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La signature d’un contrat de franchise d’abord et avant tout

Auteur(s) : Éric Préfontaine, François Laurin-Pratte

Le 7 juillet 2017

L’enthousiasme amène parfois le franchiseur et son franchisé à remettre à plus tard les formalités contractuelles les plus élémentaires. L’affaire Duchesneau c. Gestion Milsa inc., 2017 QCCS 1593 offre l’occasion de rappeler l’importance de signer un contrat de franchise avant d’entamer le processus d’ouverture d’une nouvelle franchise.

Les faits

Le franchisé, M. Louis Duchesneau et sa société 9000-6560 Québec inc. (le Franchisé), s’intéresse à l’acquisition d’une franchise Le Milsa, une rôtisserie de style brésilien. Le concept est exploité par M. Samir Tadros, en collaboration avec sa femme Mme Milsa Farias, à travers diverses sociétés, dont Gestion Milsa inc. (le Franchiseur).

Les parties signent d’abord une entente mutuelle de confidentialité. Par cette entente, les parties s’engagent à négocier de bonne foi une convention de franchise contenant les « clauses usuelles » pour ce type de contrat. Des projets de contrats de franchise sont ensuite échangés, mais les parties ne s’entendent pas. Elles signent plutôt une entente de principe, suivant laquelle le Franchisé accepte d’acquérir une franchise pour un prix déterminé.

Alors que les négociations se poursuivent, les parties entament les préparatifs pour l’ouverture de la franchise. Le Franchisé verse une portion du prix de vente et loue un local. Il  effectue les travaux et achète les équipements nécessaires. Toutefois, les parties ne s’entendent pas, notamment sur le paiement des redevances et la contribution au fonds commun de publicité. Pendant ce temps, le Franchisé fait face au défaut du Franchiseur de lui fournir l’encadrement et les documents nécessaires à l’exploitation du restaurant. Qu’importe. Des centaines de milliers de dollars sont investis par le Franchisé de façon à permettre l’ouverture du restaurant.

Lors de l’ouverture, aucun contrat de franchise n’est encore signé et les désaccords se multiplient. D’une part, le Franchisé prend certaines initiatives relativement, entre autres, au menu et aux heures d’ouverture du restaurant. Ces initiatives sont mal vues par le Franchiseur qui désire assurer une certaine uniformité à travers le réseau. D’autre part, le Franchiseur néglige le Franchisé dans ses publicités. La relation entre les parties continuera de se détériorer jusqu’à la fermeture du restaurant.

Cette mésaventure amène le Franchisé à poursuivre son Franchiseur en justice. Il demande l’annulation de l’entente de principe et des dommages-intérêts, accusant le Franchiseur de nombreux manquements et fausses représentations.

L’analyse

Au-delà de l’entente de principe, la Cour conclut à l’existence d’un véritable contrat de franchise, lequel contient, à tout le moins implicitement, tous les éléments généralement contenus dans un tel contrat. Cette conclusion est justifiée, selon la Cour, par la preuve des négociations entre les parties et de leur comportement menant à l’ouverture et l’exploitation du restaurant.

S’appuyant sur l’arrêt de la Cour d’appel dans Dunkin' Brands Canada Ltd. c. Bertico inc., 2015 QCCA 624, la Cour supérieure rappelle qu’un contrat de franchise, lequel suppose une relation d’affaires à long terme, impose un devoir de collaboration. Ici, le Franchiseur a omis de collaborer avec le Franchisé. Ce manque de collaboration s’est traduit par la négociation difficile et infructueuse du contrat de franchise, le traitement inéquitable du Franchisé dans les publicités du Franchiseur, et le support et l’encadrement insuffisants du Franchisé.

Selon la Cour, ces circonstances donnent au Franchisé le droit à des dommages-intérêts de 34 959$ pour les pertes et les divers inconvénients subis. Le Franchisé a également droit aux sommes jusque-là détenues en fidéicommis, ces sommes ayant été versées à titre de redevances sur les revenus bruts de la franchise en entendant un jugement sur le fond.

Nos commentaires

Bien que la Cour d’appel soit appelée à se prononcer prochainement sur ce jugement, une chose est claire : le défaut de signer un contrat de franchise entraîne des risques importants pour le franchiseur et pour le franchisé.

Le contrat de franchise est souvent long et détaillé. Ce détail assure aux parties la définition adéquate de leurs obligations respectives, lesquelles régiront leur relation d’affaires pour plusieurs années. Le contrat permet ainsi d’éliminer l’incertitude et prévenir les conflits. En effet, il est plus difficile de forcer un franchisé à respecter les normes d’exploitation du réseau lorsque ces normes ne sont pas décrites dans un contrat de franchise. On peut mentionner, par exemple, les normes en matière d’heures d’ouverture et de méthodes de paiement, des normes que le franchiseur voudra relativement uniformes à travers son réseau.

Cela étant dit, le contrat de franchise ne constitue pas une garantie contre les conflits. À tout le moins, la précision du contrat de franchise en facilitera la résolution, tout en limitant la liberté interprétative des tribunaux.

Bref, signer un contrat de franchise en bonne et due forme permet d’éviter bien des mauvaises surprises.