rapport

Exécution d’un jugement d’un territoire étranger au Canada

3 Avr 2023 93 MIN DE LECTURE
Télécharger le PDF

Transcription

Table des matières

Introduction

  1. Signification d’un acte introductif d’instance
  2. Procédure d’exécution
  3. Exécution de sentences arbitrales étrangères
  4. Injonctions provisoires et interlocutoires
  5. Délais de prescription pour l’exécution d’ordonnances étrangères
  6. Obtention d’éléments de preuve au Canada
  7. Considérations juridiques et procédurales particulières au Québec
  8. Annexe

En raison de la mondialisation accrue des opérations commerciales, les différends traversent fréquemment les frontières nationales, de sorte que les entreprises étrangères doivent s’adresser aux tribunaux canadiens pour exercer certains recours ou pour obtenir leur collaboration. Notre ouvrage, intitulé Exécution d’un jugement d’un territoire étranger au Canada contient des renseignements utiles sur le système judiciaire canadien. Plus précisément, ce guide aborde les sujets suivants :

  • les règles relatives à la signification d’actes judiciaires;
  • la procédure d’exécution;
  • l’incidence des lois sur l’exécution réciproque des jugements;
  • l’exécution de sentences arbitrales;
  • les injonctions provisoires et les injonctions interlocutoires;
  • les délais de prescription pertinents;
  • l’obtention d’éléments de preuve au Canada;
  • les considérations particulières au Québec.

Introduction

En raison de la mondialisation accrue des opérations, les différends commerciaux s’étendent à présent fréquemment au-delà des frontières nationales. Ce guide pratique répertorie les questions les plus fréquemment posées par toute partie hors du Canada qui cherche l’assistance des tribunaux canadiens dans le cadre d’un différend commercial. L’interaction entre les processus judiciaires canadiens et ceux des autres territoires varie considérablement d’un pays à l’autre et peut s’avérer complexe, donnant lieu à une multitude de considérations d’ordre factuel et juridique. Le cadre juridique canadien, en particulier, est unique, puisqu’il repose à la fois sur un système de common law et un système de droit civil1.Ce guide a été préparé afin d’expliquer aux entreprises étrangères les enjeux fondamentaux liés aux caractéristiques propres au système judiciaire canadien.2

1. Signification d’un acte introductif d’instance

Comment procède-t-on à la signification ou à la notification d’un acte de procédure visant une entité canadienne?

Réponse sommaire 

Comme le Canada a signé la Convention relative à la signification et à la notification à l’étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale (la « Convention de La Haye » ou la « Convention »)3, avec 73 autres États signataires4, les protocoles établis dans la Convention régissent normalement la signification ou la notification d’actes étrangers à des résidents canadiens. Si un acte introductif d’instance provient d’un État qui n’est pas un État signataire de la Convention de La Haye, il faut tenir compte des règles locales en matière de signification ou de notification en vigueur dans cet État d’origine.

Si, par contre, l’État d’origine de l’acte est un État signataire de la Convention de La Haye, comme ce sera le plus souvent le cas, la Convention envisage expressément certains mécanismes formels et informels permettant aux demandeurs étrangers de signifier des actes à des parties au Canada, y compris la signification à personne.

A. Procédure formelle aux termes de la Convention de La Haye5

Pour signifier des actes à des entités canadiennes de la manière prévue dans la Convention de La Haye, une partie doit envoyer son acte introductif d’instance à l’« autorité expéditrice » de son propre pays. Les entités susceptibles de constituer une « autorité expéditrice » compétente sont désignées dans la législation applicable du territoire des parties et peuvent être très différentes d’un territoire à l’autre, mais généralement les tribunaux nationaux et certains officiers de la cour en font partie6.

Pour que la signification soit valide au Canada, l’acte introductif d’instance doit être traduit en français ou en anglais, soit les deux langues officielles du Canada7.

L’autorité expéditrice se chargera de transmettre l’acte introductif d’instance à l’Autorité centrale canadienne, qui le remettra au destinataire selon le modèle prévu dans la Convention de La Haye8. Dans le régime fédéral du gouvernement canadien, les pouvoirs du gouvernement sont répartis entre le gouvernement fédéral et dix gouvernements provinciaux distincts. Le ministère de la Justice de chacune des dix provinces agit en qualité d’Autorité centrale. L’Autorité centrale fédérale canadienne est la Direction du droit criminel, du droit de la sécurité et du droit diplomatique d’Affaires mondiales Canada9. Les Autorités centrales n’ont pas le mandat d’établir si les demandes doivent être signifiées ou non10. 

Le Canada a ajouté ce commentaire dans les notes afférentes à la Convention de La Haye : « Pour économiser du temps, les demandes devraient être transmises directement à l’Autorité centrale de la province ou du territoire en cause. Elles peuvent, toutefois, être transmises à l’Autorité centrale fédérale qui les transmettra à l’Autorité centrale provinciale ou territoriale compétente11 ». En règle générale, « la province ou le territoire en cause » correspond à la province ou au territoire du Canada où la partie canadienne visée par l’acte introductif d’instance réside ou y détient des biens.

B. Signification à personne aux termes de la Convention de La Haye

La manière la plus efficace de signifier un acte introductif d’instance conformément à la Convention de La Haye est de déposer une signification à personne :

La Convention ne fait pas obstacle, sauf si l’État de destination déclare s’y opposer : […] c) à la faculté, pour toute personne intéressée à une instance judiciaire, de faire procéder à des significations ou notifications d’actes judiciaires directement par les soins des officiers ministériels, fonctionnaires ou autres personnes compétents de l’État de destination. [Notre emphase]12

À noter que le Canada ne s’est pas « opposé » aux termes de la Convention de La Haye à la procédure de signification, de sorte que l’exigence préalable à l’utilisation d’un autre mode de signification prévu par la Convention (c.-à-d. « […] sauf si l’État déclare s’y opposer […] ») est satisfaite si une partie souhaite faire signifier un acte judiciaire au Canada. Par conséquent, un demandeur étranger peut signifier ou notifier un acte directement, pourvu qu’il le fasse par l’intermédiaire d’une « personne compétente ».

La jurisprudence et le libellé de la Convention de La Haye suggèrent tous les deux que les « personnes compétentes » sont celles désignées dans la législation en vigueur dans l’État de destination (c.-à-d. la législation canadienne). Les tribunaux canadiens n’ont pas encore tranché de manière concluante la question de savoir si un huissier de justice est ou non une « personne compétente ». Toutefois, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a déjà soutenu qu’un huissier de justice constituait une personne compétente pour signifier des documents dans l’État américain de la Géorgie, puisqu’un huissier est autorisé à signifier des documents judiciaires dans cet État13. Il serait donc logique de penser qu’un huissier de justice canadien sera considéré comme une « personne compétente » pour signifier des documents, puisque la signification à personne est reconnue comme valide dans toutes les juridictions canadiennes. Un demandeur devra toutefois s’assurer de connaître les règles restrictives en matière de signification, qui sont applicables dans l’État d’origine et susceptibles de limiter leurs options de signification à l’étranger.

Par excès de prudence, un demandeur étranger pourrait souhaiter invoquer de manière concomitante, au second plan, la procédure établie dans la Convention de La Haye (procédure plus lente et plus lourde que celle de la signification à personne), afin d’éviter qu’une partie adverse vienne ultérieurement la contester.

C. Autres mécanismes de signification aux termes de la Convention de La Haye

La Convention de La Haye envisage d’autres moyens de signification que la procédure formelle qui y est prévue. Elle permet, par exemple, d’utiliser la « voie consulaire ». Une autre procédure de signification peut avoir été établie dans un accord bilatéral entre le Canada et l’État d’origine14

En outre, la Convention prévoit la signification par la « voie de la poste », ce qui permet au demandeur d’envoyer l’acte introductif d’instance au destinataire par courrier15. En règle générale, la signification d’un acte par la poste est possible si l’État de destination ne s’y est pas opposé. En l’espèce, le Canada ne s’y est pas opposé16. Il y a cependant eu au moins un cas au Canada dans lequel la cour a statué que la signification par la poste n’était pas suffisante pour faire exécuter un jugement étranger17. Par ailleurs, il n’est pas clair si la signification par messagerie est acceptée18. Il n’est donc pas judicieux d’opter pour la « voie de la poste » comme seul moyen de signification aux fins d’exécution d’un jugement au Canada.

L’incertitude entourant l’envoi par la poste et les délais associés à la signification par l’intermédiaire d’autorités expéditrices font de la signification à personne la méthode la plus efficace.

2. Procédure d’exécution

Quelle est la procédure pour faire reconnaître et exécuter au Canada une ordonnance définitive rendue par un tribunal étranger?

Réponse sommaire 

Il existe deux manières de faire exécuter, au Canada, une décision rendue par un tribunal étranger19. La première est celle de common law qui a été établie par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Morguard Investments Ltd. c. De Savoye20. La deuxième est prescrite par les lois sur l’exécution réciproque des jugements, comme dans la Loi sur l’exécution réciproque de jugements (Royaume-Uni)21, lorsque le jugement en question a été prononcé dans un territoire assujetti à une telle loi.

A. Procédure de common law

En common law, la partie responsable de l’exécution d’une décision doit introduire la procédure d’exécution devant le tribunal canadien compétent et remplir les conditions applicables à l’exécution (abordées ci-dessous). Les règles de procédure dudit tribunal canadien seront applicables22.

En Ontario, la procédure d’exécution peut être introduite par le biais d’une action ordinaire (c’est-à-dire une déclaration) ou par le biais d’une demande simplifiée si aucun fait important n’est contesté (les éléments de preuve étant apportés par le biais d’affidavits écrits, sans communication préalable formelle, et l’examen des affidavits ayant lieu hors cour). En outre, une procédure d’exécution engagée par le biais d’une action peut être résolue par voie de jugement sommaire, soit une procédure qui est similaire à une requête.

Dans de nombreux cas, aucun fait important n’est contesté, de sorte qu’une requête peut être la procédure à privilégier. Le tribunal chargé de l’exécution n’est pas autorisé à examiner le fond de l’affaire sur lequel s’appuie le jugement étranger. Le défendeur à une procédure d’exécution dispose d’un nombre limité de moyens de défense (abordés en détail ci-dessous). En outre, même lorsqu’un défendeur à une procédure d’exécution invoque un moyen de défense, les parties peuvent tout de même s’entendre sur la séquence des évènements qui ont conduit à l’obtention d’un jugement étranger à l’encontre du défendeur.

Cela étant dit, il arrive parfois que des faits importants soient contestés dans le cadre d’une procédure d’exécution faisant dès lors intervenir l’ensemble des mécanismes procéduraux propres à un procès. Deux affaires récentes survenues en Colombie-Britannique illustrent une telle situation. Dans Lonking (China) Machinery Sales, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a estimé qu’elle ne pouvait pas se prononcer sur les moyens de défense fondés sur la fraude et l’entrave à la justice naturelle dans le cadre d’un procès sommaire. La Cour a estimé que les faits relatifs aux questions se trouvant au cœur du litige étaient vivement contestés, notamment celle de savoir si certaines déclarations avaient été faites, si les déclarants pouvaient être crus sur certaines questions ou de manière générale, et si des déductions défavorables devaient être tirées du fait que des éléments de preuve n’avaient pas été produits. La Cour a également noté que les jugements en question s’élevaient à plus de 5 millions de dollars canadiens, de sorte qu’il n’était pas disproportionné de tenir un procès  en bonne et due forme pour la procédure d’exécution23.

Dans la décision Liu v. Luo, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a estimé qu’elle ne pouvait pas se prononcer sur l’allégation d’une violation à la justice naturelle dans le cadre d’un procès sommaire. En effet, la question de savoir si le tribunal chinois avait ou non suivi correctement sa propre procédure de signification était très contestée, preuves à l’appui. Comme dans l’affaire Lonking (China), la Cour a noté que, puisque la somme en jeu était importante (plus de 2 millions de dollars canadiens), il était justifié et proportionné d’autoriser que la procédure d’exécution se déroule dans le cadre d’un procès en bonne et due forme24.

En règle générale, la partie responsable de l’exécution doit chercher à faire reconnaître et exécuter le jugement dans la ou les juridictions canadiennes dans lesquelles le défendeur détient des actifs. Dans l’affaire H.M.B. #2 (dont les faits sont relatés dans l’affaire H.M.B. #1), la Cour d’appel de l’Ontario a jugé que les « jugements par ricochet » – par lesquels un jugement étranger qui est reconnu dans une province canadienne est ensuite réenregistré dans une deuxième province canadienne – étaient inadmissibles. Il serait plus approprié de demander la reconnaissance et l’exécution du jugement étranger dans chaque province en vertu des lois et des procédures de chaque province25.

B. Procédure prescrite par une loi

En raison des enjeux temporels et pécuniaires liés à l’exécution de jugement en vertu de la common law, la plupart des provinces canadiennes ont simplifié le processus d’exécution des jugements rendus par certains territoires en adoptant une loi régissant « l’exécution réciproque de jugements », laquelle permet à un demandeur d’«  enregistrer » un jugement en déposant une demande à la cour.

La législation sur l’exécution réciproque des jugements, comme son nom l’indique, s’applique uniquement aux parties qui se trouvent dans des territoires ayant conclu un accord de réciprocité. Les provinces canadiennes, à l’exception du Québec, ont toutes signé des accords de réciprocité entre elles. Certaines provinces ont également adopté des lois afin de simplifier la procédure d’enregistrement et d’exécution de jugements étrangers. Chaque province a conclu des accords d’exécution avec différents territoires étrangers26. La Saskatchewan et le Nouveau-Brunswick, par exemple, se sont dotés de procédures assez robustes en matière d’exécution de jugements27, alors que d’autres provinces, comme la Colombie-Britannique et l’Alberta, ont adopté des lois étroitement libellées à cet égard.

Dans l’affaire H.M.B. #1, la Cour suprême du Canada a limité l’application de la Loi sur l’exécution réciproque de jugements (Ontario) (la « LERJ »). Après l’expropriation par l’État d’Antigua d’un terrain appartenant à H.M.B., ce dernier a intenté une action en justice et le Comité judiciaire du Conseil privé a ordonné à Antigua d’indemniser H.M.B. Ce dernier a ensuite intenté une action en common law en Colombie-Britannique pour faire exécuter le jugement du Conseil privé. Antigua a choisi de ne pas se défendre et H.M.B. a conséquemment obtenu un jugement par défaut en C.-B. H.M.B. a ensuite introduit une demande d’enregistrement du jugement de la C.-B. en vertu de la LERJ de l’Ontario. La Cour suprême a jugé que H.M.B. n’avait pas le droit de faire enregistrer le jugement en raison du paragraphe 3b) de la LERJ de l’Ontario, qui se lit comme suit :

3     Le tribunal d’enregistrement ne doit pas, aux termes de la présente loi, ordonner l’enregistrement d’un jugement s’il est démontré que : […]

b) le débiteur en vertu du jugement, qui n’exerçait pas ses activités ni ne résidait ordinairement dans le ressort du tribunal d’origine, n’a pas comparu volontairement ni autrement reconnu, durant l’instance, la compétence de ce tribunal; […]28

En l’espèce, Antigua « n’exerçait pas ses activités » en Colombie-Britannique. La Cour suprême a refusé de répondre à la question de savoir si les « jugements par ricochet » – par lesquels un jugement étranger est reconnu dans une province canadienne et le jugement canadien est ensuite réenregistré dans une deuxième province canadienne – étaient autorisés plus généralement en common law29. La Cour d’appel de l’Ontario a répondu ultérieurement par la négative à cette question dans l’affaire H.M.B. #2 (décrite ci-dessous).

