Les cryptoactifs en 2018 : chute des prix, application accrue et intérêt institutionnel stable

18 Déc 2018 8 MIN DE LECTURE

Bien qu’au début de 2018, le cours des cryptoactifs comme le bitcoin et l’ether ait atteint des sommets, il semble qu’à la fin de l’année, il aura chuté de 75 % ou plus.

Pendant ce temps, les organismes de réglementation des valeurs mobilières, principalement aux États-Unis, ont annoncé une augmentation du nombre de mesures d’application prises à l’encontre de particuliers et de sociétés qui ont effectué des opérations sur cryptoactifs en contravention des lois sur les valeurs mobilières, et du nombre de règlements conclus avec eux.

À première vue, les cryptoactifs sont comparables à une bulle qui éclate sous le poids combiné de l’exubérance irrationnelle de l’investisseur individuel et de l’intervention réglementaire. Toutefois, dans les faits, ce n’est pas aussi simple. Le phénomène de la première émission de cryptomonnaie, ou PEC, en 2017 est maintenant en plein déclin, mais l’intérêt des institutions pour les cryptomonnaies est demeuré stable, et a peut-être même augmenté en 2018, ce qui laisse entrevoir que l’institutionnalisation et la professionnalisation des cryptoactifs se poursuivront en 2019.

La montée et la chute de la première émission de cryptomonnaie

En 2017, les PEC ont émergé rapidement. En règle générale, il s’agissait d’émissions de jetons de cryptoactifs, principalement auprès d’investisseurs individuels répartis dans plusieurs territoires, parfois de placements mondiaux, destinés à réunir des fonds pour des projets ou des entreprises dont les activités sont fondées sur des chaînes de blocs.

En 2018, les organismes de réglementation tant américains que canadiens ont répété leurs avertissements antérieurs selon lesquels la plupart des PEC sont assujetties aux lois sur les valeurs mobilières, y compris aux exigences de prospectus et d’inscription. En mars, la Securities and Exchange Commission (la SEC) a publié une déclaration relative aux plateformes et aux bourses de valeurs non réglementées sur lesquelles se négocient des cryptoactifs (unregulated cryptoasset trading platforms and exchanges – en anglais seulement), qui a été suivie en juin d’un avertissement semblable aux investisseurs de la part des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (les ACVM). En outre, les ACVM ont publié un nouvel avis du personnel complémentaire à leurs avertissements antérieurs, selon lequel les ACVM prendraient des mesures d’application à l’encontre de projets ou d’entreprises qui se lancent dans l’émission ou la négociation de jetons sans se conformer aux lois sur les valeurs mobilières applicables.

À la suite de ces avertissements, le rythme des mesures d’application s’est intensifié en cours d’année. En mai, la North American Securities Administrators Association (la NASAA) a annoncé l’opération Cryptosweep (annonce publiée en anglais seulement) soit une série de mesures d’application coordonnées prises dans 40 États et provinces. Cette opération de ratissage comportait initialement 70 enquêtes ou examens portant sur des premières émissions de jetons frauduleuses et autres produits de placement associés à des cryptomonnaies, pour atteindre plus de 200 enquêtes en août.

Bien qu’au début, l’objectif était de scruter les émissions prétendument frauduleuses, les organismes de réglementation élargissent maintenant leurs enquêtes aux entreprises et aux particuliers exerçant des activités d’émission, de négociation, de promotion ou autres, associées aux PEC. Les efforts déployés par la SEC en matière d’application de la loi ont entraîné récemment un certain nombre de règlements conclus avec des particuliers et des sociétés ayant procédé à l’émission, agi en tant que courtier ou fait la promotion de jetons dans le cadre d’une PEC (voir Recent initial coin offerings settlements show broadening SEC enforcement campaign – blogue en anglais seulement), ou qui exploitent des plateformes pour la négociation de jetons d’une PEC (voir Reference re Pan-Canadian securities regulation – blogue en anglais seulement). Ces règlements portent tous les marqueurs des règlements à venir avec ceux qui se lancent dans des activités associées aux PEC sans se conformer aux lois sur les valeurs mobilières applicables.

Au Canada, peu de précisions ont été communiquées publiquement, mais les organismes de réglementation sont sans contredit en train de mener des enquêtes à l’égard de personnes engagées dans des activités d’émission, de négociation ou d’autres activités associées aux cryptoactifs susceptibles de constituer des valeurs mobilières. Nous nous attendons à ce que ces organismes canadiens suivent une stratégie d’application semblable à celles de leurs homologues américains et annoncent d’autres règlements et procédures d’application en 2019.

