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La Colombie-Britannique annonce des exigences d’inscription nouvellement étendues à l’égard de sa taxe de vente provinciale

Auteur(s) : Alan Kenigsberg, Roger Smith, D’Arcy Schieman

Le 5 mars 2020

Dans son budget et son plan fiscal pour 2020, daté du 18 février 2020, la Colombie-Britannique a annoncé qu’elle imposerait des exigences d’inscription nouvellement étendues à l’égard de sa taxe de vente provinciale (TVP de la C.-B.). Les nouvelles exigences qui entreront en vigueur le 1er juillet 2020 exigeront de certains non-résidents de la Colombie-Britannique de s’inscrire à titre de percepteurs de la TVP de la C.-B. Plus précisément, les vendeurs canadiens de produits, ainsi que les vendeurs canadiens et non canadiens de logiciels et de services de télécommunications, pourraient être tenus de s’inscrire si leurs revenus annuels provenant des ventes en Colombie-Britannique excèdent 10 000 $, même s’ils ne disposent pas d’un établissement permanent ou n’exercent pas d’activités dans cette province.

Ces changements constituent un important élargissement des règles qui nécessiteront probablement l’inscription de nombreuses entreprises qui n’étaient pas tenues de le faire auparavant. Historiquement, la Colombie-Britannique n’exigeait des personnes ne se trouvant pas dans cette province de s’inscrire à la TVP que dans des circonstances précises, par exemple si elles sollicitaient des personnes en Colombie-Britannique à l’égard de commandes par la publicité ou d’autres moyens ou si elles détenaient des biens meubles corporels en stock en Colombie-Britannique. Toutefois, comme indiqué dans le projet de loi actuel, les personnes situées au Canada, mais pas en Colombie-Britannique, seront tenues de s’inscrire dans certaines circonstances même si elles ne font en sorte que de livrer des biens meubles corporels en Colombie-Britannique. Les personnes qui ne sont pas des résidents du Canada (ainsi que les Canadiens qui ne sont pas des résidents de la Colombie-Britannique) seront tenues pour leur part de s’inscrire dans certaines circonstances si elles fournissent « un logiciel destiné à être utilisé sur ou avec un appareil électronique habituellement situé en Colombie-Britannique ou fournissent un service de télécommunications. » (le terme « service de télécommunication » est défini de manière très large et comprend le droit d’accéder à une variété de médias).

Les nouvelles exigences font suite à de récentes modifications législatives au Québec et en Saskatchewan (en anglais seulement) exigeant des non-résidents qu’ils s’inscrivent à la taxe de vente aux fins de la percevoir. Les exigences du Québec s’appliquent à la plupart des fournitures de services et de biens meubles incorporels taxables à des consommateurs du Québec tandis que les exigences de la Saskatchewan s’appliquent à la plupart des ventes au détail de biens meubles corporels, aux services taxables et aux locations de biens taxables en Saskatchewan.

Les changements apportés à l’égard des services de télécommunications sont faits dans le cadre de la controverse mondiale actuelle sur ce que l’on a différemment appelé les « taxes numériques » et la « taxe Netflix » – c.-à-d., des obligations de recouvrement fiscal qui semblent viser une poignée de grandes entreprises américaines fournissant des produits et services de l’« économie numérique » à des consommateurs dans d’autres territoires où ces sociétés n’ont pas de présence physique ou n’exercent pas d’activités. Contrairement à des taxes plus ambitieuses comme la « taxe numérique » de 3 % imposée par la France, les changements intervenus au Québec, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique ne cherchent sans doute qu’à percevoir plus efficacement les taxes de vente existantes auprès des consommateurs au Canada. La plupart des taxes de vente provinciales, ainsi que la taxe sur les produits et services et la taxe de vente harmonisée (TPS et TVH) fédérales, exigent en général déjà des consommateurs d’autoévaluer la taxe sur les fournitures de contenu numérique qu’ils reçoivent de sociétés non résidentes qui ne sont pas inscrites pour percevoir ces taxes. Cela dit, nous comprenons que très peu de consommateurs sont conscients de cette obligation et qu’ils sont encore moins nombreux à déclarer et à verser ces taxes sur de telles fournitures. L’imposition d’exigences d’inscription extraprovinciales peut être un moyen efficace de recouvrer des taxes qui sont techniquement dues en vertu de la législation existante, mais rarement payées dans la pratique, auprès des consommateurs canadiens. Toutefois, cela ne facilite pas la tâche des entités non résidentes qui sont désormais tenues de s’inscrire à l’égard de ces taxes et de les percevoir en tant qu’agent pour le gouvernement.