Au Québec, comme expliqué plus en détail ci-dessous, c’est le Code civil du Québec (le « C.c.Q. ») qui s’applique, et non la common law. Ce Code que l’on peut qualifier de très exhaustif, un trait caractéristique du droit civil, précise les règles applicables à l’exécution de tous les jugements rendus hors Québec.

i. Comment enregistrer un jugement

Pour enregistrer un jugement, une personne doit déposer des documents attestant du jugement devant le tribunal canadien compétent et, dans certains cas, y joindre une déclaration sous serment. L’enregistrement doit être fait dans un délai prescrit (dont il sera question ci-dessous) et, en règle générale, le débiteur en vertu du jugement doit en avoir été avisé. Toutefois, dans certains cas, les tribunaux de plusieurs provinces canadiennes acceptent l’enregistrement d’un jugement sans exiger un tel avis. Par exemple, en Alberta, en Colombie-Britannique et à l’Île-du-Prince-Édouard, il n’est pas obligatoire de remettre un avis a) lorsque le débiteur en vertu du jugement a reçu signification à personne de l’acte introductif d’instance ou déposé une comparution ou une défense, ou encore a convenu de s’en remettre à la compétence du tribunal d’origine ou s’y est autrement assujetti; et b) lorsque le délai dans lequel un appel peut être interjeté a expiré ou qu’il a été statué sur l’appel30. Au moment de l’enregistrement, le jugement a la même force et le même effet qu’un jugement rendu par le tribunal canadien auprès duquel il a été enregistré.

ii. Effet des conventions internationales sur l’exécution de jugements

Le Canada a signé de nombreuses conventions internationales susceptibles d’avoir une incidence sur l’exécution de jugements étrangers, y compris la Convention entre le Canada et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord prévoyant la reconnaissance et l’exécution réciproques des jugements en matière civile et commerciale31. Cette convention a été incorporée dans le droit interne canadien par un texte de loi fédéral32 et un texte de loi provincial33, lesquels, ensemble, permettent au gouvernement canadien fédéral et aux gouvernements provinciaux, ainsi qu’aux gouvernements de la Grande-Bretagne et de l’Irlande du Nord, d’enregistrer et d’exécuter mutuellement des jugements rendus dans l’un ou l’autre des États, pourvu qu’ils le soient dans un délai de six ans de la date du jugement34. Une fois que le jugement est enregistré, il a la même force et le même effet qu’un jugement qui aurait été rendu au Canada35. Chaque loi et chaque convention est unique, et fixe des règles de procédure et de droit substantiel différentes. Toutefois, en règle générale, ces textes juridiques suppléent la common law sur l’exécution de jugements étrangers sans s’y substituer36.

Comme indiqué ci-dessus, une partie ne peut faire enregistrer un jugement en vertu de la législation sur l’exécution réciproque de jugements si la décision d’origine est elle-même le produit de l’enregistrement d’un jugement rendu dans un État non-signataire de l’accord de réciprocité. Les tribunaux canadiens et plus récemment la Cour suprême dans l’affaire H.M.B. #1, ont notamment établi qu’il n’est pas possible de contourner cette règle en enregistrant, en vue de son exécution, un jugement rendu dans un État non-signataire de l’accord de réciprocité dans un État signataire de cet accord37.

Quelle est la différence entre la « reconnaissance » et l’« exécution » d’un jugement étranger?

Réponse sommaire

La reconnaissance, par un tribunal canadien, d’un jugement étranger signifie que ce tribunal traitera le jugement comme effectif et légitime au Canada. L’exécution du jugement donne effet au jugement. Par exemple, le créancier peut saisir les biens du débiteur situés au Canada en exécution du jugement. Tous les jugements étrangers doivent d’abord être reconnus avant d’être exécutés. Toutefois, dans certains cas (par exemple, en matière de chose jugée), il suffira de faire reconnaître le jugement, puisqu’il n’y a pas lieu de l’exécuter. 

Pour exécuter un jugement, le tribunal canadien doit d’abord le reconnaître. En règle générale, un tribunal canadien reconnaîtra un jugement étranger s’il est définitif, si le tribunal qui l’a rendu était habilité à le rendre selon les règles canadiennes sur le conflit de lois et si le jugement n’a pas été obtenu frauduleusement ou de manière contraire à la justice naturelle ou à l’ordre public (comme il est expliqué ci-dessous).38

Un tribunal peut reconnaître un jugement sans qu’il devienne exécutoire, comme dans le cas où une partie plaide la chose jugée (principe de droit selon lequel il n’est pas permis de tenir un nouveau procès à l’égard d’une cause déjà jugée par le tribunal). En pareil cas, la reconnaissance du jugement étranger en question par un tribunal canadien est suffisante pour que les conclusions qu’il contient s’appliquent dans le cadre de la procédure canadienne et empêche les parties de demander un nouveau procès.

Dans l’affaire Brown c. Miller, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a reconnu un jugement rendu en Floride, sans toutefois l’exécuter. Dans cette cause en droit de la famille, le tribunal britanno-colombien a déclaré que le tribunal de la Floride avait la compétence requise pour en disposer et a statué que la décision de ce tribunal de la Floride quant au partage de certains biens matrimoniaux était définitive. Cette cause ayant déjà été réglée par un tribunal compétent, elle ne pouvait pas faire l’objet d’un nouveau procès39. La Cour supérieure de l’Ontario a rendu une décision similaire dans Contacare Inc c. CIBA Vision Corp, dans le cadre de laquelle le défendeur avait déposé avec succès une requête visant à faire rejeter une action pour rupture de contrat engagée par le demandeur au motif qu’un tribunal new-yorkais compétent avait déjà rendu un jugement définitif40.

Par contre, lorsqu’un demandeur cherche à exécuter les condamnations contenues dans un jugement étranger, il lui sera nécessaire de faire reconnaître et de faire exécuter ce jugement étranger.

Dans quelles circonstances un tribunal canadien exécute-t-il un jugement étranger en vertu de la common law?

À moins que l’on démontre l’existence de moyens de défense à la demande de reconnaissance et à l’exécution d’un jugement étranger (comme il est expliqué ci-dessous), celui-ci pourra être exécuté, si a) le jugement émane d’un tribunal compétent; b) la décision est valide et définitive; et c) l’ordonnance est suffisamment précise.

A. Quand un tribunal est-il jugé « compétent »?

Réponse sommaire

Un tribunal étranger est réputé « compétent » i) si la partie en question se trouve sur le territoire du tribunal; ii) si la partie y acquiesce autrement (en reconnaissant tacitement ou expressément la compétence du tribunal); ou iii) s’il existe un « lien réel et substantiel » entre le tribunal étranger ou l’État d’origine et la partie au litige ou l’objet du litige. Ce troisième critère de la compétence d’un tribunal est souvent appelé la « compétence présumée ».

i. Fondements traditionnels

Dans l’arrêt Morguard, la Cour suprême déclare que, lorsque le défendeur se trouve physiquement dans le territoire d’un tribunal étranger au moment du litige (compétence fondée sur la présence) ou encore lorsque le défendeur reconnaît la compétence du tribunal étranger (compétence fondée sur le consentement), alors le tribunal en question est considéré à juste titre comme un tribunal compétent41. Plus récemment, dans l’affaire Chevron Corp c. Yaiguaje, la Cour suprême a réitéré ces fondements « traditionnel » servant à établir la compétence d’un tribunal42.

Une partie sera réputée avoir acquiescé à la compétence d’un tribunal étranger si elle prend des mesures pour contester le bien-fondé de la requête devant ce tribunal43. La Cour d’appel de la Colombie-Britannique est même allée jusqu’à dire qu’un demandeur est réputé avoir acquiescé à la compétence d’un tribunal s’il prend part au litige, même s’il n’avait aucune réelle intention d’y acquiescer44. Toutefois, en règle générale, une partie n’est pas réputée avoir acquiescé à la compétence d’un tribunal si elle comparaît dans la cause, dans le seul but de contester la compétence du tribunal45.

ii. Lien réel et substantiel

Si la compétence d’un tribunal fondée sur la présence ou sur le consentement ne peut être établie, un tribunal étranger peut encore être reconnu compétent s’il existe un « lien réel et substantiel » entre le tribunal et l’objet du litige ou le défendeur46. La Cour suprême du Canada a déjà affirmé qu’un « […] lien éphémère ou relativement peu important ne suffit pas pour qu’un tribunal étranger soit compétent47 ». Dans l’arrêt Beals, la Cour suprême déclare que le fait que les appelants aient acheté un terrain en Floride est suffisant pour établir un « lien réel et substantiel » entre les parties au litige et l’État de la Floride48. Il est possible, dans le cadre d’un litige, d’établir un « lien réel et substantiel » avec plus d’un territoire49.

Il existe une incertitude quant aux facteurs sur lesquels un tribunal pourrait s’appuyer, dans un contexte d’exécution d’un jugement, pour déterminer l’existence d’un « lien réel et substantiel »50. Cela étant dit, les principes formulés dans deux arrêts clés prononcés au Canada portant sur le « lien réel et substantiel », soit Muscutt c. Courcelles51 et Van Breda c.Village Resorts Ltd.52, offrent un cadre d’analyse permettant de mieux comprendre les considérations pertinentes.

Dans l’arrêt Muscutt, la Cour d’appel a établi huit facteurs dont les tribunaux doivent tenir compte pour décider s’ils ont compétence à l’égard d’un litige53. La Cour suprême a « simplifié et clarifié »54 le droit à cet égard dans l’arrêt Van Breda et a établi quatre facteurs autorisant une cour à se déclarer compétente à l’égard du litige :

  1. le défendeur a son domicile dans la province ou y réside;
  2. le défendeur exploite une entreprise dans la province;
  3. le délit a été commis dans la province;
  4. un contrat lié au litige a été conclu dans la province.55 

Dans l’arrêt Chevron, la Cour suprême confirme qu’il n’est pas nécessaire de prouver l’existence d’un « lien réel et substantiel » entre le tribunal d’exécution national (p. ex. le Canada) et l’objet du litige ou le défendeur (p. ex. la présence de biens appartenant au défendeur), mais que l’établissement de la compétence du tribunal d’origine repose plutôt sur l’existence d’un lien réel et substantiel entre l’État d’origine et le défendeur ou l’objet du litige56.

Dans l’arrêt Chevron, les demandeurs cherchaient à faire exécuter une décision leur accordant un montant considérable à titre de dommages-intérêts rendue par un tribunal équatorien57. Les demandeurs ont déposé devant un tribunal ontarien une requête en reconnaissance et en exécution de ce jugement contre le défendeur, Chevron Corporation, et une filiale indirecte canadienne. Les défendeurs ont soutenu que le tribunal ontarien n’avait pas la compétence requise pour exécuter le jugement parce que le débiteur en vertu du jugement (Chevron Corporation) ne possédait aucun bien en Ontario. Chevron Corporation a pour sa part invoquée que l’absence de « lien réel et substantiel » entre elle ou l’objet du litige et l’Ontario ne permettait pas à la Cour supérieure de l’Ontario de se déclarer compétente à l’égard de l’exécution du jugement étranger. La Cour suprême a rejeté cet argument et a fondé sa décision sur les principes de la courtoisie judiciaire :

« Les opérations et les interactions transfrontalières continuent de se multiplier. Parallèlement, la courtoisie exige que les tribunaux soient de plus en plus disposés à reconnaître les actes accomplis par d’autres États. Cela est essentiel pour permettre aux particuliers et aux entreprises de poursuivre l’exercice de leurs activités internationales sans craindre qu’en s’engageant dans de telles relations, ils compromettent leurs droits ou y renoncent58 ».  

Les tribunaux canadiens auxquels on demande d’exécuter un jugement étranger chercheront à déterminer si le tribunal d’origine avait la compétence requise pour rendre un jugement dans l’instance, selon les règles canadiennes sur le conflit des lois; il importe peu de savoir si le tribunal d’origine avait compétence en vertu des lois qui lui sont applicables dans son pays59. Par exemple, dans l’affaire Braintech Inc. c. Kostiuk, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a déclaré que la légitimité de la compétence du tribunal du Texas dans le cadre d’une poursuite en diffamation, même si elle était peut-être conforme aux lois locales, ne respectait pas les règles canadiennes de conflit de lois, puisque le seul lien entre le Texas et l’objet du litige était qu’au Texas on avait accès à un babillard en ligne contenant un commentaire prétendument diffamatoire (quoique rien ne prouvait qu’une personne du Texas avait effectivement eu accès au commentaire). La requête en exécution a donc été rejetée60. De même, dans l’affaire CIMA Plastics Corporation c. Sandid Enterprises Ltd., la Cour d’appel de l’Ontario a confirmé que le tribunal ontarien n’était pas lié par la déclaration de compétence du juge d’un tribunal de l’Illinois quant à la question de savoir s’il y avait un lien réel et substantiel entre l’État de l’Illinois et l’objet du litige61.

Dans une affaire, une clause contractuelle obligeant les parties à reconnaître la compétence d’un certain tribunal n’était pas déterminante pour savoir si un tribunal étranger avait ou non assumé correctement sa compétence. Dans l’affaire Sleep Number Corporation, un demandeur du Minnesota a cherché à faire exécuter un jugement étranger rendu au Minnesota contre un défendeur de l’Ontario. La Cour d’appel de l’Ontario a confirmé la conclusion du juge des requêtes selon laquelle le différend sous-jacent avait un lien réel et substantiel avec le Minnesota. Le défendeur a fait valoir que le contrat entre les parties contenait une clause attributive de compétence, qui excluait les tribunaux du Minnesota. Même si le contrat contenait une clause stipulant que les parties reconnaissaient la compétence des tribunaux de l’Ontario, il ne stipulait pas que leur compétence était exclusive. La Cour d’appel a qualifié la clause de permissive plutôt que d’exclusive : elle ne privait pas un autre tribunal de la simple reconnaissance de compétence, mais constituait un élément pertinent pour déterminer si l’autre tribunal devait exercer sa compétence62.

Les tribunaux du Québec appliquent deux démarches différentes pour établir la compétence d’un tribunal d’émission. Comme il est expliqué plus en détail ci-dessous, la démarche qui sera retenue dépend de l’existence ou non de dispositions particulières au type de procédure judiciaire en cause.

