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Émissions de titres de créance hybrides par les banques canadiennes

Auteur(s) : Timothy Hughes, Rosalind Hunter

Le 8 décembre 2020

Les titres de créance hybrides sont des titres de créance auxquels des caractéristiques de titres de participation ont été ajoutées à des fins de conformité avec des exigences imposées par un organisme de réglementation, une agence de notation ou tout autre tiers responsable de surveiller la structure du capital d’un émetteur donné. La création d’un nouveau type d’instrument hybride qui répond aux exigences strictes en matière de capitaux visant les institutions financières canadiennes assujetties aux lois fédérales signifie que 2020 a été une année charnière sur le plan de l’élaboration de ce type de titres de créance au Canada. Osler est fier d’avoir joué un rôle clé dans la mise au point de la nouvelle structure d’un instrument de capital de catégorie 1.

Exigences réglementaires en matière de capital pour les banques

Au 1er janvier 2013, le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), soit l’organisme de réglementation responsable de surveiller les instruments de capital émis par les banques canadiennes, a adopté un ensemble de règles convenues, qui ont été mises au point par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire en réaction à la crise financière de 2008. Ces règles, que l’on appelle les Accords de Bâle III, visent à renforcer la réglementation, la supervision et la gestion des risques au sein des banques. Elles imposent des exigences détaillées concernant les instruments de capital pouvant être émis par les institutions financières à l’intention des investisseurs. 

Ces mesures prévoient des exigences pour les instruments de capital de catégorie 1. Les instruments de capital de catégorie 1 s’entendent des capitaux qui répondent à la définition de capitaux de catégorie 1 aux termes des exigences en matière de fonds propres des Accords de Bâle III et qui ne sont pas des actions ordinaires ou des actions privilégiées perpétuelles non cumulatives. Au même moment, le BSIF a mis en place une exigence en vertu de laquelle chaque instrument sous forme de capital-actions non ordinaire émis par une banque après le 1er janvier 2013 doit être assorti d’une caractéristique voulant qu’il soit convertible en actions ordinaires si la banque visée cesse d’être viable (caractéristique dite des fonds propres d’urgence en cas de non-viabilité (NVCC). Tout instrument de capital en circulation après le 1er janvier 2013, qui ne présente pas la caractéristique de NVCC devra être supprimé graduellement sur 10 ans. 

Suivant ces exigences réglementaires, le marché des instruments de capital de catégorie 1 des banques canadiennes a inscrit une baisse et ces dernières ont cherché à mettre au point de nouveaux instruments de ce genre qui seraient conformes à la nouvelle réglementation applicable aux instruments de capital de catégorie 1. 

Billets de capital à recours limité de catégorie 1

En juillet 2020, le BSIF a déterminé que les billets de capital à recours limité de catégorie 1, soit une nouvelle forme de titre de créance hybride créée par la Banque Royale du Canada (RBC) et Osler, répondaient à la définition d’instrument de capital de catégorie 1. RBC a conclu le placement initial de ce nouvel instrument de placement dans le cadre d’une opération d’une valeur de 1,75 milliard de dollars. 

Les billets de capital à recours limité de catégorie 1 sont structurés comme des titres de créance subordonnés émis directement par une banque. Dans des conditions normales, la banque versera des intérêts sur le billet au détenteur de celui-ci. Toutefois, si elle éprouve des difficultés financières, les porteurs des billets n’ont aucun recours sur son actif général. De fait, leur recours se limitera plutôt à un bassin d’actions privilégiées de la banque. Si ces actions privilégiées sont remises aux porteurs des billets, les recours de ces derniers aux termes des titres de créance subordonnés prennent fin et ils deviennent détenteurs de titres de participation dans la banque. 

En raison de ces caractéristiques, le BSIF a jugé que les billets de capital à recours limité de catégorie 1 sont conformes aux lignes directrices des Accords de Bâle III, qui exigent que les détenteurs d’instrument de capital de catégorie 1 soient du même rang que les actionnaires de la banque émettrice, plutôt que d’être considérés comme des créanciers lors des périodes de difficultés financières. Aux termes des décisions du BSIF, les billets de capital à recours limité de catégorie 1 peuvent uniquement être émis à l’intention des investisseurs institutionnels.

Le lancement des billets de capital à recours limité de catégorie 1 a changé rapidement le marché des instruments de capital de catégorie 1 des banques canadiennes. D’autres banques canadiennes, dont la Banque Nationale du Canada et la Banque de Montréal, ont rapidement emboîté le pas à la RBC en effectuant à leur tour des placements de titres de créance hybrides de catégorie 1. Depuis le premier placement de ce nouvel instrument de capital par la RBC en juillet 2020, les banques canadiennes ont émis près de 6 milliards de dollars en billets de capital à recours limité de catégorie 1. D’autres institutions financières assujetties aux lois fédérales, telles que les compagnies d’assurance, devraient suivre leurs traces. 

Ces nouveaux instruments de capital de catégorie 1 émis par les banques devraient également favoriser un marché pour les investisseurs institutionnels d’envergure plus mondiale que celui qui existe actuellement. Contrairement aux dividendes des actions ordinaires et privilégiées, qui sont sujets à une retenue d’impôt, les intérêts payés sur les billets ne sont visés par aucune retenue d’impôt. De cette façon, ils peuvent rivaliser avec les instruments émis par les homologues internationaux des banques canadiennes. Au cours des prochaines années, les participants aux marchés doivent s’attendre à ce que les banques canadiennes remplacent leurs actions privilégiées en circulation par des billets de capital à recours limité de catégorie 1. Un tel changement fera en sorte que le bassin d’investisseurs individuels nationaux existants détenteurs d’actions privilégiées sera éclipsé par un bassin d’investisseurs institutionnels mondiaux porteurs de billets de capital à recours limité de catégorie 1.

Osler a toujours su innover sur le marché des titres de créance hybrides. De fait, en 2016, Osler a créé un billet hybride pour la société de services et d’énergie Emera Inc., après quoi cette dernière a effectué un placement de 1,2 milliard de dollars américains dans le cadre d’une opération de financement d’acquisition. Ces billets permettent de bénéficier d’un crédit de capitaux propres de 50 % aux fins des agences de cotation et sont assortis d’un coupon déductible qui n’est pas assujetti à une retenue d’impôt au Canada. Ces billets hybrides continuent d’être émis par des sociétés canadiennes et ont été la structure sur laquelle Osler s’est basé pour créer les billets de capital à recours limité de catégorie 1 à l’intention des institutions financières canadiennes, conformément aux Accords de Bâle III.