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Directives d’interprétation du gouvernement fédéral concernant les règlements sur le harcèlement et la violence au travail

Auteur(s) : Brian Thiessen, Kelly O’Ferrall, Abigail Ywaya

Le 4 mars 2021

Comme beaucoup l’ont fait à l’aube d’une nouvelle année, les employeurs sous réglementation fédérale ont accueilli favorablement l’entrée en vigueur des modifications apportées au Code canadien du travail (le Code) en vertu du projet de loi C-65, Loi modifiant le Code canadien du travail (harcèlement et violence), à la Loi sur les relations de travail au Parlement et à la Loi d’exécution du budget de 2017, no 1 ainsi que du Règlement sur le harcèlement et la violence au travail correspondant (le Règlement). Les exigences du Règlement sont résumées dans nos précédents articles sur le sujet (vous pouvez trouver la partie 1 ici – et la partie 2 ici).

Les modifications comprennent de nouvelles exigences en matière de formation, d’enquête, de signalement et de prévention du harcèlement et de la violence dans les lieux de travail sous réglementation fédérale. Pour aider les employeurs à mettre en œuvre les nouvelles modifications, le gouvernement fédéral a publié des lignes directrices interprétatives (les « Lignes directrices ») qui répondent aux éventuelles questions concernant les nouvelles dispositions du Code et du Règlement sur la violence et le harcèlement au travail et fournissent des conseils pratiques sur la mise en œuvre des nouvelles exigences. Certains des éléments clés des Lignes directrices sont abordés ci-dessous.

Définitions clés

Étant donné que la terminologie utilisée dans le Règlement est nouvelle (et quelque peu inhabituelle), nous présentons ici certains termes définis et couramment utilisés pour faciliter la consultation :

  • « partenaire concerné » : désigne le comité d’orientation de l’employeur ou, en l’absence de comité d’orientation, le comité local ou le représentant en matière de santé et de sécurité.
  • « avis d’incident » : désigne une plainte concernant un incident de violence ou de harcèlement.
  • « partie principale » : désigne la partie qui a subi la violence ou le harcèlement.
  • « partie intimée » : désigne la partie à l’encontre de laquelle la plainte pour violence ou harcèlement est déposée.

Clarification de ce qui peut être considéré comme un cas de harcèlement et de violence dans le lieu de travail

Le Code définit le harcèlement et la violence comme « tout acte, comportement ou propos, notamment de nature sexuelle, qui pourrait vraisemblablement offenser ou humilier un employé ou lui causer toute autre blessure ou maladie, physique ou psychologique, y compris tout acte, comportement ou propos réglementaire ». Les Lignes directrices confirment qu’un seul acte, comportement ou propos peut constituer un cas de harcèlement et de violence au travail. Le Code prévoit également la possibilité d’une réglementation future qui préciserait que d’autres actes, comportements ou propos constituent du harcèlement ou de la violence au travail (aucune réglementation de ce type n’est encore en place). Les Lignes directrices donnent des exemples du large éventail de comportements pouvant constituer du harcèlement et de la violence au travail : répandre des rumeurs ou des commérages, se livrer à la cyberintimidation, faire des blagues ou des remarques offensantes, jouer des tours non désirés, faire des remarques indésirables au sujet du corps ou de l’apparence d’une personne, isoler socialement une personne, frapper une personne, jurer ou crier de façon offensante, avoir des contacts de nature sexuelle et modifier avec malveillance les lignes directrices et les délais de travail.