B. Comment une décision devient-elle « définitive »?

Une décision est définitive lorsque le tribunal qui a prononcé le jugement n’a plus le pouvoir de l’annuler63. Par exemple, dans Skaggs Companies Inc. c. Mega Technical Holdings Ltd., la Cour du banc de la Reine de l’Alberta statue qu’un jugement par défaut est un jugement définitif (final judgment) même si l’une des parties ne comparaît pas64. La Cour a dès lors estimé qu’arriver à une conclusion contraire permettrait à un défendeur ayant convenu d’être assujetti à la compétence d’un autre tribunal de se soustraire à ses obligations en ne comparaissant tout simplement pas dans l’instance.

Même si, d’un point de vue technique, l’appel d’un jugement ne remet pas en cause son caractère définitif65, il n’est généralement pas approprié d’entamer une procédure d’exécution avant l’expiration du délai d’appel du jugement dans le territoire étranger. D’ailleurs, les tribunaux canadiens ont exercé, dans plusieurs décisions, leur pouvoir discrétionnaire leur permettant de suspendre l’exécution d’un jugement étranger jusqu’à l’issue de l’appel de ce jugement. Par exemple, dans Global Connector Research Group Inc. (cob Fleck Research) v. Apex Equity Partners Inc., la Cour supérieure de l’Ontario a conclu qu’il était dans l’intérêt de la justice de « maintenir le statu quo » jusqu’à ce que la procédure d’appel d’une affaire californienne soit terminée66.

La Cour d’appel de l’Ontario dans Re Cavell Insurance Co insiste sur l’importance du principe du caractère définitif; dans sa décision, elle donne trois raisons pour lesquelles le jugement étranger doit être définitif :

[Traduction] Premièrement, le tribunal de destination connaît précisément ce qu’il accepte de reconnaître et d’exécuter […]. Deuxièmement, le caractère définitif élimine le risque d’une injustice dont pourrait être victime la partie visée par l’exécution d’une ordonnance étrangère si le jugement était modifié ultérieurement […]. Troisièmement, le caractère définitif élimine le risque de miner la confiance du public dans le cas où un tribunal de destination délivrerait une ordonnance de reconnaissance et autoriserait son exécution, et qu’ultérieurement l’ordonnance étrangère serait éliminée.67 

La jurisprudence régissant l’exécution d’injonctions provisoires et interlocutoires étrangères, dont il sera question plus en détail ci-dessous, soulève également un certain nombre de questions liées au principe du caractère définitif.

C. Qu’est-il nécessaire pour qu’une ordonnance soit considérée comme « suffisamment précise »?

La plus récente analyse de la Cour suprême quant au principe du caractère « précis » dans le cadre de l’exécution de jugements rendus dans d’autres pays a été faite dans l’arrêt Pro Swing Inc. c. Elta Golf Inc.68, où la majorité de la Cour suprême a refusé d’exécuter un jugement sur consentement et une ordonnance pour outrage au tribunal, soit deux jugements étrangers. Toutefois, dans sa décision, la Cour suprême a explicitement élargi la portée de la règle de common law classique quant aux types de jugement pouvant être exécutés au Canada.

Avant l’arrêt Pro Swing, sous réserve de certaines exceptions, les tribunaux canadiens auraient uniquement exécuté des jugements relatifs à une dette ou à une somme déterminée. Dans l’arrêt Pro Swing, la Cour suprême confirme qu’un jugement « relatif à une dette ou à une somme déterminée » peut être exécuté69. Mais elle ajoute que les jugements non pécuniaires sont également susceptibles d’exécution dans certains cas (bien qu’elle ait refusé d’exécuter le jugement non pécuniaire dans cette affaire Pro Swing).70 La Cour suprême précise que, généralement, les tribunaux canadiens devraient exécuter une ordonnance qui « [est] d’une nature telle que la courtoisie commande son exécution »71.

Liste non exhaustive des facteurs devant être analysés pour décider s’il y a lieu d’exécuter un jugement non pécuniaire

  • Le libellé de l’ordonnance est‑il suffisamment clair et précis pour que le défendeur sache ce qu’on attend de lui?
  • La portée de l’ordonnance est‑elle délimitée et le tribunal d’origine a‑t‑il le pouvoir de rendre d’autres ordonnances?
  • L’exécution du jugement est‑elle la solution la moins onéreuse pour le système de justice canadien?
  • Le justiciable canadien s’expose‑t‑il à une obligation imprévue?
  • Des tiers sont-ils touchés par l’ordonnance?
  • Les ressources judiciaires seront‑elles utilisées comme elles le seraient à l’égard de justiciables canadiens?72

L’analyse effectuée dans l’arrêt Pro Swing a été appliquée dans de nombreuses affaires subséquentes, entraînant l’exécution d’une variété de jugements non pécuniaires, dont des ordonnances d’injonction73, des ordonnances d’exécution en nature74, des ordonnances établissant une fiducie par interprétation75, des jugements déclaratoires76 et des ordonnances d’approbation de plans d’arrangement en matière d’insolvabilité77.

Quelle est l’incidence, sur l’exécution de jugements étrangers, de la législation sur l’exécution réciproque de jugements?

Comme il a été mentionné précédemment, certaines provinces ont adopté des lois qui visent à simplifier la procédure d’enregistrement et d’exécution des jugements étrangers. Chaque province a conclu des accords d’exécution avec différents territoires étrangers78. Chaque loi et chaque accord est unique, et fixe des règles de procédure ainsi que des règles de droit substantiel différentes. Toutefois, ces textes juridiques suppléent la common law sur l’exécution de jugements étrangers sans s’y substituer79.

Quels sont les recours dont disposent les parties opposées à l’exécution d’un jugement étranger au Canada?

Réponse sommaire

Même si un jugement étranger est définitif et que le tribunal d’origine était compétent pour le rendre, le débiteur en vertu du jugement peut alléguer que le jugement étranger ne devrait pas être exécuté pour des raisons a) d’ordre public; b) de fraude; ou c) d’entrave à la justice naturelle. De plus, selon la nature de la décision en cause, il est également possible pour le débiteur en vertu du jugement de contester l’exécution d’un jugement au motif que celui-ci est de nature pénale ou qu’il concerne une question de fiscalité ou de droit public, ou encore qu’il est incompatible avec un jugement antérieur rendu par un tribunal canadien.

A. Quand un tribunal canadien refuse-t-il d’exécuter un jugement étranger pour des motifs d’ordre public?

La Cour suprême a expliqué que le moyen de défense fondé sur l’ordre public empêche « l’exécution d’un jugement étranger contraire à la notion de justice canadienne80 ». En d’autres mots, il sert à « interdire l’exécution d’un jugement étranger fondé sur une loi contraire aux valeurs morales fondamentales du régime juridique canadien [et, de même, il] empêche l’exécution du jugement d’un tribunal étranger indubitablement corrompu ou partial81 ». À noter que le moyen de défense fondé sur l’ordre public n’a pu être soulevé avec succès en raison des faits de l’affaire Beals c. Saldanha, dans laquelle la Cour suprême a conclu que les défendeurs n’avaient pas démontré que le montant des dommages-intérêts accordés par le jury de la Floride, qui était largement supérieur aux dommages‑intérêts accordés par des tribunaux canadiens dans des circonstances similaires, était contraire aux préceptes de moralité canadiens82.

De même, dans l’affaire Oakwell Engineering Ltd c. EnerNorth Industries Inc., la Cour d’appel de l’Ontario a expliqué qu’aux fins du moyen de défense fondé sur l’ordre public, il faut faire la preuve d’une réelle corruption ou partialité83.

L’analyse présentée par la Cour dans l’affaire Society of Lloyd’s c. Saunders confirme que les considérations d’ordre public vont au-delà de la question de l’équité procédurale et s’ancrent même dans les valeurs fondamentales et les principes de justice naturelle84. Dans cette affaire, antérieure à l’arrêt Beals, le tribunal est allé jusqu’à déclarer que « [Traduction] la protection de nos marchés financiers [constitue] une valeur fondamentale »85. L’affaire Saunders reposait sur une requête introduite en vertu de la Loi sur l’exécution réciproque de jugements (Royaume-Uni) (Ontario) par Lloyd’s, la partie ayant obtenu gain de cause dans un litige d’assurance entendu par un tribunal du Royaume-Uni. Les défendeurs visés par la requête s’opposaient à l’exécution en invoquant notamment l’ordre public. Plus précisément, les défendeurs alléguaient que, compte tenu des faits, si le litige avait été entendu en Ontario, le demandeur aurait été reconnu coupable de violation de ses obligations ontariennes en matière de prospectus. Même si la Cour d’appel de l’Ontario a finalement rejeté les arguments des défendeurs fondés sur l’ordre public, elle a d’abord procédé à une analyse comparée des lois sur les valeurs mobilières en vigueur au Canada et au Royaume-Uni. La décision reconnaît que, dans certaines circonstances, exécuter un jugement prononcé au Royaume-Uni qui contrevient à la Loi sur les valeurs mobilières pourrait être considéré comme contraire à l’ordre public86. Néanmoins, la Cour s’est fondée sur le principe de la courtoisie internationale et sur des décisions antérieures rendues en Ontario sur la question, et a confirmé la décision du tribunal de première instance d’exécuter le jugement87.

De la même manière, au Québec, les tribunaux n’exécuteront pas les jugements étrangers considérés comme contraires à l’ordre public. Comme pour les juridictions de common law, l’analyse ne portera pas sur la décision elle-même ni sur son fondement juridique, mais plutôt sur la question de savoir si la décision rendue est manifestement contraire aux principes moraux, sociaux, politiques ou économiques sous-jacents au régime de droit international88, tels qu’ils figurent dans les instruments juridiques internationaux89.

B. Quand un tribunal canadien refuse-t-il d’exécuter un jugement étranger au motif que celui-ci a été obtenu par la fraude?

Les tribunaux canadiens partent du principe général que « les jugements obtenus frauduleusement à l’étranger ou au Canada ne seront pas exécutés »90. Dans l’arrêt Beals, la Cour suprême a établi deux types de fraudes qui permettent de contester une demande d’exécution : la fraude touchant la compétence et la fraude touchant le bien‑fondé d’un jugement.

La fraude touchant à la compétence d’un tribunal étranger « peut toujours être invoquée devant un tribunal national [c’est-à-dire canadien] pour attaquer la validité d’un jugement »91.

En revanche, « la fraude ne peut être invoquée pour contester le bien‑fondé d’un jugement étranger qu’en présence d’allégations nouvelles qui n’ont pas déjà été examinées et tranchées »92. La Cour suprême a déclaré que les « faits substantiels nouveaux » sont ceux « qu’un défendeur raisonnablement diligent n’aurait pas pu découvrir et signaler au tribunal étranger »93.

En fonction des faits rapportés dans l’arrêt Beals, la Cour suprême a estimé que la décision des défendeurs de ne pas contester l’action intentée contre eux en Floride faisait en sorte qu’ils ne pouvaient pas « faire valoir que la preuve soumise au juge et au jury de la Floride [était] entachée de fraude »94. En outre, les défendeurs n’ont pas allégué qu’il existait une preuve de fraude qu’ils n’auraient pas pu découvrir s’ils avaient contesté l’action intentée en Floride.

La Cour suprême de la Colombie-Britannique dans Garner Estate v. Garner a cité l’arrêt Beals en concluant que le défendeur aurait dû présenter ses allégations de fraude en première instance95. La Cour a refusé d’entendre les arguments du défendeur relativement aux prétendues pratiques frauduleuses d’un tribunal successoral de l’Oregon.

C. Quand un tribunal canadien refuse-t-il d’exécuter un jugement étranger au motif que celui-ci constitue une « entrave à la justice naturelle »?

Le moyen de défense fondé sur la justice naturelle doit porter uniquement sur la procédure qui a été appliquée dans le cadre du litige d’origine96. Pour pouvoir invoquer ce moyen de défense, « la partie qui conteste le jugement doit préalablement établir, selon la norme de preuve applicable en matière civile, que les procédures à l’étranger étaient contraires aux notions de justice fondamentale canadiennes »97. Par exemple : lorsqu’il n’a pas été donné au défendeur un avis suffisant de la procédure déposée contre lui98, lorsqu’il y a absence d’indépendance judiciaire dans les procédures étrangères99 et lorsque les intervenants dans les procédures judiciaires ne sont pas assujettis à des « règles de déontologie équitables »100. Il incombe à la partie qui s’oppose à l’exécution du jugement de prouver que le système de droit étranger est inéquitable.

Dans l’affaire JGB Collateral, les défendeurs visés par une demande d’exécution ont fait valoir qu’ils avaient été privés de justice naturelle au motif que les avocats qui avaient obtenu le jugement étranger étaient en situation de conflit d’intérêts, puisqu’ils avaient déjà travaillé pour les défendeurs en qualité de conseillers en planification successorale. La Cour supérieure de l’Ontario a rejeté cet argument, notant que les défendeurs auraient pu soulever ce moyen de défense dans le cadre de la procédure étrangère, mais ne l’ont pas fait. Il n’y a pas lieu de soulever dans la procédure d’exécution des moyens de défense qui auraient pu l’être, mais qui ne l’ont pas été dans la procédure étrangère. Entre autres raisons, il serait préférable qu’un tribunal américain, plutôt qu’un tribunal de l’Ontario, se prononce sur les normes d’éthique auxquelles doivent adhérer des avocats de New York. En outre, la Cour ne disposait d’aucune preuve d’expert concernant les normes d’éthique auxquelles les avocats new-yorkais devaient adhérer101.

D. Quels autres motifs peut-on invoquer pour contester l’exécution d’un jugement étranger?

Les tribunaux canadiens n’exécuteront pas des jugements étrangers de nature pénale, y compris des jugements étrangers ayant pour but de sanctionner la partie responsable102. Les jugements étrangers fondés sur des lois relatives à la fiscalité ou au revenu103 ainsi que les ordonnances fondées sur des questions de droit public104 ne seront généralement pas exécutés non plus. Il convient toutefois de noter que les tribunaux du Québec reconnaîtront les jugements rendus en matière fiscale par d’autres juridictions, où les lois fiscales applicables sont celles d’un État qui reconnaît et applique également les lois fiscales du Québec105.

Dans United States of America c. Ivey, chacun de ces trois moyens de défense a été reconnu, mais finalement rejeté en raison des faits de la cause106. Il s’agissait essentiellement d’un jugement rendu aux États-Unis contre le défendeur pour violations à une loi sur la protection de l’environnement. Les tribunaux ontariens ont statué que la loi en question établissait un mécanisme de compensation visant à corriger un préjudice environnemental et, conséquemment, ne constituait ni une loi pénale ni une série de règles fiscales cachées107. Bien que la loi américaine ait pour objectif l’ordre public, les principes de la courtoisie exigeaient que les jugements visant à corriger un préjudice environnemental soient exécutés au Canada108.

