Tendances ESG en matière de capital de risque – questions de gouvernance

23 Juil 2024 31 min

Dans cet épisode du balado, l’animatrice invitée Laura Webb, associée dans le groupe Sociétés émergentes et à forte croissance chez Osler, et Olivia Hornby, associée directrice de Spring Impact Capital, un fonds de capital de risque axé sur l’impact, discutent de la croissance soutenue des facteurs ESG dans le secteur privé. Laura et Olivia examinent également les facteurs ESG dont Spring tient compte au moment de choisir ses placements.

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BALADO EXPLORATION ESG
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John Valley : Dans cet épisode du balado, nous aborderons le sujet des facteurs ESG en matière de capital de risque avec notre animatrice invitée, Laura Webb. Laura est associée dans le groupe Sociétés émergentes et à forte croissance chez Osler. Elle a plus d’une décennie d’expérience avec des fonds de capital de risque en ce qui a trait à la création de fonds et aux questions liées aux placements, et a été reconnue en droit des technologies par Best Lawyers in Canada. Elle sera accompagnée d’Olivia Hornby, associée directrice de Spring Impact Capital. Spring soutient les entrepreneurs axés sur l’impact grâce à des plateformes, notamment des programmes d’accélérateurs, un réseau d’investisseurs providentiels et des investissements providentiels partout au Canada.

Laura et Olivia discutent de la croissance des facteurs ESG dans le secteur privé et se penchent sur ce que Spring tient compte, du point de vue de la gouvernance, au moment d’effectuer ses placements.

La parole est à vous, Laura.

Laura Webb : Merci beaucoup, John. Olivia, merci beaucoup de vous joindre à moi aujourd’hui pour parler des facteurs ESG et du capital de risque. Vous travaillez dans le domaine de la gestion d’actifs, du côté des fonds, depuis de très nombreuses années. Je pense donc que votre point de vue particulier sur les facteurs ESG, ainsi que sur votre nouveau fonds et la façon dont il est perçu dans le secteur du capital de risque est intéressant. Donc, ce que j’aimerais faire, c’est entamer la discussion en abordant les sujets qui font beaucoup les manchettes aux États-Unis. Les réactions négatives entourant les facteurs ESG, les États-Unis qui cherchent à adopter des règlements, il y a eu de la résistance à ce niveau, contrebalancée par l’approche européenne, vous savez, ils sont très fidèles aux facteurs ESG et maintiennent leur façon de faire. Je me demande donc ce que vous pensez de la demande des investisseurs en général en ce qui concerne les facteurs ESG et de la position du Canada.

Olivia Hornby : Oui. Tout d’abord, merci beaucoup de m’avoir invitée, Laura. Et comme vous l’avez dit, je suis dans ce domaine depuis environ 15 ans. Je pense que j’ai été parmi les premiers conseillers à m’abonner à Sustainalytics en 2009, et tout le monde semblait se dire : bien sûr, jeune fille. Si l’on examine les facteurs ESG sur le marché public, on constate à quel point ils ont évolué au cours des 15 dernières années. Je pense que c’est incroyable. Et je ne sais pas si nous avons besoin de définir les facteurs ESG pour l’auditoire de ce balado, mais pour ceux qui ne le savent pas, il s’agit de facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance. C’est un domaine qui a pris énormément d’expansion au cours des dix dernières années. Et comme vous y avez fait allusion, il y a récemment eu des débats politiques intéressants sur les facteurs ESG, particulièrement dans certains États américains clés qui sont axés sur l’industrie pétrolière et gazière. Je pense donc que c’est très intéressant. Je dirais qu’il s’agit d’échanges politiques. Et je pense que, de façon générale, la croissance des facteurs ESG auprès des investisseurs, des consommateurs et des décideurs n’est pas sur le point de s’arrêter. Je pense que l’on pourrait argumenter un peu du côté des décideurs, mais quoi qu’il en soit, prenons Blackrock comme un bon exemple. Il s’agit donc du plus grand gestionnaire d’actifs au monde, avec dix mille milliards de dollars d’actifs sous gestion. Ses actifs liés aux facteurs ESG ont augmenté de 53 % de la fin de 2022 à 2023. L’an dernier, la société a publié son bulletin de fin d’année dans lequel elle supposait que 25 % de ses investisseurs institutionnels avaient des objectifs fondés sur la science. Donc, pour moi, cela veut dire des cibles de carboneutralité dans le portefeuille de placements de 25 % de ses clients. La société estime que ce pourcentage passera à 75 % d’ici 2030. Donc, tout cela pour dire que je ne vois pas comment cette tendance pourrait disparaître. Je sais qu’il y a eu un certain délaissement de certains cas clés, mais je pense que, dans l’ensemble, nous nous dirigeons vers une plus grande transparence et une production accrue de rapports. Et vous avez parlé de l’Europe. Donc, il y aura énormément de normes qui seront adoptées en Europe pour les investisseurs institutionnels, mais aussi pour les sociétés cotées en bourse. Et je pense que, peu importe ce qui se passe aux États-Unis et au Canada, cela va avoir des répercussions, parce que nous sommes dans une économie mondiale et que des investisseurs européens investissent dans des entreprises canadiennes et vice versa. Alors, vous savez, les normes CSRD et IFRS, je pense qu’elles vont probablement s’appliquer à toutes les grandes sociétés ouvertes au cours des cinq prochaines années environ.

