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Les modifications à la Loi sur le privilège dans l’industrie de la construction : notions à l’intention des avocats en immobilier

Auteur(s) : Roger Gillott

Le 18 avril 2018

Aperçu

La Loi sur le privilège dans l’industrie de la construction (la Loi) a des répercussions qui ne touchent pas uniquement les parties à un contrat de construction. Son incidence sur l’immobilier exige que les avocats dans ce domaine aient une connaissance pratique des effets possibles des privilèges de construction sur les actifs et les opérations de leurs clients.

Cette Loi est en voie de transformation, car d’importantes réformes ont été présentées dans le cadre du projet de loi 142, la Loi modifiant la Loi sur le privilège dans l’industrie de la construction (le projet de loi), qui a reçu la sanction royale le 12 décembre 2017. Ces réformes modifieront et étendront la Loi, notamment en ce qui concerne son titre, qui passe de Loi sur le privilège dans l’industrie de la construction à Loi sur la construction, ce qui est approprié, étant donné que sa portée sera considérablement élargie par rapport aux privilèges traditionnels.

Le présent article explore les principales modifications apportées à la Loi, dont l’ajout de régimes de paiements rapides et d’arbitrage intérimaire obligatoires des différends, ainsi que des modifications techniques comprenant des mesures particulières touchant les condominiums et d’autres dispositions relatives à l’immobilier.[1].

Au moment de la rédaction du présent article, les règlements d’application du projet de loi (les règlements) ont été publiés aux fins de consultation publique par le ministère du Procureur général de l’Ontario, et cet article comporte une analyse des règlements permettant d’opérationnaliser les modifications importantes du projet de loi. Le lecteur devra faire preuve de circonspection à l’égard des règlements décrits aux présentes, car ils pourraient subir des modifications à la suite du processus de consultation publique. Compte tenu de ce risque, le présent article renvoie aux règlements lorsqu’il est expressément fait mention de leur contenu.

Nous commencerons par une analyse des articles de la Loi les plus pertinents pour les avocats en immobilier, puis nous aborderons le moment de l’entrée en vigueur des modifications, et nous donnerons un aperçu des plus importantes modifications apportées à la Loi.

Immobilier

a. Condominiums

La Loi sur la construction exigera qu’un avis de privilège relatif aux parties communes d’un condominium soit fourni à l’association condominiale et à chaque propriétaire d’unité, et dans le cas d’une association condominiale de parties communes, au propriétaire d’une parcelle de bien-fonds, conformément au paragraphe 139(1) de la Loi de 1998 sur les condominiums, à laquelle un intérêt commun se rattache et qui est décrit dans la déclaration de l’association[2]

De plus, il est prévu que le propriétaire d’une unité individuelle puisse présenter une requête ex parte afin de faire résilier l’enregistrement d’un privilège à l’égard des parties communes dans les titres relatifs à leur partie privative condominiale, en fournissant une garantie égale à la part au pro rata de la valeur du privilège de l’unité individuelle, plus le moindre de 250 000 $ ou de 25 % de la part au pro rata de la valeur du privilège, pour dépens.[3] Cette disposition simplifie grandement le processus de résiliation à l’égard des parties communes d’un titre relatif à la partie privative condominiale, lorsque (par exemple), le propriétaire de l’unité désire vendre celle-ci ou la refinancer.

b. Responsabilité limitée des locateurs à l’égard des privilèges, et responsabilité de répondre aux demandes de renseignements des créanciers privilégiés

L’une des questions épineuses relatives à l’interaction entre le droit sur les privilèges en matière de construction et le droit immobilier est de savoir qui (du locataire ou du locateur, ou des deux) est assujetti à un privilège dans l’industrie de la construction pour les lieux loués. Dans bien des cas, le créancier privilégié enregistre son privilège contre la tenure franche du locateur, parfois en sus, et parfois au lieu, de la tenure à bail. Parfois, il n’existe pas de bail enregistré, ce qui incitera certains avocats spécialisés en construction à enregistrer le privilège de construction uniquement contre la tenure franche.

