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La SEC indique que les collectes de fonds en cryptomonnaie sont assujetties aux lois sur les valeurs mobilières

Auteur(s) : Blair Wiley

Le 26 juillet 2017

Dans ce bulletin d’Actualités

  • Le rapport de la SEC indique que les collectes de fonds en cryptomonnaie et autres moyens fondés sur une chaîne de blocs destinés à mobiliser des fonds sont assujettis aux lois sur les valeurs mobilières des États-Unis.
  • On peut s’attendre à ce que les autorités canadiennes en valeurs mobilières mettent l’accent sur la nécessité pour les collectes de fonds en cryptomonnaie de se conformer aux lois canadiennes sur les valeurs mobilières applicables.
  • Les participants aux collectes de fonds en cryptomonnaie devraient se conformer aux lois sur les valeurs mobilières et tenir compte des autres considérations d’ordre juridique.

Un rapport d’enquête publié le 25 juillet 2017 par la Commission sur les valeurs mobilières des États-Unis (SEC) indique clairement que la SEC considère que les collectes de fonds en cryptomonnaie et autres registres distribués ou moyens fondés sur une chaîne de blocs pour mobiliser des fonds sont assujettis à la législation des États-Unis sur les valeurs mobilières. Cet avis, qui n’est pas inattendu, a aussi été émis par les organismes de réglementation des valeurs mobilières du Canada. Bien que l’enquête de la SEC n’ait pas abouti à une action coercitive pour le moment, nous prévoyons que les organismes de réglementation des valeurs mobilières du Canada, des États-Unis et d’autres pays prendront davantage de mesures d’application si les participants aux collectes de fonds en cryptomonnaie ne respectent pas les exigences des lois sur les valeurs mobilières.

L’enquête de la SEC

Le rapport publié hier fait suite à une enquête vérifiant si les personnes participant à une collecte par ce qu’on appelle la société de financement participatif dématérialisé (Distributed Autonomous Organization ou DAO), avaient violé les lois sur les valeurs mobilières des États-Unis. Le concept sous-jacent de la DAO était que les participants achèteraient des jetons de la société en échange de la monnaie virtuelle Ethereum, qui seraient détenus par l’organisme. Les jetons de la DAO donneraient droit au détenteur de voter sur des propositions afin de financer des projets à l’aide de l’Ethereum et de distribuer les gains de ces projets. La DAO existait simplement en tant que « contrat intelligent » - qui est un code logiciel fonctionnant sur la chaîne de blocs Ethereum - qui gérerait les votes, répartirait le financement selon les résultats des votes et distribuerait les gains aux détenteurs de jetons.

En mai 2016, la DAO a vendu 1,15 milliard de jetons de la société pour Ethereum avec une valeur de 150 millions de dollars américains (aujourd’hui, ce même montant d’Ethereum aurait une valeur de 2,4 milliards de dollars). Toutefois, la DAO n’a jamais été exploitée et a depuis cessé ses activités. En juin 2016, un attaquant inconnu a exploité une faiblesse du code de la DAO afin de détourner le tiers du total d’Ethereum recueilli vers une adresse qu’il contrôlait. Cette attaque s’est soldée par une décision de créer une chaîne secondaire à la chaîne de blocs Ethereum - c’est-à-dire modifier le protocole Ethereum - afin d’inverser les actions de l’attaquant, de récupérer l’Ethereum volé et de permettre aux détenteurs de jetons de la DAO de récupérer leurs investissements.

Les conclusions de la SEC

Dans ce rapport, la SEC a conclu que les jetons de la DAO étaient des valeurs mobilières aux fins des lois sur les valeurs mobilières des États-Unis. Plus précisément, le rapport a conclu que les jetons de la DAO constituaient un contrat d’investissement, à savoir, un investissement d’argent dans une entreprise commune avec une attente raisonnable de profits provenant des efforts entrepreneuriaux ou de gestion d’autrui.

La conséquence de cette conclusion est que les jetons de la DAO, ou tout autre registre distribué semblable ou jetons fondés sur une chaîne de blocs qui sont des titres (jetons de titres) doivent respecter les lois sur les valeurs mobilières des États-Unis. Ceci signifie notamment que les jetons de titres offerts et vendus doivent être enregistrés ou doivent se qualifier pour une exemption des exigences en matière d’inscription. La SEC souligne aussi le fait que toute personne faisant un échange de jetons de titres doit s’inscrire en tant que bourse nationale ou exercer ses activités conformément à une dispense d’inscription.