Laura Webb : Lorsque nous parlons des facteurs ESG et que nous en entendons parler aux nouvelles, ça porte surtout sur les sociétés ouvertes. Mais vous et moi, nous travaillons toutes les deux dans le domaine du capital de risque, des entreprises privées. Il n’y a pas encore de régime de réglementation au Canada. Et qu’il finisse par y en avoir un ou non, qui s’applique aux sociétés ouvertes, nous voyons un effet d’entraînement dans le secteur privé. Alors, pouvez-vous nous parler un peu du secteur du capital de risque en particulier et des facteurs ESG? En ce qui concerne les rapports, nous voyons beaucoup d’investisseurs qui investissent dans des fonds et qui demandent aux commandités de produire un rapport sur, par exemple, leurs voyages d’affaires en avion? À quoi ressemblent la diversité de leur portefeuille et les gens qui sont à la tête des sociétés de leur portefeuille? Il y a donc certainement une place pour les facteurs ESG dans le capital de risque. Et je suis curieuse, pouvez-vous nous en parler un peu et peut-être aussi des investisseurs qui font des placements à haut risque et à rendement élevé, mais qui gardent en tête le concept d’investissement responsable?

Olivia Hornby : Oui, je pense qu’il y a quelques éléments clés en jeu ici. Premièrement, nous avons les mesures ESG de la société en portefeuille. Je pense aux investisseurs précoces, aux investisseurs en capital de risque. Et il y a bien sûr toute une gamme de ces investisseurs. Donc, certains investisseurs en capital de risque en sont à un stade très avancé, juste avant le PAPE. Et d’autres, comme nous, en sont au tout début où, vous savez, il y a peut-être moins de dix employés dans l’entreprise. Il s’agit donc d’un spectre, mais de façon générale, en ce qui concerne les sociétés portuaires, je pense que tous les investisseurs privés doivent tenir compte de ce que seront les exigences en matière de rapports ESG lorsque leurs entreprises auront pris de l’expansion. C’est donc une chose à envisager. Mais cet aspect est moins important dans les toutes premières étapes d’une entreprise privée. Je pense qu’il y a toutefois un autre élément, à savoir la façon dont le gestionnaire examine les facteurs ESG du point de vue de la thèse de placement. Donc, tient-il compte des entreprises environnementales? Probablement pas dans le capital de risque, bien souvent. C’est plus le S et le G. Quels facteurs sont pris en compte du point de vue social en ce qui concerne les placements effectués, ainsi que du point de vue de la gouvernance? Je pense que la plupart des investisseurs en capital de risque diraient qu’ils ont participé activement à la gouvernance depuis le début du projet. Vous savez, l’un des éléments clés de la stratégie de placement est la façon dont nous créons un conseil d’administration, la façon dont nous établissons la gouvernance d’entreprise. C’est souvent là que le capital de risque entre en jeu. Et je pense au troisième point que vous avez abordé, c’est-à-dire les sociétés en commandite qui exigent des rapports sur les facteurs ESG. Je pense qu’il s’agit d’un autre pilier. Et nous avons vu les derniers rapports de PitchBook révélant que près de 70 % des sociétés en commandite exigent de leurs gestionnaires de placement une quelconque thèse ou politique en matière de développement durable. Cela veut peut-être simplement dire qu’il y a une superposition. Cela pourrait signifier que nous allons simplement investir dans des entreprises environnementales, des entreprises sociales, et que nous allons en quelque sorte participer activement à la façon dont elles produisent leurs rapports et dont elles progressent. Je pense donc qu’il y a tellement de questions différentes en jeu ici. Je ne crois pas que les rapports sur les facteurs ESG du point de vue des sociétés en commandite disparaîtront. Prenez la BDC, par exemple. Au Canada, elle a un rapport sur les facteurs ESG. C’est le plus important investisseur en capital de risque au Canada. Il y a eu un effet d’entraînement auprès de la plupart des gestionnaires qui doivent maintenant produire des rapports d’une façon ou d’une autre, la transparence est très limitée, mais à tout le moins, il y a une mesure ESG de base.

