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Droits des employés visés par un licenciement collectif en vertu du Code canadien du travail Droits des employés visés par un licenciement collectif en vertu du Code canadien du travail

23 avril 2025 7 MIN DE LECTURE

Dans l’affaire Re Lynx Air Holdings Corporation and 1263343 Alberta Inc Dba Lynx Air, 2025 ABKB 182 (l’affaire Lynx Air), la Cour du Banc du Roi de l’Alberta a confirmé que les employés qui sont licenciés dans le cadre d’un licenciement collectif en vertu du Code canadien du travail (le CCT) n’ont pas droit à un préavis de licenciement collectif, ni à une indemnité en tenant lieu. Le tribunal a ensuite conclu que l’indemnité tenant lieu de préavis de licenciement collectif prévue par le CCT ne pouvait donc pas faire partie d’une demande au titre de la Loi sur le Programme de protection des employés (la LPPS). Il s’agit de la première affaire où un tribunal se prononce sur l’interprétation de l’article 212 du CCT en ce qui concerne l’indemnité de préavis depuis plus de 20 ans, depuis que la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a abordé la question dans l’affaire Conrad v. Imperial Oil, 1999 NSCA 29.

Contexte

Lynx Air Holdings Corporation et 1263343 Alberta Inc. (collectivement, Lynx Air) ont obtenu une ordonnance initiale de protection contre les créanciers en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (la LACC) le 22 février 2024. Cette ordonnance a notamment confirmé que les anciens employés de Lynx Air auraient droit à un « salaire admissible », au sens attribué à ce terme au paragraphe 2(1) de la LPPS.

La LPPS prévoit le paiement des salaires admissibles non versés aux personnes dont l’employeur est visé par une procédure de faillite ou de mise sous séquestre ou une autre procédure d’insolvabilité prévue par la LPPS. En vertu de la LPPS, les salaires admissibles comprennent les indemnités de préavis et les indemnités de départ. Le Syndicat canadien de la fonction publique (le syndicat), qui représentait les employés du personnel de cabine de Lynx Air (les employés), a fait valoir que les employés avaient droit à 16 semaines de salaire en lieu et place du préavis de licenciement collectif prévu par l’article 212 du CCT, et que ce paiement devait faire partie de leur salaire admissible.

Les employés licenciés dans le cadre d’un licenciement collectif ont-ils droit à un préavis de 16 semaines?

En vertu de l’article 212, section IX du CCT, tout employeur relevant de la compétence fédérale qui prévoit de procéder au licenciement de 50 employés ou plus sur quatre semaines doit en donner avis, au moins 16 semaines avant, au chef de la conformité et de l’application, au ministre de l’Emploi et du Développement social, à la Commission de l’assurance-emploi du Canada et à tous les syndicats représentant les employés visés; en l’absence de représentation syndicale, il doit en remettre une copie aux employés visés ou l’afficher dans un endroit bien en vue sur le lieu de travail.

Après avoir transmis l’avis, l’employeur doit procéder à la constitution d’un comité mixte de planification conformément à l’article 214 du CCT. Le comité mixte de planification a pour mission de discuter de la manière d’éliminer la nécessité du licenciement collectif ou, si le licenciement est jugé nécessaire, de la manière de minimiser les conséquences du licenciement pour les employés visés et d’aider ces derniers à trouver un nouvel emploi.

Lorsqu’elle a entamé la procédure au titre de la LACC, Lynx Air n’a pas remis au syndicat et aux employés le préavis de 16 semaines prévu par l’article 212 du CCT. Le syndicat a fait valoir que les employés auraient dû recevoir une indemnité tenant lieu du préavis de 16 semaines au titre de l’article 212 du CCT et que cette indemnité aurait dû faire partie du salaire admissible dont il est question dans la LPPS.

