Les règles en matière civile en voie de révolution en Ontario? Examinons les principales modifications proposées Les règles en matière civile en voie de révolution en Ontario? Examinons les principales modifications proposées

12 juin 2025 8 MIN DE LECTURE

En avril 2025, le groupe de travail affecté à l’examen des règles en matière civile de l’Ontario (le groupe de travail) a publié son document de consultation sur la phase 2 [PDF], dans lequel il propose d’apporter des changements exhaustifs aux Règles de procédure civile (les Règles)[1].

L’examen des règles en matière civile a été lancé en janvier 2024 par le procureur général Downey et le juge en chef Morawetz. Il a pour objet d’étudier les Règles et d’établir les domaines de réforme susceptibles de rendre les procédures civiles plus efficaces, plus abordables et plus accessibles.

Dans le document de consultation sur la phase 2, le groupe de travail propose une révision majeure de la procédure civile. Les principales recommandations sont les suivantes :

  • réformer la procédure de communication des documents dans le cadre de l’enquête préalable par le remplacement de la norme de divulgation « fondée sur la pertinence » par une norme de divulgation « fondée sur la fiabilité », et devancer la production des documents;
  • éliminer les interrogatoires oraux dans le cadre de l’enquête préalable;
  • réviser la pratique des motions de manière à réduire les motions « formelles » au profit de procédures informelles;
  • modifier la sélection et la présentation des témoignages d’experts;
  • passer de manière générale d’un système dirigé par les parties à un système géré par les tribunaux.

L’enquête préalable

Les Règles actuelles exigent que les parties identifient et produisent tous les documents pertinents qui sont ou ont été en leur possession, sous leur contrôle ou sous leur pouvoir. Après la clôture de la procédure écrite, les parties négocient un plan d’enquête préalable qui fixe la date limite pour l’échange de leurs affidavits de documents. Après cet échange, les parties procèdent aux interrogatoires préalables oraux.

Production des documents

Le groupe de travail propose de passer d’une norme fondée sur la pertinence à une norme fondée sur la fiabilité modifiée. Les parties seraient tenues de communiquer tous les documents sur lesquels elles ont l’intention de s’appuyer, ainsi que tous les documents qu’elles savent être défavorables à leur cause qui sont en leur possession, sous leur contrôle ou sous leur pouvoir. La définition de « documents qu’elles savent être défavorables à leur cause » fait encore l’objet d’un débat au sein du groupe de travail.

Le groupe de travail propose également de devancer considérablement la production des documents. La communication se ferait en trois étapes :

  1. Au moment de la signification de l’acte de procédure : Les parties devraient produire tous les documents auxquels le public n’a pas accès et qui sont énoncés dans l’acte de procédure se trouvant en leur possession, sous leur garde ou sous leur contrôle.
  2. Après la clôture de la procédure écrite : Les parties échangeraient les déclarations sous serment de tous les témoins sur lesquels elles entendent s’appuyer, tous les documents sur lesquels elles entendent s’appuyer, tous les documents qu’elles savent défavorables à leur cause, ainsi que les calendriers proposés pour la remise des rapports d’experts.
  3. Divulgation supplémentaire : Les parties qui ne sont pas satisfaites de la divulgation effectuée lors des étapes précédentes pourraient demander des documents supplémentaires (sous réserve de certaines limites) et soumettre des interrogatoires préalables écrits limités.

Interrogatoires oraux

Suivant la nouvelle procédure de communication de documents, les parties n’auraient plus la possibilité de procéder à des interrogatoires oraux dans le cadre de l’enquête préalable. Comme justification de cette modification, le groupe de travail souligne que l’échange précoce et ciblé de documents limitera, selon lui, les avantages des interrogatoires préalables oraux.

Pratique des motions

À l’heure actuelle, il existe peu de limites à la capacité d’une partie à présenter une motion. Selon les modifications proposées, toutes les mesures de redressement provisoires devraient d’abord faire l’objet d’une conférence sur les directives présidée par un juge, qui trancherait la question interlocutoire, ordonnerait aux parties d’assister à une autre conférence sur les directives après échange de documents, ou fixerait la date d’une motion officielle.