Jusqu’à maintenant, cette question a été traitée de deux façons en vertu de la Loi sur le privilège dans l’industrie de la construction :

  1. En vertu de l’article 19 de la Loi sur le privilège dans l’industrie de la construction, si l’entrepreneur a avisé par écrit le propriétaire en tenure franche, avant le début des travaux de construction, du fait que la tenure franche serait assujettie à un privilège, alors l’intérêt du locateur est également assujetti au privilège dans la même mesure que l’intérêt du propriétaire à bail à moins que ce locateur ne donne à l’entrepreneur dans les quinze jours de la réception de l’avis un avis écrit l’informant que le locateur n’est pas lié par les améliorations;
  2. Si le propriétaire en tenure franche est visé par la définition de « propriétaire » figurant à l’article 1 de la Loi sur le privilège dans l’industrie de la construction, alors son intérêt en tenure franche est également assujetti au privilège de construction (il est à noter que la jurisprudence a grandement restreint les circonstances dans lesquelles un locateur est considéré « propriétaire » au sens de la Loi sur le privilège dans l’industrie de la construction). 

Les modifications apportées à la Loi sur le privilège dans l’industrie de la construction élimineront le point 1 ci-dessus (la capacité des créanciers privilégiés à fournir un avis écrit au locateur). Au paragraphe 19(5), la Loi modifiée maintient le point 2 (même si, comme il est noté ci-dessus, ce sera d’une utilité restreinte pour les créanciers privilégiés, étant donné l’interprétation étroite qui lui est donnée dans la jurisprudence).

Cependant, et ce qui est plus important encore, les modifications à l’article 19 prévoient que si un locateur paie la totalité ou une partie des améliorations apportées aux locaux loués par les locataires (p. ex. au moyen d’incitatifs versés au locataire), et si le paiement figure dans un bail, dans un renouvellement de bail ou dans tout autre contrat connexe auquel le locateur est partie, alors l’intérêt en tenure franche du locateur sera assujetti au privilège, jusqu’à concurrence de 10 % du montant de ce paiement.[4]

Cette responsabilité du locateur de payer pour les améliorations d’un locataire, qui sont limitées à 10 % du paiement du locateur, calque, du point de vue conceptuel, la responsabilité potentielle d’un créancier hypothécaire à l’égard de tout déficit de la retenue de 10 % par le propriétaire, en vertu de l’article 78 de la Loi sur le privilège dans l’industrie de la construction, selon lequel le créancier hypothécaire finance la construction des améliorations.

Le locateur sera également tenu de répondre aux demandes de renseignements en vertu de l’article 39 de la Loi sur le privilège dans l’industrie de la construction, et il doit fournir les renseignements suivants aux parties ayant des droits de privilège ou de fiducie en vertu de la Loi :

  • les noms des parties au contrat,
  • le montant de tout paiement mentionné au paragraphe 19.1 de la Loi sur le privilège dans l’industrie de la construction, qu’il s’agisse d’un paiement pour la totalité ou une partie des améliorations, qui est « comptabilisé selon les conditions du bail ou de tout renouvellement de celui-ci, ou aux termes de toute entente à laquelle le locateur est une partie liée au bail »,
  • l’état des comptes entre le locateur et le locataire, qui contient les renseignements suivants :
  1. Le prix des services ou matériaux qui ont été fournis aux termes du contrat ou du contrat de sous-traitance.
  2. Les sommes payées aux termes du contrat ou du contrat de sous-traitance.
  3. Dans le cas d’un état des comptes visé à la disposition 4 du paragraphe (1), lequel des montants payés aux termes du contrat ou du contrat de sous-traitance constitue une partie du paiement visé au paragraphe 19 (1).
  4. Le montant des retenues applicables.
  5. Le solde dû aux termes du contrat ou du contrat de sous-traitance.
  6. Tout montant retenu en vertu de l’article 12 (compensation par le fiduciaire) ou en vertu du paragraphe 17 (3) (compensation relative au privilège).
  7. Tout autre renseignement prescrit.[5]