Le Règlement définit un cas de harcèlement comme « un incident de harcèlement et de violence dans le lieu de travail ». Les Lignes directrices expliquent qu’aux fins du Code, un incident de harcèlement et de violence dans le lieu de travail peut se produire à n’importe quel endroit où un employé exécute un travail pour son employeur, y compris pendant un déplacement ou lors de fonctions après le travail organisées par l’employeur, et qu’un lieu de travail peut comprendre des espaces publics, des locaux de tiers et même la résidence de l’employé si celui-ci est autorisé à travailler à domicile. Les employeurs doivent noter qu’étant donné l’augmentation des accords de travail à domicile, un incident de violence au travail peut viser la violence conjugale ou familiale qui se produit soit dans un lieu de travail fourni par l’employeur, soit à domicile au cours d’un accord de travail à domicile. Cette définition du lieu de travail impose à l’employeur la responsabilité de traiter les incidents de violence conjugale ou familiale. Les Lignes directrices recommandent qu’en cas de violence familiale ou conjugale, l’employeur procède à une évaluation des risques et élabore un modèle de planification de la sécurité au travail. L’employeur doit également aiguiller la victime vers des services de soutien.

Obligations des employeurs en matière d’évaluation du lieu de travail

Le Règlement exige de l’employeur qu’il procède à une évaluation initiale du lieu de travail, notamment la prise en compte et la détermination des facteurs de risque internes et externes. Le Règlement ordonne aux employeurs de procéder à l’évaluation avec un partenaire concerné. Les Lignes directrices fournissent des exemples de facteurs de risque qui peuvent contribuer au harcèlement et à la violence dans le lieu de travail, notamment : les caractéristiques des clients, l’environnement physique du travail, l’activité professionnelle et la culture organisationnelle, les facteurs liés à l’emploi et d’autres facteurs externes tels que la violence conjugale.

Dans certaines circonstances, le Règlement exige que l’évaluation du lieu de travail d’un employeur soit revue et mise à jour avec le partenaire concerné, notamment lorsque la partie principale met fin au processus de règlement, mais avant que l’incident ne soit réglé et lorsque la partie intimée est un tiers (et non un employé). Les Lignes directrices mettent en lumière les obligations de l’employeur dans cette situation : l’employeur doit cerner tout facteur de risque supplémentaire, évaluer l’adéquation des mesures préventives et élaborer de nouvelles mesures préventives. Les Lignes directrices fournissent également des exemples de mesures préventives qu’un employeur peut prendre pour atténuer le risque de harcèlement et de violence dans le lieu de travail, telles que la formation sur les lieux de travail, la conception du lieu de travail et les pratiques administratives.

Délais de notification à l’employeur d’un incident de violence et de harcèlement au travail

Le Code ne fixe aucun délai pour qu’un employé en poste présente à l’employeur un avis d’incident de harcèlement ou de violence. Les Lignes directrices confirment qu’il n’existe pas de tel délai. Toutefois, les Lignes directrices reconnaissent qu’un retard dans la notification de l’employeur peut affecter la capacité de ce dernier à évaluer l’incident. Les Lignes directrices précisent également que si la partie intimée n’est plus employée, l’employeur n’est pas tenu d’enquêter, mais plutôt de procéder à un examen et à une mise à jour de l’évaluation de l’employeur du lieu de travail.

Dans le cas d’anciens employés, le Code limite les délais de présentation d’un avis d’incident de harcèlement ou de violence au travail. Les anciens employés disposent généralement de trois mois après la fin de leur emploi pour le faire; toutefois, le Code permet à un ancien employé de demander une prolongation de la période de notification de trois mois après la fin de son emploi. Plus particulièrement, une prolongation peut être obtenue lorsque la partie principale démontre qu’elle n’a pas pu aviser l’employeur dans les délais de trois mois en raison du traumatisme subi à la suite de l’incident ou d’un autre problème de santé. Selon les Lignes directrices, la partie principale est tenue de fournir des documents attestant du traumatisme ou du problème de santé, telles qu’une déclaration solennelle, un rapport de police, une note d’un travailleur social, d’un professionnel de la santé ou d’un conseiller, ou une ordonnance d’interdiction de communiquer.