Un dernier moyen de défense contre l’exécution de jugements étrangers est celui fondé sur le jugement canadien incompatible. Si un jugement canadien contredit un jugement étranger, ce dernier ne sera pas exécuté. Dans la décision South Pacific Import Inc. c. Ho, un défendeur a soulevé avec succès ce moyen de défense dans le cadre d’une requête en exécution déposée par les frères du défendeur relativement à un litige portant sur l’entreprise familiale. Les frères ont introduit avec succès une action en justice, au nom de l’entreprise, contre le défendeur en Californie. Cependant, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a refusé l’enregistrement de ce jugement. Dans des affaires connexes entendues par des tribunaux de la Colombie-Britannique, le défendeur avait eu gain de cause devant la cour en se prévalant de moyens de défense que le tribunal californien avait refusé de considérer. Puisque des décisions incompatibles concernant le même litige lui étaient présentées, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique s’en est remise à la décision canadienne et a refusé d’exécuter le jugement américain109.

E. Traitement des intérêts accordés sur les jugements étrangers

Selon la jurisprudence canadienne, un jugement étranger sur lequel des intérêts sont accordés doit être traité comme faisant « [Traduction] partie intégrante de la créance constatée par jugement »110. Toutefois, en vertu de l’article 347 du Code criminel du Canada, quiconque perçoit des intérêts à un taux annuel effectif supérieur à 60 % commet une infraction criminelle, ce qui semble empêcher l’exécution d’un jugement comportant un taux d’intérêt annuel effectif supérieur à 60 %111.

Dans l’affaire Wei, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique s’est penchée sur une telle situation et sur la manière de concilier ces principes contradictoires. La Cour d’appel a estimé que les jugements étrangers devaient pouvoir bénéficier de la divisibilité fictive (notional severance) (réduction du taux d’intérêt prévu au jugement). Dans l’arrêt Transport c. New Solutions, la Cour suprême a indiqué que la divisibilité fictive de la clause relative au taux d’intérêt dans un contrat en vue de ramener celui-ci au taux maximal autorisé de 60 % ne revenait pas à réécrire les contrats des parties. La Cour d’appel a reconnu que les tribunaux nationaux ne pouvaient pas réécrire un jugement étranger, mais elle a adopté le raisonnement de l’arrêt Transport c. New Solutions et a estimé que la divisibilité fictive de la clause relative au taux d’intérêt n’équivalait pas à la réécriture d’un jugement112.

3. Exécution de sentences arbitrales étrangères

Au Canada, l’exécution de sentences arbitrales étrangères est régie par la Convention des Nations Unies pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères (New York, 1958) (la « Convention de New York ») et la Loi type de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial international (la « Loi type »). Le gouvernement fédéral a ratifié ces instruments en 1986113, et toutes les provinces de common law ont emboîté le pas par la suite114.

La majorité des provinces ont ratifié la Convention de New York et la Loi type dans une même loi. Toutefois, la Colombie-Britannique et la Saskatchewan ont adopté des lois distinctes afin de reconnaître chacun de ces instruments. À noter qu’avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi ontarienne intitulée Loi de 2017 sur l’arbitrage commercial international en mars 2017, l’Ontario avait seulement reconnu explicitement la Loi type, et était resté muet relativement à l’applicabilité de la Convention de New York. Ce silence créait de l’incertitude sur la question de savoir si l’Ontario se conformait aux modalités de la Convention de New York. L’adoption explicite de la Convention de New York dans la Loi de 2017 sur l’arbitrage commercial international dissipe toute incertitude à cet égard. Au Québec, l’exécution des sentences arbitrales étrangères en matière civile et commerciale est régie par le Code de procédure civile (le « C.p.c. »). Les règles du C.p.c. s’inspirent de la Convention de New York, et les tribunaux doivent tenir compte de la Convention de New York dans l’interprétation des dispositions pertinentes115.

L’article III de la Convention de New York et l’article 35 de la Loi type imposent la reconnaissance et l’exécution de sentences arbitrales prononcées dans des États signataires. L’article V de la Convention de New York et l’article 36 de la Loi type prévoient néanmoins des exceptions. Un tribunal peut refuser d’exécuter une sentence arbitrale étrangère si i) une partie est frappée d’une incapacité; ii) une partie a été dans l’impossibilité de faire valoir ses droits; iii) l’arbitre n’avait pas la compétence requise; iv) la constitution du tribunal arbitral ou la procédure d’arbitrage était irrégulière; v) la sentence a été annulée dans l’État d’origine; ou vi) l’exécution de la sentence serait contraire à l’ordre public de l’État de destination. Les causes de non-reconnaissance d’une sentence arbitrale, lesquelles sont énumérées à l’article 34 de la Loi type, sont pratiquement identiques aux motifs de refus d’exécution d’une sentence arbitrale prévus à l’article 35.

Dans l’affaire Consolidated Contractors Group S.A.L. (Offshore) v. Ambatovy Minerals S.A., la Cour d’appel de l’Ontario a souligné que les tribunaux ontariens ont très peu de pouvoirs pour faire obstacle aux sentences arbitrales rendues conformément à la Loi type116. Dans cette affaire, la Cour a refusé d’annuler une sentence arbitrale prononcée par un tribunal composé de trois arbitres dans le cadre d’un litige lié au secteur de la construction. La Cour a rejeté tous les arguments des appelants, lesquels étaient fondés sur la compétence, l’équité procédurale et l’ordre public. En rejetant l’appel, la Cour a souligné son hésitation à faire obstacle aux sentences arbitrales internationales :

[…] [Traduction] ce tribunal a souvent affirmé que les instances révisionnelles devraient accorder une grande déférence à l’égard des sentences prononcées par des tribunaux d’arbitrage internationaux conformément à la Loi type […].117 

4. Injonctions provisoires et interlocutoires

Les injonctions interlocutoires étrangères sont-elles exécutoires au Canada?

Réponse sommaire 

Le caractère exécutoire, au Canada, d’une injonction émise par un tribunal d’un autre pays est une question complexe en droit et qui demeure non réglée. La complexité provient de deux sources. Premièrement, jusqu’à tout récemment, les tribunaux canadiens avaient toujours refusé d’exécuter des ordonnances étrangères de nature non pécuniaire118, de sorte qu’il existe très peu de décisions en ce sens119. Deuxièmement, ces dernières sont contradictoires et ne comportent pas d’analyses détaillées sur la question de savoir si les injonctions interlocutoires émises dans d’autres pays ont force exécutoire au pays.

A. Principes fondamentaux : décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Pro Swing

Compte tenu de ces contradictions, il est logique de revoir cette affaire à la lumière des principes fondamentaux. Dans l’arrêt Pro Swing, la Cour suprême a agi de manière à dissoudre la règle de common law classique selon laquelle les jugements étrangers accordant une réparation en equity (equitable relief) ne sont pas exécutoires. La Cour suprême a déclaré que la loi devrait être assouplie pour permettre l’exécution d’un jugement étranger non pécuniaire à certaines conditions. Même si la Cour suprême n’a pas expressément mentionné les injonctions interlocutoires ou provisoires étrangères dans sa décision, une analyse des « principes fondamentaux » permettrait de conclure qu’une injonction interlocutoire étrangère est exécutoire si i) l’injonction émane d’un tribunal compétent; ii) la décision est valide et définitive; et iii) l’ordonnance est suffisamment précise120.

Une injonction interlocutoire émise par un tribunal étranger peut facilement satisfaire les critères i) et iii), du moins en principe. Le véritable point litigieux est de savoir si elle peut satisfaire le critère du caractère valide et définitif. Par définition, les ordonnances provisoires ou interlocutoires, ou les deux, ne mettent pas fin de façon « définitive » au litige entre des parties. Les injonctions interlocutoires ne rempliraient donc pas ce critère établi par l’arrêt Pro Swing, les rendant dès lors non exécutoires par les tribunaux canadiens. Les décisions suivantes confirment ce raisonnement.

Dans l’affaire Canadian Standards Association c. Solid Applied Technologies Ltd., par exemple, les tribunaux de l’Ontario ont refusé d’exécuter une injonction provisoire émanant d’un tribunal d’Israël contre l’Association canadienne de normalisation, au motif qu’il ne satisfaisait pas le critère du caractère définitif établi dans l’arrêt Pro Swing121. De même, les tribunaux du Nouveau-Brunswick ont ultimement refusé d’exécuter une injonction provisoire émanant de la Cour supérieure du Québec dans  Fédération des producteurs acéricoles du Québec v. S.K. Export Inc. and St-Pierre, rejetant l’argument selon lequel une ordonnance provisoire pourrait être considérée comme « définitive », pourvu qu’elle satisfasse les critères précisés dans l’arrêt Pro Swing122. Dans l’affaire 2060770 Ontario Inc. c. Worsoff, le tribunal a même déclaré que la « [Traduction] Cour ne reconnaîtra ni n’exécutera une ordonnance étrangère associée à un recours provisoire ou interlocutoire »123.

Cependant, trois décisions contradictoires rendues au Canada remettent en question cette approche, soit l’affaire Cavell124 de la Cour d’appel de l’Ontario, la décision Johnson & Johnson v. Butt125 de la Cour supérieure de l’Ontario et l’affaire Pelletier126 de la Cour d’appel de l’Alberta.

B. Décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt Cavell

Dans l’arrêt Cavell, qui précède de peu l’arrêt Pro Swing, la Cour d’appel de l’Ontario a soutenu qu’une ordonnance interlocutoire étrangère peut être exécutée, malgré le fait qu’il ne s’agisse pas d’une ordonnance définitive. Selon les faits de cette affaire, l’entreprise cherchait à faire approuver un plan d’arrangement en vertu de l’article 425 de la loi du Royaume-Uni intitulée Companies Act, 1985. La Cour a délivré une première ordonnance, exigeant de Cavell qu’elle organise une rencontre avec les créanciers et qu’elle envoie un préavis aux créanciers concernés, indiquant le lieu de la rencontre. Bien que la Cour ait reconnu que l’ordonnance délivrée au Royaume-Uni n’était pas définitive, elle a tenu compte des trois objectifs du critère du caractère « définitif », comme suit :

  1. Le tribunal d’exécution connaît précisément ce qu’il accepte de reconnaître et d’exécuter;
  2. Le caractère définitif élimine le risque d’une injustice dont pourrait être victime la partie visée par l’exécution d’une ordonnance étrangère si le jugement était modifié ultérieurement;
  3. Le caractère définitif élimine le risque de miner la confiance du public dans le cas où un tribunal de destination délivrerait une ordonnance de reconnaissance et autoriserait son exécution, et qu’ultérieurement l’ordonnance étrangère serait annulée127.

La Cour a ensuite déclaré que les objectifs de ce critère seraient atteints en reconnaissant l’ordonnance128. Elle a également déclaré que d’autres considérations de politique générale, comme l’ordre public, la courtoisie et l’équité, seraient mieux servies en reconnaissant l’ordonnance129.

Cette affaire laisse supposer que, dans certaines circonstances, les tribunaux canadiens sont susceptibles d’exécuter des ordonnances interlocutoires étrangères. À noter que cette décision n’a pas été explicitement infirmée par la Cour suprême dans l’arrêt Pro Swing130.

Un certain nombre de décisions rendues au Canada se sont appuyées sur l’approche utilisée dans l’arrêt Cavell et ont permis l’exécution d’ordonnances interlocutoires, y compris Re Grace Canada Inc.131 (antérieure à l’arrêt Pro Swing), Johnson & Johnson v. Butt132 (postérieure à l’arrêt Pro Swing) et l’affaire Pelletier (Re)133 (postérieure à l’arrêt Pro Swing). Toutefois, aucune de ces décisions ne comporte d’analyse approfondie sur les facteurs susceptibles de permettre l’exécution de ces ordonnances interlocutoires étrangères.

Même si la décision rendue dans l’arrêt Cavell et les autres décisions qui ont suivi ne portaient pas sur des demandes d’injonction en tant que telles, les principes établis régissant l’exécution d’ordonnances interlocutoires en général s’appliqueraient vraisemblablement à des injonctions étrangères (c’est-à-dire que l’exécution de jugements ou d’ordonnances pourrait être justifiée de façon similaire dans certaines circonstances).

C. Décision de la Cour supérieure de l’Ontario dans Johnson

Dans l’arrêt Johnson, les défendeurs demandaient un jugement déclaratoire selon lequel l’ordonnance provisoire de type Anton Piller émanant du de la cour de district des États-Unis pour le district de l’Est de New York était inexécutoire et sans effet. Le demandeur a déposé une requête incidente dans le but de faire exécuter l’ordonnance d’injonction provisoire134. Si la Cour avait accepté la requête incidente du demandeur, l’arrêt Johnson aurait clairement démontré la volonté du tribunal d’exécuter une injonction provisoire émise à l’étranger. La Cour a toutefois refusé de prononcer un jugement déclaratoire en faveur des défendeurs et a donc conclu qu’il n’était pas nécessaire de se prononcer sur la question de savoir s’il y avait lieu d’exécuter l’injonction provisoire. Le juge, dans l’arrêt Johnson, a néanmoins souligné que « [Traduction] s’il avait été nécessaire de trancher la question, j’aurais accordé le redressement recherché par le demandeur »135.

Certains ont repris cette déclaration à l’appui de la proposition selon laquelle les tribunaux canadiens exécuteraient les ordonnances d’injonction provisoire et interlocutoire prononcées par les tribunaux d’autres pays136. Or, l’examen de l’ensemble des décisions rendues au Canada sur cette question ne permet pas de tirer une conclusion définitive, notamment compte tenu de la décision Johnson qui ne traite pas de la question du caractère exécutoire d’une ordonnance interlocutoire et qui ne contient aucune analyse significative à cet égard.

À ce jour, une seule décision (Oesterlund v. Pursglove) a cherché à suivre la décision Johnson. Dans cette décision, la Cour supérieure de l’Ontario a exécuté une injonction Mareva émanant d’un tribunal de la Floride délivrée dans le cadre d’un litige familial complexe. La Cour a déclaré que la nature temporaire et ex parte de l’injonction n’empêchait pas l’exécution de celle-ci en Ontario137.

