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Exemptions de l’application des politiques de vaccination obligatoire contre la COVID-19 : éléments clés à prendre en considération par les hôpitaux et les organisations de soins de santé

Auteur(s) : Paula Trattner, Aislinn E. Reid, Amanda Arella, Emilie Dillon

Le 28 septembre 2021

En vertu de la directive publiée le 17 août 2021 par le médecin hygiéniste en chef (Directive no 6 en vertu de l’article 77.7 de la Loi sur la protection et la promotion de la santé (la directive sur la vaccination) [PDF], les hôpitaux et les autres organisations de soins de santé (les organisations visées) devaient mettre en œuvre des politiques de vaccination contre la COVID-19 pour leurs employés, membres du personnel, entrepreneurs, étudiants et bénévoles d’ici le 7 septembre 2021[1]. Un bulletin d’actualités Osler antérieur présente une vue d’ensemble de la directive sur la vaccination.

Si la directive sur la vaccination n’impose pas d’obligation vaccinale, nombreuses sont cependant les organisations visées qui ont mis en œuvre des politiques de vaccination obligatoire applicables à tous les employés et aux membres du personnel professionnel. Compte tenu du caractère particulier des risques auxquels elles sont exposées et de leurs obligations de façon générale, et davantage encore durant la pandémie de COVID-19, ces organisations visées ont estimé que la vaccination obligatoire était nécessaire pour protéger les patients, les membres du personnel et les visiteurs, ainsi que pour assurer la continuité de la prestation des soins de santé.

Certaines exemptions de l’application des politiques de vaccination obligatoire pourraient être obtenues au titre soit d’un motif protégé par le Code des droits de la personne de l’Ontario (le Code), soit d’une raison médicale documentée. Pour les raisons indiquées plus haut, ces exemptions – au titre des droits de la personne ou d’une raison médicale – seront probablement limitées et les organisations visées devront prendre certaines mesures lors de l’évaluation des demandes d’exemption.

Exemptions médicales

Les exemptions de vaccination contre la COVID-19 pour raison médicale seront rares. Une personne doit présenter un problème de santé légitime documenté justifiant qu’il soit exempté de l’obligation de recevoir un vaccin contre la COVID-19. L’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario (OMCO) a publié un document d’orientation dans lequel il affirme qu’il n’existe que très peu de raisons médicales justifiant de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19, et que ces raisons sont les suivantes :

  • une réaction allergique ou anaphylactique grave, confirmée par un allergologue/immunologue, à une dose antérieure de vaccin contre la COVID-19 ou à l’un de ses composants;
  • un diagnostic de myocardite (inflammation du muscle cardiaque) ou de péricardite (inflammation du sac enveloppant le cœur) après avoir reçu un vaccin à ARNm.

L’OMCO a également déclaré que compte tenu du contexte pandémique, les médecins étaient autorisés à refuser de fournir à un patient une lettre à l’appui d’une demande d’exemption si le patient ne présente pas de problème de santé justifiant une telle exemption.[2]

Les organisations visées ont tout intérêt à analyser attentivement toutes les demandes d’exemption pour raison médicale et à exiger qu’elles soient accompagnées de documents justificatifs. Compte tenu de la rareté des problèmes de santé justifiant une exemption de vaccination contre la COVID-19, les organisations visées pourraient exiger que les demandes d’exemption pour raison médicale soient étayées par une lettre d’un médecin spécialiste. De plus, lorsqu’elles accordent des exemptions pour raison médicale, les organisations visées doivent évaluer si de telles exemptions doivent être limitées dans le temps ou permanentes.

Exemptions au titre des droits de la personne

Une personne pourrait être exemptée de vaccination contre la COVID-19 si elle ne peut être vaccinée en raison d’un motif protégé en vertu du Code.[3]

La plupart des demandes d’exemption de l’obligation vaccinale au titre des droits de la personne seront fondées sur la croyance. Au sens du Code, le terme « croyance » peut s’appliquer tant aux convictions religieuses qu’aux systèmes de croyances non religieuses qui s’apparentent à une religion. Entre autres, la croyance alléguée par la personne doit avoir un lien quelconque avec une organisation ou une communauté professant un système commun de convictions. Pour étayer une demande d’exemption fondée sur une croyance, une personne doit présenter une preuve objective établissant que la croyance ou la religion qu’elle allègue interdit la vaccination contre la COVID-19. Bon nombre de chefs religieux ont publiquement et à maintes reprises exhorté leurs fidèles à se faire vacciner contre la COVID-19. Par ailleurs, les préférences personnelles et les objections d’ordre philosophiques à la vaccination ne peuvent fonder une exemption. Dans son Énoncé de politique du 22 septembre 2021, la Commission ontarienne des droits de la personne affirme : « Bien que le Code interdise la discrimination fondée sur la croyance, des préférences personnelles ou des croyances particulières ne constituent pas une croyance aux fins du Code. »