Une déclaration accompagnant le rapport stipulait que les participants au marché devraient aussi se demander si une entité qui offre et vend un jeton de titres pourrait être une société de placement et si quiconque fournissant des conseils sur un placement dans un jeton de titres pourrait être un conseiller en placements. La conséquence directe est que les éléments des lois sur les valeurs mobilières des États-Unis régissant les sociétés de placement et les conseillers en placements peuvent aussi s’appliquer à ceux qui donnent des conseils sur les collectes de fonds en cryptomonnaie et des jetons de titres en général.

Conséquences juridiques

La croissance fulgurante des collectes de fonds en cryptomonnaie n’a clairement pas échappé à l’attention des organismes de réglementation des valeurs mobilières. Malgré l’échec de la DAO, qui a conduit à l’enquête de la SEC, d’autres collectes de fonds en cryptomonnaie ont continué d’être effectuées. Il y a eu une croissance particulièrement fulgurante dans le deuxième trimestre de 2017, lorsqu’environ 900 millions de dollars américains ont été recueillis dans le cadre de plus ou moins 60 collectes de fonds en cryptomonnaie, selon Smith + Crown. À cet égard, le rapport de la SEC peut être vu comme un avertissement pour les sociétés qui ont mobilisé des capitaux ou qui ont l’intention d’en mobiliser grâce à une collecte de fonds en cryptomonnaie.

Les organismes canadiens de réglementation de valeurs mobilières ne sont pas restés les bras croisés alors que les collectes de fonds en cryptomonnaies se multipliaient. En mars, la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO) a publié un communiqué de presse avisant les entreprises que l’utilisation de technologies de registre distribué, comme les chaînes de bloc, dans le cadre de leur offre de produits ou de services financiers pourrait être assujettie aux exigences du droit ontarien des valeurs mobilières. Nous nous attendons à ce que le rapport d’enquête de la SEC incite la CVMO ou d’autres autorités canadiennes en valeurs mobilières à prendre des mesures supplémentaires pour souligner la nécessité pour les collectes de fonds en cryptomonnaie de se conformer aux lois sur les valeurs mobilières du Canada. Une mesure d’application ferme des organismes canadiens de réglementation des valeurs mobilières devrait être attendue si les exigences de conformité ne sont pas respectées.

Il convient de noter que ce ne sont pas tous les registres distribués ou jetons provenant d’une chaîne de blocs qui seront un titre. Certains jetons ont une utilité particulière pour laquelle ils sont acquis et détenus. Ces jetons, souvent appelés « Utility Tokens », peuvent ne pas être réglementés comme des titres dans certaines circonstances. Le rapport de la SEC ainsi que le communiqué de presse de la CVMO reconnaissent que ce sont les faits et les circonstances qui déterminent si une transaction en particulier implique l’offre ou la vente d’un titre, laissant ouverte la possibilité qu’une collecte de fonds en cryptomonnaie puisse être structurée d’une telle façon que les lois sur les valeurs mobilières ne s’appliquent pas.

Même si les lois sur les valeurs mobilières ne s’appliquent pas, les émetteurs de collectes de fonds en cryptomonnaie doivent néanmoins tenir compte du fait que d’autres lois s’appliqueront probablement. Par exemple, des déclarations fausses ou trompeuses faites relativement à une collecte de fonds en cryptomonnaie ou le défaut de respecter des projets financés par les produits d’une collecte de fonds en cryptomonnaie pourraient entraîner la responsabilité civile pour assertion négligente ou frauduleuse, rupture de contrat ou infraction aux lois sur la protection du consommateur.

Conclusion

Nous croyons que les chaînes de blocs et la technologie de registre distribué sont très prometteuses et que la technologie est une façon novatrice et viable de se livrer à des activités de mobilisation de capitaux. Toutefois, comme n’importe quelle activité de mobilisation de capitaux, on ne peut ignorer la nécessité de respecter les lois sur les valeurs mobilières et de tenir compte d’autres considérations d’ordre juridique.

Veuillez communiquer avec les auteurs si vous avez des questions sur l’enquête de la SEC, la position des organismes canadien de règlement des valeurs mobilières sur les collectes de fonds en cryptomonnaie ou la technologie de chaîne de blocs comme moyen pour mobiliser des capitaux ou si vous souhaitez organiser une collecte de fonds en cryptomonnaie.