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Les modifications réglementaires répondent aux préoccupations du secteur de l’immobilier commercial concernant l’interdiction fédérale visant les acheteurs étrangers

Auteur(s) : Savvas Kotsopoulos, Maha Ansari

Le 30 mars 2023

Le ministre du Logement et de la Diversité et de l’Inclusion a annoncé une série de modifications réglementaires concernant la Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens (la Loi), qui apaise bon nombre des inquiétudes exprimées par le secteur de l’immobilier commercial à l’égard de cette loi.

La Loi interdit aux « non-Canadiens » d’acheter tout « immeuble résidentiel », directement ou indirectement, pendant une période de deux ans se terminant à la fin de l’année 2024. Bien qu’initialement la Loi ait été adoptée pour favoriser l’abordabilité des logements dans les grands centres urbains, la publication du règlement s’y rapportant (le Règlement), le 21 décembre 2022, a révélé que l’interdiction aurait des répercussions considérables et, semble-t-il, non voulues sur les opérations immobilières commerciales. 

Le ministère a reçu des observations générales de divers acteurs du secteur, mais n’a pas par ailleurs donné au grand public l’occasion de commenter les modifications au Règlement proposées. Les modifications, qui sont entrées en vigueur le lundi 27 mars 2023, semblent avoir répondu à ces observations. Toutefois, le Règlement modifié ne règle pas entièrement les questions soulevées par les experts du secteur concernant la Loi. L’application de la Loi aux opérations portant sur des immeubles à usage résidentiel actuel devra continuer d’être évaluée avec soin et au cas par cas. 

Préoccupations auxquelles les modifications répondent

Les modifications répondent aux préoccupations soulevées concernant la Loi de la manière suivante :

1. Augmentation du seuil de propriété nécessaire pour qu’une personne ou une société étrangère ait un « contrôle »

Préoccupation

Aux termes de la version initiale du Règlement, une entité était un « non-Canadien » si une personne ou une entité étrangère avait la propriété directe ou indirecte d’actions ou de titres de participation représentant 3 % ou plus de la valeur des capitaux qui lui sont propres, ou lui conférant 3 % ou plus des droits de vote. En conséquence, l’interdiction prévue par la Loi s’appliquait à une large catégorie d’acteurs du secteur de l’immobilier commercial, y compris des sociétés de personnes, des sociétés fermées et des fonds d’investissement privés, ayant des investisseurs étrangers qui participaient à hauteur d’au moins 3 % de leurs capitaux propres ou capitalisation.

Réponse

Les modifications comportent une nouvelle version de la définition de « contrôle », portant à 10 % le seuil de propriété nécessaire, ce qui demeure inférieur au seuil de 20 % demandé par les acteurs du secteur de l’immobilier commercial. Ce changement devrait un peu aider les nombreux fonds d’investissement ayant des investisseurs étrangers. Il s’alliera à la définition plus étroite donnée au terme « immeuble résidentiel » et à l’exclusion du « développement », que nous examinerons plus loin.

2. Extension de l’exclusion actuelle, qui inclura désormais toutes les entités cotées en bourse

Préoccupation

La version initiale du Règlement excluait de la définition de « non-Canadien » les sociétés cotées en bourse, mais ne comportait pas d’exclusion similaire pour les autres entités cotées en bourse, comme les FPI.

Réponse

Aux termes du Règlement modifié, les entités (et non seulement les sociétés) canadiennes dont les actions ou titres sont cotés à une bourse de valeurs canadienne sont désormais exclues de la définition de « non-Canadien ». Sont concernées les FPI, ainsi que, vraisemblablement, leurs sociétés affiliées ou filiales. Toutefois, s’agissant de ces dernières, nous vous recommandons de consulter votre conseiller juridique si le seuil de 10 % de propriété étrangère est ou risque d’être atteint à l’échelle de la FPI.

3. Définition plus étroite du terme « immeuble résidentiel »

Préoccupation

La définition du terme « immeuble résidentiel » figurant à la version initiale du Règlement ne se limitait pas aux maisons unifamiliales, mais s’étendait aux fonds zonés pour usage résidentiel ou mixte, ne contenant pas de « logement habitable ». Par conséquent, la Loi interdisait potentiellement des opérations portant sur des biens immobiliers commerciaux dont le zonage permet un usage résidentiel (même si aucun usage résidentiel n’existait ou ne pouvait existait sur ce site).

Réponse

Les modifications comprennent l’abrogation du paragraphe qui incluait dans la définition d’« immeuble résidentiel » tout « fonds zoné pour usage résidentiel ou mixte, qui ne contient pas de logement habitable ». Bien que les biens immobiliers commerciaux énumérés dans la liste ci-dessous ne soient pas expressément exclus de l’application de la Loi par suite de cette abrogation, les seuls qui entrent encore dans la définition d’« immeuble résidentiel » figurant dans la Loi sont ceux qui contiennent au plus trois locaux d’habitation (et les immeubles similaires).