Selon les faits rapportés dans l’affaire Oesterlund, une épouse a déposé une requête visant à faire exécuter une injonction Mareva étrangère, parce qu’elle craignait que son époux transfère de l’Ontario, à l’étranger les nombreux biens lui appartenant et s’y trouvant. L’ordonnance provisoire émise en Floride avait été délivrée dans le cadre d’une procédure de divorce et autres mesures accessoires138. Un fait essentiel dont il a été tenu compte dans cette décision était que l’époux avait acquiescé à la compétence du tribunal de l’Ontario en y déposant ses procédures de divorce et de mesures accessoires, alors que l’épouse n’y avait pas consenti puisqu’elle a déposé une requête en exécution du jugement émis en Floride139. La Cour supérieure de l’Ontario a cité la décision Johnson pour faire valoir le principe selon lequel une ordonnance ex parte délivrée dans un autre pays est susceptible d’être exécutoire140. Elle a également cité l’arrêt Pro Swing et souligné l’affirmation de la Cour suprême selon laquelle la règle traditionnelle à l’effet de n’exécuter que les jugements étrangers de nature pécuniaire devait céder sa place à une démarche qui « [tient] compte de la souplesse qui imprègne l’equity », ajoutant que « la prévention du comportement abusif » [sous‑tend] « l’equity »141. La Cour s’est fondée sur les principes d’equity dans cette affaire, estimant qu’il était inconcevable de permettre à l’époux de déplacer ses biens hors de l’Ontario dans le but de faire échec aux réclamations de son épouse142.

Encore une fois, cependant, l’analyse de la Cour est peu détaillée et les faits sont particuliers à cette cause, de sorte que l’on peut difficilement tirer des conclusions définitives sur la question de savoir si les tribunaux canadiens sont bien disposés à exécuter des ordonnances d’injonction provisoire ou interlocutoire étrangères.

Au Québec, les tribunaux exigent également que les jugements étrangers visés par des requêtes en exécution soient définitifs. En règle générale, les injonctions provisoires ou interlocutoires ne sont pas susceptibles d’être reconnues et exécutées, contrairement aux injonctions permanentes, qui satisferaient au critère du caractère définitif143.

D. La décision de la Cour d’appel de l’Alberta dans l’arrêt Pelletier

Dans l’arrêt Pelletier, la Cour d’appel de l’Alberta a confirmé la décision d’un juge en cabinet qui avait accueilli deux demandes présentées par des syndics dans le cadre d’une procédure de faillite étrangère visant à reconnaître des ordonnances rendues par la Grande Cour des îles Caïmans, y compris une ordonnance de gel d’actifs de nature similaire à une injonction Mareva.

Les appelants ont fait valoir que l’ordonnance de gel d’actifs n’aurait pas dû être reconnue parce que la procédure de faillite était en cours, de sorte que l’ordonnance n’était pas conforme à l’arrêt Pro Swing, qui exige qu’une ordonnance étrangère constitue la décision définitive. La Cour d’appel a rejeté cet argument, estimant que le juge en cabinet avait agi dans le cadre du pouvoir que lui conférait la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (la « LFI ») et que la reconnaissance de l’ordonnance de gel d’actifs était conforme à l’arrêt Pro Swing144.

La Cour d’appel a estimé que le principe du caractère définitif n’était pas « tout blanc ou tout noir » et qu’il pouvait nécessiter une analyse complexe dans le contexte des injonctions. La Cour d’appel s’est appuyée sur les commentaires des juges dissidents dans l’arrêt Pro Swing, selon lesquels le principe du caractère définitif n’exige pas que l’ordonnance étrangère soit l’étape ultime de la procédure judiciaire, mais seulement qu’elle soit arrêtée et définie. La Cour d’appel a estimé que, bien que la procédure de faillite soit en cours, l’ordonnance de gel d’actifs, elle-même, était définitive dans les îles Caïmans avec une portée limitée et des conditions claires et précises. L’ordonnance de gel répondait donc aux exigences énoncées dans l’arrêt Pro Swing145.

Bien que l’arrêt Pelletier repose en partie sur l’exercice du pouvoir conféré par la LFI, d’autres aspects peuvent être plus largement applicables. Par exemple, une ordonnance de gel d’actifs limitée dans le temps pourrait, dans d’autres contextes, répondre à la définition du principe du caractère définitif énoncée par les juges dissidents dans l’arrêt Pro Swing, c’est-à-dire être « arrêtée et définie »146.

E. Développements futurs

Même si la question de l’exécution d’ordonnances provisoires et interlocutoires étrangères par les tribunaux canadiens n’est toujours pas réglée, la mondialisation des opérations commerciales laisse supposer que la question de l’exécution de ces ordonnances sera de plus en plus soulevée à l’avenir. Selon cette tendance, les décisions rendues récemment au Canada, y compris celles de la Cour suprême147, supposent l’application d’une approche plus « mondiale » aux questions de compétence et d’exécution (y compris une ouverture de la part des tribunaux à délivrer des injonctions dont la portée serait mondiale). Il va donc de soi que le critère lié au caractère « définitif » aux fins d’exécution puisse être éclipsé par des considérations de courtoisie lorsqu’il s’agit d’injonctions provisoires et interlocutoires.

Compte tenu de cette incertitude, toute partie étrangère qui souhaiterait faire exécuter une injonction existante par un tribunal canadien devrait déterminer s’il ne vaudrait pas mieux de simplement présenter une requête distincte en injonction devant le tribunal canadien compétent. Bien que cette façon de procéder exigerait de tenir une audience sur le fonds, elle éliminerait l’incertitude quant à l’exécution d’une décision étrangère.

5. Délais de prescription pour l’exécution d’ordonnances étrangères

Quel est le délai de prescription qui s’applique en ce qui concerne l’exécution d’ordonnances étrangères?

Réponse sommaire

Les délais de prescription en ce qui concerne l’exécution de jugements sont fixés dans les lois canadiennes applicables et sont calculés à compter de la date à laquelle tous les recours en appel sont épuisés, ou au moment où les délais pour interjeter appel sont expirés.

La Cour d’appel de l’Ontario, dans l’affaire Independence Plaza, a estimé que le délai de prescription de base de deux ans, applicable en droit civil était applicable à l’exécution d’ordonnances étrangères en Ontario148. Le délai de prescription commence à la date à laquelle tous les droits d’appel sont épuisés, car c’est à ce moment que les faits donnant ouverture à la demande sont réputés avoir été « découverts »149. Le délai de prescription de base varie selon la province et les lois applicables dans cette province.

Dans l’affaire Grayson Consulting, la Cour d’appel de l’Ontario a développé la position qu’elle avait prise dans l’affaire Independence Plaza. Le demandeur (Grayson Consulting) a obtenu en Caroline du Sud, en 2014, un jugement par défaut de plus de 450 millions de dollars américains contre le défendeur (Lloyd). Le demandeur a intenté une action en Ontario pour, entre autres, faire exécuter le jugement. Le défendeur s’y est opposé, invoquant que la demande était prescrite.

Le demandeur a fait valoir qu’il n’a découvert les faits donnant naissance à la réclamation que lorsqu’il a eu connaissance du fait que le défendeur avait des actifs en Ontario. La Cour d’appel a rejeté cet argument, estimant que l’action en exécution était prescrite en vertu de la Loi de 2002 sur la prescription des actions. Le demandeur avait l’obligation de faire preuve de diligence raisonnable dans sa recherche de possibilités d’exécution à l’encontre du défendeur. Lorsque le jugement de Caroline du Sud a été obtenu, le demandeur disposait de suffisamment de renseignements sur les liens entre le défendeur et l’Ontario pour l’amener à vérifier si le défendeur avait des actifs en Ontario dès que le jugement de Caroline du Sud a été rendu définitif150.

Le demandeur a également fait valoir que, comme d’autres parties à la procédure en Caroline du Sud avaient interjeté appel, le délai de prescription n’avait pas commencé à courir tant que toutes les procédures n’étaient pas définitives. La Cour d’appel a également rejeté cet argument. Ni le demandeur ni le défendeur n’ont cherché à obtenir réparation l’un contre l’autre par voie d’appel. Par conséquent, les appels en question n’ont eu aucune incidence sur le délai de prescription. Le délai de prescription a commencé à courir une fois que le jugement entre le créancier en vertu du jugement étranger et le débiteur en vertu du jugement étranger a été rendu définitif151.

Au Québec, la question suscite une certaine controverse, puisque le C.c.Q. ne précise pas le délai de prescription applicable à l’exécution des jugements étrangers. En 2004, la Cour d’appel du Québec a semblé déclarer que le délai de prescription applicable correspondait à celui fixé pour l’exécution du jugement à l’étranger152.

6. Obtention d’éléments de preuve au Canada

Qu’est-ce qu’une lettre rogatoire?

Réponse sommaire

La lettre rogatoire est un moyen par lequel un tribunal d’un territoire présente une demande d’aide à un tribunal d’un autre territoire, généralement en lien avec un litige en cours dans le territoire d’origine. Par exemple, une partie à un litige à New York pourrait vouloir contraindre à témoigner une personne qui habite à Toronto afin d’obtenir d’elle des éléments de preuve aux fins du litige. Pour y parvenir, cette partie demanderait au tribunal new-yorkais qu’il envoie au tribunal ontarien compétent une lettre rogatoire afin de solliciter son aide.

Au moyen de lettres rogatoires ou d’une « commission rogatoire », des parties à un litige en cours à l’étranger peuvent exiger d’une partie au Canada qu’elle fournisse des éléments de preuve dans le cadre de ce litige, ou peuvent autrement chercher à obtenir l’aide d’un tribunal canadien. Bien que les tribunaux ne puissent généralement pas exiger le témoignage ou des documents à des personnes situées à l’extérieur de leur juridiction sans leur consentement, les tribunaux canadiens donneront suite aux lettres rogatoires provenant de tribunaux étrangers visant à recueillir des éléments de preuve auprès de parties se trouvant dans la juridiction des tribunaux canadiens.

En règle générale, les lettres rogatoires sont émises par des tribunaux étrangers saisis d’une procédure judiciaire en cours et envoyées aux tribunaux canadiens compétents. À la condition que certains seuils soient respectés, les tribunaux canadiens donneront généralement suite à ces demandes par courtoisie, respect mutuel et en conformité avec le droit international153. Les tribunaux canadiens doivent cependant examiner attentivement les lettres rogatoires afin de s’assurer que l’aide ainsi fournie par le système judiciaire ne soit pas plus grande qu’elle ne le serait pour un justiciable national154.

Comment procède-t-on pour faire exécuter des lettres rogatoires?

Réponse sommaire

Pour qu’un tribunal canadien donne suite à une lettre rogatoire, le demandeur doit généralement présenter la lettre rogatoire au tribunal compétent dans la juridiction où sont situés les éléments de preuve et les témoins. En règle générale, le tribunal canadien qui reçoit une telle lettre exigera du demandeur qu’il démontre que la preuve voulue est pertinente et nécessaire et qu’elle ne peut être obtenue au moyen de recours dont elle peut se prévaloir dans son territoire d’origine. Si l’objet de la lettre rogatoire requiert un consentement, il n’y a pas lieu pour le tribunal canadien de délivrer une ordonnance formelle. Cependant, l’intéressé exigera souvent une « contrainte judiciaire » sous-jacente pour sa propre protection, même s’il ne s’oppose pas à l’ordonnance en soi.

La méthode la plus simple afin d’exécuter une citation à comparaître étrangère ou une autre ordonnance émanant d’un tribunal étranger, consiste à demander au témoin ou à l’entité au Canada de se conformer volontairement à la demande. S’il accepte, la question est réglée; toutefois, s’il refuse, on peut s’adresser au tribunal aux fins d’exécution de la lettre rogatoire. Le fardeau de la preuve incombe à la partie qui cherche à donner effet à la lettre rogatoire. Le témoin éventuel qui veut assurer sa protection au moyen d’une « contrainte légale » relativement à la divulgation de dossiers peut tout aussi bien consentir à l’ordonnance que s’y opposer.

De manière générale, quatre conditions doivent être satisfaites pour que les tribunaux canadiens exercent leur discrétion relativement à l’exécution des lettres rogatoires :

  1. Il doit être démontré qu’un tribunal étranger souhaite obtenir la preuve155 ou que l’obtention de la preuve a été dûment autorisée par commission, ordonnance ou un autre processus du tribunal étranger156;
  2. Le témoin auprès de qui on veut obtenir une preuve doit se trouver dans le ressort de la juridiction du tribunal à qui il est demandé de rendre l’ordonnance;
  3. La preuve demandée doit avoir un lien avec une affaire civile, commerciale ou pénale qui est en cours devant le tribunal étranger157 ou avec l’action en justice, la poursuite ou l’instance qui est en cours devant le tribunal étranger158;
  4. Le tribunal étranger doit avoir la compétence requise à l’égard du litige159.

Une fois ces conditions satisfaites, la partie cherchant à donner effet à une lettre rogatoire doit généralement convaincre le tribunal canadien de l’applicabilité des six critères suivants, souvent cités :

  1. La preuve demandée est pertinente;
  2. La preuve demandée est nécessaire;
  3. La preuve ne peut pas être obtenue autrement;
  4. L’ordonnance sollicitée n’est pas contraire à l’ordre public;
  5. Les documents demandés sont décrits avec une précision raisonnable;
  6. L’ordonnance demandée n’est pas indûment contraignante, compte tenu de ce que l’on s’attendrait du témoin si le procès avait lieu au Canada160.

Même si certains tribunaux qualifient ces six critères de « conditions préalables », la jurisprudence récente en Ontario suggère plutôt qu’il s’agit seulement d’« indicateurs clés » (à l’exception du critère d, qui lui est obligatoire).161 Il y a nécessairement un certain chevauchement entre les six critères. Par exemple, les lettres rogatoires dans lesquelles on demande des documents non pertinents ne satisfont pas non plus au critère suivant lequel la preuve demandée doit être nécessaire.

A. La preuve demandée est pertinente

La preuve doit être « vraisemblablement pertinente » au litige étranger162. De plus, il n’est pas obligatoire que la preuve recueillie soit utilisée au procès; l’exécution d’une lettre rogatoire peut également s’effectuer dans le contexte d’un interrogatoire préalable163.

Dans l’affaire Actava TV, la Cour d’appel a infirmé la décision du juge saisi de la demande et a refusé d’exécuter la lettre rogatoire. Dans le cadre d’une action intentée aux États-Unis, le défendeur a obtenu une lettre rogatoire visant la communication d’informations financières confidentielles et exclusives d’un tiers afin d’aider son expert à établir le montant des dommages-intérêts à l’aide de données sectorielles comparatives. Outre les préoccupations relatives à l’ordre public et à la souveraineté (abordées ci-dessous), la Cour d’appel a estimé que le juge saisi de la demande avait commis une erreur dans son analyse de la pertinence.

Tous les documents exposant la relation entre le demandeur et le défendeur étaient déjà en possession du demandeur. En outre, les documents demandés concernant les informations financières du défendeur avaient une portée extraordinairement vaste. Ensuite, la pertinence de la preuve demandée était entièrement spéculative : le demandeur ne savait pas ce que les preuves financières du défendeur révéleraient réellement. Enfin, les dommages subis par le demandeur n’étaient pas liés aux résultats financiers du défendeur. La production était demandée uniquement pour aider l’expert en dommages-intérêts du demandeur à faire ses calculs. Bien que la Cour d’appel les ait formulées autour de la question de la pertinence, ces critiques pourraient également s’appliquer à la question de savoir si la preuve était nécessaire ou non, ou si les documents demandés étaient décrits avec une précision raisonnable ou non164.

