Auteurs(trice)
Associé, Droit des sociétés, Toronto
Associé, Droit des sociétés, Montréal
Ancien coprésident national, Associé, Droit des sociétés, Montréal
Sociétaire, Droit des sociétés, Toronto
Les solutions de capitaux propres structurés sont des instruments financiers hybrides combinant des éléments d’emprunt et de capitaux propres, adaptés aux besoins particuliers d’une entreprise en matière de financement et aux objectifs d’un promoteur ou d’un investisseur. Cette forme de capital se classe généralement après la dette consolidée dans l’ordre de remboursement, mais avant les actions ordinaires.
Ces instruments connaissent un regain de popularité, car ils offrent aux entreprises une solution de financement souple qui préserve la valorisation et qui est moins dilutive que les capitaux propres traditionnels, tout en garantissant aux promoteurs une protection contre le risque baissier et certains droits en contrepartie de leur investissement. Les capitaux propres structurés constituent une autre voie de financement intéressante pour les entreprises en phase de transition de croissance, de recapitalisation ou de liquidité stratégique des actionnaires.
Toutefois, ces instruments sophistiqués nécessitent l’intervention de conseillers financiers et juridiques expérimentés pour produire l’effet escompté. Dans cet article, nous examinons les différentes configurations possibles des capitaux propres structurés, les moyens de créer ces instruments, les droits et protections généralement accordés aux promoteurs et aux investisseurs, les facteurs à prendre en compte par les émetteurs, ainsi que les principales clauses restrictives.
Configurations des capitaux propres structurés
Les capitaux propres structurés peuvent revêtir plusieurs formes. Généralement structurés sous forme d’actions privilégiées rachetables, ils peuvent également prendre la forme de titres de créance liés à des actions, comme des titres de créance convertibles ou des titres de créance assortis de bons de souscription, ou inclure des titres de participation de premier rang, comme des actions privilégiées (parfois convertibles en actions ordinaires) ou des actions privilégiées et des bons de souscription. Ces instruments sur mesure qui varient dans leur structure, ont pour objectif commun de permettre aux entreprises d’accéder à des capitaux supplémentaires sans alourdir ou réduire leur bilan.
Création d’instruments de capitaux propres structurés
Une opération sur capitaux propres structurés est souvent réalisée par un investissement direct dans la société cible ou par l’intermédiaire d’une coentreprise, selon la nature de l’investissement du promoteur. La structure de l’opération de coentreprise est la plus courante dans les secteurs à forte intensité capitalistique, comme les télécommunications, les centres de données, les énergies propres, la transition énergétique, les infrastructures, le pétrole et le gaz et l’immobilier, dans lesquels l’entreprise cherche à réduire ses dépenses en capital pour de grands projets d’immobilisations tout en conservant le contrôle des actifs sous-jacents. Par exemple, dans les premières phases d’un projet, les capitaux propres structurés peuvent permettre à une société d’accélérer sa croissance, ce qui ne serait peut-être pas possible si elle dépendait uniquement de son flux de trésorerie disponible. Une structure de coentreprise peut également être combinée à une opération de détourage, dans le cadre de laquelle une société cède une activité non essentielle afin de financer ou de désendetter ses activités principales ou d’offrir une liquidité à ses investisseurs de longue date.
Droits et protections habituels des investisseurs et des promoteurs
Dans une opération sur capitaux propres structurés, les droits et protections des investisseurs sont généralement les aspects les plus négociés de l’opération. Bien qu’ils puissent varier d’une opération à l’autre, les droits et protections communément observés lors de la négociation d’opérations de capitaux propres structurés sont résumés ci-dessous. Les deux parties ont intérêt à structurer ces instruments avec soin afin d’éviter toute caractérisation « assimilable à des titres de créance » qui pourrait avoir un impact négatif sur le respect des engagements ou les notations de la société. Il est conseillé de faire appel à un avocat dès le début des négociations et de la rédaction de ces documents afin de se prémunir contre toute conséquence défavorable ou involontaire.
Les promoteurs qui cherchent à obtenir un taux de rendement stable sur leur investissement négocient souvent des droits leur permettant de protéger, de monétiser et de surveiller leur investissement :
- Droits de priorité sur les distributions : Un promoteur négocie généralement un dividende préférentiel qui lui garantit un pourcentage récurrent du capital investi. Dans certains cas, ce droit peut prévoir une augmentation des distributions pendant la durée de l’investissement. Cette caractéristique est essentielle pour rendre les capitaux propres structurés attrayants aux yeux des promoteurs, qui recherchent souvent des rendements similaires à ceux des rentes et une protection contre les baisses. Les modalités du dividende privilégié peuvent exiger qu’il soit versé en espèces ou en nature.
