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Le gouvernement du Québec propose des modifications à la Loi sur la taxe de vente du Québec portant sur l’économie numérique et le commerce électronique qui avaient été annoncées dans le budget 2018

Auteur(s) : Alain Fournier, Marc Roy

Le 31 mai 2018

Dans ce bulletin d’actualités :

  • Le gouvernement du Québec a récemment proposé des modifications à la Loi sur la taxe de vente du Québec (la LTVQ) et à la Loi sur l’administration fiscale portant sur l’économie numérique et le commerce électronique qui avaient été annoncées dans le budget 2018.
  • Les modifications obligeraient les fournisseurs non résidents et les plateformes numériques à s’inscrire au régime de la LTVQ et à percevoir et remettre la taxe de vente du Québec applicable à certaines fournitures taxables effectuées aux consommateurs québécois désignés, comme les services et les biens meubles incorporels, incluant le contenu média téléchargeable, fournis hors du Canada.
  • Si ces modifications sont approuvées, elles entreront en vigueur le 1er janvier 2019, en ce qui concerne les fournisseurs désignés étrangers et les exploitants de plateformes numériques désignées, et le 1er septembre 2019, en ce qui concerne les fournisseurs désignés canadiens et les exploitants de plateformes numériques désignées à l’égard des fournitures effectuées par d’autres fournisseurs désignés.

Le gouvernement du Québec a récemment proposé des modifications à la Loi sur la taxe de vente du Québec (la LTVQ) et à la Loi sur l’administration fiscale visant l’adoption de mesures concernant l’inscription des fournisseurs non résidents au régime de la taxe de vente du Québec (TVQ), lesquelles avaient été annoncées dans le budget 2018 (voir notre Bulletin d’Actualités Osler).

Même si la LTVQ contient déjà des dispositions obligeant les consommateurs québécois à verser la TVQ par autocotisation pour l’acquisition de biens meubles corporels en provenance d’autres territoires canadiens, mais hors du Québec, et pour l’acquisition de services et de biens meubles incorporels tels que le contenu média téléchargeable acquis hors du Canada, le budget 2018 a reconnu que dans les faits, cette obligation est très rarement respectée.

En vertu des nouvelles règles, en présumant qu’un seuil minimum est atteint, les fournisseurs non résidents seront tenus de s’inscrire à ce nouveau régime d’inscription et ils auront l’obligation de percevoir et de remettre la TVQ applicable aux fournitures effectuées aux consommateurs québécois désignés. Cette obligation de perception s’appliquera aux fournitures de biens meubles incorporels et de services effectuées par des non-résidents, et lorsque les non-résidents seront situés dans un territoire canadien, mais hors du Québec, l’obligation s’étendra aux biens meubles corporels. Les plateformes numériques qui fournissent des services à un fournisseur non résident lui permettant d’effectuer des fournitures de biens meubles incorporels ou de services à des consommateurs québécois désignés seront également assujetties à l’obligation d’inscription imposée aux fournisseurs non résidents, lorsque ce sont elles qui contrôlent les principaux éléments des transactions.

Processus législatif

Ces modifications ont été proposées au moyen d’amendements apportés au projet de loi 150, auparavant intitulé Loi concernant principalement la mise en œuvre de certaines dispositions des discours sur le budget du 17 mars 2016 et du 28 mars 2017. Les modifications ont été soumises à une étude détaillée en commission, après qu’une version du projet de loi qui ne comprenait pas ces mesures ait reçu l’adoption de principe de l’Assemblée nationale. Dans le cadre du groupe de modifications qui ont été approuvées par la Commission des finances publiques, le titre du projet de loi serait modifié pour devenir Loi favorisant un meilleur encadrement de l’économie numérique en matière de commerce électronique, de transport rémunéré de personnes et d’hébergement touristique et modifiant diverses dispositions législatives[1]. Le rapport de la Commission, ainsi que les amendements, ont été déposés à l’Assemblée nationale le 17 mai 2018, et le projet de loi 150 devrait être approuvé et adopté au plus tard le 15 juin 2018, date de clôture de la session en cours de l’Assemblée nationale.

La démarche du gouvernement est tout à fait inhabituelle, puisque ces mesures ne figuraient pas dans la version du projet de loi présentée à l’Assemblée nationale lorsque cette dernière en a adopté le principe. De fait, la plupart des dispositions qui ont été présentées dans la première version du projet de loi 150 ont été retirées. Même si le projet de loi doit encore obtenir l’approbation finale de l’Assemblée nationale, il reste que ces mesures ont sauté plusieurs étapes du processus législatif habituel, l’objectif étant de s’assurer que les modifications relatives au commerce électronique seraient adoptées avant la fin de 2018.

Modifications proposées

L’élément central de ces modifications est l’ajout d’un nouveau chapitre VIII.1 à la LTVQ, qui contient les définitions ainsi que le dispositif régissant la perception et la remise de la TVQ par les fournisseurs non résidents.

