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Associé, Litiges, Toronto
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Sociétaire, Litiges, Toronto
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Key Takeaways
- En 2025, les autorités de réglementation des valeurs mobilières au Canada et aux États-Unis ont réorienté leurs priorités en matière d’application de la loi eu égard aux marchés financiers.
- Au Canada, les autorités chargées de l’application de la loi accordent désormais la priorité à la protection des investisseurs et à une action plus rapide contre les comportements répréhensibles sur les marchés, en mettant l’accent sur la restitution plutôt que sur les sanctions.
- Les autorités de réglementation visent à aligner leurs priorités sur les tendances nord-américaines tout en répondant aux préoccupations importantes liées aux préjudices causés aux investisseurs et à l’intégrité des marchés.
En 2025, les autorités de réglementation des marchés financiers ont effectué dans leurs priorités un certain nombre de changements qui auront des répercussions dans les années à venir.
Les acteurs et les observateurs du marché au Canada doivent surveiller attentivement la manière dont les changements radicaux apportés au paysage de la mise en application de la loi par les autorités de réglementation des marchés financiers aux États-Unis, notamment l’approche des États-Unis en matière de cryptomonnaies et leur attitude à l’égard de la diversité, de l’équité et de l’inclusion (DEI) ainsi que des questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG), se répercuteront sur les priorités des autorités de réglementation des valeurs mobilières du Canada en matière d’application de la loi.
Certaines décisions rendues au Canada en 2025 reflètent et établissent les tendances en matière d’application de la loi eu égard aux marchés financiers pour 2026 et les années suivantes. Il s’agit notamment d’un jugement historique rendu par un tribunal sur les dispositions anti-représailles, d’un règlement transfrontalier ne contenant aucune reconnaissance de violation, qui privilégie les mesures de réparation plutôt que les amendes, d’un fonds et de son comité d’examen indépendant tenus responsables de conflits d’intérêts présumés, et d’une série d’affaires visant à faire appliquer des interdictions de participation au marché prononcées précédemment.
Malgré une « pause » très médiatisée des autorités de réglementation du Canada dans leurs politiques et programmes liés au changement climatique, la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO) a néanmoins engagé une procédure mettant en cause la divulgation d’une entreprise en matière d’ESG.
Dans l’ensemble, les autorités de réglementation du Canada semblent vouloir relever et perturber plus rapidement les comportements abusifs sur les marchés, en mettant moins l’accent sur les sanctions. Néanmoins, les autorités de réglementation de l’Ontario et du Québec se sont montrées plus disposées à demander des sanctions assimilables à des peines criminelles devant les tribunaux.
La réaction canadienne à la réorientation de la politique américaine
L’élection de Donald Trump a entraîné le départ de Gary Gensler de son poste de président de la Securities and Exchange Commission (SEC) des États-Unis et son remplacement par Paul Atkins, marquant ainsi le début d’une nouvelle série de priorités et d’initiatives.
Parmi les changements d’orientation, on note un éloignement apparent de ce que la SEC considérait comme la réglementation de questions « politiques » telles que la DEI et les questions ESG. Cette réorientation a une incidence continue sur ses priorités en matière d’application de la loi. En mars 2024, la SEC a proposé de nouvelles règles régissant la divulgation des questions ESG, qui ont été contestées devant les tribunaux peu après. En mars 2025, la SEC a voté pour l’abandon de la défense de ces nouvelles règles, les rejetant au motif qu’elles étaient « intrusives » (intrusive).
Peu après, le 23 avril 2025, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont annoncé qu’elles suspendaient leurs travaux visant l’élaboration d’un nouveau règlement sur la communication obligatoire d’information liée au changement climatique et les modifications des obligations d’information sur la diversité existantes. Les ACVM ont déclaré qu’elles avaient pris ces mesures « afin d’appuyer les marchés et les émetteurs canadiens dans leurs efforts d’adaptation face aux événements récents survenus aux États-Unis et à l’échelle mondiale ».
Malgré cette réorientation des priorités, en septembre 2025, la CVMO a engagé une procédure contre un important innovateur des marchés financiers et son chef de la direction pour des activités présumées d’« écoblanchiment » (greenwashing) qui auraient eu lieu entre 2019 et 2023. Bien que la requête allègue des lacunes dans la stratégie de marque de l’entreprise en matière d’ESG et dans sa gouvernance interne, ses contrôles et ses divulgations, les impératifs politiques fondamentaux qui sous-tendent la procédure semblent être déconnectés des orientations émanant des autorités de réglementation et des décideurs politiques américains.