c. Réparation des biens d’équipement

La définition d’« amélioration » sera modifiée de façon à clarifier le fait qu’une amélioration englobe les « réparations des biens d’équipement », alors que la Loi ne mentionnait auparavant que les réparations. Cette modification apporte un éclaircissement quant au fait que des travaux de réparation sont assujettis, ou non, à un privilège, et un nouveau paragraphe prévoit qu’une réparation des biens d’équipement est une réparation visant à prolonger la vie économique normale ou à accroître la valeur ou la productivité du terrain ou de toute structure sur ce terrain, mais n’englobe pas les travaux d’entretien visant à prévenir la détérioration normale.[6]

Quand ces modifications entreront-elles en vigueur?

Certaines modifications apportées à la Loi sont déjà en vigueur; elles ont pris effet le jour où le projet de loi 142 a reçu la sanction royale. Cependant, ces modifications ponctuelles étaient mineures et la grande majorité des modifications, notamment celles qui ont été abordées dans le présent article, ne prendront effet qu’à une date future qui sera proclamée. 

Un fait important à prendre en compte, dans l’adoption du projet de loi, et réitéré au cours des débats législatifs, était l’octroi de délais suffisants pour la sensibilisation et la préparation au sein du secteur de la construction. C’est dans cet esprit que le ministère du Procureur général de l’Ontario a annoncé que les modifications visant le paiement rapide et l’arbitrage entreront en vigueur le 1er octobre 2019, alors que toutes les autres prendront effet le 1er juillet 2018.

Paiements rapides

Les longs délais pendant lesquels les entrepreneurs, les sous-traitants et les fournisseurs doivent habituellement attendre avant de recevoir un paiement après la présentation d’une facture constituent un irritant depuis longtemps dans le secteur de la construction. Dans le but de dissiper ces préoccupations, l’Assemblée législative de l’Ontario avait déjà envisagé d’instaurer une loi sur les paiements rapides, plus particulièrement en 2011 par l’adoption du projet de loi 211, et de nouveau en 2013, par l’adoption du projet de loi 69, mais ces deux projets de loi sont morts au feuilleton, et les modifications actuelles à la Loi constituent les premières mesures législatives relatives aux paiements rapides en Ontario.

a. Délais de paiement

Le véritable déclencheur du régime de paiements rapides est la présentation d’une « facture en bonne et due forme » par l’entrepreneur au propriétaire, à la suite de quoi le propriétaire dispose de 28 jours pour payer l’entrepreneur. Les exigences temporelles suivent le flux des fonds, et l’entrepreneur doit payer ses sous-traitants dans les sept jours suivant la réception des montants du propriétaire, et chaque sous-traitant doit alors payer ses propres sous-traitants dans les sept jours suivant la réception des fonds.

Le rôle que joue la « facture en bonne et due forme » en tant que déclencheur de l’obligation de payer se transforme en occasion ou en risque, selon le point de vue, avec lequel (ou laquelle) les parties devront composer aux fins du processus de contrôle. Les modifications à la Loi respectent la liberté de contrat, mais imposent également des limites en vue de restreindre les abus potentiels. Plus particulièrement, une facture en bonne et due forme doit satisfaire aux exigences précisées dans le contrat, mais la Loi interdit qu’une facture en bonne et due forme soit conditionnelle à la certification par la personne qui autorise le paiement ou à l’approbation du propriétaire (bien que cette restriction ne s’applique pas aux projets de diversification des modes de financement et d’approvisionnement [DMFA], abordés plus bas). Au cours du processus d’adoption du projet de loi par l’Assemblée législative de l’Ontario, une disposition a été ajoutée afin de clarifier le fait que l’interdiction relative à la certification ou à l’approbation par le propriétaire n’empêche pas qu’une facture en bonne et due forme puisse être conditionnelle à un essai ou à une mise en service.