Voici un résumé des principales dispositions du nouveau régime :

  • Fournisseur désigné : fournisseur qui n’exploite pas d’entreprise au Québec, qui n’y a pas d’établissement stable et qui n’est pas inscrit en vertu de la section I du chapitre VIII de la LTVQ.
  • Fournisseur désigné canadien : fournisseur désigné qui est inscrit au régime de la TPS; « fournisseur désigné étranger » est défini comme un fournisseur désigné qui n’exploite pas d’entreprise au Canada, qui n’y a pas d’établissement stable et qui n’est pas inscrit au régime de la TPS.
  • Plateforme numérique désignée : plateforme numérique de distribution de biens ou de services par l’entremise de laquelle une personne donnée permet à une autre personne qui est un fournisseur désigné d’effectuer au Québec la fourniture taxable d’un bien meuble incorporel ou d’un service à un acquéreur, pour autant que la personne donnée contrôle les éléments essentiels de la transaction entre le fournisseur désigné et l’acquéreur tels que la facturation, les modalités et conditions de la transaction et les modalités de livraison.
  • Consommateur québécois : consommateur dont le lieu de résidence habituelle, déterminé conformément aux nouvelles dispositions dont il est question ci-après, est situé au Québec. Un « consommateur québécois désigné » est un acquéreur dont le lieu de résidence habituelle est au Québec, comme il est déterminé conformément aux nouvelles dispositions, et qui n’est pas inscrit en vertu de la section I du chapitre VIII de la LTVQ, comme il est déterminé conformément aux nouvelles dispositions.

Obligation de s’inscrire

Un fournisseur désigné, ou l’exploitant d’une plateforme numérique désignée qui n’est pas inscrite en vertu du chapitre VIII, est tenu de s’inscrire en vertu du chapitre VIII.1 de la LTVQ le premier jour du mois à compter duquel le montant total des fournitures taxables de services ou de biens meubles incorporels qu’il a effectuées au Québec à des acquéreurs qu’il est raisonnable de considérer comme des consommateurs, atteint 30 000 $ pour la période de 12 mois précédant le premier jour de ce mois. Dans le cas des fournisseurs désignés canadiens, la fourniture de biens meubles corporels au Québec est également comptabilisée dans le montant total.

Aux fins de déterminer si une personne est tenue de s’inscrire, la présomption de l’article 23 de la LTVQ selon laquelle certaines fournitures sont effectuées hors du Québec est réputée ne pas s’appliquer.

De plus, pour déterminer si l’acquéreur de la fourniture a son lieu de résidence habituelle au Québec, le fournisseur doit, au moment d’effectuer la fourniture, avoir obtenu dans le cours normal de ses opérations au moins deux des éléments d’information non contradictoires suivants :

  1. l’adresse de facturation de l’acquéreur;
  2. l’adresse résidentielle ou d’affaires de l’acquéreur;
  3. l’adresse IP de l’appareil utilisé pour effectuer la transaction, ou une donnée semblable obtenue par géolocalisation;
  4. les détails des coordonnées bancaires de l’acquéreur utilisées pour le paiement ou l’adresse de facturation utilisée par la banque;
  5. les informations provenant d’une carte SIM utilisée par l’acquéreur;
  6. l’endroit où le service de ligne téléphonique fixe de l’acquéreur est fourni;
  7. toute autre information pertinente.

Le ministre peut permettre l’utilisation d’une méthode différente si le fournisseur ne peut, en raison de ses pratiques commerciales, obtenir deux éléments d’information non contradictoires parmi ceux énumérés ci-dessus lui permettant de déterminer le lieu de résidence habituelle de l’acquéreur d’une fourniture.

Si un fournisseur a obtenu deux éléments d’information qui appuient la conclusion que le lieu de résidence habituelle de l’acquéreur d’une fourniture est situé au Québec et au moins deux autres éléments d’information qui appuient la conclusion que ce lieu de résidence habituelle est situé hors du Québec, le fournisseur doit choisir les éléments d’information qui sont les plus fiables afin de déterminer ce lieu de résidence.

Obligation de percevoir la TVQ

Un fournisseur désigné qui est inscrit en vertu du chapitre VIII.1 et qui effectue la fourniture taxable d’un service ou d’un bien meuble incorporel au Québec à un consommateur québécois désigné est tenu de percevoir la TVQ sur cette fourniture au nom du ministre.

Un fournisseur désigné canadien inscrit en vertu du chapitre VIII.1 est également tenu de percevoir la TVQ sur une fourniture au Québec d’un bien meuble corporel à un consommateur québécois désigné.

L’exploitant d’une plateforme numérique désignée inscrite en vertu du chapitre VIII.1 qui perçoit un montant relativement à la fourniture taxable d’un service ou d’un bien meuble incorporel par un fournisseur désigné à un consommateur québécois désigné est tenu de percevoir la TVQ sur cette fourniture.

Si l’acquéreur de la fourniture informe le fournisseur ou l’exploitant d’une plateforme numérique inscrite en vertu du chapitre VIII et lui communique un numéro de TVQ, l’acquéreur pourra être considéré comme n’étant pas un consommateur québécois désigné.

