Blogue sur la gestion des risques et la réponse aux crises

Les protocoles de protection du secret professionnel s’imposent désormais comme une obligation juridique : portée de l’arrêt Lamarche c. British Columbia (Securities Commission) pour les autorités de réglementation Les protocoles de protection du secret professionnel s’imposent désormais comme une obligation juridique : portée de l’arrêt Lamarche c. British Columbia (Securities Commission) pour les autorités de réglementation

20 juin 2025 5 MIN DE LECTURE

Dans l’arrêt Lamarche c. British Columbia (Securities Commission), la Cour d’appel de la Colombie-Britannique souligne l’importance cruciale pour les autorités de réglementation de protéger le secret professionnel au cours d’une enquête. Cet arrêt fait office de mise en garde : les autorités de réglementation qui cherchent à obtenir des documents sans protocole de protection du secret professionnel s’exposent à des poursuites en responsabilité civile.

Contexte

Dans le cadre d’une enquête à la suite d’allégations d’opérations réalisées et de conseils fournis hors du cadre de l’inscription, la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique (la « Commission ») a obtenu plus de trois années de communications électroniques provenant du compte de Jean Andrew Lamarche. S’appuyant sur les pouvoirs étendus que lui confère le Securities Act, la Commission a exigé que Shaw Communications Inc. lui transmette ces documents.

Par la suite, Monsieur Lamarche a intenté des poursuites contre la Commission, l’accusant d’avoir porté atteinte à ses droits protégés par la Charte canadienne des droits et libertés et le Privacy Act. Il a également affirmé que de nombreux courriels obtenus étaient protégés par le secret professionnel et que la Commission n’avait pris aucune mesure pour protéger leur caractère confidentiel.

Alors que la Cour suprême de la Colombie-Britannique et la Cour d’appel de la Colombie-Britannique ont mis en attente les l’examen des allégations portant sur des motifs constitutionnels, la Cour d’appel a infirmé l’ordonnance du juge en chambre qui avait écarté les plaintes de Monsieur Lamarche en vertu du Privacy Act.

Manquements reprochés à la Commission dans la décision de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique

Même si le Securities Act confère à la Commission une immunité partielle pour les actes commis de bonne foi, Monsieur Lamarche a soutenu qu’un degré suffisant de négligence de la part d’un organisme public pouvait justifier une conclusion de mauvaise foi, rendant ainsi cette immunité inapplicable.

Monsieur Lamarche allègue que la Commission savait, ou aurait dû savoir, que les données obtenues de Shaw contenaient des communications protégées par le secret professionnel, et que la Commission n’avait instauré aucun protocole efficace pour assurer la protection de ces communications. En plus des actes intentionnels de saisie, d’examen, de conservation, d’accès et d’utilisation de communications protégées par le secret professionnel, ce manquement constitue une suite d’actes et d’omissions qui ne sauraient s’inscrire dans une démarche de bonne foi.

La Cour d’appel a estimé que, malgré l’absence de preuve à ce stade, la demande de Monsieur Lamarche n’était pas vouée à l’échec, notamment en raison des faits importants allégués qui, s’ils se confirment, pourraient appuyer une conclusion de mauvaise foi. Le fait de ne pas avoir instauré un protocole de protection du secret professionnel pourrait être interprété comme une forme de mépris à l’égard des obligations légales et de l’importance du maintien de la confidentialité entre l’avocat et son client. Par ailleurs, la Cour déclare ce qui suit :

[TRADUCTION] En raison de l’importance du secret professionnel, tant sur le plan juridique que dans la culture juridique, cet argument ne saurait être considéré comme « voué à l’échec »; il présente, au minimum, un certain mérite.

Estimant que le juge en chambre avait commis une erreur en écartant les demandes fondées sur le Privacy Act, la Cour a néanmoins ordonné la suspension des recours constitutionnels et liés à la protection de la vie privée de Monsieur Lamarche en attendant l’issue de la procédure de mise à exécution de la Commission.

Points à retenir

L’exercice des pouvoirs d’enquête étendus dont dispose la Commission s’accompagne d’un devoir de prudence. L’arrêt Lamarche met en lumière la nécessité d’instaurer un protocole efficace de protection du secret professionnel lorsque des communications entre un avocat et son client sont susceptibles d’être interceptées.

Selon la Cour d’appel, il existait un fondement suffisant à la réclamation reposant sur l’idée que la Commission était tenue, au minimum :

  • de sceller les documents appelés à être examinés;
  • de prévenir la personne bénéficiant de la protection que des documents possiblement assujettis au secret professionnel avaient été obtenus;
  • d’obtenir une ordonnance du tribunal sur les questions de protection du secret professionnel avant d’accéder aux documents ou de les utiliser;

La mise en place d’un protocole rigoureux est essentielle pour protéger à la fois les droits des personnes et l’intégrité des processus réglementaires, de surcroît lorsque la remise des documents est dictée par la loi. L’absence de mesures pour protéger le secret professionnel mine la confiance du public envers le système de justice et augmente les risques de responsabilité civile pour les autorités de réglementation.

Comme nous l’avons exposé dans une publication antérieure, il s’agit de la deuxième décision rendue récemment par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique à propos d’allégations d’abus des pouvoirs d’enquête et de procédure de la Commission. Ces décisions remettent en question l’étendue des pouvoirs d’application de la loi que détient la Commission, dont l’enjeu a déjà été abordé dans un article précédent. Seul l’avenir nous dira si ces jugements auront pour effet de modérer les mesures énergiques de mise à exécution adoptées par la Commission au cours des dernières années.