Un autre changement d’orientation en 2025 a concerné les mesures prises aux États-Unis en vue d’établir un cadre plus clair et plus axé sur l’innovation pour les cryptoactifs. En janvier, le président par intérim de la SEC, Mark T. Uyeda, a annoncé la création d’un groupe de travail dédié aux cryptoactifs afin d’élaborer une approche globale et pratique de la réglementation des cryptoactifs. En juin, le Sénat américain a adopté la loi bipartite intitulée Guiding and Establishing National Innovation in U.S. Stablecoins Act (la loi GENIUS), le premier cadre fédéral complet du pays pour les cryptomonnaies stables utilisées comme instruments de paiement. Ce projet de loi, qui a été promulgué le 18 juillet, formalise les exigences en matière d’agrément pour les émetteurs, impose des obligations de réserve et de transparence à raison d’une pour une, clarifie les droits de rachat, donne la priorité aux créances des clients en cas d’insolvabilité et, surtout, confirme que les cryptomonnaies stables utilisées comme instruments de paiement qui sont conformes ne sont pas des « valeurs mobilières » (securities) ou des « marchandises » (commodities) au sens de la loi fédérale. Les États-Unis semblent passer d’un système de litiges au cas par cas à une feuille de route plus claire en matière de conformité pour les émetteurs, les plateformes et les intermédiaires, ce que le secteur des actifs numériques des deux côtés de la frontière réclame depuis longtemps.
Malgré les changements de perspective des autorités de réglementation américaines, les ACVM ont publié en avril les modifications définitives au Règlement 81-102 sur les fonds d’investissement concernant les fonds de cryptoactifs ouverts. Les modifications codifient les restrictions sur les placements, les normes de garde et les délais de déclaration, et autorisent une certaine exposition aux cryptoactifs par le biais de dérivés pour les fonds communs de placement, à partir du 16 juillet 2025. Ces mesures reflètent la préférence du Canada pour l’intégration des cryptoactifs dans l’architecture existante des valeurs mobilières et des fonds d’investissement, alors même que le programme de la SEC envisage l’adoption de nouvelles règles propres aux cryptoactifs. Ces changements sont abordés plus en détail dans notre article Perspectives juridiques Osler (en anglais seulement) sur les cryptoactifs et se refléteront inévitablement dans les priorités d’application de la loi des autorités de réglementation du Canada.
Autres changements importants au Canada
En octobre 2024, Bonnie Lysyk, ancienne vérificatrice générale de l’Ontario, a été nommée vice-présidente à la direction, Application de la loi à la CVMO. Dans une interview accordée en août 2025 à un journal national, elle a déclaré que ses priorités étaient la détection précoce de la fraude en ligne et la lutte contre celle-ci, un triage plus rigoureux afin de se concentrer sur les affaires les plus graves et un renvoi pragmatique entre les procédures administratives et pénales lorsque les perspectives de restitution sont limitées. Elle a également mis l’accent sur les interventions proactives et le partage international d’informations, et a souligné que les règlements à l’amiable pouvaient améliorer considérablement les taux de recouvrement par rapport aux ordonnances de remise émanant des tribunaux.
Parallèlement, en 2025, deux réformes visant à étendre les pouvoirs de contrainte de l’Organisme canadien de réglementation des investissements (OCRI) et à mettre en place un régime de restitution axé sur les investisseurs à la CVMO annoncent un modèle de réglementation plus intégré qui cherche à allier dissuasion et restitution. L’OCRI peut désormais exiger la fourniture de preuves dans le cadre d’enquêtes. En outre, les amendes maximales qu’il peut imposer ont fortement augmenté, les pénalités administratives passant de 1 million à 5 millions de dollars et les amendes pour les infractions quasi pénales passant de 5 millions à 10 millions de dollars. Parallèlement, la CVMO a finalisé des règles qui font de la distribution aux investisseurs lésés des sommes d’argent recueillies par la CVMO en application d’ordonnances de remise la règle par défaut plutôt qu’une solution de rechange.