Le juge Armstrong a estimé que, en vertu l’article 212 du CCT, les employés n’avaient pas droit au préavis de 16 semaines ou à une indemnité en tenant lieu, et ce, pour quatre raisons :

  1. Le préavis de licenciement collectif de 16 semaines n’a pas à être donné directement aux employés, mais au chef de la conformité et de l’application.
  2. Les objectifs poursuivis par la section IX du CCT sont plus fonctionnels que financiers. Alors que les sections X et XI du CCT visent à atténuer les conséquences financières immédiates d’un licenciement sur les employés visés, la section IX vise à éliminer la nécessité du licenciement collectif et, si cela n’est pas possible, à aider les employés visés à trouver un nouvel emploi. Si un employeur pouvait simplement verser de l’argent au lieu de s’engager dans un tel processus, cela saperait l’objectif fonctionnel de la division IX.
  3. Le ministre de l’Emploi et du Développement social peut renoncer à l’exigence de préavis de 16 semaines s’il estime que l’application de la section IX :
  • soit porterait atteinte aux intérêts des employés ou de l’employeur;
  • soit causerait un grave préjudice au fonctionnement de l’établissement;
  • soit serait inutile en raison de mesures préexistantes ayant un effet identique ou similaire.

Cela montre que la section IX poursuit un objectif beaucoup plus large que le bien-être financier des employés et qu’elle se préoccupe également des intérêts de l’employeur et de l’établissement. Si le ministre peut renoncer au droit à un préavis de 16 semaines, cela est également incompatible avec le droit inattaquable de chaque employé à recevoir un salaire en lieu et place du préavis.

  1. L’obligation de l’employeur de verser un salaire tenant lieu de préavis en vertu de la section X et celle de verser une indemnité de départ en vertu de la section XI sont explicites. Si le Parlement avait eu l’intention à la section IX d’obliger l’employeur de payer 16 semaines de salaire en lieu et place du préavis, il l’aurait fait, comme cela a été fait dans les lois provinciales sur les normes d’emploi en Colombie-Britannique, au Manitoba, en Ontario, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, ou sur les normes du travail au Québec.

Quels sont les droits des employés licenciés dans le cadre d’un licenciement collectif?

Par conséquent, les employés relevant de la compétence fédérale qui sont licenciés dans le cadre d’un licenciement collectif sont dans la même situation que n’importe quel autre employé licencié en ce qui concerne leurs droits minimaux au titre du CCT. Les employés ont droit à la fois au préavis minimal (ou à l’indemnité en tenant lieu) prévu à la section X et à l’indemnité de départ minimale prévu à la section XI. L’article 230 du CCT définit les exigences minimales en matière de préavis.

Préavis ou indemnité en tenant lieuDurée ininterrompue de l’emploi
2 semainesPlus de 3 mois mais moins de 3 ans
3 semaines3 ans
4 semaines4 ans
5 semaines5 ans
6 semaines6 ans
7 semaines7 ans
8 semaines8 ans ou plus

L’article 235, section XI, établit le montant minimal de l’indemnité de départ. L’employeur qui licencie un employé qui a travaillé pour lui sans interruption depuis au moins un an est tenu de verser à celui-ci le plus élevé des montants suivants : deux jours de salaire pour chaque année de service ou cinq jours de salaire.

Bien entendu, le CCT n’établit que le montant minimal de l’indemnité à laquelle les employés relevant de la compétence fédérale ont droit en cas de licenciement. Sous réserve de tout contrat de travail écrit à l’effet contraire, les employés peuvent continuer d’avoir droit à l’indemnité en common law tenant lieu de préavis de licenciement.

Conclusion

Les employés relevant de la compétence fédérale qui sont licenciés dans le cadre d’un licenciement collectif n’ont pas droit au préavis de licenciement de 16 semaines ni à une indemnité en tenant lieu en vertu du CCT. L’objectif de la section IX, y compris l’article 212, du CCT est de traiter les enjeux fonctionnels plus vastes soulevés par un licenciement collectif, et non d’offrir une compensation financière aux employés visés. En cas de licenciement, les employés continuent d’avoir le droit de recevoir les montants minimaux prévus par la loi et de bénéficier des autres droits prévus par la section X et la section XI du CCT, suivant lesquels tous les employés licenciés ont droit à un préavis minimal calculé en fonction de leurs années de service.