L’obligation d’accommodement

Même si une personne établit l’existence d’une raison fondée sur le Code justifiant une exemption de l’obligation vaccinale, il est possible que l’organisation visée ne puisse pas accommoder sa demande sans créer un préjudice injustifié. En général, les organisations visées offrent des soins à des populations vulnérables et sont des milieux à plus haut risque, et la vaccination est une mesure d’une importance cruciale pour enrayer la transmission de la COVID-19 et assurer la continuité de la prestation des services de santé.

L’obligation d’accommodement dans le contexte des politiques de vaccination obligatoire n’a encore été examinée ni par la Commission ontarienne des droits de la personne ni par les tribunaux. Toutefois, la Commission ontarienne des droits de la personne a précisé que l’obligation d’accommodement peut être limitée si elle est susceptible de se traduire par une atteinte grave à la santé et à la sécurité d’autrui au point de constituer un préjudice injustifié, comme c’est le cas pendant une pandémie. La nature totalement inédite de la pandémie de COVID-19 et l’importance particulière du rôle des organisations de soins de santé dans les mesures de santé publique prises pour y répondre seront assurément des facteurs clés dans l’évaluation d’une éventuelle obligation des organisations visées d’accommoder les demandes d’exemption de l’obligation vaccinale.

Les hôpitaux et les organisations de soins de santé devraient également être rassurés par une décision rendue récemment en Ontario au sujet de l’accès des visiteurs pendant la présente pandémie de la COVID-19, que nous avons analysée dans un bulletin d’actualités antérieur. La Cour a reconnu « l’énorme expertise et les connaissances spécialisées » des hôpitaux quant à l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire en temps de pandémie[4].

Lorsqu’elles doivent déterminer si une demande d’exemption au titre d’un droit de la personne légitime peut être accueillie, les organisations visées doivent :

  • Examiner attentivement si l’accommodement du requérant est possible sans créer de préjudice injustifié. Les demandes doivent être traitées et les documents justificatifs doivent être évalués. Ce processus doit être documenté afin de protéger l’organisation en cas de contrôle ultérieur[5].
  • Être prêtes à démontrer que l’accommodement d’une demande d’exemption imposerait une contrainte excessive. Tant l’ampleur du risque que l’identité des personnes qui le soutiennent (p. ex., dans le cas de patients vulnérables) sont des facteurs pertinents pour déterminer l’existence d’un préjudice injustifié.

L’équipe de promotion de la santé d’Osler est disponible pour prodiguer des conseils au sujet des politiques de vaccination obligatoire, évaluer les demandes d’exemption et y répondre, et gérer tout différend connexe. Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec Paula Trattner ou Aislinn Reid.


[1] Médecin hygiéniste en chef, Directive no 6 sur la politique de vaccination contre la COVID-19 dans les milieux de soins de santé (17 août 2021), ministère de la Santé de l’Ontario. Voir également le Guide de ressources [PDF] qui accompagne cette directive.

[2] Le 27 septembre 2021, le comité des enquêtes, des plaintes et des rapports de l’OMCO a imposé des restrictions en matière d’exercice de la profession à un médecin aux termes desquelles il lui est notamment interdit d’accorder des exemptions pour raison médicale liée à la vaccination contre la COVID-19 et le port d’un masque. Le médecin a également fait l’objet d’un renvoi devant le tribunal disciplinaire compétent relativement, entre autres, à des allégations de conduite non professionnelle et de non-respect de la norme de pratique applicable dans le cadre de ses communications, y compris dans les médias sociaux et sur d’autres plateformes numériques, au sujet de la pandémie de COVID-19 et de questions connexes. Un bulletin d’actualités Osler antérieur décrit les risques et les éléments à prendre en considération en matière de commentaires publics par les médecins pendant la pandémie de COVID-19.

[3] Les motifs protégés en vertu du Code sont la race, l’ascendance, le lieu d’origine, la couleur, l’origine ethnique, la citoyenneté, la croyance, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité sexuelle, l’expression de l’identité sexuelle, l’âge, l’état matrimonial, l’état familial et le handicap.

[4] Sprague v. Her Majesty the Queen in right of Ontario, 2020 ONSC 2335

[5] Kittmer v. Shepherd Gourmet Dairy (Ontario) Inc., 2019 HRTO 1445 aux paragraphes 67, 84.