ce qui pourrait détourner les flux de capitaux vers les États-Unis (p. ex. les dépenses en capital américaines ou les acquisitions américaines). Même si cet incitatif est amoindri par l’appréciation du dollar américain, l’ajustement monétaire pourrait être graduel. Dans ce cas, il est possible qu’il y ait un créneau transitionnel sur lequel les entreprises canadiennes pourraient se précipiter pour acquérir des actifs américains, avant que l’ajustement des taux de change ne soit pleinement en vigueur. Les entreprises canadiennes qui songent à leurs activités dans un nouveau contexte de DBCFT pourraient vouloir modeler la valeur prévue de leurs flux de trésorerie nets selon diverses hypothèses de dépenses en capital, afin d’établir, du moins au point de vue directionnel, si elles seraient plus solides en augmentant leur part d’actifs américains.

Les mesures compensatoires apportées en droit fiscal canadien

La mise en œuvre par les États-Unis de la DBCFT (ou de quelque chose s’y apparentant) aurait un effet radical sur les normes de planification fiscale transfrontalières Canada-États-Unis. Comme nous l’avons déjà vu, l’adoption de taux marginaux plus bas, alliée à (i) une composante fondée sur la destination, et (ii) une base d’imposition qui ne frappe pas de la DBCFT les coûts de main-d’œuvre pourrait, en règle générale, inverser le flux des incitatifs liés au BEPS. Les entreprises ayant des activités transfrontalières disposeraient soudainement d’un incitatif à l’exploration des moyens de faire passer les bénéfices du Canada aux États-Unis. Cela pourrait exercer une énorme pression sur les recours anti-BEPS et entraîner peut-être des réformes encore plus radicales en droit fiscal canadien, en vue de créer la parité structurale entre les régimes fiscaux canadien et américain. Même s’il est manifestement trop tôt pour laisser entendre que les réformes fiscales américaines pourraient s’étendre au nord de la frontière, il convient de reconnaître que toute avancée en direction d’une DBCFT aux États-Unis déclencherait une nouvelle et puissante dynamique qu’il serait difficile de contenir.

Conclusion

Même si les détails concernant la réforme fiscale américaine sont encore nébuleux, chose certaine, nous nous trouvons à un point critique comme nous n’en avons pas vu depuis des décennies. Des orientations politiques qui paraissaient théoriques il y a à peine quelques mois semblent maintenant des possibilités concrètes. La DBCFT est l’une des voies que cette réforme pourrait emprunter, et elle dispose d’impressionnants appuis politiques. Ou bien, le plan fiscal « phénoménal » du président Trump, promis d’ici quelques semaines, pourrait emprunter une tout autre trajectoire. Quel que soit le cours des événements, les entreprises et les investisseurs canadiens seraient avisés de bien réfléchir à l’incidence d’une réforme fiscale sur leurs affaires et d’agir en conséquence. Dans le cadre de notre engagement à donner à nos clients et à nos lecteurs une longueur d’avance dans ce domaine, nous continuerons à vous tenir au courant au fil des événements.