B. La preuve demandée est nécessaire

Si une preuve est considérée comme pertinente, elle est généralement également considérée comme « nécessaire », sous réserve de certaines exceptions165. Même si les tribunaux considèrent que la preuve est « nécessaire » lorsqu’elle est obtenue dans le cadre d’un interrogatoire au préalable, et non aux fins de son utilisation durant le procès, le fardeau de la preuve du demandeur est néanmoins plus lourd dans ce contexte.

C. La preuve ne peut pas être obtenue autrement

Même si les tribunaux canadiens n’exigent pas qu’il soit établi qu’aucune autre preuve ne peut être obtenue sur la question, ils exigent généralement que le demandeur démontre qu’il n’est pas en mesure d’obtenir une preuve équivalente à celle demandée dans les lettres rogatoires par d’autres moyens166.

Dans la décision N2 Packaging Systems, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a refusé d’exécuter des lettres rogatoires émanant d’un tribunal de l’Arizona, estimant que le demandeur ne s’était pas acquitté de la charge qui lui incombait de prouver qu’il n’était pas possible d’obtenir les renseignements et les dossiers par d’autres moyens. Le demandeur alléguait que les défenderesses, soit des personnes physiques, dirigeants de Nitrotin, refusaient de produire des documents et ne se présentaient pas à leurs interrogatoires dans le cadre de la procédure en Arizona. Nitrotin, partie à la procédure en Arizona et défenderesse dans le cadre de la demande de lettres rogatoires, a fourni la preuve que le demandeur avait en fait ajourné les dépositions et qu’il n’y avait aucune preuve que les défenderesses ne se conformeraient pas à la demande dans le cadre de la procédure en Arizona. En conséquence, le tribunal a refusé d’exécuter les lettres rogatoires167.

D. L’ordonnance sollicitée n’est pas contraire à l’ordre public

Il s’agit du seul critère devant obligatoirement être satisfait pour donner suite à une lettre rogatoire.

Dans l’affaire Glegg, la Cour d’appel de l’Ontario a confirmé la décision du juge saisi de la demande, qui avait refusé d’exécuter la lettre rogatoire. L’affaire concernait un litige très conflictuel en matière de garde parentale et de droit de visite devant des tribunaux de l’Ontario et de la Floride. Le père a déposé une réclamation pour dommages liés à l’aliénation parentale contre la mère et son nouveau mari en Floride. Le père a introduit une demande d’exécution de lettres rogatoires obtenues dans le cadre de la procédure en Floride afin d’obtenir la production de documents auprès des anciens avocats de la mère et des avocats qui avaient représenté la fille des parties, en vue de leur utilisation dans le cadre de l’action en Floride.

Les lettres rogatoires visaient à obtenir des renseignements et des documents en apparence privilégiés en possession des anciens avocats de la femme et de la fille, relatifs au travail qu’ils avaient effectué dans le cadre du litige en Ontario et à l’égard desquels les clients n’avaient pas renoncé au secret professionnel. L’exécution des lettres rogatoires porterait atteinte au secret professionnel et serait contraire à l’ordre public168.

En outre, la Cour d’appel a noté que l’appelant avait l’intention d’utiliser les lettres rogatoires pour obtenir des preuves afin d’attaquer la validité de la décision rendue par les tribunaux de l’Ontario à l’égard de la procédure en Floride. L’utilisation de lettres rogatoires pour obtenir des preuves dans le but d’attaquer les ordonnances rendues par les tribunaux de l’Ontario constituait une atteinte potentielle à la souveraineté canadienne169.

Dans l’affaire Actava TV (évoquée ci-dessus), la Cour d’appel a estimé que l’intrusion dans les renseignements confidentiels et exclusifs en lien avec les résultats financiers et l’évaluation d’un tiers était clairement inacceptable et contraire à l’ordre public170.

La Cour d’appel a également soutenu que le juge saisi de la demande n’avait pas suffisamment tenu compte de la souveraineté canadienne. La courtoisie exige que le tribunal procède à une analyse qui tienne compte de l’incidence de l’ordonnance proposée sur la souveraineté canadienne. La souveraineté canadienne englobe les questions suivantes :

[Traduction] la question de savoir si la [lettre rogatoire] confère une autorité extraterritoriale à des lois étrangères qui violent les lois canadiennes ou provinciales; la question de savoir si le fait d’accéder à la demande porterait atteinte à des principes moraux ou juridiques canadiens reconnus; la question de savoir si l’ordonnance imposerait un fardeau indu à la personne auprès de qui la preuve est demandée; et la question de savoir si l’ordonnance causerait un préjudice à cette personne171.

Le fait que le juge des requêtes n’ait pas examiné l’incidence de la demande sur la souveraineté canadienne constitue une erreur susceptible de révision172.

E. Les documents demandés sont décrits avec une précision raisonnable

Les tribunaux ont le pouvoir de limiter une demande de documents contenue dans une lettre rogatoire aux documents pertinents seulement173

F. L’ordonnance demandée n’est pas indûment contraignante, compte tenu de ce que l’on s’attendrait du témoin si le procès avait lieu au Canada

Les tribunaux évalueront si le fait de donner suite à la demande placera les parties dans une situation difficile ou inéquitable174

Demandes de la cour fédérale du Canada

Il convient de noter que la Cour fédérale du Canada n’a pas le pouvoir de donner effet à des lettres rogatoires étrangères, et les parties s’appuient souvent sur l’article 46 de la Loi sur la preuve au Canada et sur l’article pertinent de la loi provinciale.

Demandes au Québec

Au Québec, l’exécution de demandes présentées au moyen de lettres rogatoires suit les mêmes règles que celles des autres provinces et territoires, sous réserve des articles 504 à 506 du C.p.c.

Pour une analyse plus approfondie des questions que soulève la collecte d’éléments de preuve au Canada aux fins d’un litige aux États-Unis, veuillez vous reporter au guide préparé par Christopher Naudie et al., « Obtaining Evidence in Canada For Use in U.S. Litigation » [PDF] (le document mentionné sur cette page est disponible en anglais seulement).

7. Considérations juridiques et procédurales particulières au Québec

En matière de droit substantif, le système de droit civil du Québec repose sur un seul texte législatif exhaustif et non sur la jurisprudence. Le système québécois diffère du système de la common law en vigueur dans les autres provinces canadiennes. Les exigences établies par les tribunaux de common law ne s’appliquent pas. Ce sont plutôt les conditions de fond énoncées dans le C.c.Q. qui s’appliquent pour la reconnaissance et l’exécution des jugements étrangers. Les exigences procédurales, quant à elles, sont prévues dans le C.p.c.

Procédure pour faire exécuter au Québec des jugements rendus hors Québec

La demande de reconnaissance et d’exécution d’une décision étrangère est introduite par voie de demande introductive d’instance devant le tribunal compétent du Québec, principalement la Cour supérieure du Québec ou la Cour du Québec175. Par exemple, la Cour du Québec a compétence exclusive pour entendre les demandes dont la valeur de l’objet du litige ou la somme réclamée est inférieure à 85 000 $176. Le demandeur peut être tenu, à la demande du défendeur, de fournir une sûreté relative aux frais de justice associés à l’instance judiciaire177.

Le demandeur doit joindre une copie de la décision, de même qu’un certificat émis par un fonctionnaire compétent de la juridiction d’origine attestant que la décision est définitive et exécutoire, et n’est plus susceptible d’appel dans la juridiction d’origine178. Un certificat peut ne pas être exigé, notamment dans les cas où l’authenticité, le caractère définitif ou la force exécutoire du jugement ne sont pas contestés179, ou si l’autorité émettrice n’a pas fourni le certificat exigé180

Si le jugement initial a été rendu par défaut, le demandeur doit joindre des documents certifiés attestant que la partie adverse a été avisée de façon appropriée, comme un procès-verbal de signification, de la procédure sous-jacente181.

Il est important de souligner que si les documents requis sont rédigés dans une langue autre que le français ou l’anglais, le demandeur doit joindre une traduction certifiée au Québec182.

Conditions de fond pour établir la force exécutoire

Les tribunaux du Québec reconnaîtront et exécuteront les décisions rendues hors Québec, sauf si :

  1. Le tribunal d’origine n’était pas compétent;
  2. Le jugement n’était pas définitif ou exécutoire;
  3. Le jugement est contraire aux principes fondamentaux de la procédure;
  4. Une décision a déjà été rendue ou une affaire est pendante entre les mêmes parties, fondée sur les mêmes faits et portant sur le même objet;
  5. Le jugement est manifestement incompatible avec l’ordre public;
  6. Le jugement sanctionne des obligations découlant des lois fiscales d’un État étranger183.

A. Le tribunal d’origine n’était pas compétent

Le jugement doit avoir été rendu par un tribunal ayant la compétence requise pour traiter le litige. Les tribunaux du Québec appliquent deux démarches différentes pour établir la compétence d’un tribunal d’origine. La démarche retenue dépend de l’existence ou non de dispositions particulières au type de procédure judiciaire en cause. S’il existe une disposition particulière, par exemple en matière de divorce, le tribunal du Québec se reportera à cette disposition184.

À noter qu’une disposition particulière s’applique aux actions personnelles à caractère patrimonial (qui comprennent la plupart des réclamations en dommages-intérêts)185. Un tribunal du Québec reconnaîtra la compétence d’un tribunal d’origine dans de nombreux cas, notamment si le défendeur était domicilié dans l’État où la décision a été rendue, ou si son entreprise y avait un établissement commercial et que le différend concerne les activités de celle-ci dans cet État. La compétence du tribunal d’origine sera aussi reconnue si le litige concerne des obligations découlant d’un contrat qui devaient être exécutées dans l’État où la décision a été rendue. En revanche, un tribunal du Québec ne reconnaîtra pas la compétence du tribunal d’origine si une compétence exclusive a été accordée à un autre tribunal, notamment aux termes d’une clause attributive de compétence186.

En l’absence de dispositions particulières, les tribunaux du Québec appliquent la même démarche analytique pour établir la compétence d’un autre tribunal que celle qu’ils utilisent pour déterminer leur propre compétence à l’égard d’un litige étranger187. Cette démarche est connue sous le nom de « principe du miroir ». Si, conformément à ces règles, la compétence du tribunal étranger à l’égard du litige est établie à la face même des documents, le tribunal du Québec reconnaîtra la compétence de ce tribunal, pourvu que le litige « se rattache d’une façon importante » à l’État qui a rendu le jugement188. Différents critères sont susceptibles d’être pris en considération pour évaluer si le litige se rattache d’une façon importante à l’État qui a rendu le jugement, y compris, la nationalité ou le lieu de résidence des parties ou encore le territoire où les faits rapportés ont eu lieu189

B. Le jugement n’est pas définitif ou exécutoire

Le jugement en question doit ne pas être susceptible d’un recours ordinaire, comme un appel. Il doit être définitif ou exécutoire. Un jugement qui est de nature interlocutoire ou qui est susceptible d’être révisé ou de faire l’objet d’un appel dans l’État d’origine ne sera pas reconnu, et ce, même si la décision autrement susceptible de faire l’objet d’un appel est déjà exécutoire dans cette juridiction190. Il convient de noter qu’au Québec, l’exécution d’un jugement étranger doit être demandée dans le délai d’exécution prescrit dans la juridiction d’origine191.

C. Le jugement est contraire aux principes fondamentaux de la procédure

Pour que les principes fondamentaux de la procédure soient respectés, le défendeur doit avoir assisté au procès et doit avoir eu la possibilité de présenter une défense192. Toute décision rendue avant que le défendeur ait eu l’occasion d’être entendu ne sera pas reconnue.

D. Une décision a déjà été rendue ou l’affaire est pendante

Un tribunal du Québec ne reconnaîtra pas la décision d’un autre tribunal si le litige en cause concerne les mêmes parties, est fondé sur les mêmes faits et porte sur le même objet qu’une décision qui a déjà été rendue au Québec. Cela vaut, peu importe si la décision rendue au Québec est définitive ou non193.

De plus, un tribunal du Québec ne reconnaîtra pas non plus la décision d’un autre tribunal si elle concerne les mêmes parties, les mêmes faits et le même objet i) qu’un jugement qui a déjà été rendu par un tribunal dans un État tiers, lequel jugement satisfait aussi bien les critères établis pour sa reconnaissance que pour son exécution; ou ii) qu’une affaire pendante devant un tribunal du Québec.

E. Le jugement est manifestement incompatible avec l’ordre public

Pour établir si un jugement rendu dans un autre tribunal est incompatible avec l’ordre public, l’analyse du tribunal du Québec ne portera pas sur le jugement lui-même ni sur son fondement juridique. Elle cherchera plutôt à déterminer si la décision rendue est manifestement contraire aux principes moraux, sociaux, politiques ou économiques sous-jacents au régime de droit international194, dégagés dans les instruments juridiques internationaux, tels que la Charte des Nations Unies ou la Déclaration universelle des droits de l’homme195.

F. La décision sanctionne des obligations découlant des lois fiscales d’un territoire autre que le Québec

Les tribunaux du Québec reconnaîtront uniquement les jugements de nature fiscale émanant d’autres territoires où les lois fiscales applicables sont celles d’un État qui reconnaît et exécute également les lois fiscales du Québec196.