L’année a également été marquée par une résolution coordonnée distinctive entre le Canada et les États-Unis visant neuf provinces et 35 États dans des affaires concernant GS Partners et des entités apparentées, ainsi que le dirigeant de ces sociétés. Les allégations contre GS Partners étaient largement similaires dans tous les territoires et comprenaient le placement de cryptomonnaies sans enregistrement. Un règlement coordonné, initialement lancé aux États-Unis, a abouti à un modèle de règlement standard pouvant être utilisé par plusieurs autorités de réglementation américaines et canadiennes. Il prévoyait la délivrance de lettres de non-intervention et une offre de remboursement des investissements aux investisseurs dans tous les territoires. Osler a représenté GS Partners et les entités apparentées, ainsi que le dirigeant des sociétés, dans le cadre du règlement canadien.
Le règlement se distingue tant par sa structure que par sa portée. Il ne prévoyait aucune amende ni aucuns dépens pour les autorités de réglementation. Il ne contenait aucune reconnaissance de violation des lois sur les valeurs mobilières, mais comprenait un accord de ne pas exercer d’activités sans enregistrement dans les territoires visés lorsque cela était requis. Le règlement prévoyait également une intervention préventive dans les territoires qui n’avaient pas encore engagé de poursuites afin de favoriser le caractère définitif de la décision. Il reflétait notamment une structure d’application pragmatique pour les placements complexes, transfrontaliers et liés à des cryptomonnaies, et accordait la priorité à la sortie du marché, à la protection des investisseurs et à l’harmonisation des procédures, plutôt qu’à des sanctions pécuniaires.
En 2025 a été jugée la première affaire dans laquelle un lanceur d’alerte s’est appuyé avec succès sur les protections légales prévues par la Loi sur les valeurs mobilières de l’Ontario. En septembre 2025, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a accordé à Ian McPherson 5 millions de dollars en dommages-intérêts en vertu des dispositions anti-représailles de la Loi sur les valeurs mobilières de l’Ontario. Elle a déterminé que M. McPherson avait été licencié, au moins en partie, parce qu’il avait soulevé des préoccupations concernant une éventuelle violation des ordonnances rendues précédemment par la CVMO. Cette affaire constitue un autre exemple de sanction d’un comportement en dehors d’une procédure judiciaire.
Les affaires engagées par les autorités de réglementation tout au long de 2025 révèlent une tendance marquée vers des mesures d’application de la loi quasi pénales, avec un certain nombre de poursuites quasi pénales couronnées de succès devant les tribunaux. Les autorités de réglementation ont également cherché à faire appliquer les ordonnances rendues précédemment par les tribunaux. Par exemple, des mesures d’application de la loi ont été prises à l’encontre d’un certain nombre de personnes pour violation présumée d’interdictions d’exercer des fonctions de dirigeant ou d’administrateur prononcées précédemment, ce qui démontre une volonté renouvelée de dissuader ceux qui enfreignent délibérément les ordonnances des tribunaux.
En 2025, l’autorité de réglementation des valeurs mobilières du Québec, le Tribunal administratif des marchés financiers, a prononcé un certain nombre d’interdictions permanentes de participation, de sanctions administratives substantielles et d’interdictions temporaires d’exercer des fonctions de dirigeant ou d’administrateur à l’encontre de plateformes de cryptoactifs non conformes. L’Ontario s’est aligné sur cette approche en utilisant des procédures réciproques simplifiées pour imposer des interdictions permanentes parallèles d’accès au marché et des interdictions correspondantes d’exercer des fonctions de direction. Cette position coordonnée donne la priorité à la protection rapide des investisseurs et à la dissuasion.
En savoir plus sur notre groupe Application de la réglementation des marchés financiers.
En savoir plusPerspectives
Les déclarations des autorités de réglementation et les affaires portées devant les tribunaux au cours de l’année écoulée suggèrent que les autorités de réglementation continueront de se pencher sur les questions ayant des répercussions disproportionnées sur les investisseurs et l’intégrité du marché. Les affaires récemment portées devant les tribunaux concernent les placements illégaux ou les activités de négociation sans enregistrement, les déclarations et promotions trompeuses, la fraude, l’utilisation abusive des actifs des fonds d’investissement, ainsi que les délits d’initié et la communication d’information privilégiée. Quoi qu’il en soit, il sera difficile pour les autorités de réglementation du Canada d’ignorer les vents qui soufflent des États-Unis. Il ne fait guère de doute que les décideurs des politiques et des priorités devront trouver un équilibre entre leur volonté de définir leurs propres priorités en matière d’application de la loi et la réalité selon laquelle les marchés concurrentiels exigent de s’adapter aux tendances et aux orientations politiques nord-américaines et mondiales.