b. Motifs de refus de paiement

Le régime de paiements rapides reconnaît qu’il puisse exister des motifs légitimes pour lesquels un responsable de paiement refuse d’effectuer le paiement, tels que des lacunes dans les travaux réalisés, même si les exigences relatives à la facture en bonne et due forme ont été satisfaites. Le régime prévoit un processus en cas de non-paiement et impose des échéanciers serrés auxquels il faut se conformer, et qui sont fidèles à l’esprit des paiements rapides. 

Si un propriétaire prévoit de refuser d’effectuer un paiement alors, dans les 14 jours suivant la réception de la facture en bonne et due forme, il doit remettre à l’entrepreneur un avis de non-paiement précisant le montant qui ne sera pas payé et les motifs du non-paiement.

La situation d’une entrepreneur ou d’un sous-traitant qui prévoit de refuser d’effectuer un paiement diffère légèrement de celle du propriétaire, en raison de leur position dans la chaîne de paiement. Plus précisément, si un entrepreneur ou un sous-traitant prévoit de refuser d’effectuer un paiement, il doit alors fonder son refus sur l’un ou l’autre des motifs suivants : (i) il n’a pas reçu lui-même les fonds, en raison d’un non-paiement; ou (ii) il conteste le droit du bénéficiaire à être payé. Le choix du motif a d’importantes conséquences. Si un entrepreneur ou un sous-traitant refuse d’effectuer un paiement au motif qu’il n’a pas été payé lui-même, il doit alors verser tout montant qu’il reçoit et fournir une promesse selon laquelle il s’engage à soumettre la question à l’arbitrage dans les 21 jours suivant la remise de l’avis au bénéficiaire (à moins que cette promesse ait déjà été faite par une partie ayant une position plus élevée dans la chaîne de paiement). Par contre, s’il décide de contester le droit au paiement du bénéficiaire (ce qui revient essentiellement à assumer le combat par lui-même), alors il n’a pas besoin de verser les montants qu’il reçoit ou de soumettre la question à l’arbitrage, mais il doit fournir un avis de non-paiement précisant le montant qui n’est pas payé et les motifs détaillés du non-paiement.

Les montants non contestés doivent encore être payés conformément aux délais prévus dans la Loi, qui peut exiger que ces montants soient répartis entre plusieurs bénéficiaires. Dans de telles circonstances, le régime de paiements rapides prévoit que les bénéficiaires qui ne sont pas partie au différend seront payés intégralement, alors que les bénéficiaires qui sont partie au différend seront payés sur une base proportionnelle. Dans tous les autres cas, tous les bénéficiaires doivent être payés sur une base proportionnelle.

Arbitrage

Les modifications à la Loi comportent l’instauration d’un régime d’arbitrage intérimaire, destiné à favoriser la résolution rapide des différends. L’arbitrage est considéré comme un complément nécessaire au régime de paiements rapides afin d’assurer la présence d’un mécanisme d’application accéléré en appui aux objectifs du paiement en temps opportun. Cependant, bien que les types de différends mentionnés dans la Loi comme étant à juste titre assujettis à l’arbitrage aient trait au paiement, la portée de cet arbitrage est plus vaste et peut englober d’autres questions dont conviennent les parties et l’arbitre.

a. Le processus d’arbitrage

Une partie à un contrat ou à un contrat de sous-traitance peut soumettre une question à l’arbitrage en tout temps avant que le contrat ou le contrat de sous-traitance ne soit exécuté, même si la question fait déjà l’objet d’une poursuite en justice ou d’un arbitrage. Ce droit à l’arbitrage est protégé par la Loi, et les parties ne peuvent pas se soustraire à l’arbitrage intérimaire.