- Paiements garantis/rendement minimal : Les opérations sur capitaux propres structurés comprennent généralement un mécanisme garantissant au promoteur un certain niveau de rendement sur son investissement, quel que soit le rendement de la société. Cela prend souvent la forme d’une obligation pour la société de verser un montant déterminé ou un taux de rendement interne (TRI) déclaré, souvent exprimé en pourcentage du capital investi. Les dividendes préférentiels et le rendement minimum contribuent souvent à renforcer la protection des investisseurs et la certitude du rendement. Ils se traduisent parfois par des « priorités en cas de liquidation ».
- Droits de sortie : En général, les investisseurs négocient une série de droits de sortie afin de garantir une voie claire pour réaliser la valeur de leur investissement. Parmi ces droits, citons :
- Option de vente ou droit de rachat : Une option de vente ou un droit de rachat confère à l’investisseur le droit de se retirer de l’investissement, généralement à un prix prédéterminé, comme un rendement plancher. Dans la pratique, cela fonctionne comme une forme d’assurance contre le risque de perte. Ce droit peut être exercé après un certain temps ou lors de la survenance d’événements particuliers, comme une violation importante des obligations de la société. La vente peut bénéficier à l’émetteur ou, plus rarement, à un autre actionnaire de l’émetteur.
- Droit d’entraînement et droit de sortie conjointe : Dans ce type d’opérations, il est courant que la société ait le droit d’obliger l’investisseur à participer à la vente de la société, généralement aux mêmes conditions que celles offertes à la société (droit d’entraînement), ou que l’investisseur ait le droit de participer à la vente aux mêmes conditions que la société (droit de sortie conjointe). Toute vente forcée est généralement assujettie aux priorités en cas de liquidation attachées aux actions privilégiées. En outre, certains éléments déclencheurs (tels que l’écoulement du temps) peuvent permettre ou déclencher un processus de vente de l’ensemble de la société.
- Processus de vente : Les investisseurs peuvent se réserver le droit de vendre leurs actions sans restriction ou de déclencher un processus de vente après un certain nombre d’années (p. ex., cinq ans après la clôture de l’investissement initial) ou d’autres déclencheurs, auquel cas le conseil d’administration serait tenu de faire appel à des conseillers financiers pour sonder le marché et solliciter des offres pour la société ou la coentreprise auprès de parties intéressées, qu’il s’agisse d’acheteurs stratégiques ou de promoteurs financiers.
- Droits préférentiels de souscription : Les droits préférentiels de souscription permettent aux investisseurs de conserver leur pourcentage de participation lors de l’émission de nouveaux titres représentatifs de capitaux propres, les protégeant ainsi contre l’effet dilutif des augmentations de capital futures.
- Priorité en cas de liquidation : Un promoteur exigera généralement qu’en cas de liquidation, de vente ou de dissolution de la société, l’investisseur ait le droit de récupérer son investissement avant tous les autres détenteurs de titres de participation de la société, parfois avec un multiple du capital investi ou des dividendes accumulés, après quoi toute distribution restante sera versée aux autres détenteurs de titres de participation subordonnés de la société.
- Participation à la hausse/couverture des bons de souscription : Les placements en capitaux propres structurés peuvent inclure une protection par des bons de souscription, qui confèrent à l’investisseur le droit d’acheter des actions supplémentaires, généralement des actions ordinaires, à un prix déterminé pendant une période donnée.
- Droits de consentement : Tant qu’ils détiennent leur investissement, les promoteurs peuvent souhaiter être consultés ou qu’on obtienne leur accord préalable, avant toute mesure importante ou décision significative de la société concernant ses activités. Les droits de consentement précisent généralement les événements pour lesquels les promoteurs doivent être consultés ou donner leur accord, notamment :
- des changements essentiels, comme un changement de contrôle ou une cession;l’émission de nouvelles catégories de titres de rang prioritaire ou égal à la catégorie de titres des titres émis dans le cadre de l’opération sur capitaux propres structurés;la contraction de dettes supplémentaires dépassant les seuils prescrits;la déclaration de dividendes ou de distributions sur des titres de participation;la modification, la conclusion ou la résiliation de contrats importants;les opérations de fusion-acquisition dépassant certains seuils d’évaluation pour les cibles de rachat;
- la prise de certaines autres décisions commerciales importantes en dehors du cours normal des activités. Certains droits d’intervention peuvent être négociés dans certains cas de défaut ou en cas de violations cumulatives.
- Droits conditionnels (« springing rights ») : Un promoteur peut négocier un droit conditionnel lié à la survenance d’un événement particulier qui donnerait lieu à des droits de contrôle supplémentaires pour les investisseurs. Différents types d’événements peuvent donner lieu à des droits conditionnels, notamment le non-exercice d’un droit de rachat, la violation des documents transactionnels, un événement entraînant l’accélération ou la défaillance d’une facilité de crédit, un événement lié à une personne clé ou la mise en faillite de la société.