Laura Webb : Oui. Essentiellement, une base de référence pour mesurer leurs placements, n’est-ce pas? Leurs placements dans des fonds, leurs placements dans les sociétés en portefeuille. Du côté des sociétés en commandite, ce qui m’intéresse le plus, c’est la nature illiquide du placement. Donc, qu’il s’agisse d’un placement direct dans une société en portefeuille ou d’un placement direct dans un fonds, l’idée est que vous ne pouvez pas accéder aux marchés publics si vous n’aimez pas ce qui se passe. Plus tôt, vous avez parlé un peu de cette évolution à mesure que les entreprises grandissent. Je me demande donc si, de votre point de vue, vous pourriez nous parler de cette tension, de la nature illiquide des placements privés. Est-ce simplement une question de ne pas fournir les rapports au niveau du fonds à vos investisseurs institutionnels, aux gouvernements, aux banques? Est-ce que vous compromettez vos fonds futurs? Qu’est-ce que cela signifie également pour les sociétés en portefeuille?

Olivia Hornby : Oui. Comme nous l’avons dit, je crois qu’environ 70 % des investisseurs exigent des rapports sur les facteurs ESG. Donc, si vous gérez un fonds, c’est votre choix de ne pas produire de rapports sur les facteurs ESG. Mais si vous ne le faites pas, je dirais qu’il sera très difficile d’attirer des capitaux importants. Je pense donc que tous les fonds de premier ordre qui existent, les régimes de retraite, les fondations et les investisseurs institutionnels produiront une forme de rapport sur les facteurs ESG. Mais bien sûr, il y a ce spectre dont nous avons parlé. Je pense que c’est une pratique courante. Vous sortez du lot si vous ne le faites pas. Vous devriez, à tout le moins, avoir un processus de réflexion stratégique sur la façon dont vous pourriez produire un rapport sur les facteurs ESG. Cela dit, en ce qui concerne le capital de risque, je ne pense pas qu’il soit juste de s’attendre à ce que les entreprises qui en sont à leurs tous débuts produisent des rapports sur tous ces détails complexes, qu’il s’agisse de la portée des émissions ou des politiques de gouvernance, etc. Toutefois, je pense qu’en tant qu’investisseurs, nous devrions les encadrer à ce sujet et à mesure qu’elles prennent de l’expansion, elles devraient certainement mettre en place ce genre de processus et de procédures. Et, si elles sont cotées en bourse, elles devront absolument les avoir en place. Il y a donc un effet d’entraînement en ce qui a trait aux pratiques exemplaires du point de vue des politiques et de la gouvernance, qui sont mises en œuvre au fur et à mesure que les entreprises commencent à prendre de l’expansion. Je pense que la beauté du capital de risque, c’est qu’il s’agit en quelque sorte d’innovation. C’est pourquoi j’estime que les facteurs ESG concernent davantage la gestion du risque. Mais nous pourrions choisir un thème comme l’environnement ou le climat et l’approfondir. Donc, je pense qu’il s’agit d’un niveau de plus, un peu comme les rapports ESG. En fait, il s’agit davantage d’innovation et de la façon dont nous pouvons appuyer l’innovation dans certains domaines. Vous avez parlé des facteurs ESG et des rendements. Je pense qu’il y a eu un certain nombre d’études à ce sujet, et rien n’a montré qu’il y avait des écarts statistiquement significatifs dans les rendements des gestionnaires qui tiennent compte des facteurs ESG et ceux qui n’en tiennent pas compte. J’ai l’impression d’avoir cette conversation de temps en temps. Mais, de façon générale, je pense qu’au cours des dix dernières années, la conversation a changé; avant, on se demandait si l’on devait renoncer à des rendements pour envisager ces pratiques, et maintenant, c’est devenu une sorte de norme. Il s’agit simplement de savoir comment en tenir compte et comment cela peut s’intégrer à la stratégie de placement.