Le processus d’arbitrage est amorcé lorsqu’une partie remet à une autre un avis d’arbitrage, qui doit notamment comporter une description du différend et de la mesure de redressement demandée, ainsi que l’arbitre proposé (un arbitre ne peut pas être désigné à l’avance au moyen d’un contrat). Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur la désignation d’un arbitre, ou que l’arbitre n’accepte pas de se charger de l’arbitrage, dans les quatre jours suivant la remise de l’avis d’arbitrage, alors la partie qui renvoie à l’arbitrage doit demander la nomination d’un arbitre auprès de l’Autorité de nomination autorisée (l’Autorité), et l’Autorité doit procéder à cette nomination dans les sept jours suivants la demande.

Une fois qu’un arbitre a été désigné, la partie qui a demandé l’arbitrage doit fournir à l’arbitre l’avis d’arbitrage, le contrat ou le contrat en sous-traitance, et tout document sur lequel elle désire s’appuyer. L’arbitre effectuera alors l’arbitrage de manière inquisitoire et doit rendre une décision dans les 30 jours suivant la réception des documents de la partie qui renvoie à l’arbitrage, sous réserve des prolongations convenues par les parties. Tous les montants payables aux termes de la décision de l’arbitre doivent être payés dans un délai de 10 jours, et si ces montants ne sont pas payés dans ces délais, l’entrepreneur ou le sous-traitant qui n’a pas été payé peut suspendre les travaux. 

Il importe de noter que, même si l’arbitrage procure des décisions rapides quant au flux des fonds entre les parties pendant l’exécution du contrat ou du contrat de sous-traitance, la désignation d’un arbitre est intérimaire et les parties peuvent décider de faire trancher la question conformément aux procédures de résolution de différends convenues par contrat ou imposées par les tribunaux. Cependant, d’après l’expérience du Royaume-Uni, qui a instauré l’arbitrage il y a près de 20 ans, les parties ont tendance à accepter les décisions des arbitres comme étant définitives.

b. L’autorité des arbitres

Le régime d’arbitrage sera supervisé par une organisation appelée « l’Autorité », qui sera désignée par le ministre. Les règlements prévoient que l’autorité sera responsable des programmes de formation des arbitres, de l’émission de certificats de compétence aux arbitres, de la tenue d’un registre public des arbitres, de la création d’un code de conduite, de l’établissement d’un barème d’honoraires et de l’élaboration de documents de sensibilisation à l’intention du public. L’Autorité sera tenue de produire un rapport annuel accessible au public, fournissant des renseignements sur le nombre d’arbitrages, les montants demandés et payés, les frais exigibles et payés, ainsi que la répartition des renseignements susmentionnés en fonction du secteur industriel.

Les règlements abordent également la question des exigences imposées pour qu’une personne puisse devenir arbitre. Plus précisément, un arbitre sera tenu d’avoir accumulé au moins sept années d’expérience professionnelle dans le secteur de la construction, et la totalité, ou une partie de cette expérience, pourra avoir été acquise à l’extérieur de l’Ontario. Par ailleurs, les arbitres devront avoir suivi un programme de formation relevant de l’Autorité, mais cette exigence en matière de formation peut être suspendue par l’Autorité au cours de l’année de l’entrée en vigueur des règlements. Les arbitres seront tenus de se conformer au code de conduite, et l’Autorité peut suspendre le certificat de compétence d’un arbitre si celui-ci cesse de se conformer aux exigences relatives au certificat, ou s’il est jugé incompétent ou inapte à mener des arbitrages.

Privilèges de construction et retenues

Les modifications à la Loi ne changent en rien les principes fondamentaux selon lesquels chaque responsable de paiement aux termes d’un contrat ou d’un contrat de sous-traitance qui peut donner lieu à un privilège doit effectuer une retenue de 10 %. Cependant, d’importantes modifications sont apportées aux délais relatifs aux privilèges et au versement des retenues.

