Blogue sur la défense dans le cadre d’actions collectives intentées au Canada

Rejet de l’action Del Giudice : La Cour d’appel montre comment il est possible de recourir au volet « cause d’action » du critère de certification pour mettre fin à des demandes sans fondement

15 Fév 2024 4 MIN DE LECTURE

Dans une décision récente, Del Giudice v. Thompson, 2024 ONCA 70, la Cour d’appel de l’Ontario a réaffirmé que le volet « cause d’action » du critère de certification se voulait un mécanisme de sélection significatif permettant d’éliminer les demandes sans fondement. Il s’agit d’un exemple utile de la façon dont les défendeurs peuvent contester des actes de procédure pour mettre fin à un recours collectif envisagé à un stade précoce.

Le contexte

L’action a été intentée après qu’un ancien employé d’Amazon Web Services eut piraté une base de données de Capital One stockée sur les serveurs informatiques d’Amazon Web Service. Selon les estimations, six millions de Canadiens ont été touchés par cette intrusion.

Après quatre séries de modifications apportées aux actes de procédure, la déclaration des demandeurs comprenait 19 causes d’action, y compris des réclamations pour utilisation abusive de données et des réclamations pour violation de données. Le juge Perell a estimé que leur demande contrevenait « manifestement » (egregiously) aux règles de plaidoirie et qu’elle ne révélait aucune cause d’action viable. Il a également observé que les modifications apportées précédemment à la demande transformaient une simple réclamation pour violation de données en une action de 240 milliards de dollars pour détournement et utilisation abusive de données. En fin de compte, le juge Perell a radié la demande sans autorisation de la modifier.

La Cour d’appel confirme des points utiles pour la pratique

Rejetant l’appel des demandeurs, la Cour d’appel a réaffirmé que le volet « cause d’action » visait à [traduction libre] « éliminer les demandes qui sont vouées à l’échec ». Ce faisant, le tribunal a confirmé des points importants pour les défendeurs, notamment les suivants :

  • Le juge des requêtes avait le droit de prendre en considération les documents contractuels qui contredisaient les allégations plaidées. La Cour d’appel a rejeté l’argument des demandeurs selon lequel les documents en question étaient des « preuves » qui ne pouvaient pas être prises en compte dans l’analyse de la cause d’action. Au contraire, une déclaration est réputée inclure tout document auquel elle se rapporte, et les documents contractuels, qui ont été déposés auprès du tribunal dans un dossier de requête, étaient intégrés par renvoi dans l’acte de procédure. Cela s’est avéré particulièrement utile pour les défendeurs, car cela leur a permis de réfuter les allégations selon lesquelles ils avaient utilisé les renseignements des demandeurs à des fins non autorisées. Le tribunal a confirmé que les documents contractuels pouvaient être utilisés de multiples façons, de sorte que les allégations plaidées étaient impossibles à prouver. La Cour d’appel a estimé que le juge Perell n’avait pas commis d’erreur en concluant que les documents intégrés par renvoi donnaient lieu à un récit plaidé qui était manifestement ridicule et à des allégations qui étaient mutuellement impossibles à prouver.
  • Le juge des requêtes était en droit de radier la demande sans autorisation de la modifier. La Cour d’appel a confirmé que cette décision était de nature discrétionnaire et appelait à la retenue, et s’en est remise à la décision du juge Perell. Même si le juge des requêtes a mentionné que les demandeurs auraient pu plaider une simple réclamation pour rupture de contrat contre Capital One, ils ne l’ont jamais fait. En conséquence, la Cour d’appel a conclu que [traduction libre] « [l]es appelants ont eu amplement l’occasion de présenter une demande viable et sont maintenant hors-jeu ».

Enfin, la Cour d’appel a confirmé l’adjudication des importants dépens de 1,2 million de dollars effectuée par le juge Perell, notant que l’appel y relatif avait été déposé tardivement et que, quant au fond, il était faible.

La conclusion

Cette décision rappelle encore utilement que le critère de certification, en particulier son volet « cause d’action », est un mécanisme de sélection utile permettant d’éliminer les demandes qui sont vouées à l’échec avant que les parties n’encourent les coûts importants liés aux interrogatoires préalables. L’examen rigoureux des actes de procédure par la Cour d’appel et le juge des requêtes montre que les défendeurs ont la possibilité, dans certaines circonstances, de faire rejeter des demandes qui ne sont pas fondées ou qui sont manifestement fausses, malgré la position fréquemment avancée par les avocats des demandeurs, selon laquelle tous les actes de procédure doivent être acceptés comme étant véridiques. La décision renforce également le fait qu’un demandeur ne devrait pas avoir le droit d’apporter un nombre illimité de modifications, au risque de se trouver hors-jeu.