Laura Webb : Et je pense qu’il y a eu un changement d’orientation et de compréhension du fait qu’il s’agit de mesures non financières qui permettent d’évaluer le risque d’investir dans une entreprise. Et donc, quand on pense à l’aspect social et à l’aspect gouvernance, et même à l’aspect environnemental, lorsqu’un investisseur fait l’analyse du risque et examine ces mesures non financières, il y a de la valeur à cela en ce sens qu’il y a une possibilité de réduction des litiges ou des processus réglementaires pouvant paralyser l’entreprise, ce qui lui permettra de se concentrer sur ses activités. C’est certainement ce que l’on constate, et ce changement se produit, c’est sûr. Je veux vous donner l’occasion de parler de votre fonds, parce que vous faites de l’investissement d’impact. Vous pourriez peut-être donner à l’auditoire un aperçu de votre fonds, de ce que vous faites du côté de l’investissement d’impact, et décortiquer la différence entre les facteurs ESG et l’investissement d’impact, parce que je pense que les deux sont souvent confondus et c’est une distinction importante à faire.

Olivia Hornby : Donc, premièrement, la différence entre les facteurs ESG et l’impact. Et j’y ai fait allusion, les facteurs ESG, je les considère comme une réduction des méfaits. Je pense que c’est une question de gestion du risque. J’estime qu’il s’agit de rapports obligatoires pour que les investisseurs et les marchés puissent comprendre comment vous tenez compte des pratiques environnementales, sociales et de gouvernance au niveau de votre fonds et comment vos placements individuels tiennent aussi compte de ces pratiques. Je pense donc qu’il s’agit davantage d’une question de gestion du risque, alors que l’investissement d’impact contribue aux solutions. Alors, plutôt que de dire : voici notre stratégie de placement, et maintenant, nous allons ajouter un élément aux facteurs ESG, il est plus question de placements qui ont l’intention de créer une sorte d’incidence positive mesurable sur les résultats sociaux ou environnementaux futurs. C’est donc un peu différent. Je pense que cela cadre très bien avec la catégorie d’actif du capital de risque, parce que c’est la catégorie d’actif qui met l’accent sur l’innovation technologique. Alors, si l’on veut approfondir le sujet de l’environnement, parlons des technologies propres. Quelles sont les innovations en matière de technologies propres ou de soins de santé? Donc, je les considère vraiment comme presque deux éléments distincts pour nous. La raison pour laquelle je voulais créer un fonds d’impact, c’est que j’ai toujours cru qu’il était possible de réussir tout en agissant de façon positive. Il m’a fallu de nombreuses années pour examiner les différentes catégories d’actif. Et j’ai travaillé sur les marchés publics et pour des fonds de couverture, puis avec les placements non traditionnels. J’ai réalisé que sur les marchés privés, le placement que l’on fait est beaucoup plus pur. Donc, si vous êtes en mesure d’évaluer l’impact mesurable d’un placement lorsqu’il s’agit d’une si petite entreprise, vous apprenez à connaître le fondateur, vous pouvez comprendre son intention et les résultats. Et c’est ce qui m’a amenée à aimer le capital de risque d’impact et, naturellement, étant établie à Vancouver, l’un des premiers noms qui me vient à l’esprit quand je pense à l’entrepreneuriat d’impact et à l’investissement providentiel d’impact dans le capital de risque, c’est Spring. Spring existe depuis dix ans et soutient les entrepreneurs qui veulent changer le monde par l’innovation de façon positive, et réunir des investisseurs providentiels et de nouveaux investisseurs dans le domaine. Et donc, c’était vraiment une sorte de progression naturelle de passer à l’étape suivante avec Spring et d’appliquer un fonds de capital de risque institutionnel au travail que nous faisions déjà pour soutenir les entrepreneurs qui essaient de se concentrer sur l’innovation autour de la santé et du climat, ainsi que de la diversité.

Laura Webb : Et donc, lorsque vous tentez de mobiliser des fonds, qu’est-ce qui vous permet d’atteindre cet équilibre entre le rendement et l’impact social?