​a. Conservation et opposabilité des privilèges

Les retenues ne peuvent être versées jusqu’à ce que tous les privilèges qui peuvent être exercés contre cette retenue se soient éteints ou aient été acquittés, ou jusqu’à ce que mainlevée en ait été donnée ou qu’il y ait été pourvu autrement aux termes de la Loi. En ce qui concerne l’expiration des droits de privilège, les modifications à la Loi feront en sorte que cela se produira plus tard, étant donné que la période relative à la conservation (enregistrement ou délivrance) de privilèges passera de 45 à 60 jours. Par conséquent, la recherche de titres précédant le versement d’une avance consentie dans le cadre du financement de travaux de construction aura dorénavant lieu 61 jours après la publication du certificat d’exécution pour l’essentiel, plutôt que 46 jours. Toutefois, à cet égard, il est à noter qu’il faut passer en revue les dispositions transitoires, selon lesquelles les contrats signés ou au titre desquels l’approvisionnement a commencé avant le 1er juillet 2018 bénéficient de droits acquis et sont exécutés selon les anciens délais. Les dispositions transitoires sont complexes, et il est conseillé d’obtenir un avis juridique à ce sujet.

Les délais impartis pour rendre opposable un privilège (intenter une action et enregistrer le certificat d’action) seront également prolongés, passant ainsi de 45 à 90 jours, et la période combinée de conservation et d’opposabilité passera de 90 jours à 150 jours. L’allongement de ces périodes vise à accorder plus de temps aux parties pour résoudre leurs différends.

b. Versement anticipé des retenues

L’un des enjeux liés aux projets vastes et longs est que les entrepreneurs ou les sous-traitants qui exécutent des travaux tôt au cours du processus peuvent avoir à attendre longtemps, parfois des années, après l’achèvement de leurs propres travaux avant de recevoir leurs retenues. Dans le but de régler cette question, le projet de loi prévoit plusieurs mécanismes qui faciliteront le versement anticipé des retenues sur une base annuelle, progressive ou discontinue.

Les versements annuels et progressifs des retenues fonctionnent de même semblable. Dans les deux cas, si le contrat dépasse un montant prévu (fixé par les règlements à 20 millions de dollars) et que le contrat le stipule expressément, alors la retenue peut être versée annuellement ou à mesure que les phases des travaux sont achevées, pourvu qu’à la date du paiement, il n’existe pas de privilège faisant l’objet de conservation ou d’opposabilité, ou que tous les privilèges ont été éteints ou acquittés, ou jusqu’à ce que mainlevée en ait été donnée ou qu’il y ait été pourvu autrement.

Parmi les autres modifications de la Loi, il y a une disposition déterminative selon laquelle de multiples améliorations aux termes d’un seul contrat seront réputées être des contrats distincts aux fins de la détermination de l’exécution pour l’essentiel et de l’achèvement des travaux si : (i) chacune des améliorations est apportée à des terrains qui ne sont pas contigus; et (ii) le contrat le stipule. Par exemple, ce pourrait être un contrat visant la construction de multiples immeubles dans des lieux différents en Ontario, et cette disposition déterminative permettrait aux parties de convenir du versement des retenues selon un mode « immeuble par immeuble », plutôt que d’avoir à attendre l’achèvement du dernier immeuble pour que la retenue sur le premier soit versée.

Projets de DMFA/PPP

Les modifications à la Loi prennent en compte les projets de PPP et de DMFA, qui n’avaient pas été envisagés lorsque les dernières modifications importantes ont été mises en œuvre en 1983. Selon ces structures de projet, une entité gouvernementale conclut un accord (l’accord de projet) avec une entité ad hoc (promoteur du secteur public) aux fins de réalisation d’un projet. C’est le promoteur du secteur public qui conclut un accord avec l’entrepreneur.

