Auteurs(trice)
Associé, Affaires réglementaires, Autochtones et environnement, Toronto
Associé, Droit commercial, Toronto
Associée, Litige; Affaires réglementaires, Autochtones et environnement, Toronto
Sociétaire, Litiges, Toronto
Sociétaire, Litiges, Toronto
Le 1er janvier 2024, est entré en vigueur un nouveau règlement (en anglais seulement) pris en application de la Loi sur les ressources en pétrole, en gaz et en sel de l’Ontario (la Loi) qui ouvre la voie à des travaux de démonstration de stockage du carbone en Ontario à partir de puits privés (le Règlement sur les travaux particuliers). Le présent billet de blogue traite des principaux aspects du Règlement sur les travaux particuliers, de la façon dont des travaux de démonstration sont autorisés et des conséquences pour le secteur et pour les plans de réduction des émissions de l’Ontario.
Le contexte – stockage du carbone en Ontario
Le terme stockage du carbone fait référence au stockage permanent des émissions de gaz à effet de serre séquestrées dans des formations géologiques souterraines profondes. Certaines régions du sud-ouest de l’Ontario ont une géologie qui peut convenir au stockage du carbone; les puits candidats comprennent les aquifères salins du sud-ouest de l’Ontario, où les roches profondes sont saturées d’eau salée. Une zone s’étendant sur environ 100 kilomètres de Port Dover (situé à environ 70 kilomètres au sud-ouest de Hamilton) à Windsor peut offrir des conditions idéales pour le stockage du carbone, car la roche sédimentaire est suffisamment profonde et poreuse.
Les formations rocheuses sédimentaires dans les régions d’Ottawa et de la vallée du Saint-Laurent et du nord de l’Ontario [PDF] peuvent également être des formations candidates pour le stockage du carbone, mais des facteurs tels que les faibles profondeurs, les minces couches de roche, l’éloignement et les coûts de transport peuvent limiter la viabilité de ces endroits pour le stockage du carbone.
Le Règlement sur les travaux particuliers
En vertu de la Loi, le ministre des Richesses naturelles et des Forêts (le Ministre) supervise le forage et l’exploitation de puits et d’autres équipements utilisés pour l’exploration ou la production de pétrole et de gaz naturel, l’extraction de solutions salines, le stockage souterrain d’hydrocarbures et les travaux de stockage d’énergie par air comprimé. Le Règlement sur les travaux particuliers permettrait aux entreprises de mener des « travaux particuliers » supervisés par le Ministre et ayant pour but de mettre à l’essai ou d’évaluer une activité, une méthode ou une technologie de stockage du carbone (ou autre activité) qui est nouvelle ou innovatrice en Ontario, d’en faire un projet pilote ou d’en faire la démonstration.
Acte de désignation
La première étape du processus consiste à demander au Ministre qu’il désigne les éventuels travaux de stockage du carbone comme travaux particuliers. Pour ce faire, le demandeur doit démontrer ce qui suit :
- les travaux ont pour but de mettre à l’essai ou d’évaluer une technologie, une méthode ou une activité qui est nouvelle ou innovatrice en Ontario, d’en faire un projet pilote ou d’en faire la démonstration;
- il est raisonnable de s’attendre à ce que les travaux puissent être conçus, construits, exploités et désaffectés de façon à protéger la sécurité du public et l’environnement;
- les travaux utilisent, ou sont destinés à utiliser, au moins un puits, existant ou projeté, pour accéder à des formations géologiques souterraines datant de la période cambrienne ou d’une période plus récente.
Les demandes de délivrance d’un acte de désignation doivent être faites par écrit et présenter l’information suivante :
- une description des travaux, notamment leur but, les puits, existants et projetés, et autres ouvrages qui seront utilisés dans le cadre des travaux et l’emplacement des travaux;
- une description de la façon dont les travaux satisfont aux exigences pour être désignés comme travaux particuliers (voir ci-dessus);
- une description de la façon dont la personne qui présente la demande satisfait aux exigences d’admissibilité prescrites;
- les autres exigences prescrites, notamment des renseignements sur le demandeur, ses antécédents à titre d’exploitant, son expérience, son expertise et ses antécédents en matière de conformité à la Loi, les terres où la surface et le sous-sol seraient utilisés, les autorisations gouvernementales requises pour les travaux, la participation et la consultation des collectivités locales ou autochtones, la mention de toute norme reconnue à respecter et la description des avantages que comportent les travaux[1].
