Le Bureau de la concurrence lance des consultations publiques sur son projet de lignes directrices concernant les déclarations environnementales

2 Jan 2025 10 MIN DE LECTURE

Au cours de l’année écoulée, les déclarations environnementales ont fait l’objet de débats au Canada, alors que deux nouvelles dispositions de la Loi sur la concurrence (la Loi) en matière d’« écoblanchiment » sont entrées en vigueur[1], en parallèle des modifications proposées aux lois sur les valeurs mobilières et aux demandes de plus en plus insistantes des investisseurs pour le repérage, la divulgation et la surveillance des risques liés aux changements climatiques et au développement durable. Le 20 juin 2024, à la suite de l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions en matière d’écoblanchiment, le Bureau de la concurrence (le Bureau) a lancé des consultations publiques en vue de contribuer à la définition des lignes directrices pour l’application de la Loi. Ces consultations ont permis de recueillir un nombre record de commentaires de la part d’un large éventail de parties prenantes, ce qui traduit l’intérêt des entreprises, des consommateurs et des groupes d’intérêt public pour l’approche du Bureau à l’égard des déclarations environnementales[2].

Le 23 décembre 2024, le Bureau a publié son très attendu projet de lignes directrices concernant les déclarations environnementales (le projet de lignes directrices). Le Bureau tiendra de nouvelles consultations publiques sur le projet de lignes directrices et acceptera les commentaires du public jusqu’à la fin du mois de février 2025.

Observations concernant le projet de lignes directrices

Le projet de lignes directrices illustre et consolide en grande partie les directives antérieures du Bureau pour l’application de la Loi concernant les déclarations environnementales. Par exemple, le projet de lignes directrices s’appuie sur les six mêmes principes généraux à l’intention des entreprises publiés en juillet 2024 dans le volume 7 du recueil des pratiques commerciales trompeuses du Bureau, peu après l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions. Ces principes fondamentaux sont les suivants :

  1. Les déclarations environnementales doivent être véridiques et non fausses ou trompeuses.
  2. Les avantages environnementaux d’un produit et les indications de rendement doivent être fondés sur une épreuve suffisante et appropriée.
  3. Les déclarations environnementales comparatives doivent être précises quant à ce qui est comparé.
  4. Les déclarations environnementales doivent éviter l’exagération.
  5. Les déclarations environnementales doivent être claires et précises – et non vagues.
  6. Les déclarations environnementales sur l’avenir doivent être étayées par des éléments corroboratifs et un plan clair.

Le projet de lignes directrices complète les principes énoncés ci-dessus, tout en apportant plus de clarté grâce à la répartition de chaque disposition de la Loi relative aux pratiques commerciales trompeuses et à une foire aux questions.

Nous avons résumé ci-dessous les principales observations dont les entreprises doivent tenir compte avant de faire des déclarations environnementales.

Une approche pratique pour comprendre les « méthodes reconnues à l’échelle internationale »

La nouvelle disposition en matière d’écoblanchiment, qui vise les déclarations environnementales concernant une entreprise ou l’activité d’une entreprise, exige que ces déclarations reposent sur des éléments corroboratifs suffisants et appropriés obtenus « au moyen d’une méthode reconnue à l’échelle internationale ». Le renvoi à une « méthode reconnue à l’échelle internationale » a suscité la controverse, car ce concept n’est pas défini dans la Loi.

Le projet de lignes directrices expose la façon dont le Bureau interprète ce nouveau concept. En effet, le Bureau déclare qu’il « considérera vraisemblablement qu’une méthode est reconnue à l’échelle internationale si elle est reconnue dans au moins deux pays ». Il indique également que la Loi ne stipule pas que la méthode doit être reconnue par les gouvernements de ces pays ni qu’elle soit la « meilleure » méthode disponible. Le projet de lignes directrices indique également que les méthodes requises ou recommandées par des programmes gouvernementaux au Canada pour étayer les déclarations environnementales sont en premier lieu considérées par le Bureau comme étant compatibles avec les méthodes reconnues à l’échelle internationale. Toutefois, les entreprises doivent toujours faire preuve de diligence raisonnable pour s’assurer que la méthode est « reconnue à l’échelle internationale ».