Olivia Hornby : Je pense qu’ils sont à égalité. Et donc, nous cherchons vraiment des entreprises qui sont en croissance, qui ont un avantage concurrentiel, qui ont quelque chose qui les différencie, peut-être un avantage technique. Mais la croissance de l’entreprise se traduira à la fois par un rendement financier et par des résultats positifs. Prenons comme exemple notre premier investissement dans une plateforme de santé mentale. Sa clientèle cible est les jeunes patients qui doivent composer avec l’anxiété, la dépression et le TDAH; ce sont des problèmes pour lesquels les listes d’attente sont très longues dans le système de santé au Canada. Donc, c’est une entreprise privée qui a trouvé une solution pour soutenir les jeunes qui luttent contre ces problèmes de santé mentale. Quand nous évaluons l’impact de ce genre d’entreprise, nous regardons comment l’entreprise mesure les résultats en matière de santé mentale chez les patients qu’elle voit. Le fait-elle déjà? Quelle est l’intention de l’équipe de direction à cet égard? Et dans quelle mesure ses actions sont-elles intentionnelles pour soutenir cette clientèle cible? Comment le mesurerait-elle? Ensuite, quel est le lien avec le rendement financier? Donc, à mesure que l’entreprise prend de l’expansion, les thérapeutes voient plus de patients. L’entreprise génère des revenus et voit plus de patients. Et c’est le genre d’entreprise que nous cherchons; à mesure qu’elles prennent de l’expansion, les résultats positifs augmentent. Il en va de même pour certaines des entreprises produisant des appareils et des matériaux de technologie climatique qui nous intéressent. Donc, évidemment, à mesure que leur production augmente, elles ont un effet perturbateur en termes de réduction des déchets ou des émissions de carbone. Et elles génèrent des revenus. Les deux sont donc vraiment liés. Je ne pense pas qu’il faille abandonner l’un pour obtenir l’autre.

Laura Webb : J’aimerais changer un peu de sujet. Donc, au début de notre discussion, vous avez parlé un peu de la façon dont beaucoup des aspects sociaux et de gouvernance sont omniprésents dans le capital de risque, la mobilisation de fonds, les entreprises qui existent et la capacité de prendre des décisions ou de faire des placements en tenant compte de ces thèmes. J’aimerais donc parler un peu de l’aspect social et de la diversité, la DEI, l’autre acronyme bien connu dont on parle beaucoup en ce qui concerne les facteurs ESG. Parlons un peu de l’importance de la diversité comme mesure de durabilité sociale.

Olivia Hornby : Oui, je pense vraiment que la DEI est le nouveau venu à bien des égards. Pas un seul investisseur ne m’avait posé des questions à ce sujet avant la crise de la COVID-19, puis, tout d’un coup, la situation a explosé, et nous devions produire des rapports sur tous les gestionnaires dans lesquels nous investissions, leur diversité et notre équipe, alors que nous essayions aussi de comprendre ce que cela signifiait. Je pense qu’il y a un certain nombre de choses qui ont amené le mouvement DEI à l’avant-plan. L’une d’entre elles est le mouvement Black Lives Matters. Une autre, c’est cette crise générale des médias sociaux en matière de santé mentale qui planait depuis un certain temps. Mais je pense que c’est la pandémie qui a vraiment mis cela au premier plan. Et puis l’autre chose qui était assez répandue, selon moi, c’est l’égalité entre les sexes et les mères qui travaillent. Et peut-être est-ce simplement parce que j’étais une mère qui travaillait pendant la pandémie de COVID-19, mais pour moi, ça semblait être un thème très fort qui est soudainement devenu une sorte de priorité. Je pense donc que la pandémie a contribué à faire surgir beaucoup de ces problèmes qui étaient déjà en jeu. Et tous ces éléments sont compris dans l’aspect social. Je pense qu’en ce qui a trait aux placements, notre argent a un rôle à jouer en termes d’avenir, non seulement de productivité, mais aussi de durabilité sociale. Et je pense qu’il y a eu plus récemment une certaine reconnaissance du fait que nous avons une certaine influence avec notre argent – dans quoi et dans qui nous l’investissons. Cela nous amène à nous demander quel genre de gestionnaires nous souhaitons appuyer. Dans quel genre de placements sous-jacents ces gestionnaires investissent-ils? Que pensent-ils des pratiques sociales et des entreprises sous-jacentes dans lesquelles ils investissent? Donc, je pense que c’est une période vraiment excitante. Traditionnellement, le capital de risque a été une sorte d’écosystème unique de transactions qui se font dans les clubs privés. Et c’était vraiment une catégorie d’actifs dominée par de riches hommes blancs, qui était inaccessible pour beaucoup de gens. Ce que Spring a fait pour essayer de perturber cette tendance, c’est de créer des programmes pour soutenir de nouveaux investisseurs providentiels sous-représentés. Nous avons donc besoin des deux côtés. Nous avons besoin de plus de fondateurs sous-représentés, et il y en a, mais ils ont besoin d’avoir accès au capital. Et comment vont-ils avoir accès au capital s’ils ne sont pas membres de l’un de ces clubs privés pour hommes? Donc, une partie du travail que nous faisons chez Spring Activator, du côté programmatique, c’est de former de nouveaux investisseurs et de nouveaux investisseurs sous-représentés afin d’accroître la diversité des investisseurs, ce qui, nous l’espérons, se traduira également par une plus grande diversité des placements dans les sociétés sous-jacentes et leurs fondateurs.