Dès réception de la demande, le Ministre peut approuver le plan des travaux particuliers de stockage de carbone (avec ou sans modifications) ou demander au demandeur de préparer un autre plan. L’acte de désignation servant à désigner les travaux comme travaux particuliers reste en vigueur jusqu’à la date d’expiration qui y est indiquée ou jusqu’à ce que les ouvrages associés aux travaux aient été obturés, abandonnés, désaffectés ou remis en état.
Licences et permis
Une fois délivré l’acte de désignation servant à désigner les travaux comme travaux particuliers, son titulaire doit demander et obtenir les licences et permis requis par la Loi avant d’entreprendre toute activité sur un puits dans le cadre des travaux de stockage du carbone. Les demandes de licence et de permis doivent être accompagnées de plusieurs documents, notamment les suivants :
- un profil de la société qui comprend son statut actuel à titre de personne morale (le cas échéant);
- la confirmation par le demandeur que tous les droits de surface et de sous-sol nécessaires à la réalisation des travaux particuliers ont été acquis;
- la confirmation que toutes les personnes auprès desquelles des droits ou des intérêts ont été acquis pour les travaux ont été informées des travaux proposés et des demandes;
- un rapport d’assurance préparé par une partie indépendante concernant les risques environnementaux et autres associés aux activités d’exploration, d’aménagement et de stockage géologique souterrain en Ontario.
Le demandeur doit également fournir certaines autres informations, notamment une description des travaux particuliers (c’est-à-dire l’emplacement, les ouvrages, les cartes) et des plans, des rapports techniques, des analyses et d’autres documents relatifs aux travaux de stockage du carbone, y compris des plans portant sur le cycle de vie complet des travaux particuliers et des puits, cavernes, réservoirs et autres ouvrages qui y sont associés[2].
Dès réception de la ou des demandes de licence ou de permis, le ministère des Richesses naturelles et des Forêts (le Ministère) procède à une évaluation préliminaire et avise le demandeur de ce qui suit : a) la documentation nécessitant un examen par des experts et b) les collectivités autochtones, organisations, organismes gouvernementaux et autres personnes à aviser au sujet des travaux. Les destinataires des avis en question peuvent soumettre leurs observations par écrit au demandeur dans un délai prescrit. Le demandeur doit alors revoir sa demande, y apporter les modifications qui s’imposent et l’accompagner d’un document résumant les observations et détaillant les modifications apportées.
Normes d’exploitation
Outre les exigences relatives aux demandes de licence et de permis, des travaux particuliers doivent également respecter les Normes d’exploitation des ressources en pétrole, en gaz et en sel de l’Ontario. Pour les travaux particuliers de stockage de carbone, les exploitants doivent également se conformer à la norme Z741 de l’Association canadienne de normalisation (ACNOR), intitulée Geological Storage of Carbon Dioxide (Stockage géologique du dioxyde de carbone).
Les exploitants doivent faire enregistrer tout ouvrage utilisé en association avec un puits aux fins de la réalisation des travaux particuliers (c’est-à-dire l’installation des travaux particuliers) au moyen de la remise d’un avis auprès du Ministère dans les 30 jours suivant l’achèvement de l’installation des travaux particuliers ou dans les 15 jours suivant la révision de l’information relative à l’installation.
Garantie
L’exploitant d’un ou de plusieurs puits afférents aux travaux particuliers doit établir et maintenir une garantie sous la forme d’une lettre de crédit irrévocable émanant d’une banque ou d’un fonds en fiducie avant de commencer à préparer les lieux devant accueillir les puits ou autres ouvrages connexes ou activités liées aux puits. La garantie constitue une assurance écrite que l’exploitant se conformera à toutes les exigences prévues dans sa licence ou son permis, la Loi, le Règlement sur les travaux particuliers et toute ordonnance de la Commission de l’énergie de l’Ontario ou du Tribunal ontarien de l’aménagement du territoire concernant l’obturation, l’abandon, la désaffectation des puits et des ouvrages connexes, la remise en état des lieux et d’autres travaux d’entretien ou de surveillance. Le montant de la garantie dépend des travaux et doit être égal aux coûts estimatifs des travaux, qui doivent être exposés et étayés dans la demande de licence de l’exploitant et approuvés par le Ministre.