Cette réaction musclée des autorités a sans doute contribué à rendre le recours à une PEC moins intéressant. Son utilisation a atteint un sommet vers le milieu de l’année 2018 et a chuté dramatiquement par la suite. De plus, bon nombre de PEC lancées en 2017 ont produit de faibles résultats. En effet, le prix des jetons est tombé bien en deçà de leur prix d’émission et quantité de projets se sont complètement effondrés. Nous nous attendons à ce que cela débouche sur des litiges privés de la part de détenteurs de jetons mécontents. Toutefois, entre la chute des prix des cryptoactifs qui ont constitué l’apport à ces projets et les dépenses continues en développement, bon nombre de projets financés au moyen de PEC sont susceptibles d’avoir peu d’actifs sur lesquels un demandeur qui obtiendrait gain de cause pourrait réaliser sa créance.

L’activité institutionnelle croît constamment

Malgré la fluctuation dramatique et le déclin des PEC, l’intérêt institutionnel pour les principaux cryptoactifs, particulièrement le bitcoin, continue de croître, quoique de façon prudente. Nous considérons que cela va de pair avec la surveillance réglementaire accrue des activités entourant les cryptoactifs, de sorte que les institutions devraient occuper davantage de place à mesure que les autorités clarifieront leurs positions à l’égard de ces actifs.

La croissance de l’intérêt institutionnel est peut-être davantage démontrée par les multiples annonces de sociétés offrant l’infrastructure permettant de servir cet intérêt. Les sociétés telles que Coinbase (blogue – en anglais seulement) et BitGo (Forbes – en anglais seulement) offrent de nouvelles solutions de garde de cryptoactifs qui sont organisées comme des sociétés de fiducie réglementées, dans l’espoir qu’elles satisfassent aux exigences réglementaires applicables aux investisseurs institutionnels souhaitant acquérir des cryptoactifs. En outre, d’importants intermédiaires financiers tels que Fidelity (Forbes – en anglais seulement) et ICE (BusinessWire – en anglais seulement) ont annoncé qu’ils avaient l’intention de lancer des plateformes de négociation d’actifs numériques s’adressant principalement à des investisseurs institutionnels.

Au Canada, les institutions financières canadiennes demeurent prudentes lorsqu’elles offrent des services bancaires et autres services financiers à des entreprises de cryptoactifs, afin d’éviter les opérations de blanchiment d’argent ou entachées de fraude, mais elles consentent de plus en plus à fournir des services bancaires d’affaires à des plateformes de négociation, à des courtiers effectuant des opérations sur des marchés hors cote et à d’autres entreprises de cryptoactifs capables de démontrer qu’elles sont dotées de solides programmes de conformité.

Nous nous attendons à ce que cette tendance se maintienne une fois que le statut des cryptoactifs aura été précisé dans la principale loi fédérale canadienne sur le blanchiment d’argent, soit la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (la LRPCFAT). En juin, le ministère fédéral des Finances a publié un projet de règlement pris en vertu de la LRPCFAT et qui traite des monnaies virtuelles. Bien que le règlement définitif n’ait pas été publié et qu’il risque de ne pas entrer en vigueur avant 2020, le projet de règlement est considérablement détaillé en ce qui concerne la tenue des registres et les obligations d’information relatives aux opérations portant sur des cryptoactifs.

Les autorités de réglementation des valeurs mobilières et des institutions financières ont fait peu à peu connaître publiquement leur position. Par contre, celle des autorités fiscales est peu connue. Toutefois, cela pourrait changer. En juillet, l’Agence du revenu du Canada s’est jointe aux autorités fiscales des États-Unis, du Royaume-Uni, de l’Australie, de la France et des Pays-Bas pour former un groupe connu sous le nom de Joint Chiefs of Global Tax Enforcement ou J5, dont le mandat porte entre autres sur la coopération, afin d’atténuer les risques associés aux cryptoactifs auxquels sont exposées les administrations fiscales. De plus amples précisions devraient être publiées en 2019 par les autorités fiscales canadiennes et d’autres organismes chargés de l’application des lois fiscales concernant l’imposition des opérations sur cryptoactifs, ce qui viendrait réduire une autre source d’incertitude susceptible de limiter l’entrée institutionnelle sur le marché des cryptoactifs.

Conclusion

Les cryptoactifs, comme toute technologie émergente, connaîtront des périodes de grande spéculation et de douloureuses corrections de cours. Néanmoins, la technologie des chaînes de blocs sous-jacente aux cryptoactifs, qui permet aux actifs d’être représentés et transmis de façon sécurisée dans un registre mondial décentralisé, demeure très prometteuse. Ajoutée à la participation institutionnelle et à la clarté accrue du statut réglementaire des cryptoactifs, il y a plusieurs raisons d’être optimistes à propos de l’espace qu’ils occuperont à long terme.