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Une autre clause de licenciement qui fait mordre la poussière : Baker c. Van Dolder’s Home Team Inc. Une autre clause de licenciement qui fait mordre la poussière : Baker c. Van Dolder’s Home Team Inc.

16 mai 2025 9 MIN DE LECTURE

La Cour supérieure de l’Ontario a invalidé plusieurs autres clauses de licenciement, cette fois dans la cause Baker c. Van Dolder’s Home Team Inc.[1] Ce jugement s’inscrit dans une jurisprudence bien établie en faveur des employés qui a débuté avec la décision de la Cour d’appel dans la cause Waksdale c. Swegon North America Inc.[2] et qui a récemment pris de l’ampleur dans la cause Dufault c. Ignace[3]. Dans le présent article, nous résumons l’arrêt Baker, nous analysons les fondements de la décision judiciaire et nous mettons en évidence certains points pertinents pour les employeurs.

Exposé des faits

Dans l’affaire Baker, le plaignant a fait l’objet d’un licenciement sans motif valable. La Cour a été chargée de déterminer si les clauses de licenciement prévues dans le contrat de travail du plaignant étaient juridiquement valides et pouvaient ainsi restreindre les droits conférés au plaignant par la common law en cas de licenciement. Les dispositions pertinentes sont les suivantes :

[TRADUCTION] 2. Licenciement sans motif valable : nous nous réservons le droit de mettre fin à votre emploi à tout moment, sans motif valable, avec pour seule contrepartie le préavis minimum ou le versement d’une indemnité minimale tenant lieu de préavis et, le cas échéant, une indemnité de fin d’emploi, selon le cadre légal prévu par la Loi sur les normes d’emploi. Si des paiements ou des droits supplémentaires, notamment le versement de cotisations pour maintenir votre régime d’avantages sociaux, sont prévus conformément aux exigences minimales de la Loi sur les normes d’emploi au moment de la cessation de votre emploi, nous les verserons. Les dispositions du présent paragraphe s’appliquent dans toute circonstance pouvant être assimilée à un licenciement déguisé.

3. Licenciement pour motif valable : nous nous réservons le droit de mettre fin à votre emploi à tout moment pour un motif valable, sans préavis ni indemnité d’aucune sorte, à l’exception des indemnités minimales ou des droits minimaux prévus par la Loi sur les normes d’emploi. Les comportements suivants constituent des motifs valables :

  1. Tout rendement insatisfaisant, après avoir été informé par écrit de la norme requise;
  2. Tout comportement malhonnête en rapport avec votre emploi (déclaration trompeuse, falsification de document, fausse déclaration concernant vos qualifications pour le poste pour lequel vous avez été embauché);
  3. Le vol, le détournement ou l’utilisation abusive des biens de l’entreprise;
  4. Tout acte de violence ou de harcèlement envers d’autres employés ou des clients;
  5. La divulgation intentionnelle ou par négligence grave d’informations privilégiées ou confidentielles concernant l’entreprise;
  6. Tout comportement qui constituerait un motif valable en vertu de la common law ou d’une loi.

La décision

Le juge Sproat a commencé son analyse en examinant la disposition « sans motif valable ». À la suite de la décision de la Cour supérieure dans l’affaire Dufault, il a conclu que le fait d’accorder à un employeur le droit de procéder au licenciement « à tout moment » confère de manière injustifiée un droit absolu de licenciement qui contrevient à la Loi de 2000 sur les normes d’emploi (la « LNE »). Le juge Sproat a confirmé que cette disposition ne pouvait être validée par un libellé vague garantissant le respect de la LNE. La disposition a donc été jugée inapplicable.

La Cour aurait pu s’arrêter là, puisqu’une conclusion selon laquelle toute partie d’une clause de licenciement est inapplicable rend l’ensemble de la clause de licenciement inapplicable (voir notre article précédent pour en savoir plus à ce sujet). Toutefois, le juge Sproat a décidé d’examiner également la disposition « avec motif valable », « par souci d’exhaustivité ». En se fondant sur la décision dans la cause Perretta c. Rand A Technology Corp.[4], il a statué que cette disposition était inapplicable pour les raisons suivantes :

  1. parce qu’elle s’appuie sur une norme contractuelle de « motif valable » qui est moins stricte que la norme relative à la faute intentionnelle prévue dans la LNE
  2. parce qu’elle ne fournit aucun détail ni aucune explication concernant la norme relative à la faute intentionnelle, notamment sur le fait qu’elle diffère de la norme contractuelle.

Le juge Sproat a estimé que cela donnait lieu à une injustice potentielle, car on ne peut (apparemment) présumer que les employés sont en mesure de saisir les distinctions entre les normes contractuelles et les normes prévues par la loi. Notamment, la disposition est demeurée invalide malgré la formulation expresse affirmant que les employés licenciés pour un motif valable auraient droit néanmoins « à toute indemnisation minimale ou à tout droit minimum prévus par la Loi sur les normes d’emploi ».

Dans le contexte établi par l’arrêt Dufault, le jugement est-il fondé?

Le juge Sproat a estimé qu’il avait l’obligation d’appliquer les principes dégagés par l’arrêt Dufault prononcé par la Cour supérieure en application du principe du stare decisis concernant le respect des décisions des tribunaux de rang équivalent, citant Hansard Spruce Mills Limited (Re)[5] et la discussion récente de la Cour suprême dans la cause R. c. Sullivan[6]. Toutefois, le respect de cette obligation pourrait être remise en question.