Modifications et cessions
Il est possible de modifier le contenu, les licences ou les permis associés à des travaux particuliers avec l’approbation du Ministre. Il est également possible de céder l’acte de désignation, les licences ou les permis relatifs aux travaux particuliers moyennant des demandes et des confirmations écrites adressées au Ministre.
Les conséquences
Le Règlement sur les travaux particuliers constitue une nouvelle étape vers la mise en œuvre du stockage du carbone en Ontario, après la suppression de l’interdiction du stockage du carbone par la province en mars 2023. Par suite de l’adoption du Règlement sur les travaux particuliers, les entreprises peuvent explorer les possibilités de stockage du carbone en Ontario pendant que le cadre réglementaire pour les projets de stockage commercial est en cours d’élaboration. Si les travaux de stockage du carbone autorisés en vertu du Règlement sur les travaux particuliers parviennent à en faire un projet pilote, les travaux de stockage du carbone en Ontario pourraient à nouveau prendre de l’expansion dans un bref avenir (comme on l’a vu dans l‘ouest du Canada).
Le stockage du carbone peut contribuer à la réduction des émissions de GES en Ontario et à la transition vers une économie à faible teneur en carbone, comme le souligne la Stratégie ontarienne relative à l’hydrogène bas carbone, qui vise à faire évoluer le système énergétique tout en réduisant les émissions de GES. Le stockage du carbone peut avoir des conséquences pour les installations industrielles dans le cadre du Programme des normes de rendement à l’égard des émissions (PNRE), qui vise à réduire progressivement les émissions de GES produites par les installations industrielles. À la fin de 2022, l’Ontario a modifié le PNRE afin de reconnaître les travaux de captage et de stockage du carbone à long terme, y compris le stockage géologique, comme un outil de réduction des émissions dans une installation industrielle. Cependant, le PNRE ne prévoit pas de cadre autonome de compensation des émissions de carbone, comme c’est le cas dans de nombreux autres cadres réglementaires sur les GES, qui permettrait la réalisation des travaux de captage et de stockage des émissions de GES provenant de sources autres qu’une installation visée par le PNRE (et stimulerait les investissements dans de tels travaux).
En investissant dès maintenant dans des travaux particuliers de stockage du carbone, le secteur pourrait se trouver dans une position avantageuse pour réduire davantage les émissions et se conformer aux exigences du PNRE si le cadre réglementaire applicable aux projets de stockage commercial est adopté. Cela pourrait également permettre aux investisseurs de saisir la valeur des futurs marchés de compensation des émissions de carbone obligatoires ou volontaires qui pourraient reconnaître les travaux de stockage du carbone en Ontario.
Toutefois, outre les limites réglementaires, la géologie de l’Ontario peut également limiter le potentiel de stockage du carbone dans la province. Le sud-ouest de l’Ontario reste l’une des seules régions prometteuses pour le stockage du carbone, compte tenu de la production existante de pétrole, de gaz et de sel, ainsi que du stockage souterrain d’autres substances. Des études plus poussées et davantage de données sont nécessaires pour évaluer la disponibilité géologique de l’Ontario pour le stockage du carbone. Au fur et à mesure que les données et les technologies s’amélioreront, on pourrait détecter d’autres formations pouvant éventuellement servir au stockage du carbone.
Si vous avez besoin d’aide ou si vous avez des questions sur la façon de se conformer au Règlement sur les travaux particuliers ou sur les projets de stockage de carbone, veuillez communiquer avec un membre du groupe Affaires réglementaires, Autochtones et environnement d’Osler.
[1] Voir O. Reg. 425/23: SPECIAL PROJECTS, art. 3, pour la liste complète des informations à fournir dans une demande de désignation.
[2] Voir O. Reg. 425/23 : SPECIAL PROJECTS, art. 10, pour la liste complète des informations à fournir dans les demandes de licence et de permis relatives à des travaux particuliers.