En optant pour cette interprétation souple de ce que constituent des méthodes reconnues à l’échelle internationale, le Bureau a adopté une approche pragmatique qui devrait apaiser certaines inquiétudes concernant l’ambiguïté que semble susciter ce concept (bien que le projet de lignes directrices ne lie pas le Tribunal de la concurrence et que la jurisprudence future puisse interpréter le concept différemment).

Concentration sur les pratiques commerciales trompeuses

Le projet de lignes directrices précise que, lorsque le Bureau applique les dispositions de la Loi portant sur les pratiques commerciales trompeuses, il se concentre sur les indications données au public dans le matériel de marketing et de promotion. Le projet de lignes directrices indique expressément que le Bureau ne se concentre pas sur les « indications données à une fin différente, par exemple celles données aux investisseurs et actionnaires dans le cadre de dépôts de documents relatifs aux valeurs mobilières ». Toutefois, si les renseignements contenus dans ces autres documents sont ensuite utilisés dans des documents promotionnels, le Bureau considérera les indications données comme du matériel de marketing.

Lorsque le régime d’accès privé entrera en vigueur en juin 2025, les parties privées ne seront pas tenues de suivre les directives du Bureau pour décider s’il convient d’avoir la permission de présenter une demande au Tribunal de la concurrence. Il n’est pas encore certain si les parties privées vont adopter la position du Bureau sur les indications données dans les documents à des fins de dépôt réglementaire, ou si elles vont chercher à tester la position du Bureau sur l’application de la loi devant le Tribunal de la concurrence.

Mise en garde concernant les déclarations environnementales prospectives et les déclarations relatives aux nouvelles technologies

Le Bureau réitère sa position selon laquelle, avant que les entreprises ne fassent des déclarations environnementales prospectives (p. ex., concernant les réductions d’émissions ou la carboneutralité d’ici une date ultérieure), ces déclarations doivent être fondées sur des éléments corroboratifs suffisants, accompagnées d’un « plan concret, réaliste et vérifiable » pour réaliser la déclaration, et des « mesures significatives » en vue de la réalisation de ce plan doivent déjà être prises.

Le projet de lignes directrices aborde également la question de la création des éléments corroboratifs de la déclaration concernant les avantages d’une entreprise ou de l’activité d’une entreprise faisant appel à de nouvelles technologies. La Loi exige désormais que ces déclarations soient fondées sur « des éléments corroboratifs suffisants et appropriés obtenus au moyen d’une méthode reconnue à l’échelle internationale ». S’il n’existe aucune méthode pour vérifier une déclaration concernant une nouvelle technologie, il est possible de s’appuyer sur d’autres méthodes reconnues à l’échelle internationale qui « ensemble, peuvent créer les éléments corroboratifs de la déclaration ou bien sont utilisées pour étayer des déclarations semblables ». Si l’entreprise conclut qu’il n’existe aucun moyen d’étayer sa déclaration, même en s’appuyant sur d’autres méthodes, elle doit éviter de la faire. Si une méthode reconnue à l’échelle internationale élaborée par la suite est directement pertinente à la déclaration, l’entreprise doit corroborer la déclaration en utilisant cette nouvelle méthode, afin d’assurer le respect de la Loi.

En ce qui concerne les déclarations relatives aux avantages environnementaux d’un produit, elles doivent être fondées sur « une épreuve suffisante et appropriée ». (La loi n’exige pas expressément que ces épreuves soient conformes à une méthode reconnue à l’échelle internationale.)

Éléments corroboratifs pour les déclarations relatives à la carboneutralité

Selon le projet de lignes directrices, de « nombreuses » normes peuvent offrir des éléments corroboratifs suffisants et appropriés obtenus au moyen d’une méthode reconnue à l’échelle internationale pour les déclarations relatives à la carboneutralité. Toutefois, au moment de fonder de telles déclarations, les entreprises doivent également tenir compte des six principes généraux du Bureau.