Selon nous, il s’ensuit que :

  • Les immeubles commerciaux existants (tels que les tours de bureaux, les centres commerciaux, les entrepôts, etc.) sans usage résidentiel ne sont pas des « immeubles résidentiels » au sens de la Loi, que leur zonage permette ou non un usage résidentiel ou mixte;
  • Tout immeuble commercial existant comprenant un à trois locaux d’habitation (p. ex., un commerce de détail en ville donnant sur la rue, surmonté d’un à trois logements à l’étage) demeure un « immeuble résidentiel » auquel l’interdiction s’applique (sauf s’il peut être démontré qu’il est acquis à des fins de développement);
  • Les immeubles comprenant plus de trois locaux d’habitation (c’est-à-dire les immeubles d’appartements) sont toujours exclus de la définition d’« immeuble résidentiel »;
  • Les fonds vacants, que leur zonage permette ou non un usage résidentiel ou mixte, ne sont pas inclus dans la définition d’un « immeuble résidentiel »;
  • L’acquisition d’une maison unifamiliale en zone urbaine reste couverte par la définition d’« immeuble résidentiel » et assujettie à l’interdiction, mais – compte tenu de la nouvelle exception discutée ci-dessous – l’acquisition d’un tel bien par un non-Canadien serait exemptée si elle était faite « à des fins de développement ».

4. Exception pour les acquisitions à des fins de développement

Préoccupation

Faute d’une disposition précisant quels projets et opérations à des fins de développement étaient permis par la Loi, la version initiale du Règlement était source d’incertitude pour le secteur du développement immobilier commercial. Par exemple, la Loi et son Règlement, en leur version initiale, semblaient interdire aux non-Canadiens de développer ou de redévelopper des fonds zonés pour usage résidentiel ou mixte dans le cadre d’un regroupement de terrains résidentiels adjacents de taille modeste.

Réponse

Les modifications au Règlement visent à clarifier cette ambiguïté en introduisant un nouvel alinéa qui exempte les non-Canadiens qui acquièrent des immeubles résidentiels « à des fins de développement » de l’interdiction prévue par la Loi.

Le texte ne comprend aucune définition du terme « développement » ni d’autres indications concernant cette exception. Toutefois, les modifications sont publiées sur le site Web de la SCHL avec une nouvelle Foire aux questions qui aident à comprendre la manière dont le ministère pourrait interpréter cette exception pour acquisition « à des fins de développement » (étant entendu que la foire aux questions de la SCHL n’est pas juridiquement contraignante).

Voici quelques-uns des points à relever dans la FAQ :

  • Le développement comprend l’évaluation, la planification et l’apport de modifications ou d’améliorations à un immeuble résidentiel ou au terrain sur lequel il est situé. Il n’est pas nécessaire de procéder à un réaménagement complet; l’ajout d’un nouveau bâtiment sans modification de la structure et de l’usage existants est considéré comme un développement.
  • Les modifications ou améliorations de grande ampleur, notamment celles qui nécessitent un changement de zonage ou une autorisation du plan d’aménagement, pourraient satisfaire au critère de « développement ». Une analyse contextuelle devra être effectuée au cas par cas.
  • Un agrandissement ou des travaux de rénovation d’une ampleur telle qu’ils équivalent à la construction d’un immeuble ou à un changement dans l’utilisation seraient qualifiés de « développement ».
  • La modification ou l’amélioration n’a pas à entraîner une utilisation optimale de l’immeuble pour constituer un « développement ».
  • Toutefois, les réparations, rénovations et autres petits changements semblables n’atteignent généralement pas le seuil de « développement ».
  • Un non-Canadien qui achète un immeuble résidentiel dans l’intention de bonne foi de le développer, en comptant sur l’exception pour acquisition aux fins de développement, mais, qui, par la suite, fait défaut de le développer pour des raisons de bonne foi, n’a pas commis d’infraction à la Loi. Le non-Canadien doit être en mesure de démontrer a) qu’il avait l’intention de bonne foi de développer l’immeuble et b) qu’un changement l’a conduit à prendre de bonne foi la décision de ne pas développer l’immeuble.
  • Dans la plupart des cas, la « constitution de réserves foncières » en vue d’un redéveloppement potentiel dans un avenir plus ou moins lointain, qui s’accompagne de la poursuite de la location de l’immeuble pour usage résidentiel, ne serait vraisemblablement pas qualifiée d’acquisition « à des fins de développement » et, en tant que telle, ne bénéficierait pas de la nouvelle exception.
  • Un non-Canadien ne peut pas acheter un immeuble résidentiel en se fondant sur l’exception pour acquisition à des fins de développement dans le seul but de le mettre en location ou en crédit-bail ou de le gérer comme un bien locatif de son portefeuille.