Lorsque la TVQ est perçue sur une fourniture, le fournisseur doit indiquer sur le reçu le montant payé ou payable pour la fourniture, et il doit indiquer la TVQ applicable, ou il doit préciser que le montant total inclut la TVQ.

Déclaration et versement au ministre

Toute personne inscrite en vertu du chapitre VIII.1 (ci-après, une « personne inscrite ») sera tenue de produire des déclarations trimestrielles le mois suivant la fin de chaque trimestre civil, et de remettre la TVQ en conséquence.

Si une personne inscrite est payée par l’acquéreur dans une devise prescrite, incluant le dollar américain et l’euro, elle peut choisir de produire sa déclaration en calculant le montant de la TVQ dans cette devise et remettre la TVQ dans cette même devise.

Si la personne inscrite est payée dans une devise étrangère autre qu’une devise prescrite, ou si elle est payée dans une devise prescrite, mais qu’elle choisit, au moment de produire sa déclaration, de ne pas calculer et remettre la TVQ dans cette devise, les montants qu’elle a perçus au titre de la TVQ sur les fournitures taxables doivent être convertis en dollars canadiens au taux de change en vigueur le dernier jour de la période de déclaration, ou selon toute autre méthode de conversion acceptable par le ministre. En tout état de cause, la méthode de calcul du taux de change doit être utilisée de manière constante durant au moins 24 mois.

Dans l’éventualité où une personne inscrite perçoit la TVQ d’une personne qui est inscrite en vertu du régime général (et qui par conséquent, n’est pas un consommateur québécois désigné), la personne inscrite sera tenue de rembourser le montant perçu en trop à la personne en question. En contrepartie, la personne inscrite pourra déduire le montant du remboursement dans sa déclaration produite pour le trimestre au cours duquel elle a émis le remboursement en question. Si le total des montants réclamés par la personne inscrite à titre de déduction excède le total des montants à remettre pour un trimestre donné, elle aura droit à un remboursement.

De plus, une personne résidant au Canada qui est l’acquéreur de la fourniture d’un bien meuble incorporel ou d’un service effectuée à distance par un fournisseur désigné étranger a droit au remboursement de la TVQ qu’elle a payée à l’égard de cette fourniture dans la mesure où elle est acquise pour consommation, utilisation ou fourniture dans une province participante au sens de la Loi sur la taxe d’accise (c.-à-d., Ontario, Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve-et-Labrador, Île-du-Prince-Édouard). La personne n’a droit au remboursement qu’à condition qu’elle ait payé la TVH à l’égard de la fourniture en question et qu’elle présente au ministre une preuve qu’il juge satisfaisante du paiement de cette taxe.

Pénalité pour évasion

L’acquéreur qui élude ou tente d’éluder le paiement de la TVQ à l’égard de la fourniture d’un service ou d’un bien meuble incorporel risque une pénalité égale au plus élevé de 100 $ et de 50 % du montant dont il a ainsi éludé ou tenté d’éluder le paiement.

Entrée en vigueur

Si ces modifications sont approuvées par l’Assemblée nationale, elles entreront en vigueur le 1er janvier 2019, en ce qui concerne les fournisseurs désignés étrangers et les exploitants de plateformes numériques désignées, à l’égard des fournitures effectuées par des fournisseurs désignés étrangers, et le 1er septembre 2019, en ce qui concerne les fournisseurs désignés canadiens et les exploitants de plateformes numériques désignées, à l’égard des fournitures effectuées par des fournisseurs désignés autres que des fournisseurs désignés étrangers.

Avec l’adoption de ces règles, de nombreux fournisseurs non canadiens, incluant des plateformes numériques, seront tenus de s’inscrire et de commencer à percevoir la TVQ à l’égard des fournitures de services et de biens meubles incorporels aux consommateurs québécois désignés. Dans le cadre de ce processus, ces fournisseurs non canadiens devront revoir leurs systèmes avant le 1er janvier 2019 pour être en mesure d’administrer la TVQ conformément à ce nouveau régime. Ils pourraient également en profiter pour déterminer s’il serait plus judicieux de s’inscrire au régime général de la TVQ (ce qui leur permettrait de réclamer le remboursement de la taxe sur les intrants pour la TVQ qu’ils payent, le cas échéant).

Les nouvelles mesures proposées par Québec sont comparables aux autres régimes de taxe de vente adoptés un peu partout dans le monde en ce qui concerne le commerce électronique, mais au Canada, elles constituent la première tentative d’imposer des obligations d’inscription et de perception aux fournisseurs n’ayant que des liens limités avec le Canada.

Si vous avez des questions sur le sujet, veuillez communiquer avec l’un des membres de l’équipe de droit fiscal d’Osler :

Alain Fournier afournier@osler.com 514 904-5390

Alan Kenigsberg akenigsberg@osler.com 416 862-6659

Marlene Legare mlegare@osler.com 416 862-4603

Marc Roy mroy@osler.com 514 904-5775

D’Arcy Schieman dschieman@osler.com 416 862-5977


[1] En anglais : An Act to better regulate the digital economy as regards e-commerce, remunerated passenger transportation and tourist accommodation and to amend various legislative provisions.