Laura Webb : Vous savez, nous voyons beaucoup de cela aussi. Des groupes, comme le Women’s Equity Lab, qui prennent le devant de la scène et qui sont en expansion à l’échelle nationale, offrant un meilleur accès à des groupes qui n’ont jamais été des groupes d’investisseurs, comme les clubs privés que vous avez mentionnés. Et je pense toujours au capital de risque, il y a un peu cette illusion que tout le monde y a accès. Nous voyons beaucoup de reportages aux nouvelles sur, par exemple, une femme en technologie qui est chef de la direction d’une entreprise qu’elle a bâtie, comme Knix. Toutefois, ce n’est pas l’expérience de tout le monde. Et je pense que ce n’est probablement pas l’expérience de beaucoup de gens pour ce qui est de l’accès au capital. Je sais que ce groupe de fondateurs sous-représentés est un élément vraiment important de votre thèse. Et je me demande si vous pourriez parler un peu de l’émergence de fonds précis qui ciblent les investissements dans ces groupes sous-représentés. Est-ce suffisant pour faire avancer les choses? Il me semble que nous parlons un peu moins de rapports et beaucoup plus d’actions. Alors, que doit-il se produire pour donner à ces groupes sous-représentés la possibilité d’obtenir des capitaux?

Olivia Hornby : Donc, une autre chose qui est sortie plus récemment est le rapport sur les fondateurs sous-représentés de Capital Two. Il y a quelques années, PitchBook a annoncé le pourcentage de capital de risque alloué aux femmes, qui était inférieur à 2 %, ce qui a évidemment choqué les gens. Donc, je pense que c’est une autre chose qui a déclenché un élan massif vers une meilleure équité au niveau de notre stratégie de placement. Et puis, ce même rapport a révélé que la part de capital allouée aux femmes noires et latino-américaines était de moins de 0,5 %. Voilà donc les statistiques que l’on voit continuellement sur le marché. Je pense que c’est vraiment excitant de voir les investisseurs élargir leur thèse de placement pour ne pas seulement soutenir des fonds qui privilégient un groupe en particulier. Donc, nous avons vu apparaître beaucoup de fonds axés sur des fondatrices, des fondatrices noires, des fondatrices latines, vous savez, des groupes diversifiés qui sont faciles à définir. Et je pense qu’il est aussi vraiment important que nous continuions à favoriser les nouveaux gestionnaires. Donc, certaines institutions sophistiquées consacrent maintenant des ressources uniquement à des fonds émergents qui ont un leadership différencié. Parce que l’idée est que si vous avez un leadership différencié, vous pouvez être présents dans différents groupes, dans différentes collectivités et à différents événements. Vos documents de marketing peuvent être différents. Nous l’avons vu chez Spring. Au cours des dix dernières années, nous avons délibérément essayé de communiquer avec certains groupes et, par conséquent, plus de 50 % des fondateurs et plus de 50 % des investisseurs participants sont des femmes, et plus de 35 % sont des personnes autochtones, noires et de couleur. Puisque je suis d’une origine ethnique, je pense qu’il ne s’agit pas simplement d’investir dans les fondateurs. C’est la façon dont nous nous présentons et communiquons, qui prend les décisions de placement. Et puis, je pense aussi qu’une chose qui entre en jeu et dont nous ne parlons peut-être pas beaucoup, c’est notre stratégie de placement. Donc, la stratégie de placement classique en capital de risque est axée sur les entreprises qui fournissent des logiciels-services (SaaS). Pensez à Uber. C’est vraiment le modèle classique de la loi de la puissance. Le célèbre livre de Peter Thiel sur le capital de risque porte sur l’investissement dans la technologie et le développement d’entreprises en démarrage d’une grande valeur. Une chose à laquelle nous avons beaucoup réfléchi chez Spring, c’est qu’il y a beaucoup de fondateurs différenciés qui bâtissent d’excellentes entreprises en croissance, mais qui ne sont peut-être pas à l’étape d’un PAPE ou qui ne sont pas en technologie, mais peuvent générer d’excellents rendements pour les investisseurs. C’est ce que nous croyons. Leur stratégie de sortie n’est peut-être pas