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Autres événements démontrant le virage politique en faveur des cryptomonnaies aux États-Unis Autres événements démontrant le virage politique en faveur des cryptomonnaies aux États-Unis

18 mars 2025 8 MIN DE LECTURE

Le 25 février 2025, nous avons publié un billet de blogue intitulé « L’évolution récente des procédures engagées par la SEC des États-Unis à l’encontre des principaux acteurs du secteur des cryptomonnaies est le signal d’un changement de politique en faveur de ce secteur » , dans lequel nous discutions de l’accueil favorable réservé aux cryptomonnaies par la nouvelle administration américaine, ainsi que des changements de politique correspondants et des déclarations de la Securities and Exchange Commission (la SEC) des États-Unis. Dans le présent billet, nous discutons des nouveaux événements qui sont survenus au cours des dernières semaines et qui soulignent ce virage politique, notamment la déclaration de la SEC selon laquelle la plupart des « memecoins » ne sont pas assujettis à la réglementation fédérale américaine en matière de valeurs mobilières, la tenue à la Maison-Blanche d’un sommet inaugural sur les cryptomonnaies et la création d’une « réserve fédérale de bitcoins ».

Il reste à voir comment l’orientation prise à ce jour par les autorités américaines influencera les organismes de réglementation du Canada dans leur approche à l’égard des actifs numériques. Un cadre réglementaire clair qui traite explicitement des actifs numériques serait certainement le bienvenu.

Memecoins

Le 27 février 2025, la Division of Corporate Finance de la SEC a annoncé dans une déclaration (la déclaration) que les cryptomonnaies connues sous le nom de « memecoins » n’étaient pas assujetties à la réglementation fédérale américaine en matière de valeurs mobilières.

Un « memecoin » est un type de cryptomonnaie qui s’inspire des mèmes, des personnages, des personnes et des événements Internet. Les memecoins sont généralement créés pour susciter l’intérêt d’une communauté, faciliter des activités de divertissement et aider du contenu à « devenir viral ». En règle générale, leur utilisation ou leurs fonctionnalités sont limitées, voire inexistantes. Leur valeur est plutôt établie en fonction de la demande du marché et de la spéculation. D’ordinaire, les gens les achètent pour se divertir, interagir avec autrui ou participer à une activité culturelle.

La déclaration

Selon la déclaration de la SEC, « [traduction libre] les opérations portant sur les types de memecoins décrits dans la présente déclaration ne comportent pas l’offre et la vente de valeurs mobilières en vertu des lois fédérales sur les valeurs mobilières ». Ainsi, les personnes qui participent à l’offre et à la vente de memecoins des types décrits dans la déclaration de la SEC sont dispensées de l’obligation de consigner leurs opérations dans les registres de la SEC en vertu de la loi américaine intitulée Securities Act of 1933 (la Loi de 1933)ou bénéficient d’une des dispenses d’enregistrement prévues par cette loi.

Dans sa déclaration, la SEC indique qu’un memecoin ne correspond à aucun des instruments financiers courants expressément énumérés dans la définition de « valeur mobilière » (security), car il ne génère aucun rendement et ne confère aucun droit sur des revenus, des bénéfices ou d’autres actifs futurs de l’entreprise. En outre, un memecoin ne constitue pas un « contrat de placement » (investment contract), parce que leurs acquéreurs n’investissent pas leur argent dans une entreprise commune et qu’ils ne sont pas amenés à s’attendre à faire un profit grâce aux efforts d’autres personnes (suivant le critère établi dans l’affaire SEC v. W.J. Howey Co. (1946)). Les promoteurs de memecoins ne déploient pas d’efforts de gestion et d’entrepreneuriat suivant lesquels les acquéreurs pourraient raisonnablement s’attendre à faire un profit. Les memecoins sont plutôt des objets de collection.

La déclaration de la SEC a pour conséquence que les acquéreurs et les détenteurs de memecoins ne sont pas protégés par les lois fédérales sur les valeurs mobilières. Par conséquent, puisqu’ils ne bénéficient pas de la protection offerte par les régimes d’information ou d’autres types de protections prévues par la Loi de 1933,les acquéreurs de memecoins doivent faire preuve de prudence lorsqu’ils achètent de tels actifs. Toutefois, la SEC a fait remarquer que la déclaration ne s’appliquait pas à l’offre et à la vente de memecoins qui ne correspondent pas aux descriptions contenues dans la déclaration, ni de produits étiquetés « memecoins » dans le but d’échapper à l’application des lois fédérales sur les valeurs mobilières. La SEC évaluera les réalités économiques et la substance de l’opération en question. De plus, elle sera probablement confrontée à des cas où elle devra déterminer les faits et les réalités économiques d’une opération afin de décider si le cryptoactif en question est réellement un « memecoin » ou quelque chose d’autre qui offrirait une plus grande protection à l’acquéreur.

