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Associé, Droit du travail et de l'emploi, Toronto
Dans l’affaire Krmpotic v. Thunder Bay Electronics Limited[1] (Krmpotic), la Cour d’appel de l’Ontario s’est penchée récemment sur la théorie de longue date selon laquelle les employeurs ont une obligation d’exécution honnête lors d’un congédiement en démontrant les lourdes répercussions qu’un manquement à cette obligation peut entraîner. Plus précisément, la Cour a raffermi la notion voulant que les employeurs aient l’obligation d’être « francs, raisonnables et honnêtes » lorsqu’ils congédient des employés. En cas de manquement à cette obligation, un employé peut avoir droit à des dommages-intérêts majorés.
Dans l’affaire Krmpotic, l’entreprise, l’appelante, a congédié sans motif valable l’employé, l’intimé, qui comptait presque 30 années de service. L’intimé qui venait de rentrer d’un congé de maladie après avoir subi une intervention chirurgicale a été convoqué à une réunion de congédiement le jour de son retour.
La Cour a maintenu la conclusion du juge de première instance, à savoir que l’intimé avait droit à des dommages-intérêts majorés de 50 000 $ en plus de la période de préavis de 24 mois qui lui avait été accordée. Comme l’a confirmé l’arrêt Boucher v. Wal-Mart Canada Corp.[2], des dommages-intérêts majorés peuvent être accordés pour réparer le « préjudice supplémentaire subi » lorsqu’un employeur se conduit d’une manière qui constitue de la mauvaise foi. Au cours du processus de congédiement, cela peut se produire a) si l’employeur se comporte de manière « mensongère, trompeuse ou indûment insensible », ce qui représente un manquement à son obligation d’exécution honnête, ou b) si, en conséquence, l’employé subit un préjudice « au-delà de la détresse et de l’incompréhension normales à la suite d’un congédiement ».
Conduite de l’employeur
Dans l’affaire Krmpotic, la Cour a conclu que l’entreprise avait manqué à son obligation d’agir de bonne foi en raison de la manière dont elle s’est conduite lors du congédiement de l’intimé.
Tout d’abord, l’entreprise a prétendu avoir congédié l’employé pour des « motifs financiers », sans toutefois en apporter la preuve. Le juge de première instance a estimé, et la cour d’appel a confirmé que le véritable motif du congédiement était les limitations physiques de l’employé. Bien que l’entreprise n’ait pas fait de déclaration mensongère à proprement dit, il a été établi qu’elle n’avait pas été franche lors de la réunion de congédiement, compte tenu de la disparité entre le motif invoqué par l’entreprise et le véritable motif du congédiement établi par la Cour. Pour reprendre les termes de la Cour, le congédiement s’est déroulé d’une manière qui était « l’antithèse de l’obligation de l’employeur d’être franc, raisonnable et honnête et de s’abstenir d’adopter un comportement abusif ou de mauvaise foi en agissant de manière mensongère, trompeuse ou indûment insensible ».
Préjudice subi par l’employé
L’intimé n’a pas fourni de preuves médicales ou psychologiques démontrant que la conduite de l’entreprise au moment de son congédiement a entraîné une détresse psychologique. L’entreprise a soutenu que, selon l’affaire Honda Canada Inc. c. Keays[3], les dommages-intérêts majorés ne devraient être accordés que s’il existe des preuves de détresse psychologique et de relation de cause à effet entre la manière dont l’employé a été congédié et cette détresse psychologique. Cependant, la cour d’appel a jugé que ces observations représentaient un « point de vue indûment étroit de l’obligation d’agir de bonne foi de l’employeur au cours du processus de congédiement et de la signification de détresse psychologique dans ce contexte ». En outre, l’intimé a déclaré avoir ressenti « de l’anxiété, de la dépression, de la peur, des troubles du sommeil, de la frustration et de l’impuissance » à la suite de son congédiement, ce qu’ont confirmé deux membres de sa famille. Selon le juge de première instance et la cour d’appel, ces symptômes constituent « un préjudice qui va au-delà de la détresse et de l’incompréhension normales à la suite d’un congédiement ».
La décision rendue dans l’affaire Krmpotic confirme et étend l’interprétation actuelle de l’obligation d’agir de bonne foi de l’employeur tout au long du processus de congédiement d’un employé. La décision souligne que les employeurs doivent éviter d’agir de manière « mensongère, trompeuse ou indûment insensible » lorsqu’ils congédient des employés.
La Cour a notamment précisé qu’une malhonnêteté explicite de la part de l’employeur quant au motif du congédiement n’est pas nécessaire pour conclure à de la mauvaise foi – un manque de franchise peut suffire, et les circonstances du congédiement peuvent servir à l’établir. Par ailleurs, la Cour a reconnu que les employés qui souffrent de détresse psychologique en raison de la manière dont ils ont été congédiés peuvent avoir des motifs pour demander des dommages-intérêts majorés, même en l’absence de preuves médicales ou psychologiques.