Confirmation de l’applicabilité d’un moyen de défense fondée sur la diligence raisonnable

Comme nous nous y attentions, le projet de lignes directrices confirme que le moyen de défense fondée sur la diligence raisonnable – qui est depuis longtemps disponible pour les allégations d’infractions aux dispositions civiles de la Loi portant sur les pratiques commerciales trompeuses – peut être invoqué pour les déclarations environnementales. Le moyen de défense fondée sur la diligence raisonnable prévoit qu’une ordonnance d’interdiction est le seul recours si la personne qui fait la déclaration prouve qu’elle a fait preuve de diligence raisonnable pour empêcher que le comportement susceptible d’examen ne se produise (p. ex., en prenant des mesures pour assurer la véracité de la déclaration, en mettant en œuvre un programme de conformité efficace, etc.).

Éléments corroboratifs pour les déclarations non assujetties à l’obligation de divulgation au public

Même si, en cas de contestation, la partie qui fait une déclaration environnementale est tenue de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la déclaration est fondée sur des éléments corroboratifs suffisants, le projet de lignes directrices précise qu’il n’est pas nécessaire que les renseignements à l’appui soient mis à la disposition du public. Toutefois, les entreprises pourraient choisir de publier ces renseignements pour prouver la véracité de la déclaration aux consommateurs et réduire les risques de litige.

Traitement des déclarations environnementales faites avant les nouvelles modifications en matière d’écoblanchiment

Même si le Bureau ne prend pas de mesures d’application de la Loi en vertu des nouvelles dispositions en matière d’écoblanchiment pour les infractions survenues avant l’entrée en vigueur des modifications (le 20 juin 2024), le projet de lignes directrices prévoit que le Bureau peut toujours faire des déclarations qui sont visées par d’autres dispositions de la Loi portant sur les pratiques commerciales trompeuses (comme cela a toujours été le cas).

Affaires portées devant le Tribunal de la concurrence et prochaines directives concernant les demandes des parties privées

À compter du 20 juin 2025, les parties privées pourront demander la permission au Tribunal de la concurrence de présenter des demandes à l’égard d’un large éventail de pratiques susceptibles d’examen. Cet accès élargi des parties privées comprend également les dispositions civiles de la Loi portant sur les pratiques commerciales trompeuses qui, auparavant, n’étaient applicables que par le commissaire de la concurrence. Le projet de lignes directrices indique que le Bureau a l’intention de publier séparément des directives actualisées sur l’accès des parties privées au Tribunal de la concurrence.

Le projet de lignes directrices souligne à juste titre que le Tribunal de la concurrence n’est pas lié par les directives du Bureau, mais qu’il peut en tenir compte lors de l’examen d’une demande (à des fins d’autorisation ou sur le fond). Si le Tribunal de la concurrence accorde l’autorisation à une partie privée, le Bureau aura la possibilité d’intervenir, en fondant sa décision sur ses directives pour l’application de la Loi concernant les déclarations environnementales.

Prochaines étapes relatives à la nouvelle période de consultations publiques

Le Bureau tiendra des consultations publiques sur le projet de lignes directrices et acceptera les commentaires jusqu’au 28 février 2025. À l’issue de cette nouvelle période de consultations, le Bureau publiera la version finalisée des lignes directrices.

Le groupe Droit de la concurrence et investissement étranger d’Osler continuera de publier des analyses complémentaires sur les récentes modifications apportées à la Loi, notamment lorsque de nouvelles directives et instructions seront fournies. Pour suivre les tendances et analyses les plus récentes concernant ces transformations majeures du droit de la concurrence au Canada, cliquez sur S’abonner aux articles Osler.


[1] Pour en savoir plus au sujet des modifications apportées à la Loi en matière d’écoblanchiment, consultez notre précédente mise à jour d’Osler sur les modifications de juin 2024, ainsi que les Perspectives juridiques d’Osler publiées en 2024 sur les dispositions de la Loi sur la concurrence en matière d’écoblanchiment.

[2] Pour plus d’informations concernant les consultations publiques antérieures du Bureau sur les déclarations environnementales, consultez la page web du Bureau de la concurrence. Des copies des commentaires publics reçus par le Bureau sont également disponibles en ligne.