Les nouvelles exigences de la Colombie-Britannique soulèvent plusieurs questions. Tout d’abord, on peut se demander si le seuil de revenus annuels de 10 000 $ est approprié. Ce seuil est extrêmement bas et pourrait étendre les exigences d’inscription à de nombreux non-résidents ne réalisant que des ventes minimales aux consommateurs en Colombie-Britannique. Alors qu’une grande partie de la discussion sur la « taxe numérique » à l’OCDE et ailleurs était axée sur les « géants du Web », le seuil de 10 000 $ peut injustement étendre les exigences à de nombreuses entreprises beaucoup plus petites. Comme point de comparaison, la TPS et la TVH, ainsi que la taxe de vente du Québec, n’exigent généralement des entreprises de s’inscrire que dans le cas où elles effectuent des fournitures taxables de plus de 30 000 $ par année. Étant donné les coûts administratifs liés à l’inscription, les petites entreprises pourraient être moins susceptibles de vendre à des consommateurs en Colombie-Britannique.

Deuxièmement, des questions juridiques et pratiques se posent à l’égard de l’applicabilité des exigences d’inscription provinciale à l’extérieur de la Colombie-Britannique. Plus particulièrement, en vertu de la Constitution canadienne, la Provincial Sales Tax Act de la Colombie-Britannique (ou d’autres lois provinciales analogues) peut-elle obliger une société qui n’est pas résidente de la province et qui n’y exerce pas d’activité commerciale à agir en tant qu’agent de perception pour la province? Il est possible qu’un tribunal puisse conclure que la Colombie-Britannique n’a pas le pouvoir d’imposer les nouvelles exigences à des non-résidents de la province ailleurs au Canada, et encore moins dans d’autres pays. Il n’est pas non plus évident, d’un point de vue pratique, de savoir comment la Colombie-Britannique pourrait appliquer les nouvelles exigences aux personnes n’ayant pas d’actifs au Canada (ou peut-être même à l’égard de Canadiens n’ayant pas d’actifs en Colombie-Britannique); toutefois, l’expérience au Québec semble suggérer que de nombreuses sociétés non résidentes sont à tout le moins raisonnablement disposées à s’inscrire à l’égard des taxes québécoises et à les percevoir et pourraient être tout aussi enclines à le faire en Colombie-Britannique.

Troisièmement, bien que la TVP de la Colombie-Britannique fasse déjà une distinction entre les personnes situées ailleurs au Canada et les personnes situées à l’extérieur du Canada, il est sans doute injuste à l’égard des vendeurs de produits dans d’autres provinces canadiennes d’exiger d’eux qu’ils s’inscrivent tout en n’accordant pas le même traitement aux personnes situées à l’extérieur du Canada. Les exigences étendues peuvent donc désavantager les entreprises canadiennes sur le plan fiscal par rapport à des sociétés non résidentes semblables lors de la vente aux consommateurs en Colombie-Britannique.

Quatrièmement et pour conclure, l’adoption de ces changements fiscaux dans une troisième province soulève la question de savoir si de tels changements peuvent être prévus à l’égard de la TPS et de la TVH dans le prochain budget fédéral. Une telle extension des exigences fédérales en matière d’inscription alignerait le Canada avec la politique fiscale de nombreux pays de l’Union européenne et d’ailleurs. Cette voie peut également être préférable aux tentatives de prélèvement d’une taxe numérique du type de celle proposée en France, ayant le potentiel de déclencher des tarifs de rétorsion de la part des principaux partenaires commerciaux – la raison même pour laquelle la France a finalement reporté l’application de la taxe à la fin de 2020 et pour laquelle l’avenir d’une taxe semblable au Royaume-Uni est incertain.