- Droits de nomination au conseil : Afin de garantir la surveillance de leur investissement, les promoteurs exigent souvent le droit de nommer un ou plusieurs administrateurs et/ou observateurs sans droit de vote au conseil d’administration de la société cible ou de la coentreprise. Les nominations au conseil négociées peuvent être structurées de manière à inclure le droit de représentation au sein d’un comité ou à exiger que les personnes nommées par le promoteur atteignent un quorum. En règle générale, ces droits sont proportionnels à la participation de l’investisseur et soumis au maintien de l’investissement du promoteur.
- Prime de structuration : Un promoteur peut exiger le versement d’une prime de structuration lors de l’émission du montant des capitaux propres structurés, calculée en pourcentage du capital investi.
Facteurs à prendre en compte par les sociétés cibles
En règle générale, outre le souhait de la société d’obtenir l’investissement à des conditions favorables, celle-ci voudra s’assurer que les ententes sous-jacentes conclues avec les investisseurs ne restreignent pas excessivement son contrôle sur les activités quotidiennes de l’entreprise. La société voudra également s’assurer que la transférabilité des capitaux structurés qu’elle a émis est soumise à des contrôles et que tous les droits décrits ci-dessus sont soumis à une participation minimale du promoteur. En fonction de divers facteurs, notamment la durée du projet et l’horizon d’investissement du promoteur, la société négociera généralement une option d’achat à un prix prédéterminé ou à un taux de rendement interne (TRI) afin d’acquérir la participation détenue par le promoteur. Cette option est souvent incluse lorsque la société prévoit un événement de liquidité ou un point d’inflexion de la valorisation à l’avenir. Dans certaines circonstances, une option d’achat peut être encouragée, par exemple par une augmentation substantielle, convenue par contrat, des distributions à l’investisseur après une certaine période, ce qui améliore la visibilité de la sortie pour le promoteur. Les sociétés doivent tenir compte de tous les scénarios lorsqu’elles négocient une option d’achat, y compris un scénario défavorable dans lequel le TRI est inférieur aux prévisions. L’option d’achat est souvent assortie d’un droit pour les investisseurs de déclencher une vente aux enchères si l’option n’est pas exercée pendant la période prévue, afin de leur permettre de sortir de l’investissement. Le rendement minimum des investisseurs est généralement protégé dans le cadre de cette vente aux enchères et versé en priorité par rapport aux rendements des autres investisseurs.
Clauses restrictives
Une société a généralement un contrôle beaucoup plus important sur l’activité que le promoteur financier. Dans une structure de coentreprise, la société, par exemple, sera généralement la contrepartie la plus importante de la coentreprise. Les promoteurs gèrent souvent ce risque en négociant des clauses qui leur permettent d’avoir des droits d’intervention plus importants en cas de non-respect d’une clause ou de déclencher un rachat si la société ne remédie pas à ce manquement.
Voici quelques exemples types de clauses restrictives :
- Restrictions relatives à la dette : pour empêcher le surendettement qui pourrait nuire aux distributions ou à la valorisation de la société ou de la coentreprise.
- Budget et capital d’investissement : les promoteurs peuvent demander aux sociétés de s’engager à ne dépenser que dans le cadre de leurs activités courantes ou à obtenir leur consentement pour les postes budgétaires extraordinaires ou autres dépenses importantes afin de garantir la conformité avec les plans d’affaires.
- Aucun dividende sur actions ordinaires sans distribution de titres privilégiés : cette clause est appliquée au moyen de structures en cascade. Les promoteurs peuvent inclure une clause garantissant que la société protège la priorité de ses rendements préférentiels.
D’autres clauses restrictives peuvent être incluses, notamment des clauses financières ou de rendement, comme le levier financier maximal, le BAIIA minimal, les exigences minimales en matière de liquidité, ou des obligations de faire, comme la présentation régulière de rapports financiers.
Conclusion
Lorsqu’elles sont structurées de manière judicieuse, ces opérations offrent des solutions de capitalisation transformatrices. Pour les sociétés comme pour les promoteurs financiers, la clé réside dans la personnalisation d’un équilibre adéquat entre souplesse, gouvernance et protection contre les risques baissiers.
Compte tenu de la sophistication et de la nature sur mesure de ces instruments, qui suscitent un intérêt croissant, il est essentiel de recourir à des conseils financiers et juridiques afin de garantir que les parties soient en mesure d’appréhender efficacement la dynamique de ces opérations tout en atteignant leurs objectifs. Osler possède une vaste expérience des mandats d’opérations sur capitaux propres structurés. Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec les auteurs.