En outre, les comportements frauduleux liés à l’offre et à la vente de memecoins peuvent encore faire l’objet de mesures d’application de la loi ou de poursuites par d’autres agences fédérales ou étatiques en vertu d’autres lois fédérales ou étatiques. Étant donné que les memecoins ne constituent pas des valeurs mobilières, ils sont généralement considérés comme des marchandises. Il est donc à prévoir que la Commodity Futures Trading Commission des États-Unis jouera un rôle très actif dans l’application de la loi en cas de fraude ou de manipulation du prix des memecoins.

Loi MEME

La déclaration intervient alors que le représentant démocrate de la Californie, Sam Liccardo, a annoncé son intention de présenter un projet de loi qui interdirait aux élus et aux membres de leur famille de tirer profit de leur propre memecoin, interdiction visant le memecoin $TRUMP. Ce projet de loi, qui serait connu sous le nom de Modern Emoluments and Malfeasance Enforcement (MEME) Act, interdirait aux élus tels que le président, le vice-président, les membres du Congrès, les hauts fonctionnaires membres de l’exécutif, ainsi que leurs conjoints et enfants à charge, d’émettre, de parrainer ou d’endosser une valeur mobilière, un contrat à terme, une marchandise ou un actif numérique.

Le sommet sur les cryptomonnaies à la Maison-Blanche

Le 7 mars 2025, la Maison-Blanche a accueilli le sommet inaugural sur les cryptomonnaies, qui a réuni des dirigeants de l’ensemble du secteur des actifs numériques. Le président Donald Trump a dirigé une conférence de presse publique du sommet sur les cryptomonnaies et a tenu une conférence privée avec les dirigeants des principales sociétés de cryptomonnaies. Dans ses déclarations publiques, il a critiqué l’ancien président Joe Biden pour sa position contre les cryptomonnaies, a demandé au Congrès d’adopter des projets de loi établissant le cadre des cryptomonnaies stables et des actifs numériques, et a permis au président de la FIFA, Gianni Infantino, de lancer l’idée de créer un memecoin pour la FIFA. Le sommet sur les cryptomonnaies envoie un signal clair selon lequel le secteur des cryptomonnaies est désormais en prise directe avec les discussions gouvernementales de haut niveau.

Réserve fédérale de bitcoins

Le sommet a eu lieu un jour après que Trump a publié un décret annonçant la création d’une réserve fédérale de bitcoins. Le décret annonce que les États-Unis n’achèteront pas de nouveaux bitcoins, mais qu’ils conserveront les cryptomonnaies qu’ils ont obtenues par le biais de saisies. Le décret appelle également à un audit complet des avoirs en cryptomonnaies des États-Unis, dont on estime qu’ils comprennent environ 200 000 bitcoins. Après le sommet, l’Office of the Comptroller of the Currency du président Trump a publié des lignes directrices autorisant les banques à détenir des cryptomonnaies, tout en leur demandant de faire leur propre contrôle diligent en ce qui concerne les risques.

Conséquences

Il reste à voir quelle sera l’incidence de l’accueil favorable réservé aux cryptomonnaies par les États-Unis et des changements de politique correspondants sur les investisseurs américains et canadiens. À la date de publication du présent billet, les organismes de réglementation des valeurs mobilières du Canada n’avaient pas encore pris position publiquement sur les « memecoins » et n’avaient certainement pas réservé aux cryptomonnaies un accueil aussi enthousiaste que celui de l’administration américaine actuelle.

Comme nous l’avons écrit dans notre billet intitulé « L’évolution récente des procédures engagées par la SEC des États-Unis à l’encontre des principaux acteurs du secteur des cryptomonnaies est le signal d’un changement de politique en faveur de ce secteur » , le virage manifeste dans les priorités de l’administration américaine et, en conséquence, de la SEC laisse entrevoir des changements de fond, qui pourraient éventuellement déboucher dans les mois et les années à venir sur une réglementation beaucoup plus claire, une législation traitant expressément des cryptomonnaies et un changement dans les priorités en matière d’application de la loi. Comme nous en avons longuement discuté dans les Perspectives juridiques Osler 2024, les organismes de réglementation canadiens sont également aux prises avec la question de savoir qui a le pouvoir de réglementer le secteur des cryptomonnaies, et sur quelle base.