Annexe

Liste des Autorités centrales désignées par le Canada aux termes de la Convention de La Haye197

RessortAutoritéLieu
FédéralAffaires mondiales Canada, Direction du droit criminel, du droit de la sécurité et du droit diplomatiqueOttawa
AlbertaMinistry of Justice and Solicitor General
Justice Services Division
Edmonton
Colombie-BritanniqueMinistry of Justice
Order in Council Administration Office
Victoria
ManitobaDepartment of Justice
Directeur des services légaux civils
Winnipeg
Nouveau-BrunswickProcureur général
Directeur des services légaux
Fredericton
Terre-Neuve-et-LabradorMinistère de la JusticeSt. John’s
Territoires du Nord-OuestMinistère de la JusticeYellowknife
Nouvelle-ÉcosseAttorney General
Legal Services Division
Halifax
NunavutClerk of the Nunavut Court of Justice 
Court Services Division
Ministère de la Justice
Iqaluit
OntarioMinistère du Procureur généralHaileybury
Île-du-Prince-ÉdouardAttorney General
Office of the Deputy Minister
Charlottetown
QuébecDirection des services professionnels
Entraide internationale
Ministère de la Justice
Québec City
SaskatchewanMinistry of Justice
Court Services Division
Regina
YukonCourt Services DivisionWhitehorse

B. Liste des États signataires de la Convention de La Haye198

États signatairesDate d’entrée en vigueur
Albanie1er juillet 2007
Andorre1er décembre 2017
Antigua-et-Barbuda1er novembre 1981
Argentine1er décembre 2001
Arménie1er février 2013
Australie1er novembre 2010
Bahamas1er février 1998
Barbade1er octobre 1969
Bélarus1er février 1998
Belgique18 janvier 1971
Bélize1er mai 2010
Bosnie-Herzégovine1er février 2009
Botswana1er avril 1969
Bulgarie1er août 2000
Canada1er mai 1989
Chine1er janvier 1992
Colombie1er novembre 2013
Costa Rica1er octobre 2016
Croatie1er novembre 2006
Chypre1er juin 1983
République tchèque1er janvier 1993
Danemark1er octobre 1969
Égypte10 février 1969
Estonie1er octobre 1996
Finlande10 novembre 1969
Ex-République yougoslave de Macédoine1er septembre 2009
France1er septembre 1972
Allemagne26 juin 1979
Grèce18 septembre 1983
Hongrie1er avril 2005
Islande1er juillet 2009
Inde1er août 2007
Irlande4 juin 1994
Israël13 octobre 1972
Italie24 janvier 1982
Japon27 juillet 1970
Kazakhstan1er juin 2016
République de Corée1er août 2000
Koweït1er décembre 2002
Lettonie1er novembre 1995
Lituanie1er juin 2001
Luxembourg7 septembre 1975
Malawi1er décembre 1972
Malte1er octobre 2011
Mexique1er juin 2000
Monaco1er novembre 2007
Monténégro1er septembre 2012
Maroc1er novembre 2011
Pays-Bas2 janvier 1976
Norvège1er octobre 1969
Pakistan1er août 1989
Pologne1er septembre 1996
Portugal25 février 1974
République de Moldova1er février 2013
Roumanie1er avril 2004
Fédération de Russie1er décembre 2001
Saint-Vincent-et-les-Grenadines27 octobre 1979
Saint-Marin1er novembre 2002
Serbie1er février 2011
Seychelles1er juillet 1981
Slovaquie1er janvier 1993
Slovénie1er juin 2001
Espagne3 août 1987
Sri Lanka1er juin 2001
Suède1er octobre 1969
Suisse1er janvier 1995
Tunisie1er février 2018
Turquie28 avril 1972
Ukraine1er décembre 2001
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du
Nord
10 février 1969
États-Unis10 février 1969
Vénézuéla1er juillet 1994
Vietnam1er octobre 2016

1. Il importe, lorsqu’une partie hors Canada fait appel au système judiciaire de la province de Québec dans le cadre d’un litige, de tenir compte des caractéristiques juridictionnelles particulières au système de droit civil en vigueur dans cette province (abordées aux présentes).

2. Veuillez noter que le présent guide n’est pas réputé remplacer les conseils juridiques que pourrait vous donner un avocat compte tenu de votre situation particulière, et on ne devrait pas s’y fier en tant que tels.

3. 15 novembre 1965, 658 RTNU 163 (entrée en vigueur le 10 février 1969) [Convention de La&npspHaye]

4. Voir l’annexe pour une liste complète des États signataires.

5. Ibid., art. 2-5.

6. La Conférence de La Haye de droit international privé, Manuel pratique sur le fonctionnement de la Convention de La Haye, 4e éd. (The Netherlands: HCCH Publications, 2016) à 43 [Le Manuel].

7. Convention de La Haye, supra, note 2, paragr. 5(3).

8. Ibid., paragr. 3(1); voir aussi Le Manuel, supra, note 5, à 47-51.

9. La Conférence de La Haye de droit international privé, « Autorités centrales », en ligne : < 15b5f973-5121-49f0-8a73-9b44d02c7dc5.pdf (hcch.net)> (la liste des Autorités centrales désignées par le Canada aux termes de la Convention de La Haye est reproduite à l’annexe A) [Autorités centrales canadiennes].

10. Le Manuel, supra, note 6, à 53.

11. Autorités centrales canadiennes, supra, note 9, à 1.

12. Convention de La Haye, supra, note 3, paragr. 10 c).

13. Pitman v. Mol, 2014 ONSC 2551, paragr. 57-59.

14. Convention de La Haye, supra, note 3, art. 8, 11; le Canada a conclu 20 accords bilatéraux relatifs à la signification en matière civile et commerciale avec d’autres États. Voir, par exemple, Échange de notes entre le Canada et la République fédérale d’Allemagne constituant un accord mettant en œuvre la Convention entre Sa Majesté et le Président du Reich allemand relative aux actes de procédure en matières civiles et commerciales (20 mars 1928), 30 octobre 1953, 1953/17 (entrée en vigueur le 1er novembre 1953); Échange de notes concernant l’extension au Canada à compter du 1er avril 1939 de la Convention entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord et la Hongrie concernant les actes de procédure en matière civile et commerciale signée le 25 septembre 1935, 1er et 23 mars 1939, 1936/6 (entrée en vigueur le 1er avril 1939); Échange de notes concernant l’extension au Canada à compter du 1er février 1939 de la Convention entre le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et le Royaume de Yougoslavie relative aux actes de procédure en matière civile et commerciale signée à Londres le 27 février 1936, 1er et 27 décembre 1938, 1939/4 (entrée en vigueur le 1er février 1939); Échange de notes concernant l’extension au Canada à compter du 1er juillet 1938 de la Convention entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord et la Grèce concernant les actes de procédure en matière civile et commerciale, 1er et 4 juin 1938, 1938/11 (entrée en vigueur le 1er juillet 1938). Pour une liste complète, voir Affaires mondiales Canada : Direction du droit des traités (coopération judiciaire en matière civile et commerciale) en ligne à l’adresse : <http://www.treaty-accord.gc.ca/index.aspx?Lang=fra>.

15. Convention de La Haye, supra, note 3, paragr. 10 a).

16. Voir « Conférence de La Haye de droit international privé : Canada — Autorité centrale & informations pratiques », en ligne à l’adresse : <https://www.hcch.net/fr/states/authorities/details3/?aid=248>.

17. LLS America LLC (Trustee of) v. Grande, 2013 BCSC 1745, dont il est traité dans Le Manuel, supra, note 6, à 86.

18. Le Manuel, supra, note 6, à 79-81.

19. Edwin G Upenieks et Robert J van Kessel, Enforcing Judgments and Orders, 2e éd. (Toronto : LexisNexis Canada, 2016) à 111-137.

20. [1990] 3 R.C.S. 1077 [arrêt Morguard].

21. L.R.O. 1990, chap. R.6 (Loi sur l’exécution réciproque de jugements [Royaume-Uni]).

22. Par exemple, en Ontario, les Règles de procédure civile, R.R.O. 1990, Règl. 194.

23. Lonking (China) Machinery Sales Co. Ltd. v. Zhao, 2019 BCSC 1110, paragr. 119–121 et 129–131.

24. Liu v. Luo, 2018 BCSC 1237, paragr. 30 et 35.

25. H.M.B. Holdings Limited v. Antigua and Barbuda, 2022 ONCA 630, paragr. 24 et 40-41.

26. Par exemple, la Colombie-Britannique a conclu des accords de réciprocité avec l’État de Washington, l’Alaska, la Californie, l’Oregon, le Colorado et l’Idaho, soit la loi intitulée Court Order Enforcement Act, RSBC 1996, c. 78 [Court Order Enforcement Act de la C.-B.]; l’Alberta a conclu des accords de réciprocité avec l’État de Washington, l’Idaho et le Montana, soit la Reciprocal Enforcement of Judgments Act, RSA 2000, c. R-6 [Reciprocal Enforcement of Judgments Act de l’Alberta]; le Manitoba a conclu des accords de réciprocité avec l’Idaho et l’État de Washington, soit la Loi sur l’exécution réciproque des jugements, C.P.L.M. c. J20 [Loi sur l’exécution réciproque des jugements du Manitoba]; l’Île-du-Prince-Édouard a conclu des accords de réciprocité avec l’État de Washington, soit la loi intitulée Reciprocal Enforcement of Judgments Act, RSPEI 1988, c. R-6 [Reciprocal Enforcement of Judgments Act de l’Î-P-É].

27. Voir la loi de la Saskatchewan intitulée The Foreign Judgments Act, RSS 1978, c. F-18; la loi du Nouveau-Brunswick intitulée Loi sur les jugements étrangers, LRN-B 1973, c. 162.

28. Loi sur l’exécution réciproque de jugements, LRO 1990, c. R.5, paragr. 3b).

29. H.M.B. Holdings Ltd. c. Antigua-et-Barbuda, 2021 CSC 44, paragr. 26, 44–49.

30. Reciprocal Enforcement of Judgments Act de l’Alberta, supra, note 22, art. 2; Court Order Enforcement Act de la C.-B., supra, note 22, paragr. 29(2); Reciprocal Enforcement of Judgments Act de l’Î-P-É, supra, note 22, paragr. 2(2); voir aussi la Loi sur l’exécution réciproque de jugements, L.R.O. 1990, c. R.5, paragr. 2(2).

31. Signée le 24 avril 1984, 1987/29 (entrée en vigueur le 1er janvier 1987); voir également la Convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, 29 novembre 1969 (dans sa version modifiée par protocole daté du 27 novembre 1992), 973 RTNU 3 (entrée en vigueur le 19 juin 1975); la Convention internationale sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, 19 novembre 1976, 1456 RTNU 221 (entrée en vigueur le 1er décembre 1986).

32. Loi sur la Convention Canada–Royaume-Uni relative aux jugements en matière civile et commerciale, L.R.C. (1985), c. C-30.

33. Voir p. ex., la Loi sur l’exécution réciproque de jugements (Royaume-Uni), supra, note 20. Une loi similaire a été adoptée par toutes les provinces canadiennes, sauf le Québec.

34. Conformément à la Loi sur l’exécution réciproque de jugements (Royaume-Uni), lorsqu’un jugement a été rendu par un tribunal d’un État signataire, la partie gagnante peut demander, conformément aux dispositions de l’article VI, l’enregistrement de ce jugement à un tribunal de l’autre État signataire à tout moment dans les six ans de la date du jugement (ou, s’il y a eu appel, dans les six ans de la date du dernier jugement rendu dans cette affaire). Le tribunal d’enregistrement ordonne, sous réserve des procédures simples et rapides qui peuvent être prescrites par chaque État signataire et sous réserve des autres dispositions de la Convention, que le jugement soit enregistré : Ibid., art. 3, paragr. 1.

35. Ibid., art. 3, paragr. 4.

36. Stephen G A Pitel & Nicholas S Raferty, Conflict of Laws, 2e éd. (Toronto : Irwin Law Inc, 2016) à 201 [Pitel & Rafferty]; arrêt Morguard, supra, note 19, paragr. 56.

37. Owen v. Rocketinfo, Inc., 2008 BCCA 502.

38. Beals c. Saldanha, 2003 CSC 72, paragr. 39-40 [arrêt Beals].

39. 2008 BCSC 1351, paragr. 73-93.

40. 2011 ONSC 4276, paragr. 30, 34.

41. Arrêt Morguard, supra, note 19, paragr. 43.

42. 2015 CSC 42, paragr. 82-85 [arrêt Chevron].

43. Van Damme v. Gelber, 2013 ONCA 388 (autorisation de pourvoi refusée), paragr. 3.

44. First National Bank of Houston v. Houston E & C Inc., [1990] 5 WWR 719 (C.A. C.-B.), paragr. 11-12.

45. Wolfe v. Wyeth, 2011 ONCA 347, paragr. 43-44; voir également Litecubes LLC v. Northern Light Products Inc, 2009 BCSC 181, paragr. 41-44 (la Cour semble disposée à reconnaître qu’une partie peut simultanément présenter des arguments relatifs à la compétence d’un tribunal étranger et présenter des observations sur le bien-fondé du recours étranger, sans qu’un tribunal national déclare que la partie a acquiescé à la compétence du tribunal étranger).

46. Arrêt Beals, supra, note 38, paragr. 32.

47. Ibid.

48. Ibid., paragr. 33.

49. Old North State Brewing Co v. Newlands Services Inc., (1999), 58 BCLR (3d) 144 (C.A.), paragr. 36.

50. Pitel & Rafferty, supra, note 30, à 175-177.

51. [2002] OJ No 2128 (C.A.) [arrêt Muscutt].

52. 2012 CSC 17 [arrêt Van Breda].

53. Arrêt Muscutt, supra, note 45, paragr. 77-111 (la Cour examine les huit facteurs : i) le lien entre le tribunal et l’action du demandeur; ii) le lien entre le tribunal et le défendeur; iii) l’injustice pour le défendeur si le tribunal se reconnaissait la compétence; iv) l’injustice pour le demandeur si le tribunal ne se reconnaissait pas la compétence; v) la présence d’autres parties à l’instance; vi) la volonté du tribunal de reconnaître et d’exécuter un jugement extraprovincial rendu sur la même base de compétence; vii) la nature interprovinciale ou internationale de l’affaire; et viii) la courtoisie judiciaire et les normes relatives à la compétence, à la reconnaissance et à l’exécution des jugements en vigueur ailleurs).

54. Sincies Chiementin Spa (Trustee of) v. King, 2012 ONCA 653 (autorisation de pourvoi refusée), paragr. 7.

55. Arrêt Van Breda, supra, note 46, paragr. 90. À noter que, dans l’arrêt Van Breda, la Cour suprême a expressément restreint la portée de son analyse à une « instance relative à un délit »; cet arrêt pourrait par conséquent ne pas s’appliquer à un litige qui ne relèverait pas du droit de la responsabilité civile.

56. Arrêt Chevron, supra, note 36, paragr. 75-77.

57. Bien que cela ne concerne pas le débat sur la compétence, notons que l’octroi des dommages-intérêts par le tribunal d’origine a été considéré par les tribunaux américains comme ayant été obtenu à la suite d’un complot, d’une fraude, de la corruption du juge de première instance et d’autres actes illicites.

58. Arrêt Chevron, supra, note 42, paragr. 75.

59. Moses v. Shore Boat Builders (1993), 83 BCLR (2d) 177 (C.A.), paragr. 46-47.

60. 1999 BCCA 169.

61. 2011 ONCA 589.

62. Sleep Number Corporation v Maher Sign, 2020 ONCA 95, paragr. 5-6.

63. Four Embarcadero Center Venture v. Kalen (1988), 65 OR (2d) 551 (HC), paragr. 33 [arrêt Four Embarcadero].

64. 2000 ABQB 480, paragr. 36; voir aussi North Field Technology Ltd. v Project Investors, Inc., 2022 ONSC 5731, paragr. 17.

65. Arrêt Four Embarcadero, supra, note 55, paragr. 33.

66. 2010 ONSC 6192, paragr. 18.

67. (2006), 80 O.R. (3d) 500 (C.A.), paragr. 43 [arrêt Cavell].

68. 2006 CSC 52 [arrêt Pro Swing].

