L’investissement d’impact : une catégorie d’actif viable tournée vers l’avenir

12 Mar 2019 5 MIN DE LECTURE

Lorsque le concept d’investissement d’impact est apparu pendant la première moitié des années 2000, on avait généralement l’impression que cela concernait plus les dons de bienfaisance que les notions élémentaires de placement. Mais toute une gamme de nouveaux produits de placement révèle l’existence d’un appétit croissant des investisseurs de tout genre – caisses de retraite, gouvernements et particuliers – à utiliser leur argent pour cibler des besoins sociétaux essentiels.

On compte beaucoup d’exemples au Canada, allant des obligations vertes sursouscrites de 2018 par l’Office d’investissement du Régime de pensions du Canada (OIRPC) au MaRS Centre for Impact Investing (qui travaille depuis plusieurs années à faciliter l’écosystème de l’investissement d’impact au Canada), jusqu’à l’émission d’obligations durables en février dernier par l’Université Concordia (la première du genre par une université canadienne).

Une nouvelle étude par l’Association pour l’investissement responsable (AIR), publiée en février, souligne l’ampleur de l’engagement des investisseurs dans les solutions de remplacement qui influent sur d’importants enjeux sociaux comme le logement abordable, les soins de santé, l’éducation, l’énergie renouvelable et les infrastructures.

D’après l’étude de l’AIR, l’investissement d’impact a crû de façon exponentielle en quelques années – passant de 4,13 milliards de dollars en 2013 à 14,75 milliards de dollars en 2017. C’est une vague relativement récente parmi divers types de solutions d’investissement responsable, dont certaines, comme l’intégration de principes environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) ou la sélection négative, existent déjà depuis quelque temps (l’investissement responsable combine facteurs ESG et données d’évaluation de placement, tandis que la deuxième solution exclut explicitement certaines sociétés ou certains secteurs des placements).

La base d’actif globale de l’investissement responsable au Canada a dépassé 2 billions de dollars en 2017 après avoir doublé par rapport à 2013, comme l’indique une autre étude de l’AIR. L’investissement d’impact est bien positionné pour profiter de cette tendance globale – mais ce n’est pas pour tout le monde. Les retombées sociales peuvent être difficiles à mesurer et les chiffres de la réussite n’auront pas un horizon à court terme. Il est toutefois intéressant de voir que les investisseurs affirment massivement que, dans l’ensemble, le rendement de l’investissement d’impact répond à leurs attentes ou les dépasse, tant sur le plan de l’impact que sur celui des mesures financières – l’AIR déclare que 98 % des répondants ont vu leurs placements atteindre ou dépasser leurs attentes en matière de rendement.

La vague de fond de soutien direct et indirect à l’investissement responsable a atteint une masse critique et provient de nombreux milieux. Fait à noter, Larry Fink, dirigeant du géant de la gestion de placements BlackRock Inc., en a parlé avec enthousiasme dans sa dernière lettre annuelle aux chefs des entreprises dans lesquelles sa société investit :

« Perturbée par des changements économiques fondamentaux et l’échec des gouvernements à proposer des solutions durables, la population se tourne de plus en plus vers des entreprises, tant ouvertes que fermées, pour s’occuper des enjeux sociaux et économiques pressants.

La raison d’être n’est pas uniquement la recherche du profit, mais aussi la force dynamique derrière celui-ci. »

Et BlackRock n’est pas seule; d’autres sociétés de placement se tournent elles aussi vers l’impact. Le colosse du placement privé TPG Capital a recueilli 2 milliards de dollars américains pour son premier fonds d’investissement d’impact, le Rise Fund, en 2017. Il constitue maintenant un deuxième fonds de 3,5 milliards de dollars américains. Il a investi à l’échelle mondiale dans de nombreux secteurs, dont les paiements numériques en Afrique, le microfinancement en Chine et l’énergie renouvelable en Inde. Sa mission : « Le Rise Fund entend avoir un impact social et environnemental en plus de générer des rendements financiers concurrentiels ».

Beaucoup de pays ont innové dans des produits financiers qui offrent des solutions aux besoins sociaux critiques. À l’extrémité « très large » du spectre, le fonds pétrolier de Norvège est un pionnier de longue date du placement éthique et a évolué, avec le temps, pour resserrer son approche de placement en tenant compte des enjeux environnementaux, de gouvernance et de droits de la personne touchant les actifs qu’il envisage d’acquérir. Pour le moment, il n’a pas encore opté pour l’investissement d’impact proprement dit, mais il semble aller dans cette direction.

À l’échelle nationale, et certainement à l’échelle mondiale, nous ne pouvons nous attendre à ce que les gouvernements proposent des solutions aux problèmes sociaux et environnementaux complexes que nos sociétés se sont infligées – à elles comme aux autres. Et en Amérique du Nord, vu la richesse relative de notre société, il est de notre responsabilité collective d’être proactifs et de nous investir sérieusement en relevant ces défis pour le bien des générations futures. Ne serait-ce que pour ces raisons, nous espérons voir l’investissement d’impact émerger et survivre comme catégorie d’actif reconnue et devenir un élément durable et important d’un portefeuille de placements équilibré.

Bien que les facteurs ESG, l’investissement éthique et l’investissement d’impact visent tous des buts similaires, ce sont des véhicules assez différents pour les atteindre. Alors que les deux premiers sont des garde-fous d’une philosophie de placement responsable, l’investissement d’impact est en soi une philosophie de placement distincte, qui fait évoluer progressivement l’orientation des deux premiers. Nous nous réjouissons de constater le leadership des entreprises, institutions et investisseurs qui font la démonstration de la puissance de combiner la poursuite des priorités d’affaires et financières avec des objectifs aux retombées sociales positives.

Cet article a paru à l’origine dans The Globe and Mail.