Comme indiqué dans l’arrêt Sullivan, une décision peut ne pas être contraignante si elle se distingue par ses faits. Dans l’affaire Dufault, le juge Pierce a estimé que les dispositions « sans motif valable » contrevenaient à la LNE en partie parce qu’elles accordaient à l’employeur « l’entière discrétion » de mettre fin à l’emploi du salarié à tout moment. Dans l’affaire Baker, le juge Sproat s’est fondé sur ce raisonnement pour déclarer inapplicable la disposition « sans motif valable », même si celle-ci ne comportait pas la formulation contestée accordant un « pouvoir discrétionnaire exclusif ». Par ailleurs, en appel, dans l’affaire Dufault, la Cour d’appel n’a pas statué sur la question de savoir si le libellé dont il est question ci-dessus contrevenait ou non à la LNE, puisqu’elle avait déjà déterminé que la partie « avec motif valable » de la clause de licenciement était inapplicable. Au vu de ces éléments, le juge Sproat pouvait légitimement s’éloigner de l’arrêt Dufault et confirmer la clause de licenciement « sans motif valable ». Une telle issue aurait honoré les intentions de l’employeur de se conformer aux normes minimales énoncées dans la LNE, qui se dégagent sans équivoque du contrat de travail. Toutefois, comme indiqué ci-dessus, cela n’aurait peut-être pas changé la décision à laquelle la Cour est parvenue, compte tenu de l’inapplicabilité de la clause « avec motif valable ».

De plus, en faisant l’amalgame des formulations « à tout moment » et « pour quelque motif que ce soit », la décision rendue dans l’affaire Baker semble faire une mauvaise application des dispositions de la LNE qui interdisent aux employeurs de fonder une décision de licenciement sur certains motifs, et non sur certains moments particuliers. Nous notons également qu’une décision d’appel antérieure de la Colombie-Britannique, dans la cause Egan c. Harbour Air Seaplanes LLP[7], a confirmé une clause de licenciement qui comprenait l’expression « à tout moment », ce qui aurait vraisemblablement dû influencer la décision du tribunal de première instance dans l’affaire Baker, d’autant plus que, dans l’affaire Egan, la requête en autorisation d’appel devant la Cour suprême du Canada a été rejetée en mars 2025. En effet, dans cette affaire, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a évalué la méthode d’interprétation la mieux adaptée, notant qu’« en appliquant une approche pratique et de bon sens de l’interprétation contractuelle, la clause de licenciement de Monsieur Egan ne présentait aucune ambiguïté et respectait les normes applicables […] et, par conséquent, elle était suffisante pour réfuter la présomption de préavis raisonnable ».

Points à retenir pour les employeurs

Même si, en date du présent article, les employeurs de l’Ontario sont sans doute en droit de reprendre l’analyse de l’affaire Baker sous un nouvel angle et de revoir l’application de cette décision à d’autres contrats et à d’autres faits, il est toujours prudent de prendre en considération le spectre complet des décisions judiciaires possibles lors de la rédaction ou de la mise à jour des contrats de travail.

  1. Éviter les formulations du type « à tout moment » et « à son unique discrétion ». De plus en plus, les juges de première instance estiment qu’elles contreviennent à la LNE. Par conséquent, faute de réexamen par un tribunal d’appel en Ontario, les employeurs ont tout intérêt à reformuler leurs clauses de licenciement sans motif valable afin de s’assurer qu’elles ne visent pas à leur permettre de mettre fin à l’emploi « à tout moment » et/ou « à l’unique discrétion » de l’entreprise.
  2. Les clauses de rattrapage ne vous seront peut-être d’aucune utilité. Les tribunaux continuent de refuser les clauses de réécriture partielle. Le simple engagement à se conformer à la LNE n’offre aucune garantie lorsque le libellé de la clause comporte une interprétation erronée de cette loi.
  3. Restez informé et revoyez régulièrement les clauses de licenciement. Compte tenu de la vitesse à laquelle ce secteur du droit évolue, les employeurs doivent se tenir informés des nouvelles décisions et revoir leurs clauses de licenciement pour s’assurer que celles-ci sont toujours conformes. Ce qui semble être de simples choix de nature linguistique – par exemple, l’emploi des expressions « à l’unique discrétion », « à tout moment », « pour quelque motif que ce soit » – peut potentiellement invalider une disposition par ailleurs contraignante. Les employeurs devraient au moins revoir chaque année leurs modèles et les mettre à jour.

À retenir en conclusion

L’arrêt Baker confirme que les tribunaux de l’Ontario font preuve d’une vigilance extrême concernant les clauses de licenciement et qu’ils annulent parfois des formulations que certains professionnels du droit jugeaient inoffensives il y a moins d’un an de cela. La question de savoir, dans l’affaire Baker, si la Cour a eu raison de suivre l’arrêt Dufault peut être remise en question. Toutefois, le conseil pragmatique à l’intention des employeurs est clair : procédez à l’analyse avec la plus grande rigueur possible et rédigez les clauses en conséquence. Les équipes des ressources humaines, des services juridiques et de direction chargées de mettre à jour les contrats de travail de manière proactive auront une longueur d’avance sur le plan de la gestion des risques.


[1] 2025 ONSC 952.

[2] 2020 ONCA 391.

[3] 2024 ONSC 1029, confirmé dans 2024 ONCA 915.

[4] 2021 ONSC 2111.

[5] 1954 CanLII 253 (BCSC).

[6] 2022 SCC 19.

[7] 2024 BCCA 222, requête en autorisation d’appel devant la CSC rejetée.