un PAPE. Il peut s’agir d’une acquisition stratégique ou d’un rachat par capital-investissement. Si nous sommes plus souples quant à la façon dont nous envisageons d’investir dans les entreprises en démarrage, je pense que ça donne accès à un nouveau marché. Donc, par exemple, beaucoup des fondatrices que je rencontre dirigent des entreprises de style de vie ou des entreprises de marque grand public, et non des entreprises axées sur le modèle SaaS B2B. Je pense qu’il y a d’autres choses que nous pouvons faire dans les écoles pour favoriser une plus grande diversité. Et je pense que c’est ce qui se passe. J’ai récemment consulté les statistiques : les facultés des STIM des universités de l’Ivy League sont composées à 60 % d’hommes. Je pense donc qu’il y a eu une bonne amélioration, mais nous avons encore du chemin à faire. Nous pouvons militer en faveur d’une plus grande diversité dans les écoles. Je pense aussi que le fait d’avoir des leaders issus de la diversité qui se présentent devant les jeunes pour montrer qu’il est possible d’être une femme noire à la tête d’une entreprise, d’avoir ce cadre de référence pour les jeunes. Je pense à mon enfance. J’ai rarement vu des femmes occuper des postes de direction dans des entreprises à forte croissance. Ce n’était donc pas la première chose qui nous venait à l’esprit quand nous pensions à ce que nous allions étudier à l’école et à ce que nous allions choisir comme carrière. Je pense qu’il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire auprès des jeunes, dans les écoles et, finalement, lorsque nous parlons des stratégies de placement en tant qu’investisseurs, comment demandons-nous aux fondateurs de se présenter? Doivent-ils être sur une scène devant 400 personnes qui les analysent? Et est-ce que l’auditoire reflète le fondateur? J’imagine à quel point ce serait intimidant d’être sur une scène et d’être la seule personne de couleur ou la seule femme dans la salle alors que tout le monde m’examine scrupuleusement. Voilà donc quelques petites choses que nous pouvons faire, je pense, pour changer le cadre en ce qui concerne les personnes dans lesquelles nous investissons, la façon dont nous nous présentons, il y a tellement de différents niveaux. Je ne pense pas qu’il y ait une approche claire et nette. Et je ne dis pas non plus que nous devrions exclure certains groupes. Je pense simplement que nous devons être plus conscients de la façon dont nous nous présentons, de la façon dont nous tentons d’effectuer des transactions, de notre approche de placement, de nos auditoires, des fondateurs à qui nous parlons. Je discutais récemment avec l’équipe d’un autre fonds de capital de risque qui m’a dit qu’elle fixait délibérément des cibles pour différentes communautés au sein desquelles elle souhaite se présenter. Et je pense que c’est une façon intelligente de s’assurer de ne pas seulement investir dans le même bassin et les mêmes communautés.

Laura Webb : Oui, j’adore tout ça. Je pense que ce sont d’excellents points à retenir. C’est un processus, n’est-ce pas? Vous commencez quelque part, vous construisez, vous développez, vous encouragez et vous éduquez, puis vous offrez tous ces programmes de sensibilisation pour donner aux gens l’occasion d’établir des liens. Et je pense qu’une grande partie de tout ça a à voir avec les réseaux et l’établissement de réseaux pour les gens, en faisant des présentations et en s’assurant que les gens ont une bonne tribune du point de vue du fondateur, pour présenter leur entreprise au bon public, comme vous l’avez dit. Il faut s’assurer qu’ils sont présentés aux bonnes personnes qui ont des objectifs communs parce que, comme vous l’avez dit, la stratégie en matière de capital de risque, je crois, était traditionnellement de trouver un fondateur, de démarrer l’entreprise et de faire un PAPE. C’était en quelque sorte l’objectif, n’est-ce pas? Et je pense que nous pouvons tous voir que les PAPE ne sont pas vraiment votre marque en termes de sortie. Vous mettez l’accent sur les entreprises de style de vie et les différentes façons de bâtir une entreprise et d’avoir un impact. Et faire de l’argent, bien sûr, c’est ce dont il s’agit au final.