En outre, certaines présomptions s’appliqueraient en fonction de la mesure de redressement demandée :

  • La mesure de redressement de nature procédurale serait vraisemblablement décidée au cours de la conférence sur les directives.
  • La mesure de redressement qui nécessite des observations juridiques ou un dossier de preuve plus complets serait vraisemblablement tranchée dans le cadre d’une motion officielle.
  • La mesure de redressement faisant partie d’une « catégorie résiduelle » ne ferait l’objet d’aucune présomption.

Sélection et présentation des témoignages d’experts

Le groupe de travail vise également à réduire le recours aux témoignages d’experts dans les procédures civiles :

  • Les témoignages d’experts seront limités à ce qui est raisonnablement nécessaire pour résoudre l’affaire et, sauf sur autorisation du tribunal, les parties seront limitées à un expert par question, par partie.
  • Les experts communs seront encouragés et présumés requis pour une liste préétablie de questions, à savoir celles qui sont normalisées, qui comportent des calculs mathématiques ou qui peuvent par ailleurs convenir à un expert commun.
  • Les experts opposés devront se rencontrer avant le procès, en l’absence des parties ou des avocats, pour tenter de circonscrire les questions sur lesquelles ils ne sont pas d’accord.

Les modifications proposées envisagent également de réordonner la séquence de la preuve au procès de manière que tous les témoins des faits (de toutes les parties) témoignent en premier et tous les experts témoignent ensuite. À l’heure actuelle, le demandeur présente l’ensemble de sa preuve, puis le défendeur présente la sienne.

Un système géré par les tribunaux

Le groupe de travail affirme avoir pour objectif de faire passer les procédures civiles d’un système dirigé par les parties à un système géré par les tribunaux. Il affirme que cela permettrait d’atténuer les coûts et les retards associés à l’actuelle pratique « maximaliste » en matière de règlement des différends.

Plusieurs propositions illustrent ce passage :

  • Un calendrier strict serait établi pour chaque étape de la procédure afin que chaque affaire soit jugée dans un délai de deux ans. Les reports des dates d’audience fixées ne seraient autorisés que dans des circonstances exceptionnelles, et les parties que ne respectent pas les dates d’audience verraient leurs actes de procédure radiés. En outre, les échéances intérimaires seraient gérées rigoureusement, et des conséquences financières seraient prévues en cas de non-respect.
  • Outre le fait que toutes les motions devraient d’abord faire l’objet d’une conférence sur les directives, toutes les parties devraient assister à une conférence de mise au rôle après un an, dans le cadre de laquelle serait fixé le calendrier des étapes menant au procès.

Principaux enseignements pour les plaideurs

Bien que la nature, l’étendue et le calendrier des modifications qu’il est proposé d’apporter aux Règles de procédure civile restent flous, les communications faites à ce jour suggèrent qu’il y a un désir de les mettre en œuvre à brève échéance. Les détails d’une éventuelle proposition de transition n’ont pas encore été communiqués à la profession.

Le groupe de travail a invité les membres de la profession à lui faire part de ses commentaires, au plus tard le 16 juin 2025. S’il ne fait aucun doute que la procédure civile en Ontario a besoin d’être révisée, les modifications proposées par le groupe de travail ont reçu jusqu’à présent un accueil mitigé de la part des avocats plaidants de l’Ontario. Entre autres, de manière générale, on est sceptique quant à la capacité des modifications à atteindre l’objectif déclaré, soit d’améliorer l’accès à la justice tout en préservant la réputation de l’Ontario en tant que forum de calibre mondial pour le règlement des différends. La profession a réagi par de nombreux commentaires provenant d’une série de parties prenantes. À cet égard, un certain nombre de cabinets d’avocats, dont Osler, ont soumis une réponse commune [pdf; en anglais seulement] exposant le point de vue des avocats spécialisés dans les litiges complexes et commerciaux. Il sera intéressant de voir comment ces commentaires seront intégrés aux modifications apportées en définitive aux Règles.

Si vous avez des questions ou des préoccupations concernant les modifications proposées, veuillez contacter l’un des membres du groupe Litiges d’Osler.


[1]    L’année dernière, le groupe de travail a publié son rapport de la phase 1, dans lequel il précisait l’étendue des modifications requérant un examen plus approfondi. Le rapport de la phase 1 est disponible ici.