Le promoteur du secteur public sera réputé être le propriétaire à certaines fins, dont la certification d’exécution pour l’essentiel, l’expiration de privilèges et les demandes de renseignements. L’accord entre le promoteur du secteur public et l’entrepreneur est réputé être le contrat relatif à tout ce qui précède, et les retenues ainsi que l’exécution pour l’essentiel doivent être déterminées en fonction de cet accord.

Après le dépôt du projet de loi, le secteur s’est inquiété de ce que le risque n’échoie au promoteur du secteur public; cet article du projet de loi a donc subi d’importantes modifications avant de recevoir la sanction royale. L’une des modifications consistait à y incorporer une disposition déterminative prévoyant que la Loi s’appliquera à l’accord de projet comme s’il s’agissait d’un contrat, ce qui étend la portée des paiements rapides et de l’arbitrage au palier supérieur de la structure du projet, entre l’entité gouvernementale et le promoteur du secteur public.

Il importe de noter qu’il existe des exceptions à l’application des paiements rapides et de l’arbitrage. Dans le premier cas, les paiements rapides ne s’appliquent pas à l’exploitation et l’entretien, et la présentation d’une facture en bonne et due forme pourrait être assujettie à la certification de paiement préalable. Dans le deuxième cas, certaines décisions ne peuvent pas être renvoyées à l’arbitrage, comme celles qui touchent l’achèvement pour l’essentiel de l’accord du projet, l’exécution pour l’essentiel d’un accord entre le promoteur du secteur public et un entrepreneur, et l’atteinte d’une étape en matière de paiements. Les parties à l’accord de projet peuvent également subir des contraintes dans la sélection d’un arbitre, car elles doivent demander au certificateur indépendant (s’il est désigné dans l’accord de projet) d’agir en cette capacité, à condition que le certificateur indépendant soit un arbitre figurant au registre.

L’accord conclu entre le promoteur du secteur public et l’entrepreneur sera également réputé être un contrat du secteur public entre l’entrepreneur et l’entité gouvernementale, aux fins du cautionnement obligatoire, abordé dans la prochaine section.

Obligation de cautionnement

La Loi exigera que certains cautionnements soient fournis relativement à un contrat du secteur public, qui est défini comme un contrat relatif à une amélioration conclu avec la Couronne, une municipalité ou un organisme du secteur parapublic.

Un entrepreneur qui est partie à un contrat du secteur public est tenu de fournir un cautionnement garantissant le paiement de la main-d’œuvre et des matériaux, ainsi qu’un cautionnement d’exécution. Les règlements prévoient que ces cautionnements ne seront exigés que si le prix du contrat du secteur public est d’au moins 250 000 $. Le cas échéant, les règlements exigent que chaque cautionnement soit d’au moins 50 % du prix du contrat, jusqu’à un maximum de 50 millions de dollars (pour un contrat dont le prix est de 100 millions de dollars).

 

[1] Cet article est fourni uniquement à des fins d’information générale et ne constitue nullement un avis juridique. Il vous est conseillé d’obtenir l’opinion d’un avocat spécialisé en construction.

[2] Loi sur la construction, L.R.O. 1990, ch. C-30, paragraphe 34(9). (Non encore en vigueur).

[3] Loi sur la construction, L.R.O. 1990, ch. C-30, paragraphes 44(1), (2.1) et (2.2). (Non encore en vigueur).

[4] Loi sur le privilège dans l’industrie de la construction, L.R.O. 1990, ch. C-30, article 19(1). (Non encore en vigueur).

[5] Loi sur le privilège dans l’industrie de la construction, L.R.O. 1990, ch. C-30, paragraphes 39(4) et 39(4.1). (Non encore en vigueur).

[6] Loi sur le privilège dans l’industrie de la construction, L.R.O. 1990, ch. C-30, paragraphes 1(1)(« amélioration »), 1.1 et 1.2. (Non encore en vigueur).