Olivia Hornby : Je pense que nous sommes plus ouverts d’esprit. Et à bien des égards, le capital de risque a évolué, c’est ce que nous avons constaté. Ce n’est pas une vieille catégorie d’actifs, et elle était traditionnellement axée sur les semi-conducteurs, les technologies et la Silicon Valley. C’est donc tout à fait logique. Ces cadres étaient logiques à l’époque. Ils le sont peut-être moins maintenant. Je pense qu’à bien des égards, la communauté a en quelque sorte évolué et nous adoptons une perspective plus vaste en matière de capital de risque. Et je pense que les rapports, tant pour la DEI que pour les facteurs ESG, peuvent être une source d’irritation, prendre du temps et coûter cher pour toutes les personnes concernées, mais ils changent la donne, vraiment. Selon moi, les sociétés en commandite ont beaucoup de pouvoir en demandant simplement au gestionnaire un rapport sur la DEI de base, obligeant ce dernier à être plus conscient. Ce n’est peut-être pas au premier plan de votre stratégie, mais au moins, vous pensez à qui j’embauche, qui je promeus, dans qui j’investis du point de vue de la DEI? Et je pense que ce sont des conversations très utiles à avoir. Il en va de même pour les facteurs ESG. Nous devons donc maintenant nous demander quelles sont les cibles de carboneutralité des entreprises et quelle est la portée des émissions. Il y a dix ans, très peu de gens envisageaient cela. Maintenant, c’est une pratique courante et une connaissance commune. Je pense donc qu’il y a un changement de perspectives au niveau des politiques et des rapports.

Laura Webb : J’aime le fait que vous ayez en quelque sorte ramené toute notre conversation à l’aspect politique de ces échanges. Et c’est le problème avec ces discussions, il y a tant de choses à analyser. Nous pourrions avoir de très longues conversations sur n’importe quel sujet que nous avons seulement effleuré aujourd’hui. Mais je pense que notre conversation pourrait entraîner des réflexions intéressantes sur la façon dont les facteurs ESG se répercutent sur le secteur privé et dont le secteur du capital de risque peut et doit réagir, et prendre cela en compte et l’appliquer. Ce n’est pas qu’une question de rapports, mais d’actions aussi, n’est-ce pas?

Olivia Hornby : Et c’est pour tous les investisseurs que j’essaie de concilier tous ces concepts, je pense que toutes les catégories d’actifs ont un rôle à jouer dans un portefeuille, surtout les portefeuilles institutionnels de grande taille. Je pense que pour moi, l’impact est l’élément permettant d’apporter un changement positif, tangible et intentionnel pour l’avenir. Et cela se produit dans le monde du capital de risque parce que nous investissons dans l’innovation, les nouvelles entreprises, les entreprises perturbatrices. Donc, pour moi, c’est le petit volet d’un portefeuille qui suscite de l’enthousiasme vu l’impact profond qu’il peut avoir sur l’avenir. Et c’est génial parce que c’est aussi une catégorie d’actifs qui offre un très grand potentiel de rendement. On peut donc obtenir des rendements fantastiques et changer les choses de façon significative. Mon message pour les investisseurs est de considérer ce volet comme le plus important de votre portefeuille, et peut-être ne veulent-ils pas appliquer une optique d’impact au reste de leur portefeuille. Et je pense que c’est tout à fait valable. Les titres à revenu fixe jouent un rôle. Ils procurent un revenu. Et c’est le volet du portefeuille réservé à votre avenir. J’encourage donc tous les investisseurs à penser de cette façon. Pour avoir une conversation plus approfondie à ce sujet, n’hésitez pas à communiquer avec moi.

Laura Webb : Merci beaucoup, Olivia, du temps que vous nous avez consacré aujourd’hui. C’est très apprécié. Je pense que c’était une conversation constructive et j’adore ce que vous faites chez Spring Impact Capital. Je pense que c’est vraiment important du côté de l’investissement d’impact.

Olivia Hornby : Merci de m’avoir invitée et merci de votre appui, Laura. Nous vous en sommes très reconnaissants. Et ce fut un plaisir.

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Portant sur l’évolution des exigences réglementaires, sur l’activisme des investisseurs et sur les effets physiques des changements climatiques sur les activités commerciales ainsi que sur d’autres sujets encore, le plus récent balado d’Osler, Exploration ESG, examine les évolutions et les enjeux qui touchent votre entreprise. Aux côtés d’invités bien informés d’Osler et du monde des affaires, John Valley, associé d’Osler, Droit des sociétés et Chef, ESG, guide les auditeurs sur les sujets essentiels auxquels font face les organisations modernes.

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