69. Ibid., paragr. 10.

70. Ibid., paragr. 21, 25.

71. Ibid., paragr. 31.

72. Ibid., paragr. 30.

73. United States v. Yemec, 2010 ONCA 414, paragr. 45-53 [arrêt Yemec]; Blizzard Entertainment Inc. v. Simpson, 2012 ONSC 4312, paragr. 17 [arrêt Blizzard]. Voir également le texte ci-dessous concernant l’exécution d’ordonnances d’injonctions provisoires et interlocutoires.

74. Van Damme v. Gelber, 2013 ONCA 388 (autorisation de pourvoi refusée), paragr. 28-31; voir également Lanfer c. Eilers, 2021 BCCA 241, où la Cour d’appel de la C.-B. a rendu une ordonnance conférant le titre de propriété d’un certain bien aux demandeurs appelants. Dans cette affaire, le tribunal a rendu une ordonnance légèrement différente de celle du tribunal allemand. La Cour suprême du Canada a accueilli l’autorisation du pourvoi, qui a été toutefois abandonné.

75. Bienstock v. Adenyo Inc., 2015 ONCA 310, paragr. 4-5.

76. PT ATPK Resources TBK (Indonesia) v. Hopaco Properties Limited., 2014 ONCA 466.

77. Arrêt Cavell, supra, note 60.

78. Voir supra, note 26.

79. Pitel & Rafferty, supra, note 30, paragr. 201; arrêt Morguard, supra, note 19, paragr. 56.

80. Arrêt Beals, supra, note 38, paragr. 71.

81. Ibid., paragr. 72.

82. Ibid., paragr. 76.

83. (2006), 81 O.R. (3d) 288 (C.A.) (autorisation de pourvoi refusée), paragr. 19-24 [arrêt Oakwell].

84. (2001), 55 O.R. (3d) 688 (C.A.), paragr. 46-88 [arrêt Saunders].

85. Ibid., paragr. 65.

86. Ibid.

87. Ibid., paragr. 79, 81-88.

88. Mutual Trust Company c. Saint-Cyr [1996] R.D.J. 623 (C.A. Qc) [arrêt Mutual Trust]; voir également R.S. c. P.R., 2019 CSC 49, paragr. 52.

89. Claude Emanuelli, Droit international privé québécois, 3e éd. (Montréal, Wilson & Lafleur, 2011), paragr. 298-299.

90. Arrêt Beals, supra, note 38, paragr. 43.

91. Ibid., paragr. 51.

92. Ibid.

93. Ibid., paragr. 50.

94. Ibid., paragr. 54.

95. 2007 BCSC 72, paragr. 60.

96. Arrêt Beals, supra, note 38, paragr. 59-70.

97. Ibid., paragr. 59.

98. Walters et al v. Tolman et al, 2005 BCSC 838, paragr. 28; Bank of Scotland PLC v. Wilson, 2008 BCSC 770, paragr. 61.

99. Arrêt Oakwell, supra, note 83, paragr. 9, 25-29 (dans le cadre duquel ce moyen de défense a échoué).

100. Arrêt Beals, supra, note 38, paragr. 62, 65.

101. JGB Collateral LLC v. John Rochon and Donna Jean Hewitt Rochon, 2020 ONSC 1732, paragr. 5–16.

102. United States of America v. Ivey, [1995] OJ No 3579, paragr. 28 [arrêt Ivey] confirmée [1996] OJ No. 3360 (C.A.); voir également Janet Walker, Castel & Walker: Canadian Conflict of Laws, 6e édition (LexisNexis Canada, 2005) (feuillet mobile 64) §11.03 [Castel & Walker].

103. Castel & Walker, supra, note 102; voir également United States of America v. Harden, [1963] S.C.R. 366; Fudger Estate (Re), [1984] OJ No 578 (C.S. Ont.), paragr. 28; mais également Re Sefel Geophysical Ltd, [1988] AJ No 917 (ABQB), paragr. 38 (dans le cadre de laquelle la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta a exécuté un jugement étranger concernant des créances fiscales dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité).

104. Castel & Walker, supra, note 95, à §11.03.

105. Paragr. 3155(6), art. 3162 CCQ.

106. Arrêt Ivey, supra, note 95.

107. Ibid.

108. Ibid., paragr. 41.

109. South Pacific Import, Inc v. Ho, 2009 BCCA 163, paragr. 55-56.

110. Dingwall v. Foster, 2013 ABQB 424, paragr. 24.

111. Code criminel, LRC 1985, c. C-46, art. 347.

112. Wei v. Li, 2019 BCCA 114, paragr. 41-43.

113. Voir la Loi sur la Convention des Nations Unies concernant les sentences arbitrales étrangères, L.R.C. (1985), ch. 16 (2e suppl.).

114. Voir International Commercial Arbitration Act, RSA 2000, ch. I-5; Foreign Arbitral Awards Act, RSBC 1996, ch. 154 et International Commercial Arbitration Act, RSBC 996, ch. 233; Loi sur l’arbitrage commercial international, LM 1986-87, ch. 32, art. 1; Loi sur l’arbitrage commercial international, L.R.N.-B. 2011, ch. 176; Loi sur l’arbitrage commercial international, LRN 1990, ch. I-15; International Commercial Arbitration Act, RSNS 1989, ch. 234; Loi de 2017 sur l’arbitrage commercial international, 2017 L.O. 2017, ch. 2, annexe 5; International Commercial Arbitration Act, RSPEI 1988, ch. I-5; The Enforcement of Foreign Arbitral Awards Act, 1996, ch. E-912; et The International Commercial Arbitration Act, 1988-89, ch. I-10.2.

115. Art. 652 CPC.

116. 2017 ONCA 939.

117. Ibid., paragr. 24.

118. Arrêt Pro Swing, supra, note 68.

119. Il convient de noter que le tribunal d’origine peut mettre fin à une injonction permanente en tout temps, s’il le juge approprié, bien que les tribunaux soient disposés à exécuter ces types d’injonctions. Voir p. ex. l’arrêt Yemec, supra, note 73; et l’arrêt Blizzard, supra, note 73.

120. Arrêt Pro Swing, supra, note 68, paragr. 10, 11, 15, 30. Voir également la PARTIE III-C ci-dessus, pour un examen détaillé de ces critères.

121. 2007 CanLII 31 (C.S. Ont.), paragr. 12-13 (il convient de noter que le tribunal a également examiné d’autres arguments et que l’analyse du tribunal sur cette question est vague, à tout le moins, mentionnant uniquement qu’il considérait que les arguments de la partie intimée étaient convaincants).

122. 2015 LRN.-B. 30, paragr. 27 (autorisation de pourvoi refusée). Cette affaire concernait une injonction provisoire prononcée par un tribunal administratif et homologuée par une cour de justice au Québec.

123. 2013 ONSC 7630, paragr. 13. Même si le tribunal n’a pas procédé à une analyse exhaustive dans le cadre de cette demande, et même si cette affaire ne portait pas sur une demande d’injonction provisoire ou interlocutoire, cette conclusion semblait assez large pour s’appliquer à une telle injonction.

124. Arrêt Cavell, supra, note 67.

125. Johnson & Johnson v. Butt, 2007 CanLII 51527 (C.S. Ont.) [arrêt Johnson].

126. Pelletier (Re), 2021 ABCA 264 [arrêt Pelletier].

127. Arrêt Cavell, supra, note 67, paragr. 43.

128. Ibid., paragr. 44.

129. Ibid., paragr. 47-50.

130. Arrêt Pro Swing, supra, note 68.

131. 2006 CarswellOnt 5506, paragr. 23 (C. S. J.). La Cour a estimé que la nature non monétaire et interlocutoire d’une ordonnance manitobaine n’empêchait pas sa reconnaissance en Ontario.

132. Arrêt Johnson, supra, note 125.

133. Arrêt Pelletier, supra, note 126.

134. Arrêt Johnson, supra, note 125, paragr. 1-2, 4.

135. Ibid., paragr. 18.

136. Voir p. ex. Michael D Schafler et Ara Basmadjian, « Canada », Enforcement of Judgments and Arbitral Awards, 2e éd. (London: Thomson Reuters [Professional] U.K. Limited, 2015), à 139.

137. 2014 ONSC 2727, paragr. 43 [arrêt Oesterlund].

138. Ibid., paragr. 5.

139. Ibid., paragr. 5, 39.

140. Ibid., paragr. 34-35.

141. Ibid., paragr. 38 (citant l’arrêt Pro Swing).

142. Ibid., paragr. 39.

143. Gérald Goldstein, « Principes généraux et conditions générales de reconnaissance et d’exécution » dans Droit international privé, Pierre-Claude Lafond éd. (feuillet mobile consulté le 29 avril 2018) (Montréal, Lexis Nexis, 2012), paragr. 52; Facebook inc. c. Guerbuez, 2010 QCCS 4649.

144. Arrêt Pro Swing, supra, note 68, paragr. 38–45.

145. Arrêt Pro Swing, supra, note 68, paragr. 57–59.

146. Arrêt Pelletier, supra, note 126, paragr. 48; arrêt Pro Swing, supra, note 68, paragr. 95, juge McLachlin, dissident.

147. Voir p. ex. Commissioner of Competition v. HarperCollins Publishers LLC and HarperCollins Canada Limited, 2017 Comp Trib 10 et Google Inc. c.Equustek Solution Inc., 2017 CSC 34.

148. Arrêt Independence Plaza, supra, note 121, paragr. 66.

149. Ibid., paragr. 70.

150. Grayson Consulting Inc. v Lloyd, 2019 ONCA 79, paragr. 55-59.

151. Ibid., paragr. 51–54.

152. Minkoff c. Society of Lloyd’s, EYB 2004-66709 (C.A. Qc) [arrêt Minkoff].

153. Zingre c. La Reine et autres [1981] 2 R.C.S. 392, à 400-401, tel que cité dans Lantheus Medical Imaging Inc. v. Atomic Energy of Canada Ltd., 2012 ONCA 264, paragr. 57 [arrêt Lantheus].

154. Arrêt Pro Swing, supra, note 68, paragr. 30.

155. Loi sur la preuve au Canada, LRC 1985, c. C-5, art. 46 [Loi canadienne sur la preuve].

156. Loi sur la preuve, LRO1990, c. E-23, paragr. 60(1) [Loi ontarienne sur la preuve].

157. Loi canadienne sur la preuve, supra, note 155, art. 46.

158. Loi ontarienne sur la preuve, supra, note 156, paragr. 60(1).

159. King v. KPMG, [2003] OJ No 2881 (C.S. Ont.), paragr. 6.

160. Lantheus, supra, note 137 paragr. 47; voir également Lashmat c. Show Canada Industries (U.S.) Inc., 2017 QCCS 2223, paragr. 10-13; Monster Energy Company v. Craig, 2016 BCCA 290, paragr. 13; Presbyterian Church of Sudan v. Talisman Energy Inc., 2005 ABQB 920, paragr. 37.

161. Arrêt Lantheus, supra, note 153, paragr. 63; voir également Treat America Ltd. v. Nestlé Canada Inc., 2011 ONCA 560.

162. Connecticut Retirement Plans & Trust Funds v. Buchan, 2007 ONCA 462, paragr. 9-13 [arrêt Connecticut Retirement Plans].

163. Morgan, Lewis & Bockius LLP v. Gauthier (2006), 82 O.R. (3d) 189 (C.S. Ont.), paragr. 62-63.

164. Actava TV, Inc. v. Matvil Corp, 2021 ONCA 105, paragr. 66–76.

165. Sculley v. Pivot Acquisition Corp., 2015 ONSC 287, paragr. 21.

166. Arrêt Connecticut Retirement Plans, supra, note 162, paragr. 19, cité dans AstraZeneca LP v. Wolman, 2009 CanLII 69793 (C.S. Ont.), paragr. 27 [arrêt AstraZeneca LP].

167. N2 Packaging Systems LLC v. Nitrotin, Inc., 2020 BCSC 1719, paragr. 11–22.

168. Glegg v. Glass, 2020 ONCA 833, paragr. 52–66.

169. Ibid., paragr. 67.

170. Actava TV, Inc. v. Matvil Corp., 2021 ONCA 10, paragr. 87–88.

171. Ibid., paragr. 91.

172. Ibid., paragr. 98.

173. Arrêt AstraZeneca LP, supra, note 145, paragr. 30.

174. Ibid., paragr. 29.

175. Art. 33 et suivants, art. 507 CPC.

176. Art. 35 CPC. Rappelons que le projet de loi 40, Loi visant principalement à améliorer l’accès à la justice en simplifiant la procédure civile à la Cour du Québec et en réalisant la transformation numérique de la profession notariale, a été déposé par le ministre de la Justice le 31 mai 2022 pour, notamment, donner à la Cour du Québec une compétence exclusive pour entendre les demandes dont le montant réclamé ou la valeur de l’objet du litige est inférieur à 75 000 $ et donner à la Cour du Québec une compétence concurrente à celle de la Cour supérieure lorsque ce montant ou cette valeur est égal ou supérieur à 70 000 $, mais inférieur à 100 000 $.

177. Art. 492 CPC.

178. Art. 508 CPC.

179. Re Gareau, [1997] R.J.Q. 1954 (C.S. Qc).

180. Carreaux Céragrès Canada ltée c. Construction Canvar (1991) inc., BE 2000BE-962 (C.Q. Qc).

181. Art. 508 CPC.

182. Ibid.

183. Art. 3155 CCQ.

184. Art. 3167 CCQ.

185. Art. 3168 CCQ.

186. Art. 3165 CCQ.

187. Art. 3134 et suivants CCQ.

188. Art. 3164 CCQ.

189. Ortega Figueroa c. Jenckel, 2015 QCCA 1393 (autorisation de pourvoi refusée).

190. M. c. S., 2005 QCCA 12; voir également Corporatek inc. c. Éditions Francis Lefebvre, 2021 QCCA 1241, paragr. 24, 44–-45.

191. Arrêt Minkoff, supra, note 152.

192. Jules Jordan Video inc. c. 144942 Canada inc., 2014 QCCS 3343.

193. Paragr. 3155(4) CCQ.

194. Mutual Trust Company c. St-Cyr, [1996] R.D.J. 623 (C.A. Qc).

195. Claude Emanuelli, Droit international privé québécois, 3e éd. (Montréal, Wilson & Lafleur, 2011), paragr. 298-299.

196. Paragr. 3155(6) et art. 3162 CCQ.

197. Autorités centrales canadiennes, supra, note 9.

198. Voir « Conférence de La Haye de droit international privé : État présent – Convention du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l’étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale », en ligne à l’adresse https://www.hcch.net/fr/instruments/conventions/status-table/?cid=17.

Exécution d’un jugement d’un territoire étranger au Canada

En raison de la mondialisation accrue des opérations commerciales, les différends traversent fréquemment les frontières nationales, de sorte que les entreprises étrangères doivent s’adresser aux tribunaux canadiens pour exercer certains recours ou pour obtenir leur collaboration. Notre ouvrage, intitulé Exécution d’un jugement d’un territoire étranger au Canada contient des renseignements utiles sur le système judiciaire canadien.

Télécharger le PDF