Signification de « destinataire désigné » par rapport à une « personne qui est désignée »

Le Règlement comporte des obligations applicables au « destinataire désigné » et, distinctement, les obligations d’une « personne désignée pour recevoir une plainte ». La différence entre ces deux expressions assez semblables est clarifiée dans les Lignes directrices. Plus particulièrement :

  • Le « destinataire désigné » est la personne à laquelle l’employé plaignant ou un témoin peut présenter un avis d’incident de harcèlement ou de violence dans le lieu de travail.
  • La « personne désignée » est la personne à laquelle un employé peut présenter une plainte concernant le non-respect des exigences du Règlement par l’employeur.

Les Lignes directrices précisent qu’en pratique, la personne désignée peut aussi être le destinataire désigné aux fins du Règlement.

Le Règlement ordonne à un employeur de désigner une personne ou une unité de travail comme destinataire désigné. Les Lignes directrices expliquent que l’employeur n’est pas limité aux employés dans le lieu de travail, mais il doit s’assurer que le destinataire désigné n’a aucune relation personnelle ou professionnelle directe avec l’une des parties et qu’il est en mesure de protéger la confidentialité de l’affaire.

Interaction entre le Code et la Loi canadienne sur les droits de la personne

Le Code énonce clairement que les protections qu’il prévoit ne retirent pas aux employés le droit que leur confère la Loi canadienne sur les droits de la personne. Selon les Lignes directrices, cela signifie que les employés peuvent suivre les processus de règlement prévus par le Code et par le Règlement en même temps que tout processus de règlement en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne et des griefs prévus par leur convention collective.

Les procédures de règlement et d’enquête

Après réception de l’avis d’incident, l’employeur a certaines obligations envers la partie principale. Le Règlement ordonne à l’employeur d’effectuer un examen initial de l’avis d’incident afin de déterminer si tous les renseignements exigés ont été fournis, et prévoit que si tous les renseignements ne sont pas fournis, l’incident sera considéré comme réglé. Les Lignes directrices expliquent que, si l’avis ne contient pas suffisamment de renseignements, l’employeur doit donner à l’employé qui a présenté l’avis la possibilité de fournir les renseignements.

Le Règlement permet expressément à la partie principale et à la partie intimée d’être représentées pendant le processus de résolution (en fait, l’employeur ou le destinataire désigné est tenu d’aviser la partie principale et la partie intimée qu’elles peuvent être représentées). Les Lignes directrices précisent en outre que les parties peuvent être représentées au cours du processus de règlement par tout un éventail de personnes, notamment un représentant syndical, un collègue, un conjoint/partenaire/membre de la famille ou un ami, à condition que la même personne ne représente pas les deux parties. Les Lignes directrices précisent également qu’un représentant ne peut parler au nom d’une partie qu’à l’administration du processus de règlement; chaque personne doit s’exprimer directement sur l’incident et répondre aux questions concernant l’incident pendant le règlement négocié. En outre, l’employeur ne doit communiquer avec la partie intimée que si la partie principale convient que c’est approprié, ou si l’employé plaignant choisit de procéder soit à une conciliation (définie au Règlement), soit à une enquête.

Résolution négociée

Les Lignes directrices jettent un peu de lumière sur l’exigence selon laquelle l’employeur, le destinataire désigné, la partie principale et la partie intimée, le cas échéant, doivent déployer des efforts raisonnables pour résoudre un incident dans un délai de 45 jours – cette section du Règlement est intitulée « règlement négocié », et les Lignes directrices définissent un règlement négocié comme la rencontre entre l’employeur, la partie principale et la partie intimée pour discuter de l’incident, clarifier les renseignements et tenter de parvenir à une résolution. Selon les Lignes directrices, cela doit se faire avant qu’une enquête n’ait lieu.

Les parties peuvent prendre part à un règlement négocié ou à une conciliation à tout moment, y compris pendant une enquête. Toutefois, si l’employeur demande à l’enquêteur de suspendre les enquêtes afin de faciliter le processus de négociation ou de conciliation, le délai d’un an pour mener à bien le processus de règlement s’applique toujours.